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16/05/08
Résumé:  Nous faisons ici le récit d'une expérience en club échangiste. Nous soulignons l'incidence de cette expérience sur nos sentiments mutuels et analysons les codes qui régissent ce type de lieu.
Critères:  fh fhh 2couples grp couplus inconnu boitenuit amour voir exhib intermast fellation cunnilingu fdanus jouet partouze -libercoup -lieusexe
Auteur : Ludivine et Herbert      
Récit d'une expérience en club échangiste

Notre deuxième essai en club :


La F., dans les Vosges.



La F. est un complexe comprenant un hôtel, un restaurant et un club échangiste. Nous avions décidé d’y passer un week-end et d’y dormir la nuit de samedi à dimanche. Partis de Moselle le samedi après-midi, nous arrivâmes au village tranquille de B., après avoir parcouru les derniers kilomètres sur des routes de montagne, offrant un paysage vosgien des plus charmants.


Trouver l’établissement fut facile, car il est fléché, ce qui ne manque pas de surprendre dans une bourgade aussi paisiblement rurale. La propriété est ceinte d’un mur qui la rend impénétrable au regard. Après avoir franchi les grilles et nous être garés dans le parking privé, où stationnaient un petit nombre de véhicules, nous entrâmes dans les lieux et réglâmes les formalités hôtelières.


La chambre qu’on nous avait donnée était spacieuse, claire et propre. La fenêtre donnait sur le parc de la F., vaste, arboré et gazonné. Il devait être dix-huit heures et nous décidâmes de visiter l’établissement avant d’aller dîner. Nous étions quasiment seuls, hormis quelques personnes discutant au bar. Nous prîmes des consommations et engageâmes la conversation avec le barman, sympathique, qui nous raconta l’historique de l’établissement et en vanta les qualités.


Les locaux de la F. sont vastes et très chaleureux. Face au bar, on trouve une petite piste de danse entourée de divans. Une pièce de même taille en vis-à-vis, séparée par une cloison ouverte des deux côtés, comprend un billard et des tables de bistrot. Le reste des pièces se déploie le long d’un couloir en dédale. Sur la droite, on entre dans une pièce dont le centre est occupé par une couchette une place en hauteur, les côtés comportent d’autres couches peu larges. Derrière cette pièce on rejoint un second couloir qui mène à des toilettes et des douches parfaitement propres, avec un espace de maquillage joliment décoré. Le couloir principal donne sur de nombreuses petites pièces meublées de couches disposées contre les murs ; le couloir lui-même comporte des couches.


L’impression d’ensemble est très agréable. Les lieux sont décorés avec beaucoup de goût et de sensualité. Les éclairages sont sophistiqués et mettent en valeur les ornementations. Les couches en hauteur sont tentantes. Un mur percé, une table SM, des plantes nombreuses, une musique diffusée à un niveau sonore parfait plongent les visiteurs dans une atmosphère dominée par l’érotisme. Une superbe piscine d’intérieur, également décorée avec goût, vient compléter le tableau et donne le sentiment de séjourner dans un lieu de détente, luxueux et propice à l’amour.


Nous plongeâmes avec délices dans l’eau un peu fraîche et entrecoupâmes nos brasses de baisers passionnés, heureux d’être là. J’étais nu. Ludivine portait un maillot, n’osant pas encore prendre la mesure du lieu dans lequel nous nous trouvions.


Après nous être habillés, nous rejoignîmes la salle de restaurant. D’emblée, nous fûmes frappés par la disposition des tables et leur taille. Pas de table pour deux ou quatre, mais de larges tables pour six à douze convives. Il restait quelques places libres autour d’une ample table ronde et nous nous y assîmes. Nos hôtes souhaitaient visiblement que le repas pris en commun aide les clients à faire connaissance. C’est ce que nous fîmes.


Ce fut une très curieuse expérience. Dialoguer de tout et de rien, de la pluie et du beau temps, en compagnie d’inconnus dont le principal but est de faire l’amour avec vous mérite d’être vécu. Il y avait cinq couples en dehors de nous, dont les âges allaient de trente à cinquante ans. Nous fûmes bientôt rejoints par un couple de sexagénaires qui occupèrent les places restées libres à la table. La conversation serait restée banale, chacun paraissant éviter d’engager un dialogue sur l’objet de notre présence commune en ce lieu, si Ludivine et moi n’avions commencé à interroger chaque couple sur ses attentes sexuelles pour la soirée à venir. Lorsque nous posâmes pour la première fois la question au couple qui nous faisait face : Et vous, quels plaisirs êtes-vous venus chercher ici ? il y eut un moment de flottement parmi les convives, les regards se firent interrogatifs, on eût dit qu’une incongruité venait d’être proférée, et puis les langues se délièrent et chacun se mit à raconter ses attentes. Cela nous permit de cerner plus facilement les caractères humains qui se présentaient à nous.


