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Temps de lecture estimé : 33 mn
19/04/08
corrigé 01/06/21
Résumé:  Lilian, jeune homme effacé et benêt mais observateur, participe à une randonnée estivale dans les Cévennes avec 10 autres adultes. Au soir du 5ème, Eric, l'accompagnateur, a une idée pour améliorer les rapports dans le groupe.
Critères:  fh gros(ses) vacances forêt campagne voir fmast fellation cunnilingu pénétratio
Auteur : Alphecar      
720 nuits cévenoles


Des cochons sauvages sur l’Aigoual




Il y eut une série de « Hein ? » et de « Quoi ? » dans la petite assemblée des randonneurs. Un peu surpris, Lilian leva un instant le nez de son couscous, ce qui lui valut de faire aussitôt tomber une boulette de viande et de semoule harissée entre ses cuisses. Il se demanda si Éric, en proposant ce petit exercice d’analyse combinatoire, cherchait à détendre l’atmosphère. C’est vrai qu’après six jours, il régnait au sein du groupe une ambiance de radeau de la Méduse. Les repas étaient lugubres. Au début, Lilian avait mis sur le compte de la maladresse, de la timidité, de la diversité des origines et des âges les difficultés qu’ils éprouvaient à trouver des sujets de conversation d’intérêt plus ou moins général. Mais depuis qu’ils se connaissaient un peu mieux, c’est le désir même de communiquer qui semblait s’être évanoui – à moins d’inclure parmi les phénomènes pouvant s’apparenter à de la communication les propos ressassés sur la longueur des étapes, la nullité du cuistot et l’injustice de la corvée de vaisselle.



Il expliqua, sans que qui que ce soit l’y invite, que le premier garçon avait six possibilités, le deuxième seulement cinq (la première choisie parmi les filles n’étant plus disponible), le troisième quatre, et ainsi de suite.


Danilo demanda à la cantonade si, dans ces conditions, il pouvait être le premier garçon.


Assez curieusement, les six filles dont il était question semblèrent quant à elles froissées par la désinvolture avec laquelle elles étaient mises en factorielle. À l’intention de Danilo, Sonia déclara par exemple qu’il n’y avait que dans ses rêves qu’il existait, entre elle et lui, une possibilité de quelque ordre que ce soit et que rien que l’idée d’être présente dans ses rêves, précisément, lui faisait le même effet qu’une grosse intoxication alimentaire à base de poisson pourri.



Lilian songea aussitôt que l’adoption de ce principe exclusif lui eut effectivement ôté toute chance de participation à une quelconque des 720 combinaisons évoquées.


Hélène demanda pourquoi il fallait que les garçons se contentent d’une fille par nuit, objection dont l’ironie sembla échapper partiellement à Fabien et Danilo, qui la soutinrent avec chaleur, comme en vue de l’adoption d’un amendement.


Enfin, sans doute parce qu’il exerçait dans le civil une profession scientifique (biologiste au CNRS, ou quelque chose d’approchant, avait cru comprendre Lilian), avec une rigueur toute professionnelle et probablement guidé par le seul souci d’envisager tout l’éventail des possibilités, Fabien à son tour fit remarquer que les hypothèses de départ étaient injustement restrictives.



Constatant que le débat s’animait, mais qu’il menaçait d’échapper à son contrôle, Éric tenta de recadrer le sujet.



Bien entendu, il n’échappait pas à Lilian que la satisfaction dont la maximisation était visée au premier chef était celle d’Éric, dont les vues sur la belle Émilie étaient notoires. Sa proposition souffrait de plus d’un défaut majeur, c’est qu’elle supposait, pour que son objectif affiché ait des chances d’être atteint, que les préférences soient plus ou moins réciproques - éventualité dont une expérience même sommaire des relations « amoureuses » permettait de pronostiquer la faible probabilité. Sans compter que le groupe paraissait à l’heure présente plus proche de la purification ethnique que de l’harmonie universelle.



oooOOOooo



Lilian n’eut pas besoin de réfléchir très longtemps au contenu de sa liste. Il n’avait une légère hésitation que sur l’ordre dans lequel il allait écrire les trois noms. Devait-il placer en tête sa favorite ou bien celle dans la liste de laquelle il avait le plus de chances de figurer lui-même en bonne position ?


Quoiqu’il en fût, tous les garçons étaient exclus d’avance, ainsi que trois des filles.


Anne-Cécile, trente-six ans, infirmière de son état, était aussi une Cassandre du réchauffement global et une militante convaincue de l’altermondialisme. Ses thèmes de conversation de prédilection tournaient autour des O.G.M. et des gaz à effet de serre. Lilian ne parvenait pas à l’imaginer dans un tête-à-tête amoureux, et encore moins coquin, à moins que Nicolas Hulot ou Che Guevara ne se rendent disponibles. Lui-même ne se sentait pas à la hauteur du rôle.


Avec vingt kilos de moins sur la balance, Caroline eût sans doute aligné les conquêtes masculines. Son allure juvénile, sa bonne humeur permanente - qui détonnait singulièrement au sein du groupe - ses yeux bleus mobiles et souriants et son visage rond sous un casque de cheveux blonds coupés au carré lui donnaient un charme indéniable. Mais au goût de Lilian, elle avait un demi-menton de trop.


D’Ariane, il appréciait la douceur et la discrétion, mais il ne s’imaginait pas davantage dormir à ses côtés qu’avec les deux précédentes. Malgré ses trente ans à peine, ses lèvres minces, un nez interminable et des vide-poches sous les yeux évoquaient irrésistiblement chez lui l’image de sa tante Mathilde qui en avait quarante de plus, et avec qui il n’avait jamais envisagé de passer une nuit.


Sonia, Hélène et Émilie étaient donc les trois noms qu’il inscrirait sur sa liste.


