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n° 12318Fiche technique20417 caractères20417
Temps de lecture estimé : 11 mn
24/02/08
corrigé 01/06/21
Résumé:  Quand un mot de trop suffit à faire naître quelqu'un d'autre...
Critères:  fh inconnu médical bizarre contrainte pénétratio exercice humour -humour
Auteur : Wolf Rival      Envoi mini-message
Schizo... sur demande

Je m’appelle Matthieu et j’ai 25 ans. J’ai toujours été quelqu’un de nerveux, ma timidité a toujours été un vrai problème. Enfant, j’avais du mal à m’exprimer correctement, je bégayais. J’ai vu de nombreux pédopsychiatres et spécialistes, mais rien ne changeait et je m’enfermais inexorablement sur moi-même.


Un jour, l’un d’entre eux m’a conseillé de faire comme si j’étais un super héros. Je n’avais qu’à devenir le surhomme lorsque quelqu’un me parlait. Il était certain que cela réduirait mes difficultés d’expression, à la longue. Le psychiatre avait pris comme exemple Superman et je devais faire comme si j’étais Clark Kent.


Ce jour-là est né SuperMatt. Je dois avouer qu’au tout début, ça marchait plutôt bien. Mais en à peine un quart d’heure, j’étais dépassé. Matthieu continuait de se taire et SuperMatt en disait trop, prenait le contrôle, sachant que je n’avais pas la force de l’en empêcher. Le matin, il me forçait à mettre ma tenue de super héros sous mes vêtements, adorait passer des heures devant le miroir de la salle de bain à faire sauter les boutons de toutes mes chemises, bombant le torse pour faire grossir le S de SuperMatt. Deux jours plus tard, il nous jeta d’un pont pour sauver un chaton qui se noyait, mais moi je ne savais pas nager, alors j’ai paniqué et nous avons coulé. À l’hôpital, les médecins pensèrent que j’avais tenté de me suicider. SuperMatt leur expliqua ce qu’il s’était passé et on me répondit que j’étais peut-être un super héros, mais surtout un miraculé.


Instantanément apparut Saint Matthieu, qui vint rejoindre SuperMatt dans ma cervelle dérangée. Il me traîna jusqu’à l’église pour que je me confesse et je fis la connaissance du prêtre qui se souvenait de m’avoir baptisé. Les dialogues de SuperMatt et de Saint Matthieu le laissèrent perplexe. Il s’étonna en m’entendant lui dire à mon insu : « J’ai gardé des moutons dans ma jeunesse et cela m’a permis de mieux comprendre le travail de Notre Seigneur », resta bouche bée lorsque SuperMatt lança : « J’ai des vies à sauver, si vous êtes en danger, criez mon ami, et je volerai jusqu’à votre sanctuaire pour vous sortir des griffes de l’enfer ».


Que pouvais-je faire, à part suivre le mouvement imposé ?


Vint le jour de mon service militaire. Dix mois pendant lesquels SuperMatt et Saint Matthieu ne cessèrent de se disputer. SuperMatt ne pouvait s’empêcher de « sauver » les autres sur le parcours du combattant et Saint Matthieu glissait discrètement des fleurs dans les canons des fusils de mes compagnons. Le capitaine qui se chargeait de mon instruction me prit rapidement à part et menaça de me faire réformer. Avant que je ne sorte de son bureau, il me conseilla de chercher le soldat qui se cachait en moi. En fermant la porte, je découvris le Sergent Matthew, finis mon service et repartis même avec les honneurs.


Le sergent Matthew était un brin parano et fit de ma chambre un vrai bunker. SuperMatt s’entraînait constamment à faire fondre la nouvelle porte blindée de ma chambre grâce à la thermo-vision. Saint Matthieu, quant à lui, s’était plongé dans les Saintes Écritures.


Je m’isolais et finis pourtant par rencontrer une fille dans la salle d’attente de mon psy. Après une semaine, je me fis plaquer sans ménagement. Apparemment, elle n’avait pas besoin d’être sauvée des forces du mal et ne souhaitait pas sortir plus longtemps avec quelqu’un qui avait fait vœu de chasteté. Et puis je n’étais pas assez sensible à son goût, je devais accepter « ma part de féminité ».