À la droite de Ludivine, il y avait un couple trentenaire, sympathique, sur son trente et un. Lui était chauffeur routier, elle, femme au foyer. Avec bonhomie et simplicité, ils racontèrent qu’ils souhaitaient ajouter du piment à leur couple (phrase qui nous fit frémir, Ludivine et moi), qu’ils franchissaient pour la première fois les portes d’un club, souhaitant trouver un couple partenaire. Nous les nommerons Roger et Hortense, car ils joueront un rôle dans la suite de ce récit. Ils nous firent part d’une expérience à trois qu’ils avaient faite avec un ami, expérience au cours de laquelle l’ami s’était révélé être un partenaire sexuel brutal, peu soucieux du plaisir d’Hortense. Ils avaient eu beaucoup de mal à faire ensuite comprendre à cet ami que leur conception de l’amour ne s’accordait pas avec ses manières, et ç’avait été la fin de leur amitié. Hortense et Roger avaient des physiques quelconques, tous deux étaient enveloppés et leurs visages avaient une carrure paysanne. Ludivine et moi notâmes qu’Hortense nous jaugeait avec intérêt et qu’elle voyait en nous des partenaires potentiels. De notre côté, nous jugeâmes qu’ils étaient les moins rebutants des convives présents et que, s’ils ne parvenaient pas à nous séduire, ils avaient pour eux la gentillesse et la simplicité.


Les autres couples présentaient l’association hélas ordinaire d’un homme macho, à l’aise, parlant beaucoup et d’une femme en retrait, plutôt effacée, habillée cependant de vêtements sexy, ou correspondant plutôt à l’idée que se faisait le beauf de mari d’un vêtement sexy.


Seuls les deux sexagénaires tranchaient gaiement. Le visage très souriant, parlant à voix forte, très réellement et sainement décontractés, ils racontaient leurs aventures avec verve et facétie. Ils avaient fait le tour des clubs de France et de Navarre. Leurs vacances se résumaient à des itinéraires dont les étapes étaient invariablement des lieux de plaisir sexuel. Lui avouait qu’à son âge, son plaisir était davantage de regarder sa femme subir les assauts d’autres partenaires. Rigolards, sémillants, parfaitement à l’aise et assumant leur sexualité extravertie, ils offraient le profil jouisseur, épicurien, heureux que l’on voudrait indissociable du libertinage.


Nous n’avons qu’un souvenir vague des plats qu’on nous servit. La nourriture n’était ni délicieuse, ni mauvaise. Les portions étaient mesurées. Mais il convient sans doute de ne pas trop alourdir les sportifs sexuels avant leurs exploits.


Nous retournâmes à notre chambre pour y faire un brin de toilette et nous apprêter pour la soirée. Les consommations prises nous avaient un peu enivrés et nous nous sentions moins inhibés. Lorsque nous rejoignîmes les salles du club, la soirée avait débuté. Les clients étaient nombreux et nous ne reconnûmes aucune des personnes de notre tablée. Pendant une heure, nous parcourûmes les lieux. Nous nous assîmes tout d’abord dans l’un des divans bordant la piste de danse. Sur le canapé qui nous faisait face, un groupe de trois hommes et une femme dialoguait avec gaieté. Sur la piste, une dizaine de danseurs évoluaient au son d’une musique disco. Normalement vêtus, leurs gestes étaient ordinaires, à l’exception de quelques déhanchements plus lascifs que d’autres. Certaines femmes portaient des bracelets phosphorescents aux couleurs vives : jaune, orange, bleu et nous pensâmes qu’il s’agissait là d’une mode ignorée de nous. Nous passâmes ensuite quelque temps au bar, puis nous nous installâmes à l’une des tables de zinc de la salle de billard. Enfin, nous parcourûmes les diverses pièces sans noter d’activité particulière.


Arrivés dans la pièce décrite plus haut, où trônait au centre, tentante, une couchette légèrement inclinée, je proposai à Ludivine de s’y allonger. Elle s’y installa, davantage, je crois, par facétie que par envie d’être allongée là. Je posai mes lèvres sur les siennes, puis je parcourus son visage de baisers. Je la trouvais si belle, comme toujours. Ses yeux et son sourire exprimaient l’amour et un mélange de sentiments qui me ravissaient. J’y lisais une excitation mêlée de gêne, de la pudeur mais aussi le plaisir de se savoir ainsi offerte. Je sus alors que la facétie avait cédé la place au désir et qu’elle voulait avec une assurance timide que je poursuive mes caresses.


Je continuai à baiser ses yeux, son front, ses sourcils dont j’aime sentir la résilience sous mes lèvres, son nez, son menton, puis son cou, le creux chaud de son oreille et mes mains parcoururent son corps. Dégrafant son corsage, je pris ses seins ronds dans mes mains, je sentis leur fermeté et leur tiédeur. Je pinçai doucement ses mamelons et je sentis les pointes de ses seins durcir, tandis qu’elle frottait sa main contre la bosse de mon pantalon.


Ludivine ferma les yeux. J’entendais à sa respiration la montée de son désir. Lorsque mes mains descendirent le long de ses jambes jusqu’à ses pieds et qu’elles remontèrent en retroussant sa jupe, elle eut un sursaut de gêne et voulut rabattre son vêtement. Elle ouvrit les yeux, constata qu’au seuil de la pièce des personnes nous regardaient et je vis dans son regard se succéder un saisissement pudique, l’envie de vite quitter cette position incongrue, puis la confiance lue dans mon regard, l’acceptation de poursuivre et enfin l’abandon au désir. Lorsque je soulevai à nouveau sa jupe, elle leva ses genoux et je sentis ses cuisses s’écarter et ouvrir à mes mains le chemin de son sexe.