De stature moyenne, Sonia avait un beau visage triangulaire, de type hispanique, encadré par des cheveux noirs ramenés sur la nuque en une queue de cheval, et mis particulièrement en valeur par des yeux bruns presque noirs aux longs cils, un teint pâle et une bouche légèrement boudeuse – ou méprisante, selon les points de vue. Ce visage aurait été agréable à regarder si, au moment où votre regard croisait le sien, il n’avait évoqué l’indignation du rottweiler à qui l’on cherche à confisquer une côte de bœuf. Plus d’une fois, Lilian avait remarqué que les autres se méfiaient de ses dispositions belliqueuses. Il y avait eu par exemple ce déjeuner, deux jours plus tôt, où elle avait traité Anne-Cécile de mule bornée monomaniaque après que celle-ci eut fait part de son indignation en apprenant que la première ne faisait pas le tri sélectif de ses ordures ménagères.


Émilie, dix-huit ans, était la bimbo du groupe. Grande et fine comme une liane, de longs cheveux bruns lui tombant sur une chute de reins vertigineuse, elle était parfaitement consciente de l’attrait qu’elle exerçait sur l’ensemble des mâles du groupe, tout en feignant une parfaite indifférence. Seul Éric semblait parfois parvenir à éveiller, dans ses yeux d’une couleur fauve saisissante, un soupçon d’intérêt.


Mais c’est Hélène qui, de loin, avait la préférence de Lilian. Il aimait les traits de son visage, ses taches de rousseur légères, ses gestes vifs et ses propos souvent acérés. Il aimait la douceur de ses yeux bruns, comme les intonations languissantes et légèrement snobs de sa voix. Il aimait aussi sa féminité, et notamment l’espace conséquent occupé par sa poitrine dans un corps pour le reste plutôt menu. En d’autres circonstances, il l’aurait volontiers draguée, peut-être même lui aurait-il fait une cour sérieuse. Lui-même plutôt petit, il avait le sentiment qu’au sein du groupe, c’est à Hélène qu’il avait le plus de chances de plaire.


Après quelques instants d’hésitation, il écrivit donc sur un feuillet à message :


1) Hélène

2) Émilie

3) Sonia



Il plia le bout de papier jaune et, comme les dix autres le firent, de plus ou moins bon gré le tendit à Éric. Il laissa l’animateur seul pour que celui-ci puisse, selon ses propres termes, délibérer en tête-à-tête avec lui-même.



oooOOOooo



Quand il entra, un peu plus d’une heure après, dans la tente Q.G. sur la requête d’Éric, Lilian était partagé entre la curiosité et une très vague inquiétude. Il s’assit à côté de l’animateur.



Il montra à Lilian une liste, sur une page arrachée d’un petit carnet, sur laquelle étaient séparées deux colonnes. À l’intersection de la colonne de gauche et de la première ligne, il lut le prénom d’Hélène. Il eut un pincement au cœur en découvrant que celui de la colonne de droite n’était pas le sien, mais celui de Nathan. Son prénom à lui était sur la deuxième ligne. En face, était inscrit celui de Sonia.


Si Lilian ne s’était déjà assis, à coup sûr il aurait éprouvé, à ce moment précis, le besoin de le faire.



De fait, Lilian dut admettre en lui-même qu’il n’en avait pas l’air. Dans le visage d’Éric, il remarqua même pour la première fois une expression qui lui rappelait Sonia de façon plutôt troublante.



Le clin d’œil dont il gratifia Lilian fut plus égrillard que complice.


C’est le cœur non pas haut, mais lourd de la déception d’apprendre qu’Hélène lui avait préféré cette tête à claques de Nathan, que Lilian sortit du Q.G.


Sonia fut la première du groupe qu’il rencontra, un peu plus loin. Après avoir pris une bonne inspiration, il lui apprit d’un ton qu’il s’efforça de priver de toute trace d’émotion que le sort, si l’on osait dire, les avait unis pour la nuit. C’était la première fois qu’ils avaient un début de conversation et Lilian lui trouva la chaleur humaine d’une ourse polaire privée de bifteck de phoque depuis trois mois, ne serait-ce qu’en raison de la modeste contribution de Sonia à l’échange verbal, qui se limita à un « OK » givré.



oooOOOooo



À vingt-trois heures, la plupart des nouveaux couples avaient regagné leur tente. Lilian redoutait le moment qui allait venir, mais il ne pouvait pas le retarder indéfiniment. Non sans délicatesse, il laissa sa nouvelle compagne se préparer la première pour la nuit en lui indiquant qu’il allait faire un brin de toilette à la rivière à quelques pas de là, juste derrière le rideau de châtaigniers.


La température de l’eau de la rivière, qui devait être de quinze degrés, l’incita à des ablutions énergiques, mais brèves.


Quand il revint dans la tente, elle était assise dans son sac de couchage, en train de lire un bouquin à la lumière d’une lampe frontale. Sur la couverture, il lut le nom de Christine Angot et il se sentit conforté dans l’idée que sa partenaire d’une nuit était décidément quelqu’un qui aimait se payer de bonnes tranches de rigolade. Il remarqua aussi en passant qu’elle avait libéré ses cheveux de la barrette qui les retenait dans la journée en une queue de cheval serrée et que maintenant ils lui donnaient, en retombant souplement sur ses épaules et en dissimulant la moitié gauche de son visage, l’air un peu moins revêche.


Lilian chercha quelque chose à dire, mais rien ne lui vint et pas un seul mot ne fut échangé.


Il était désormais confronté à la nécessité de se déshabiller pour enfiler son sac de couchage et bien que cette opération ne lui eût posé aucune difficulté tant qu’il partageait sa tente avec Nathan ou Danilo, curieusement, elle lui donnait matière à réfléchir ce soir. Il songea un instant à ressortir de la tente, mais c’eût été admettre son embarras, aussi décida-t-il finalement de faire ce qu’il fallait à l’intérieur. Tourné vers la sortie, il se protégea du regard de Sonia par le sac de couchage lui-même, à l’intérieur duquel il ôta pantalon, slip, tee-shirt et chaussettes à une vitesse qui lui fit regretter in petto qu’il n’existât pas une épreuve olympique de la spécialité car il voyait mal qui aurait pu lui disputer la plus haute marche du podium. Il lui fallut ensuite retrouver trace de son pantalon de pyjama dans le désordre de son sac à dos, et c’est à ce point que l’affaire se corsa un peu. C’était presque dommage qu’il eût été si rapide jusque-là, car pour l’instant il était nu comme un ver.