Aussitôt naquit Matty. Je passai le reste de la journée à faire du shopping, deux heures chez le coiffeur, une de plus chez la manucure, me fis aborder par plusieurs types de mon âge, revins chez moi avec l’un d’eux. Le pauvre s’enfuit de ma chambre après y avoir découvert ma housse de couette à l’effigie de Jésus Christ, ma tapisserie recouverte de signes kriptoniens et mes rideaux camouflages, devant lesquels deux paires de jumelles trônaient sur leur trépied.


Mes achats du jour furent le sujet de mon premier conflit intérieur : Matty défendait ses cuissardes, se faisait traiter de lopette par le sergent Matthew, SuperMatt refusait de porter des résilles sous son slip rouge moulant, tandis que Saint Matthieu proposait la paix. La Redoute sur les genoux, Matty et Saint Matthieu tombèrent d’accord sur des spartiates à talons hauts, le sergent Matthew et SuperMatt complotant pour dissimuler ma carte bleue.


Et pendant qu’ils étaient tous les quatre occupés à prier, à essayer de voir à travers les murs, à surveiller mes voisins suspects et à se décider entre deux vernis à ongles, je pris discrètement rendez-vous chez un nouveau psy.




* * * *





Mon nouveau psy était une femme, j’étais tétanisé. Dans ma tête, en revanche, ça bouillonnait : tout le monde donnait son avis en même temps, cherchait à parler le premier. Les lèvres pincées, je tentais de me contenir ; eux s’organisaient.



Mais je ne pouvais que me taire, tandis qu’en silence dans ma tête…




  • — Rappelez-vous que nous venons chercher la paix, mes enfants.
  • — La paix, c’est pour les tapettes. On a rien prévu et c’est l’enfer, on ne peut pas lancer une attaque correcte dans ces conditions-là. Il nous faut un plan.
  • — Pas besoin de plan, mon ami, on est journaliste, on travaille au Daily Planet, elle n’y verra que du feu.
  • — Est-ce que cette cruche a osé acheter ces boucles d’oreilles ?






  • — Je suis genre raffiné, vous voyez ? J’suis sûr que vous voyez… Et je n’en peux plus de devoir me balader dans ces fringues look Emmaüs…
  • — JE suis un super-héros et JE ne peux pas me permettre de porter une cape avec des paillettes ! Est-ce que quelqu’un pourrait au moins lui faire compren…
  • — La ferme, les tapettes dégénérées ! C’est une question piège… Elle veut savoir si on a eu une enfance difficile, et si elle se doute de quelque chose, il faudra qu’on trouve une planque…
  • — Je crois que nous devrions lui chanter notre réponse. Que dites-vous d’un classique mais efficace « Alléluia » ?



Je n’arrivais pas à me concentrer sur ses questions, tous répondaient déjà dans ma tête et bien plus vite que moi.





  • — Houuu, c’est ce qu’on appelle un ticket !
  • — J’ai toujours fait cavalier seul, il est absolument hors de question d’avoir un partenaire. Regardez Batman : il avait tout ! Qu’est-ce qu’il lui est passé par la tête le jour où il a pris Robbin ?
  • — Si cette femme est une brebis égarée, notre devoir est de la conduire à Dieu.
  • — Mais est-ce que vous vous entendez ? Il faut lui répondre ! À part mon matricule, je n’ai pas l’autorisation de répondre aux interrogatoires ennemis ! Qui se lance ?




Déjà à bout, je perdis une nouvelle fois le contrôle de la situation, les laissai prendre la suite contre ma volonté.





  • — Halte ! Le vieux déraille ! Qui rattrape le coup… ?




J’allais finir à hôpital psychiatrique…Tout allait trop vite pour que je les empêche de prononcer tout ce qui traversait mon esprit. Et plus je les freinais, plus je me fatiguais, plus ils me dépassaient.




Et voilà ! On passe pour une bande de fillettes !






  • — Et qui c’est qui va SAUVER la situation ?






  • — Une cape et des collants, elle te prend pour une drag-queen !
  • — L’équipe de bras cassés…
  • — Il fait ce qu’il peut, que le Seigneur soit avec toi !




Je n’avais plus la force.





  • — Ah ! la tigresse !
  • — Quelle femme !
  • — Quelle poitrine !
  • — Oulala, oulala !