Les yeux fermés, Ludivine défit ma ceinture, déboutonna mon pantalon, fit glisser mon slip et saisit ma verge. J’ôtai mes chaussures avec mes pieds, me débarrassai du pantalon qui tirebouchonnait à mes mollets et de mon slip, tandis qu’elle caressait mes couilles et l’intérieur de mes cuisses. Je me mis à l’embrasser follement, mon amour pour elle décuplé par son abandon sensuel et la décision qu’avait prise cette femme si intelligente, si subtile, si amoureuse, si pudique, si peu sûre d’elle, d’offrir notre amour et son corps à la vue et au désir des autres.


Je crois qu’à partir de ce moment ma perception devint floue, que l’environnement se fit presque indistinct, tant j’étais enivré du désir d’elle et de la folie du moment. Un moment, je relevai la tête et vis qu’un homme se tenait face à Ludivine. J’étais moi sur son coté. L’éclairage à contre-jour ne me faisait pas distinguer son visage, mais je savais qu’il nous observait et que son regard remontait les cuisses et la fente de mon aimée. À ma surprise, je me rendis compte que les mains de cet homme lui caressaient les cuisses. Depuis combien de temps était-il là, depuis combien de temps promenait-il ses mains sur elle, je ne le savais pas. Je regardai alors mon aimée, aux yeux toujours clos et je me demandai si elle savait que d’autres mains que les miennes parcouraient en ce moment son corps.


Cette interrogation paraît absurde. Mais à ce moment, j’ignorais vraiment si Ludivine avait conscience que la caresse sur ses cuisses était étrangère. Je la vis entrouvrir les yeux, constater la présence de cet homme et refermer ses paupières. L’idée qu’elle acceptait cette présence, qu’elle pouvait désirer que je la voie ainsi sous les caresses d’un autre, qu’elle pouvait être excitée par cela, par mon regard, par la connaissance qu’elle avait de mon excitation, accrut incroyablement mon désir. Comme je la respectais alors pour son audace amoureuse, comme je sentais que notre amour, qu’un amour qui pouvait accepter le désir des autres comme un ingrédient de notre propre désir, était immense.


Reportant mon regard sur l’homme, je vis qu’il s’était approché plus encore, et que sa main frôlait la fente de mon amoureuse. À un mouvement interrogatif de sa silhouette, je compris qu’il nous demandait la permission d’aller plus loin. Je penchai mon visage sur l’oreille de Ludivine et lui demandai si elle permettait que l’homme fouille son sexe. Elle ne me répondit pas, mais j’entendis sa respiration s’accélérer. Je replongeai alors dans ma fièvre de baisers et lorsque ma main descendit à son sexe, je sentis que les doigts de l’homme allaient et venaient dans son vagin. Les sentiments que j’eus alors étaient mélangés. Je glissai mes propres doigts dans la vulve de mon aimée, les frottant contre ceux de l’homme. C’était étrange. Mon excitation était intense à l’idée que les doigts de deux hommes se conjuguaient pour donner du plaisir à celle que j’adore. En même temps, je ne pouvais m’empêcher d’être vaguement irrité par l’audace de cet inconnu. J’avais aussi le sentiment qu’une partie de mes gestes était empêchée, que ce sexe que je connais si bien, que j’aime tant honorer ne m’était pas totalement accessible, que je ne pouvais prodiguer toutes les caresses désirées, que j’étais privé, enfin, d’une partie des moyens dont j’use pour conduire mon aimée au plaisir. Qu’il fallait partager. Et ce dernier sentiment n’était pas agréable. Mais l’excitation de Ludivine était si visible, ses gémissements accompagnant les mouvements de l’homme si profonds, la situation si troublante, que le plaisir fut prédominant. Je crois ne rien aimer davantage dans la vie que le plaisir de la femme qui m’est tout.


J’ai un souvenir flou des minutes qui suivirent. J’étais plongé dans l’amour de mon aimée. À l’entrée de la pièce, des hommes et des femmes s’arrêtaient, nous regardaient, puis poursuivaient leur chemin. À un moment, je me rendis compte que l’homme n’était plus là. Quelques instants après, je vis Ludivine, qui s’était assise, en conversation avec un couple. Elle se tourna vers moi et me demanda si je souhaitais poursuivre nos caresses avec eux. C’est alors seulement que je reconnus Hortense et Roger. J’acquiesçai. Je vis le couple se dévêtir consciencieusement et, très bizarrement, plier et poser soigneusement ses habits sur la couche la plus proche. On aurait dit qu’ils se dévêtaient dans la cabine d’une piscine, ou dans leur chambre accoutumée et qu’ils ne laissaient pas la situation empiéter sur leurs habitudes.