Par chance pour Lilian, ils partageaient une tente et non un igloo, car une certaine nervosité, conjuguée à la surprise de cette apostrophe à un moment et dans une position où il se sentait si vulnérable, venait de lui faire heurter la toile de la tête. Il se tourna pour tenter de déterminer s’il convenait de répondre par une simple confirmation polie ou bien si la question devait être considérée comme purement rhétorique et prétexte à développer son point de vue sur le thème suggéré. L’idée, avancée par Éric le lubrique, qu’il pût se passer quoi que ce soit entre Sonia et lui, idée qu’il avait tournée dans tous les sens depuis qu’il avait appris avec qui il allait passer la nuit, lui semblait maintenant parfaitement surréaliste. Le visage à dix centimètres à peine de ce regard de braise réfrigérante, il en était plus que jamais convaincu.



L’opération qui absorbait momentanément quatre-vingt-quinze pour cent de ses facultés consistait à enfiler – si possible à l’endroit – le pyjama sur lequel il avait enfin mis la main, et ce, dans un sac de couchage modèle sarcophage incroyablement étroit. La concentration requise se conciliait difficilement avec les exigences d’une conversation urbaine et Sonia semblait d’humeur inhabituellement loquace.



Le scepticisme affiché par Sonia, bien que prévisible, anéantit le maigre capital de confiance que ce début de conversation avait permis à Lilian d’accumuler jusqu’ici. Il renonça du coup à remettre son pyjama à l’endroit.



Lilian choisit de persévérer dans la ligne politique courageuse qu’il avait commencé d’adopter - celle du mensonge.



Celui-ci s’éteignit aussitôt, car l’absence, dans ce beau mais très sérieux visage, de tout tressautement nerveux comme du plus infime déplacement de muscle - à la stricte exception de ceux nécessaires à l’émission de phonèmes linguistiques – le convainquit que le temps n’était pas encore venu où il pourrait échanger avec la demoiselle des plaisanteries de régiment.



Sur ces mots, la conversation, pourtant prometteuse, se tarit provisoirement. Sonia se tourna vers la paroi extérieure de la tente et la lumière de la lampe frontale s’éteignit. Lilian avait eu l’intention de bouquiner à son tour, mais il se dit en toute équité qu’après tout, à l’avenir, s’il voulait lire, il n’aurait qu’à se munir de sa propre lampe.


Il était en train de faire semblant de dormir, tout en s’efforçant de ne pas respirer – ce qui lui compliquait la tâche - lorsque la conversation ressuscita, de façon parfaitement indépendante de sa volonté.



Il se retourna.



Cette nouvelle conversation, pour ne compter à ce stade qu’une dizaine de mots, fit monter de quelques crans la tension nerveuse de Lilian, à qui il eût pourtant été difficile de reprocher une attitude excessivement détachée au départ.



Bien que la vivacité d’esprit, comme l’avait remarqué Éric, ne fût pas la qualité que ceux qui le connaissaient eussent jugé chez lui la plus marquante, il n’échappait pas à Lilian que lorsqu’une jeune femme qui vous avait choisi pour passer la nuit à ses côtés manifestait le regret que vous ne bougiez pas, ce n’était pas pour qu’on lui fasse une démonstration de break dance. Et, de fait, une idée assez précise lui était venue à l’esprit quant à ce que Sonia avait en tête. Mais comme d’une part il lui était arrivé assez souvent dans le passé de faire fausse route dans des circonstances analogues, et comme d’autre part l’idée en question ne s’accordait guère avec ses convictions les plus solidement établies concernant l’état de leurs rapports, il préféra lui laisser le soin d’éliminer toute équivoque si elle le jugeait nécessaire.


Il avait le choix entre prendre le risque d’un malentendu embarrassant et passer pour un idiot congénital. Il n’hésita pas une seconde : il arrêta son choix sur la seconde option, qui d’ailleurs ne modifierait en rien son statut au sein du groupe.



Quelque chose dans l’attitude et le ton de Sonia lui indiquaient que le tour circulaire pris par la conversation commençait à lui porter doucement sur les nerfs.



Lilian éprouva une nouvelle fois le sentiment très familier de ne pas s’être fait comprendre. Sonia s’enfonça en tout cas davantage encore dans son sac de couchage et, se retournant pour la deuxième fois vers l’extérieur de la tente, lui montra un dos exaspéré.


Il s’interrogea… Était-il vraiment passé à côté d’une proposition qu’il n’aurait pas su saisir ? Il avait du mal à l’imaginer, mais il aurait apprécié des éclaircissements. Histoire de réfléchir plus à son aise à la question, il décida d’aller prendre l’air. Il enfila un tee-shirt et, renonçant à mettre une paire de chaussures qu’il aurait fallu lacer, s’échappa de la tente conjugale.


La nuit sentait la pinède, la température était douce et le ciel très peu étoilé, car la lune était pleine. On est bien mieux hors des tentes pour dormir, se dit Lilian. Il se dirigea vers la rivière où Caroline et Hervé étaient partis plus tôt dans la soirée faire la vaisselle et lui-même, un peu plus tard, faire une trempette éclair.


À quelques pas seulement du cours d’eau, ses pensées furent interrompues par un tableau qui le figea dans une attitude de stupeur, regard vitreux et bouche ouverte. Ce que ses yeux voyaient sous la pleine lune avait du mal à passer le cap de l’interprétation rationnelle. Face à lui, à moins d’une dizaine de mètres, Hervé était allongé sur le dos. On pouvait voir le sommet clairsemé de son crâne. Il était complètement nu - pour autant que Lilian pouvait en juger. Caroline était assise sur son bassin, les bras en appui près du visage du jeune homme, et il sembla à Lilian qu’ils étaient en train de pratiquer un exercice de respiration artificielle.