Je la regardai, désemparé. Elle me fixait, prête à tout.



Mais rien de plus ne voulait sortir. Elle croisa les bras.



Mes deux index se croisèrent aussitôt en face de moi.



Elle se balança en arrière et croisa les jambes sur son bureau.



Mes mains se plaquèrent sur mon visage, j’eus brièvement envie de lui sauter dessus pour lui faire manger ses escarpins.



Je me sentis soudain contrarié, presque malheureux, et puis elle me fit un signe de la main, fit mine de chuchoter pour que personne ne nous entende.





  • — Tu ne m’auras pas si facilement, vilaine !




Elle prit son stylo et me fit signe de me rasseoir. J’étais essoufflé et mon crâne semblait vide pour la première fois depuis des années.



Je gribouillai rapidement qu’il m’avait suffi d’une indication, ou qu’on me dise comment je devais me comporter. Je la remerciai également : jamais je ne m’étais senti aussi libre.



Je hochai la tête nerveusement en guise de réponse.



J’expliquai tout d’abord l’exemple de SuperMatt. Mon psy m’avait expliqué comment me comporter : Superman, Clark Kent, et en à peine un quart d’heure, le tour était joué. Je citai aussi les autres exemples qui avaient pris instantanément sur un simple mot, un simple conseil ou reproche.



Je hochai une nouvelle fois la tête, fronçai les sourcils en la voyant sourire. Je tentai de lui demander par écrit ce qu’elle trouvait drôle, mais elle posa sa main sur la mienne pour m’en empêcher.



Sa main, plus que la question, me gênait, je ne répondis pas.



Elle m’adressa un sourire.



Elle hésitait, triturait ma main.



Ma tête faisait non, je me dégageai de sa main, mais déjà SodoMattor s’emparait de moi, mon sexe enflait comme jamais, bientôt à l’étroit. Je me levai, décidé.



Dans ma tête vide, résonna une nouvelle voix :




  • — On ne paiera pas la consultation pour rien… Ah ! ah ! !



Elle fit le tour de son bureau, paraissait satisfaite. En se penchant devant moi, elle me tendit un préservatif que j’attrapai avec les dents. Puis elle releva sa jupe tailleur, découvrant un string rouge vif bien serré sur ses hanches trop généreuses. Je l’arrachai, sortis mon pénis et l’enveloppai avec des doigts experts dans la capote trop serrée. Je la pénétrai sans plus attendre. Ses pieds quittèrent rapidement le sol et elle s’affala sur son bureau, repoussant le bloc-notes, le stylo et tout ce qui s’y trouvait.



Mon bassin frappait la fesse blanche et je ne m’essoufflais pas, mes paumes vinrent s’y écraser plusieurs fois, chaque claque ponctuée par le cliquetis de ses boucles d’oreilles. J’accélérai brutalement, provoquant un orgasme bruyant, me finis à la main, retirai le préservatif pour l’honorer de ma semence. Ça, on ne le coupait jamais au montage. Elle resta étalée un moment, comme une baleine échouée et recouverte d’écume. En se relevant, et après s’être rendue présentable, elle m’ordonna une nouvelle fois de me rasseoir.



Elle sortit un feuillet d’un tiroir et commença à rédiger ce qui semblait être une ordonnance.



Je la lui arrachai des mains et sortis en claquant bien fort la porte. Dans la rue, j’essayai tant bien que mal de me remettre de mes émotions, me dirigeai vers la pharmacie pour y récupérer les drogues qu’elle venait de me prescrire. Et puis je réalisai tout de même sur le chemin que j’étais enfin seul. Je pouvais choisir de ne pas entrer dans ce magasin, de ne pas me jeter sous une voiture pour sauver un hérisson suicidaire, de ne pas me signer en voyant un crucifix, de ne pas non plus agresser les gens qui me regardaient bizarrement.


En entrant dans la pharmacie, je tendis mon ordonnance avec un sourire qui en disait long. La pharmacienne la déplia et me la rendit aussi sec avec un regard accusateur. J’observai à mon tour le papier blanc, sur lequel était noté :



Faites de votre mieux pour être vous-même.



Je tournai les talons, comme changé.





  • — Ah ça oui ! On ne nous y prendra plus !