Ludivine, qui s’était mise entièrement nue, s’allongea sur la couche. J’étais à sa gauche, à hauteur de son visage, nu également. À mon côté gauche, Hortense se trouvait à hauteur de la foufoune de ma chérie. Roger était face à elle, à la droite de Ludivine. Le couple et moi commençâmes à caresser le corps offert de ma belle. Son visage était éclairé par un sourire de contentement, presque de ravissement et voyant que je la regardais, elle me dit qu’elle trouvait bon d’être ainsi caressée par toutes ces mains. Son regard était empli de désir et d’amour. Comme j’avais mes deux mains sur sa poitrine, elle en prit une et la guida vers le corps d’Hortense, et son regard me dit qu’elle voulait me voir caressant cette femme. Je laissai alors ma main parcourir le dos et les fesses d’Hortense, mais je ne la regardai pas. Je n’avais d’yeux que pour Ludivine et l’excitation que je lisais dans les siens. La main gauche de mon amoureuse allait et venait entre ma verge et l’intérieur des cuisses d’Hortense. Cette dernière arquait son pubis en écartant un peu les cuisses pour que les doigts de Ludivine trouvent sa chatte. Bientôt Hortense saisit ma verge de la main droite et me masturba, tandis que sa main gauche effleurait le pubis de Ludivine et rejoignait les doigts de Roger, qui se promenaient sur ses lèvres et son clitoris. La main droite de mon aimée glissait lentement sur la queue de Roger, les doigts en cercle. Je voyais mon amoureuse irradier de plaisir et mon excitation devenait intense. Je ne désirais ni Roger, ni Hortense et c’est, je le confesse, un peu mécaniquement que je prodiguais des caresses à cette dernière. Mon désir était concentré sur Ludivine, mes mains revenaient constamment à elle, et c’est avec un léger regard de reproche que Ludivine reprenait à chaque fois ma main pour la porter sur Hortense. Il fallait donner autant que nous recevions et mon désir ne devait pas ignorer la courtoisie, semblait-elle me dire.


Mon excitation avait atteint son comble et, sous la caresse de Ludivine, j’éjaculai. Ce fut alors, dans mon esprit embrumé, un total retournement de sentiment. Mon sexe se recroquevilla presque instantanément. Hortense, qui s’en était emparée, le masturbait très vigoureusement, et son mouvement rapide, mécanique, dénué de sensualité m’était douloureux et désagréable. Lorsqu’elle cessa son va-et-vient tubulaire, Ludivine reprit ma verge dans sa main. La vue de ses deux mains, l’une caressant mes couilles et mon membre devenu minuscule, tandis que l’autre allait et venait sur le sexe en érection de Roger m’emplit d’une soudaine honte et d’un dégoût pour moi-même. Je me disais qu’elle pouvait, dans le même moment, constater la virilité d’un inconnu et ressentir l’absence de la mienne, qu’elle avait d’un côté le plaisir de masturber un membre gonflé, qui emplissait sa main et que de l’autre, elle n’avait qu’un membre sans réaction. Si, à ce moment, elle m’avait regardé avec compréhension, avait saisi mon trouble, elle aurait pu d’un sourire normaliser ma défection, lui rendre la dimension minuscule d’un incident prévisible dans une soirée infiniment excitante. Mais elle paraissait absorbée par le plaisir, indifférente à mon absence d’érection, largement compensée par la multiplicité des caresses qu’elle recevait.


Je ressentis alors une nausée, mêlée de panique. Une crainte terrible m’envahit. Je me disais que notre amour allait se fissurer ici. Nous qui ressentions tout en commun, qui avions eu si souvent le sentiment d’être en télépathie, de vivre et d’analyser les situations avec une totale similitude, étions là confrontés à une différence. L’expérience de l’amour avec un autre couple la comblait manifestement totalement, alors que j’en ressentais du chagrin. Nous nous étions proposés ensemble de goûter aux plaisirs de l’amour pluriel, et voilà que Ludivine y trouvait un plaisir immense et moi pas. Il faudrait à l’avenir soit que nous renoncions à ces plaisirs là, soit que nous les vivions séparément. Et l’idée que je pourrais refuser ou interdire à la femme chérie un plaisir si fort m’était insupportable. Je me suis même dit, tant mes sentiments étaient affolants à ce moment, que c’était là le début de la fin de notre amour. Qu’ayant découvert le plaisir pluriel et constatant que je n’étais pas en mesure de l’y accompagner, elle finirait par me quitter pour vivre les délices nouvellement découverts avec un partenaire plus endurant, physiquement et mentalement.


Ne voulant pas gâcher le plaisir de mon amoureuse, qui n’avait rien perçu de mon trouble, je poursuivis mes baisers et mes caresses. La demi-heure qui suivit fut l’une des plus dures de ma vie. Pendant que je paniquais intérieurement sur ce que je croyais irréparable, je continuai de sourire extérieurement et fis semblant de trouver du plaisir. Que n’aurais-je donné alors pour être projeté loin de ce lieu, n’y être jamais allé, n’avoir jamais connu cette expérience, et me retrouver assis aux côtés de ma belle, à regarder n’importe quel film à la télévision !


Vous qui lirez ce récit, aurez sans doute beaucoup de mal à comprendre le dégoût que je ressentais en promenant mes mains sur la chatte et le cul d’Hortense, sur ses seins, comme le commandait le désir de Ludivine. Il y a sans doute du comique dans l’idée qu’un homme vive un supplice à caresser le corps d’une femme, mais celle-ci était tellement éloignée de mon désir et de mes pensées.


Je continuai donc de baiser le visage de mon amoureuse et d’encourager son plaisir par mes paroles. Roger s’était agenouillé et promenait sa langue sur la fente de Ludivine, lui titillant le clitoris. Hortense l’aidait à en tenir les lèvres écartées. Les caresses qu’Hortense prodiguait aux seins et aux cuisses de Ludivine avaient un côté léger et retenu, qui démontrait qu’elle n’avait pas de vraie tendance lesbienne. Je sentais qu’elle attendait de moi des caresses plus convaincues, moins distraites et qu’elle devait en concevoir un léger agacement. Je ressentais, mais avec une force infiniment plus grande, le même sentiment d’empêchement et de restriction que j’avais connu lorsque l’homme inconnu fouillait la chatte de Ludivine une heure plus tôt. Seuls la poitrine, le cou et le visage de ma chérie m’étaient accessibles. Lorsque mes mains descendaient vers son aine, elles y rencontraient le barrage d’autres mains. Son clitoris, sa vulve, son anus m’étaient inaccessibles. Un autre que moi léchait sa fente. Je me sentais presque totalement privé des moyens de donner du plaisir à mon aimée. Comme si je devais rester à la périphérie de la sphère où régnait son plaisir. Comme si je n’étais plus indispensable à son désir, que d’autres s’en occupaient, et s’en occupaient bien. Comme si, en somme, j’étais un parmi d’autres à partager l’intimité de mon amoureuse.