Si c’était de cela qu’il s’agissait, Caroline s’y prenait cependant de façon bien imprudente et maladroite, car une paire de seins impressionnante s’échappait de sa tunique ouverte et Hervé, la tête maintenant légèrement redressée, avait le nez perdu quelque part au milieu. La poitrine de Caroline était rendue encore plus impressionnante par le ballottement auquel ses efforts rythmés en vue de réanimer son partenaire la soumettaient.


Ce ne fut qu’au bout de plusieurs secondes, lorsqu’il aperçut, derrière le visage rougissant de la jeune femme, ses fesses aussi indubitablement nues qu’exceptionnellement généreuses, que Lilian comprit le sens de la scène qu’il était en train d’observer. Quelques mots d’excuse lui montèrent aux lèvres, mais il lui sembla finalement qu’en règle générale, lorsqu’une personne en surprenait deux autres en plein coït, les trois protagonistes s’en trouvaient mieux si les deux amants étaient laissés dans l’ignorance de la présence du troisième ; et il s’abstint, ne sachant plus trop s’il pouvait tourner les talons sans, justement, manifester cette présence. Il avait aussi un peu de mal à détourner le regard des fesses de Caroline, qui se soulevaient lentement et souplement, selon une cadence métronomique, dans un mouvement qui n’était pas sans rappeler à Lilian celui des vagues sur les récifs de la pointe du Raz, avec vent de force quatre.


Il resta encore quelques minutes immobile. Le souffle de Caroline se faisait maintenant un peu plus rauque et, à distance, il sembla à Lilian que les jolis traits de son visage trahissaient les premières ondes du plaisir qui la gagnait petit à petit. Il n’était finalement pas du tout surpris qu’elle ait plu à Hervé. Et Lilian pouvait maintenant entendre qu’elle lui plaisait beaucoup.


Au moment où il allait enfin parvenir à détacher son regard du spectacle, le bruit sec d’une branche qui se brisait dans son dos le fit sursauter avec d’autant plus de vivacité qu’il fut suivi aussitôt de quelques mots murmurés.



Il n’aurait pas été beaucoup plus surpris si une souche d’arbre lui avait soudain adressé la parole. Mais il n’ignorait pas que les souches d’arbre ne murmuraient pas.


C’était Sonia.


Cette jeune femme semblait avoir un effet démultiplicateur sur la sensibilité de ses nerfs. Toujours à voix basse, elle l’interrogea en penchant la tête vers le couple qui continuait ses exercices, toujours entièrement absorbé par son activité et semble-t-il inconscient de l’arrivée sur scène de deux nouveaux personnages.



Il préféra ne pas être plus précis dans la peinture de ses émotions, n’ayant pas tout à fait renoncé à l’espoir que Sonia fasse allusion dans sa question aux reflets de la lune qui chatoyaient dans le courant de la rivière.


Furtivement, elle se plaça entre lui et le couple allongé. Elle portait un long tee-shirt sans manches qui descendait jusque sur des cuisses pâles et recouvrait, tout au moins le supposait-il, une culotte. Lilian prit note, mentalement, que ses cuisses étaient plutôt charnues et qu’elle avait de fort jolis genoux.


Ils se regardèrent. Plus précisément, Sonia dirigea sur Lilian un de ses regards perforants et celui-ci s’efforça de le soutenir cinq longues secondes, selon les règles implicites du petit jeu auquel elle l’avait initié tout à l’heure sous la tente.



Lilian commença à bredouiller quelques mots et deux événements étonnants se succédèrent alors très rapidement. Le premier fut l’apparition, sur le visage de Sonia, de la première esquisse de sourire dont il ait été donné à Lilian d’être le témoin jusqu’ici. Le second fut son pied nu à elle qui se posa doucement sur son pied nu à lui.


Est-ce qu’elle voulait l’intimider ? Le faire reculer ? Sans rien dire et sans bouger, il observa quelques instants ce pied - étroit et plutôt raffiné, avec sa cheville fine, ses petits orteils et leurs ongles soignés et vernis - comme s’il en attendait une explication. La première réflexion qui lui vint à l’esprit fut qu’il était dommage et risqué de marcher sans chaussures dans le maquis cévenol lorsqu’on avait d’aussi jolis pieds. Comme il avait aussi l’esprit pratique, la seconde fut qu’il était étrange de prendre le soin de se vernir les ongles des pieds lorsqu’on était en randonnée.


Une main s’avança alors vers son visage, se posa sur son cou, juste au-dessous de sa joue et glissa sans un à-coup jusqu’au sternum, où elle stationna un moment, avec une légère vibration des doigts. Lilian eut un frisson, mais ne dit rien et resta encore immobile, dans l’attente de la suite, au cas où il y en aurait une. Sonia s’approcha davantage encore et sa poitrine était maintenant au contact de celle de Lilian. La respiration courte, il passa une main dans le dos de la jeune femme, d’abord parce qu’il ne voyait pas ce qu’il pouvait en faire d’autre, ensuite parce qu’il lui sembla que c’était le geste que les circonstances présentes exigeaient.


Tandis qu’il se demandait quel pourrait bien être le suivant, et avant qu’il ait pu l’esquisser ne serait-ce qu’en pensée, une paire de lèvres se posa à l’angle des siennes - puis bientôt sur les siennes - et enfin, une langue vint au contact de sa lèvre supérieure. Tout en pressant les lèvres de Sonia contre les siennes, Lilian pouvait suivre, en arrière-plan un peu flou, la gymnastique lancinante et hypnotique de l’arrière-train massif de Caroline sur la silhouette longiligne d’Hervé. Il put même entendre celui-ci évoquer de façon très élogieuse les formes voluptueuses de sa partenaire en des termes confirmant qu’ils se croyaient seuls au monde.


Mais un flot de nouvelles informations absorbait désormais toute l’attention de Lilian et il oublia pour un temps Hervé et Caroline. Écartant son visage, Sonia lui prit la main et, avec une douce détermination, le ramena en direction de la tente qu’il avait quittée quelques minutes plus tôt. Elle lui fit signe d’attendre à l’extérieur et ressortit une poignée de secondes plus tard avec les matelas de mousse, qu’elle mit côte à côte, un peu à l’écart.


Debout sur les matelas, elle prit alors la main droite de Lilian et la posa d’autorité sur sa propre poitrine, entre ses seins. Se pressant contre lui, de son nez et de ses lèvres elle effleura son cou. Ils ne se disaient toujours rien. Il sentit des mains aux doigts longs et agiles se glisser sous son tee-shirt et commencer à le remonter, comme pour lui faire comprendre de l’ôter - et il s’empressa de le faire, jugeant l’obéissance moins risquée que la résistance. Dès que ce fut chose faite, elle déposa sur sa poitrine quelques baisers prolongés. Il fit mine de s‘agenouiller pour être plus à son aise, mais elle lui intima de rester debout.


Lilian n’avait plus sur lui qu’un caleçon à l’envers, et il regrettait un peu maintenant de n’avoir pas un peu plus, car les tout derniers développements avaient suffi à lui donner l’allure du chapiteau du cirque Bouglione, mais à l’horizontale.


Sonia s’agenouilla et laissa lentement glisser sa bouche sur l’abdomen du jeune homme. Ses mains, avec douceur et fermeté, lui enjoignaient de rester immobile, ce qui, se dit-il avec une légère pointe d’amertume, était précisément ce qu’elle lui avait pourtant reproché sous la tente tout à l’heure. Il ne voyait plus maintenant qu’une chevelure presque noire, qui retombait en une courbe régulière sur des épaules très pâles, briller sous la pleine lune, et il sentait une paire de lèvres parcourir la zone de son nombril. Confirmant ses appréhensions, un menton touchait par intermittence sa verge et il se prit à regretter la minceur du tissu qui la protégeait. Son cœur battait tellement vite qu’il lui sembla qu’il était sur le point de sortir de sa poitrine. Bien qu’il ne fût pas lui-même en règle générale partisan de prolonger indéfiniment les préliminaires, la conception très personnelle que semblait en avoir Sonia commençait à le préoccuper un tout petit peu.


Brutalement, elle baissa le caleçon sur ses chevilles et, le visage à hauteur de son sexe ridiculement dressé, elle lui adressa un regard par en dessous, dans lequel il crut lire plus qu’un reproche, une accusation. Réalisant alors qu’elle n’avait fait tout ça que pour l’humilier et qu’elle était sur le point d’appeler tous les autres et de le désigner nu, le sexe tendu, à la risée de tous, il sentit, l’espace d’un instant, la panique le gagner.


Au lieu de cela, les longs doigts fins de la main droite de Sonia enveloppèrent son pénis et se mirent à l’enserrer doucement, dégageant délicatement le prépuce. La main était fraîche et Lilian se dit qu’elle devait, en comparaison, le trouver brûlant. Comme dans un rêve érotique, il vit la jeune femme secouer pour les écarter les longs cheveux qui la gênaient et basculer son visage vers le sol : il comprit que sa bouche commençait maintenant à descendre à la rencontre de son sexe. Ses genoux se mirent à trembler légèrement dans l’attente du contact. Ces lèvres qui allaient se déposer sur sa verge, il n’aurait même pas imaginé pouvoir les toucher de sa joue il y a une heure à peine.


C’en était trop, et bien trop vite. À l’instant précis où le contact était sur le point de se produire, Lilian s’agenouilla à son tour sur le matelas de mousse, de façon à se mettre à hauteur de Sonia. Si elle fut surprise ou déçue, elle n’en manifesta aucun signe et resta en apparence impavide. Il souleva prudemment à son tour le tee-shirt de la jeune femme. Elle finit de l’ôter d’elle-même et Lilian en profita pour l’observer. Dessous, elle portait bien, Dieu merci, une culotte de pyjama très courte, mais en revanche aucun soutien-gorge. Les aréoles de ses seins, larges et rouges, se détachaient nettement sur la pâleur peu ordinaire de sa peau. Hésitant, il approcha la main de l’un d’entre eux et se mit à le caresser lentement. Ils étaient plus généreux qu’il ne l’aurait supposé, bien qu’évidemment de proportions plus humaines que ceux de Caroline. Quand, ayant enfin pris un peu de confiance, il posa enfin sa bouche dessus, il sentit un parfum d’amande douce et, très perceptiblement, le durcissement d’un mamelon.


D’un geste maintenant plus assuré, il l’invita à s’allonger sur le dos. Il avait envie, à son tour, d’enlever cette culotte pour voir son sexe à elle, le toucher, sentir son parfum unique, tester son humidité et sa sensibilité. Il voulait l’explorer avec ses doigts puis avec sa langue, le goûter - en un mot, le découvrir. Dans un premier temps, il se contenta de caresser du bout des doigts le long des bras, puis l’intérieur des cuisses de la jeune femme. Il descendit jusqu’aux pieds, qu’il prit à pleines mains, passant ses doigts entre les orteils vernis. Toujours silencieuse, imperturbable en apparence, Sonia le regardait, les mains posées bien à plat sur le sol, l’une d’entre elles passant parfois dans ses propres cheveux, pour les écarter de son visage.


Les doigts de Lilian remontèrent vers l’intérieur des cuisses de Sonia. Un peu plus haut, il sentit avec une surprise qui fit faire un nouveau bond à son cœur comme une humidité poisseuse. S’agissait-il uniquement de transpiration ? Il s’attarda sur l’endroit, en en profitant pour caresser de la joue un ventre plat et ferme, et plonger sa langue dans un nombril profond, au goût légèrement salé.