Roger s’était relevé et son sexe semblait pointer vers la vulve de Ludivine. Je dis alors, aussi distinctement que je le pus, mais même mon élocution me paraissait brouillée :



Curieuse phrase. Je la répétai, car il me semblait que l’orientation du corps et du pénis de Roger préparait la pénétration. Il se remit alors dans sa position initiale, sur le côté droit de la couche, mais ses cuisses touchaient celles de Ludivine et sa verge était au-dessus de son nombril. Hortense, face à lui, le masturbait. Elle avait l’intention évidente de le faire éjaculer sur le ventre de mon amoureuse. Cette idée m’horrifia, non seulement parce que je vivais un profond trouble, mais aussi parce que j’imaginai son sperme, coulant sur le ventre et l’aine de Ludivine, gouttant le long de sa chatte, et l’idée que son foutre pénétrerait dans le vagin de ma chérie réveilla en moi la peur du sida.


Ce qui mit fin à mon calvaire furent les propos incroyablement déplacés qu’échangèrent alors Hortense et Roger. Ils reprenaient les mots qui devaient leur être familiers en amour, mais dont le côté pratique, dans la digne lignée des vêtements sagement pliés et rangés plus tôt, jeta une lueur comique, qui rompit l’enchantement du plaisir que vivait Ludivine.



Gloussements.



Cet échange de propos suscita l’agacement stupéfait de Ludivine, mais ce sentiment fut vite chassé par une onde d’hilarité et je retrouvai la complicité de ses yeux amusés. Ludivine se leva alors et proposa à Hortense de prendre sa place sur la couche, en arguant de la réciprocité dans le plaisir. Hortense ne se le fit pas dire deux fois. Son attitude disait clairement qu’elle avait trop longtemps attendu son dû et qu’elle entendait bien exercer tous ses droits.


Je me souviens peu de la suite immédiate. Toutefois, je sais que nous ne sommes pas restés longtemps. Mon chagrin était toujours aussi profond et, le plaisir de Ludivine n’étant plus en cause, je la pressai de nous éloigner de ce couple. Elle me reprocha d’être discourtois. Je mets cette volonté de courtoisie et de réciprocité au premier rang des qualités de ma bien-aimée. Elle illustre bien sa profonde justice, sa bonté et son respect d’autrui. Il y avait en même temps quelque chose d’irrésistiblement comique à entendre la femme qu’on aime vous dire :



Mais elle dut lire dans mes yeux que quelque chose n’allait pas et nous quittâmes cette pièce. Tout en déambulant, je racontai du mieux que je pus mes sentiments. Ludivine décida alors que nous devions rejoindre notre chambre. Là, je fus plus explicite. Je la vis tomber des nues. Elle m’adressa alors le plus beau reproche qui soit :



Elle me rappela aussi que nous nous étions promis lors de notre voyage aller d’abandonner tout essai qui ne nous conviendrait pas à tous deux, qu’aucun de nous ne devait se sentir forcé.



Elle était sincèrement stupéfaite et mécontente de ce que je lui aie caché mes sentiments de panique et de nausée. C’est ce genre de réactions qu’elle peut avoir en toutes circonstances qui me font l’aimer chaque jour un peu plus. Je la pris dans mes bras et nous nous embrassâmes longuement et passionnément. Elle me dit qu’elle ne souhaitait plus retourner dans les salles du club. Mais, en dépit de son amour, de sa totale sincérité, je ne pouvais lever le couvercle lourd et sombre qui recouvrait mon esprit. J’étais profondément perturbé et malheureux et je savais que ce trouble ne disparaîtrait pas en quelques minutes, ni même en un jour. Je repensai au cours de natation que je suivais étant petit. Un jour un garçon plus fort que moi m’avait maintenu la tête sous l’eau. Et pendant quelque temps, je m’étais refusé à retourner à la piscine et j’avais en tout cas abandonné les cours. Je m’étais toujours dit que si j’avais plongé dans le bassin immédiatement après avoir essuyé cette bagarre, j’aurais vaincu la panique qui m’avait submergé et j’aurais poursuivi les cours de natation. C’est pourquoi je décidai qu’il fallait retourner dans les salles de la F. et tenter de substituer une expérience positive au traumatisme psychologique que je venais clairement de vivre. Je craignais sinon de devoir à tout jamais abandonner l’idée d’explorer le libertinage avec mon amoureuse. Et je ne voulais pas, et je ne voudrai jamais, que quoi que ce soit puisse interdire à notre amour de lever tous les tabous et de rechercher tous les plaisirs.