Son nez s’arrêta un moment juste en dessous, au niveau supérieur du mont de Vénus, et pour la première fois il perçut clairement la respiration de Sonia s’accélérer tandis qu’il passait lentement l’index de la main gauche le long du périnée. L’extrémité de son doigt longea l’élastique de la culotte, avant de passer furtivement derrière et de découvrir un renflement à la fois humide et soyeux. Le bassin de Sonia eut à cet instant un léger sursaut, avant de se livrer à de légères contorsions. Voulait-elle lui interdire de lui ôter ce morceau de tissu qui la protégeait encore de ses regards ou bien l’invitait-elle au contraire à le faire sans plus tarder ?


Dans le doute, il choisit l’option qui avait sa préférence. Dans l’amour, ç’avait toujours été l’un de ses moments préférés que celui où il découvrait pour la première fois le sexe d’une femme, en particulier quand il s’agissait de l’intimité d’une femme qui l’impressionnait. De ses deux mains sur les hanches de Sonia, tandis qu’elle remontait les genoux, il fit glisser très lentement la culotte vers le bas, et son nez à lui descendit de quelques degrés, pour inspirer d’abord le parfum envoûtant émanant de ses poils pubiens.


Le cœur battant, fasciné, il découvrit alors enfin le triangle qui recouvrait son sexe - étroit, sombre et très soigneusement découpé. Tandis qu’elle restait allongée sur le dos et qu’elle l’observait agir, toujours sans rien dire, il fit glisser la culotte le long des jambes – ce qui lui permit d’en apprécier le galbe parfait - jusqu’à ses chevilles. D’un mouvement du pied, elle envoya la culotte sur le côté.


Son regard avait encore gagné en intensité lorsque, d’une voix basse mais rendue un peu rauque par la tension, elle reprit la parole.



Un peu saisi par la crudité de la question, il fut sur le point de répondre « brune et mouillée », ce qui, quoique purement descriptif, eût été rendre une parfaite justice à la vérité. Il tenta maladroitement de se mettre au diapason :



Lilian allait précisément lui indiquer son intention de le faire. Pour toute réponse, il appliqua donc un premier doigt sur les grandes lèvres du vagin, puis un deuxième.

Il vit la poitrine de Sonia se soulever pour prendre une longue inspiration. Sur une très légère pression de ses deux doigts, ceux-ci furent comme aspirés derrière le second barrage de lèvres vaginales jusqu’aux dernières phalanges, avec un bruit de succion qui lui fit perdre le désir de poursuivre la conversation.



Il choisit d’obéir deux, trois, ou n fois plutôt qu’une à cette prière aussi ensorcelante qu’inattendue et déposa avidement ses lèvres sur la vulve de la jeune femme, ce qui la fit pousser un cri qu’elle ne parvint manifestement pas à étouffer. Il eut à peine le temps de la voir basculer le visage en arrière avant de pouvoir enfin goûter de sa langue le goût douceâtre et unique de ses sucs vaginaux. Puis, redressant légèrement le buste, elle ébouriffa de sa main les cheveux de Lilian, que celui-ci se félicita intérieurement d’avoir shampouiné la veille au soir.


Il s’appliqua à lécher sa chatte sur toute sa longueur, de bas en haut, laissant s’attarder à chaque fois sa lèvre inférieure lorsqu’il arrivait en bout de course tout en cherchant à découvrir, du bout de la langue, la petite excroissance du clitoris. À un léger mouvement de crispation de son bassin, ainsi qu’au premier gémissement de sa partenaire qui l’accompagna, il sut qu’il l’avait découverte. Il la délaissa aussitôt pour y revenir un peu plus tard, de façon à renouveler l’effet de surprise.


Il se sentait pris par un tourbillon de sensations étourdissantes et perdit le sens du temps qui passait.


Pour ne pas se laisser emporter trop rapidement par le plaisir, il releva le visage, autant pour reprendre son souffle momentanément coupé par les sensations et par l’effort, que pour profiter, sous la clarté lunaire, du spectacle éblouissant de cette jeune femme si intimidante, de la position obscène de ses cuisses écartées, de ses seins qui s’épanouissaient de chaque côté de son buste, du buisson ténébreux et déjà luisant de sa chatte, et de ses fesses rondes - si blanches et si parfaitement lisses que jamais il n’aurait pu imaginer les avoir un jour sous les yeux et encore moins sous la bouche.


Sonia profita de cette phase d’observation pour reprendre un peu ses esprits et se redresser avec énergie.



Il lui sembla que le reproche, bien que gentil, avait un accent de sincérité.

Courtoisement, Lilian fit savoir que le sentiment était réciproque.



Elle indiqua à Lilian de s’asseoir en tailleur en face d’elle et aussitôt que ce fut fait, il la vit - il eut du mal à y croire - s’accroupir sur lui, sans même l’ombre d’une hésitation, d’un air à la fois concentré et décidé. Il décida de mémoriser pour l’avenir la sensation vertigineuse de sa poitrine généreuse au contact de la sienne, de ses jambes autour de sa taille et de ses pieds nus dans le bas de son dos.


Sous leur poids, ses seins pâles s’affaissaient légèrement vers le milieu de son abdomen et surplombaient le pli formé par le bas de son ventre, au niveau de l’aine. Cette vision émut Lilian, que les dix minutes qui venaient de s’écouler avaient déjà passablement excité. Il réalisa soudain à quel point cette femme était belle et s’étonna de ne s’en être jamais fait la réflexion jusqu’ici. Rien de tel parfois, se dit-il, que le frottement lascif de la réalité pour ajuster son jugement sur une personne.


Un parfum de femme en proie au désir physique, entêtant, enivrant, à la fois reconnaissable et très personnel, parvenait maintenant à ses narines.



Lilian se dit que c’était étrange comme leurs visions respectives de leur relation pouvaient être divergentes, mais ne jugea pas opportun de la détromper. Cet échange de points de vue commençait à lui faire perdre un peu de sa concentration : il décida de donner à la séance une tonalité plus romantique.



À l’instant de prononcer ces mots, Lilian eut comme le sentiment que le spectateur en lui venait de se dissocier de l’acteur et le premier regretta aussitôt les propos du second.


Contre toute attente, il sembla néanmoins que ces derniers mots aient fait mieux qu’atteindre leur objectif, car Sonia passa alors ses mains derrière la tête du jeune homme, et le caressa tout en attirant son visage entre ses seins. Puis elle souleva légèrement son bassin. Comprenant son intention, Lilian l’aida dans son mouvement en glissant ses mains le long des cuisses de sa partenaire, depuis ses genoux jusque sous ses fesses. Son cœur s’accéléra encore lorsqu’il la vit, les lèvres entrouvertes, observer son sexe dressé tout en essayant de se positionner à l’aplomb. Il songea à un exercice aérien de ravitaillement en vol.



Mais c’est elle qui dirigeait et contrôlait l’opération. Et c’est en libérant un long soupir de satisfaction à travers ses lèvres entrouvertes et en adressant un nouveau regard intense à son partenaire incrédule, qu’elle laissa doucement retomber son poids sur la verge bien dure de Lilian, lui arrachant une exclamation de plaisir et de surprise mêlés lorsqu’il sentit son pénis s’engouffrer enfin dans un vagin qui semblait n’avoir été conçu que pour l’envelopper.


Leurs bassins commencèrent alors à s’activer lentement, en rythme. Lilian, un peu plus petit que Sonia, avait le nez au niveau du cou de sa partenaire. Il essayait de sentir le moindre millimètre de sa peau en contact avec celle de la jeune femme, en particulier son sexe, tellement perdu dans les profondeurs du corps de Sonia que l’idée étrange lui traversa l’esprit qu’il pourrait ne jamais le revoir. Puis, de nouveau, il enveloppa de ses mains les fesses de la jeune femme et l’encouragea à sortir de leur étreinte – ce qu’elle fit brièvement, avant de se laisser retomber avec un petit soupir de plaisir.


Enlacés, ils entamèrent un mouvement de va-et-vient de quelques minutes, infiniment agréable quoique excessivement physique au goût de Lilian. Ils n’échangeaient plus un mot, mais leurs souffles devenaient plus sonores. Avec une impatience qu’il s’efforça de dissimuler, Lilian attendait que Sonia prît l’initiative d’une pose un peu moins sportive.


Du coin de l’œil, il vit soudain que Caroline était assise en train de les observer, adossée un peu à l’écart contre un grand chêne, vêtue de sa tunique ouverte et d’une jupe. Sous l’effet de la surprise, il faillit interrompre son activité, mais il lutta victorieusement contre ce mauvais réflexe. Une des mains de Caroline couvrait son opulente poitrine, l’autre était perdue quelque part au niveau de son entrejambes. Encore rougissante, sans doute sous l’effet des efforts qu’elle avait fournis peu de temps auparavant, elle arbora un vague sourire quand son regard rencontra celui de Lilian. Si elle éprouvait un quelconque sentiment d’embarras à être surprise en train de les regarder, elle n’en laissa rien paraître. Lilian se dit que finalement, elle avait dû le voir en train de l’observer, tout à l’heure. Il eut néanmoins de la peine à croire ce qu’il voyait lorsqu’elle porta à ses lèvres les doigts qu’elle avait ramenés d’entre ses jambes et, tout en les suçant lentement, lui adressa un regard attendri, presque reconnaissant. Il se demanda où Hervé avait bien pu passer, tout en priant pour qu’il soit allé dormir sous sa tente.


Sonia fit une pause. Elle se dégagea doucement et invita Lilian à s’allonger sur le dos, tout en restant à califourchon sur lui. Son pénis cherchait déjà fébrilement à retrouver son abri délicieux et avec l’aide de Sonia, il le retrouva très vite – à la satisfaction exprimée des deux partenaires.



Elle rapprocha ses seins du visage du jeune homme et lui adressa un regard de défi, en accentuant encore le mouvement ondulant de ses fesses.



Le discours de Sonia avait lui aussi perdu un peu de sa fluidité et elle semblait trouver du mal à retrouver son souffle.



Ces propos n’étaient pas précisément de nature à apaiser le feu qui commençait à embraser les sens de Lilian et ils eurent pour effet immédiat de lui faire précipiter les mouvements de son bassin.



Et elle contribuait pourtant elle-même à l’essentiel du mouvement, comme à l’essentiel de la conversation.



Le prénom du jeune homme – qu’elle prononçait pour la première fois – avait été énoncé à voix haute et intelligible et dans les secondes qui suivirent, Lilian entendit la fermeture éclair d’une tente, à une dizaine de mètres de la scène, glisser vers le haut. Il préféra s’efforcer d’ignorer qu’il venait de voir les têtes de Nathan et d’Hélène apparaître à travers l’ouverture, mais à cet instant, la totalité du groupe aurait pu s’asseoir autour du couple qu’il formait avec Sonia qu’il eût été trop tard pour changer quoi que ce soit au cours des événements : ils se précipitaient et ils en avaient tous les deux maintenant tout à fait perdu le contrôle.


Entre ceux qui faisaient l’amour et ceux qui tenaient la chandelle sans vergogne, le sens des convenances et la pudeur semblaient en tout cas avoir définitivement déserté le camp, songea Lilian. Pourtant, la présence attentive et obstinée de Caroline n’était pas complètement étrangère à son plaisir. L’idée lui traversa même fugitivement l’esprit, alors même que Sonia poursuivait et amplifiait encore ses voluptueux mouvements du bassin, que la plantureuse jeune blonde pourrait venir déposer ses parties les plus intimes sur sa bouche sans qu’il proteste. Il sentit la morsure légère de la culpabilité, mais oui, décidément, il aurait aimé qu’elle vienne rejoindre Sonia. Plus tard, peut-être…



Lilian savait, bien plus qu’il ne croyait, qu’en ce qui le concernait l’issue était proche. Dans l’ignorance où il était des projets de Sonia relativement à son propre orgasme, ces balbutiements haletés visaient à l’en informer - à toutes fins utiles. Elle ne sembla pas surprise car, en jetant son buste vers lui, elle le lui annonça par défi, ses yeux plongés dans ceux du jeune homme.