Je savais aussi que Ludivine avait goûté un réel plaisir, même si elle n’avait pas atteint l’orgasme. J’avais compris qu’une part cachée d’elle-même s’était dévoilée dans cette soirée. Que sa pudeur provenait d’un manque d’assurance, mais qu’elle avait en elle l’envie profonde d’être vue, de séduire. Qu’en un mot, l’exhibitionnisme et le voyeurisme lui allaient bien. Elle se sent trop ronde et croit que son corps n’est alors pas séduisant. Moi, je la trouve infiniment belle, j’aime ses rondeurs. Tout en elle est tendu, ferme, plein. J’aime sa cambrure, j’aime son ventre. Lorsque je parcours son corps de mes mains, je ne sens aucune mollesse, aucun relâchement, aucun lymphatisme. Tout son corps est ferme, dynamique. J’aime la regarder, je sais qu’elle aime que je la regarde. J’aime quand elle se met à quatre pattes et m’offre la vue de son beau cul, quand elle le remue sous mes yeux et qu’elle se caresse. Je découvrais que ce plaisir qu’elle a à me montrer ses appas naît d’une envie plus profonde d’être aimée, regardée, montrée, désirée.


Cette soirée nous apportait deux révélations : je n’étais pas sûr de moi et de ma virilité, Ludivine aimait sentir sa séduction. Je crois que toute notre vie est un apprentissage de nous-même. Dans notre vie sexuelle, cela est encore plus vrai. Combien d’années nous faut-il pour connaître pleinement les situations et les caresses qui déclenchent le plus profond plaisir ! La vérité exhibitionniste de Ludivine ne devait pas être gâchée. Tout plaisir nouveau est bon à prendre. Je devais l’aider à accepter cette vérité nouvelle, afin que, nous connaissant mieux, nous décuplions notre plaisir.


Il me fut difficile de convaincre Ludivine de retrouver la foule échangiste. Mais nous y retournâmes, non sans nous être munis du petit vibreur, qui seul procure invariablement un orgasme à mon aimée.


Pendant notre absence, les désirs s’étaient déliés et les couches de la F. étaient couvertes de corps nus. Des groupes de trois, quatre, cinq personnes faisaient l’amour. Nous déambulâmes longuement et lentement parmi les soupirs et les gémissements. Nous nous arrêtions parfois pour mieux voir les mouvements des corps. Ludivine me demanda :



Je lui répondis que je ne ressentais pas de gêne, mais pas de plaisir particulier non plus à ce spectacle.



Dans une salle en bout du couloir, qui présentait un décrochement, une femme était assise sur les genoux d’un homme, face à lui, et les mouvements de son bassin montraient qu’il la pénétrait. Nous passâmes tout près d’eux pour voir ce qu’il y avait derrière le décrochement. Il n’y avait rien, mais en retournant sur nos pas, nous les frôlâmes. J’arrêtai le pas de Ludivine et je pris sa main. Je souhaitai qu’elle et moi caressions le dos et le cul de cette femme pendant qu’elle chevauchait son amant. Ludivine ne l’a pas voulu, trouvant déplacé que nous touchions un corps sans en avoir auparavant demandé la permission à sa propriétaire.


Il y avait un peu plus loin dans le couloir une couche libre. Nous nous y assîmes et commençâmes à nous embrasser. Nous quittâmes ensuite nos vêtements et nous allongeâmes sur la couche étroite, nus l’un contre l’autre. Puis je me levai et commençai à lécher la chatte de mon amoureuse, tandis que mes mains caressaient ses seins et ses cuisses. Nous étions dans un lieu de passage. Des corps nous frôlaient. Derrière nous, deux femmes se léchaient en soixante-neuf, tandis qu’un homme agitait sa bite, tout en les caressant et les regardant. C’était bizarre de faire l’amour ainsi dans ce couloir. Un moment, deux couples se mirent à dialoguer. Ils étaient à cinquante centimètres de nous, debout et devisaient gaiement de choses et d’autres. Je me demandai quand ils prendraient conscience de notre présence et demanderaient à participer à nos jeux. La chatte et les cuisses ouvertes de Ludivine leur étaient visibles et j’éprouvais un certain plaisir à ce que le corps si tentant de ma chérie soit présenté de la sorte à leur désir. Mais ils venaient sans doute d’achever leurs ébats et notre présence leur était indifférente. Imaginez-vous nus et faisant l’amour en plein cœur d’une galerie marchande, parmi des badauds qui paraissent ne pas vous voir, et vous aurez une petite idée de l’étrangeté de la situation.


Nous ne parvenions pas réellement au plaisir. Ludivine me dit que le passage des personnes dans le couloir la mettait un peu mal à l’aise. Quant à moi, je n’arrivais pas retrouver d’érection. Ni la situation d’exhibitionnisme où nous nous trouvions, ni la vue et la proximité des groupes en action ne parvenaient à lever le blocage où m’avait conduit la première partie de soirée.


Il y avait face à nous une pièce, masquée par un rideau. Ludivine m’y conduisit. Nous débouchâmes sur une petite salle, faiblement éclairée, comportant trois couches. Les couchettes de la paroi gauche et du coin droit opposé à l’entrée étaient occupées par des couples. Il restait une couche libre juste à notre droite et nous nous y installâmes. L’expérience que nous connûmes là, celle de l’amour côte à côte, fut la plus sereine de la soirée et, pour moi, la plus satisfaisante. L’exiguïté de la pièce, l’absence de passage, la proximité des corps créaient une intimité calme. Au bruit des conversations à voix claire du couloir s’était substitué le silence des soupirs, des doux gémissements si proches de nous, des corps qui se déplacent, se déplient, se mélangent.