En dépit de la fierté légitime qu’ils lui inspiraient, Lilian aurait préféré que ces derniers mots, bien détachés et confinant au blasphème, ne soient pas criés, car il était lui-même de nature taciturne et peu encline à prendre les autorités transcendantes à témoin dans l’exercice de certaines activités. Néanmoins, ils eurent raison de ses ultimes résistances et c’est en abondance qu’effectivement il jouit, pour la première fois, au plus profond du ventre de Sonia, tout en essayant d’étouffer entre ses deux seins un cri aussi prolongé que son orgasme.



oooOOOooo



Le lendemain matin, Lilian éprouvait une petite appréhension en rejoignant l’emplacement du petit déjeuner. Auprès de la tente Q.G., ils étaient tous là, adossés à un tronc d’arbre couché. Sonia aussi – elle s’était levée un peu plus tôt – mais il n’osa pas lui adresser un regard, se contentant d’un salut collectif maussade.


Cette appréhension n’était pas infondée, comme il put rapidement le constater.

Éric lança une première salve, d’apparence inoffensive.



Quelque chose dans l’intonation d’Éric, et notamment le timbre de voix appuyé avec lequel il prononça son prénom, déplut souverainement à Lilian et il marmonna une réponse brève.


Hélène annonça qu’elle avait entendu du bruit autour des tentes, et tandis que Lilian s’efforçait d’évaluer l’authenticité de l’ingénuité de cette remarque, Émilie ajouta que - c’était marrant - elle aussi.


Caroline sembla aussitôt trouver un intérêt aussi soudain que passionné à l’étude de ses grosses chaussures de randonnée Quechua, pendant que Hervé s’absorbait dans la contemplation de sa tasse de café comme s’il savait lire dans le marc.


Pour ne pas laisser sans réponse les remarques d’Émilie et d’Hélène, Lilian hasarda qu’il devait s’agir de sangliers ou de cochons sauvages, à quoi Éric crut bon de répondre qu’à sa connaissance il n’y en avait pas dans les Cévennes. Sans se démonter, Lilian répliqua qu’ils étaient sauvages, que c’est pour ça qu’on ne les voyait pas souvent, mais qu’ils sévissaient dans les forêts cévenoles – un peu comme les légendaires razorbacks en Australie.


Danilo intervint alors pour préciser que ce n’était pas ce qu’on entendait par « sauvages » et l’envie vint aussitôt à Lilian de lui jeter sa tasse de café au visage. Il se ravisa, jugeant qu’il n’était sans doute pas assez brûlant.


Hélène reprit la parole pour demander aux autres s’ils jugeaient possible que les cochons sauvages aient une silhouette humaine. Lilian eut le sentiment désagréable que la question s’adressait en priorité à lui. Il ne voyait pas trop où Hélène voulait en venir, mais en dépit de la sympathie qu’il éprouvait à son endroit, ne souhaitait pas particulièrement qu’elle y parvienne. Ce fut donc avec soulagement qu’il vit Sonia faire une diversion qu’il trouva brillante : elle avait vu un reportage où l’on parlait des dégâts que pouvaient causer ces fameux cochons sauvages dans un camp de randonneurs.


Avec fort peu d’à-propos, jugea Lilian, Nathan rétorqua que c’était plutôt le film « Les randonneurs », avec Poelvoorde, qu’elle avait dû voir.


Hélène insista : ces cochons sauvages à silhouette humaine, leur arrivait-il parfois de pousser des gémissements ou des grognements étonnamment analogues à ceux pouvant être émis par des êtres humains, et plus particulièrement, crut-elle nécessaire d’ajouter, par des randonneurs ?


Lilian avança l’hypothèse que ce pouvait être le fruit d’une domestication poussée, avant de réaliser, un peu abattu, qu’il venait de réduire en poussière son argument précédent.


Sonia continua d’insister sur les dégâts occasionnés et, semblant s’adresser plus particulièrement à Hélène, signala qu’on rapportait même des cas d’agression d’hommes – ou de femmes, insista-t-elle - par des cochons. Lilian renchérit, et jugeant qu’à partir d’un certain stade la demi-mesure devenait contre-productive, ajouta qu’on rapportait même des cas de mutilation et d’étripage.


Un Fabien ricanant le coupa en lui disant qu’il devait confondre avec les razorbacks, justement, à moins que ce ne fût avec les yétis ou les tigres du Bengale.


Anne-Cécile prit la parole pour faire savoir à l’assemblée à quel point toute cette conversation lui paraissait stérile et puérile.


Hélène, dans une souveraine indifférence à la remarque d’Anne-Cécile, et sans doute victime de sa très louable habitude d’examiner une question sous tous ses angles jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement éclaircie, revint sur le sujet des cochons sauvages et s’enquit du point de savoir s’il était vraisemblable qu’ils aient à la fois une silhouette et une voix humaine - et que de surcroît ils aient un rapport de familiarité avec Lilian jusqu’à l’appeler par son prénom. Car c’est ce qu’elle avait distinctement entendu l’un d’entre eux faire, déclara-t-elle.


C’est à ce moment que Lilian comprit que la conversation allait définitivement tourner à son désavantage et il préféra s’éclipser fièrement, sans ajouter un mot. Tout en s’éloignant, il eut cependant le temps d’entendre Sonia, à qui son tempérament sanguin semblait avoir fait oublier leur objectif initial à tous les deux dans cet échange verbal, demander à Hélène si elle l’avait bien entendu la traiter de cochonne sauvage.


Lilian se demanda si tout cela était de bon augure pour le déroulement de la journée et le développement de l’harmonie et de la convivialité au sein du groupe. Tout en s’enfonçant dans le bois, il se demanda quelles seraient les modalités d’attribution des tentes, le prochain soir.