Entre deux caresses, nous regardions les deux autres couples. À droite, une femme debout, les cuisses écartées, offrait sa fente aux coups de langue de son amant assis sur la couche. Puis ils inversèrent leurs places et elle lui prodigua une longue fellation. On entendait le bruit que faisaient ses lèvres en glissant sur la tige de l’homme, celui de la déglutition, de l’éclatement des bulles de salive. À gauche, une femme agenouillée suçait un homme assis le dos à la cloison. La position de la femme mettait en valeur son cul rond et large. Le string bleu qu’elle avait conservé, et dont la lanière marquait la raie de ses fesses, rendait plus excitante encore la vue de ses deux globes. Un homme noir qui les avait rejoint caressait ces sphères d’une main et se branlait de l’autre. On voyait bien qu’il ne pouvait détacher son regard du cul tendu et offert.


Un peu plus tard, il recouvrit sa verge d’un préservatif et se mit derrière elle. Il écartait le string et promenait sa verge dans la raie des fesses. Puis il la pénétra lentement. Il pointait sa verge à l’entrée du vagin, l’y enfonçait de quelques centimètres, la retirait, promenait son pénis sur les fesses rondes, replongeait dans le vagin et recommençait. Le manège de cet homme était très excitant. Les mouvements de cul de la femme semblaient précéder les pénétrations de l’homme. On voyait ce cul se tendre, se déplacer à gauche, à droite, rechercher le pénis à chacune de ses sorties. Le rythme des pénétrations devint plus régulier. On entendait le clapotis du vagin humide, la succion, le glissement de la verge. La femme avait aussi accéléré la fellation. Elle avait ses deux mains à la base du sexe de l’homme assis et sa bouche allait et venait au rythme de la pénétration. Puis elle retira l’une de ses mains, qu’elle posa sur ses fesses et agrippa son propre cul comme pour l’écarter encore plus. Ses doigts glissèrent ensuite jusqu’à son petit trou qu’elle se mit à frotter. L’homme noir avait interrompu sa pénétration et regardait les doigts de la femme autour de son anus. Son sexe glissa à nouveau dans la raie des fesses, s’arrêta sous les doigts de la femme et, lentement, s’inséra dans le petit trou offert, excité et sollicité.


Ludivine et moi étions très excités, mais je dois dire que cette excitation ne m’avait pas rendu d’érection digne de ce nom. J’hésitai longtemps avant de mettre en marche le petit vibreur, craignant que le bruit du minuscule moteur ne rompe la sensualité des lieux. Mais je le fis et le tendis à Ludivine, qui se mit à le promener sur son clitoris. D’une main, elle tenait écartées les lèvres de sa chatte et l’autre, immobile, maintenait le vibreur sur son petit bout. Pendant qu’elle se masturbait, je la couvrais de baisers et de caresses, sur son visage, dans son cou, sur ses seins, à l’intérieur de ses cuisses. J’insérai un doigt, puis deux dans sa fente et je massai doucement le haut de son fourreau, avec un léger mouvement de va-et-vient. Je sortis mes doigts, les léchai pour goûter son intimité et la pénétrai à nouveau. Ensuite, je mouillai mon majeur, caressai en cercle son petit trou et je finis par glisser mon majeur dans son anus et mon index dans son vagin. Cette double pénétration m’excite et je sais qu’elle en tire aussi du plaisir. J’aime à sucer le doigt que j’ai introduit dans son anus. Je crois que, si ma langue pouvait pénétrer en elle, j’aimerais la lécher à l’intérieur. De l’autre main, je masturbai mon sexe indolent.


Nous passâmes une heure, peut-être deux, ainsi. À la fin, nous étions seuls dans cette petite pièce et nous décidâmes de rejoindre notre chambre pour la nuit. Nous fîmes un dernier tour du club qui commençait à se vider. L’éclairage était plus vif et nous pûmes lire une des affiches accrochées au mur d’entrée. C’est ainsi que nous apprîmes que les bracelets phosphorescents que nous avions remarqués au bras des femmes en début de soirée répondaient à un code. Le jaune signifiait : je suis ouverte à l’amour avec des couples, le bleu avec des hommes, l’orange, avec d’autres femmes. C’était décevant de constater qu’ici aussi, dans ce lieu magique, on organisait, comme au E. & L., le marché de la femme.


Arrivés dans notre chambre, nous reparlâmes de la soirée. L’expérience de l’amour côte à côte m’avait un peu rasséréné et j’avais retrouvé le sourire. Je savais cependant qu’au fond de moi je restais perturbé, comme en avaient témoigné mes érections approximatives. Peut-être pour se mettre au diapason de mon trouble, Ludivine semblait relativiser les plaisirs qu’elle avait connus ce soir-là.


Chaque fois que nous avons goûté à la pluralité, ou à l’exhibitionnisme virtuel de NetMeeting, et quels qu’aient été l’excitation et le plaisir connus avec d’autres partenaires, nous avons, Ludivine et moi, ressenti le même besoin de nous retrouver seuls et de faire l’amour passionnément. Cette constatation que l’amour avec d’autres amplifiait encore notre désir mutuel est profondément rassurante. Elle signifie que nous prenons les partenaires extérieurs comme des auxiliaires, des instruments de notre désir. Elle nous prouve que nous ne recherchons pas la diversité des expériences pour assouvir nos fantasmes individuels ou notre envie de connaître de nouveaux amants, mais pour accroître encore le plaisir que nous voulons nous offrir l’un à l’autre. Elle nous dit que nous sommes profondément amoureux l’un de l’autre. C’est ainsi qu’après cette longue soirée d’amour pluriel, nous nous sommes enlacés et avons passionnément caressé nos corps jusqu’à ce que le sommeil nous prenne.


Le lendemain, nous rejoignîmes la salle de restaurant pour un copieux petit déjeuner. Nous étions affamés. Nous étions seuls à notre table et deux autres tables seulement étaient occupées par des convives. Les bribes de conversation entendues portaient sur des projets de loisir :



Bref, des conversations ordinaires, dans une salle de restaurant ordinaire, où seules les peintures érotiques accrochées au mur venaient rappeler que nous nous trouvions dans un établissement libertin.


Pendant les dix jours qui suivirent notre retour, je restai profondément troublé. Mes érections étaient molles. J’avais perdu mon assurance. J’étais convaincu d’être un piètre amant. Je craignais que Ludivine change le regard qu’elle portait sur moi, qu’elle se lasse de mon sexe sans vigueur. Nous avions de longues conversations, allongés côte à côte dans notre lit. Après l’amour, je lui demandais :



Et, comme la sincérité est l’une de ses plus belles qualités, elle me répondait :



C’était idiot, mais ces réponses-là accroissaient mon chagrin. Je me disais : Elle a pleinement conscience de ton insuffisance, elle s’en rend compte ! comme si j’avais attendu qu’elle me réponde plutôt : Non, mon amoureux, ton sexe est dur comme un bâton, je suis tellement aveuglée par mon amour pour toi que je ne me rendrais sans doute pas compte de tes difficultés à bander. Comme on est sot parfois, lorsqu’on doute de soi !


Dans l’esprit de Ludivine, les choses étaient plus simples. Elle essayait de considérer cette difficulté d’érection de mon point de vue. Mais mes bandaisons incertaines ne constituaient pas un souci pour elle. Mes mains, ma bouche, mes caresses, le vibreur, mon amour, mon sexe même mou la faisaient parvenir à l’orgasme. Bien qu’elle ait connu de nombreux autres hommes avant moi, ce n’est que dans mes bras qu’elle avait, pour la première fois, atteint le plaisir suprême - je reviendrai sur cela à un autre moment de ce récit. Aussi, ce qui à mes yeux constituait un énorme problème pratique n’était-il aux siens qu’une difficulté psychologique passagère de son amoureux.


Petit à petit, au fil des conversations et de mes longues introspections, je finis par comprendre ce qui m’était arrivé. Je compris que ce week-end à la F. avait provoqué l’éruption d’un doute très ancien, et que le manque de confiance dans mes talents d’amant et dans ma capacité de séduction s’était accumulé, comme un magma au plus profond de moi, au cours des expériences amoureuses et des longues années ayant précédé ma rencontre avec Ludivine. C’est le fruit de cette introspection qui m’a finalement libéré de mon manque d’assurance, que je livre dans le chapitre suivant du récit.


Mais avant de tourner la page, je voudrais parler des sentiments de Ludivine au sujet de l’expérience vécue à la F.. Le lecteur aura compris qu’elle avait trouvé un vif plaisir dans l’amour pluriel. Si j’avais perdu momentanément mon assurance en moi, elle avait à l’inverse découvert, ou redécouvert, le sentiment de sa propre séduction. Elle avait aimé être offerte, désirée, vue. Elle avait éprouvé du désir dans le voyeurisme. Elle avait goûté l’amour côte à côte. Mais au fur et à mesure que passaient les jours, deux sentiments contradictoires s’étaient développés dans son cœur. Le premier de ces sentiments était l’excitation, à l’évocation de cette soirée. Le deuxième était un sentiment de dégoût, focalisé sur l’homme inconnu qui l’avait caressée. Elle n’arrivait pas, après coup, à comprendre comment elle avait pu laisser un étranger fouiller sa plus profonde intimité. À l’idée qu’un homme dont elle ne savait rien, dont même les traits du visage lui resteraient à jamais inconnus, ait pu caresser son fourreau et lui donner du plaisir, Ludivine était gagnée par la honte.


Aujourd’hui encore, lorsque nous repensons à cette expérience, ce sont ces mêmes sentiments mêlés d’excitation et de dégoût pour soi qui traversent mon amoureuse. Tout en elle, son éducation, son histoire, sa conception de l’amour s’opposent à l’idée qu’un inconnu, peut-être bête, peut-être laid, peut-être malsain ait pu sans aucune présentation, ni dialogue préalable, pénétrer son intimité et lui donner du plaisir. Surtout cela, le plaisir. Un plaisir entaché de honte.

C’est peut-être pour cela que nos recherches de partenaires sont si ardues. Nous avons de longues conversations sur les chats de rencontre. Dès qu’un interlocuteur présente les traits de la bêtise ou qu’il apparaît insuffisamment doué d’humour, Ludivine le rejette. Il faut que l’homme ou la femme que nous recherchons pour nos trios ait de grandes qualités d‘esprit, de la finesse, qu’il ne se montre pas trop empressé à nous rencontrer pour qu’une rencontre soit envisagée. Alors, un parfait inconnu…


Je l’aime, j’aime cette femme. Je l’ai dit déjà bien souvent. Je le redirai encore mille fois.