Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 12600Fiche technique57524 caractères57524
Temps de lecture estimé : 33 mn
29/05/08
Résumé:  Sara est une jeune femme ayant atteint ce que l'on appelle l'âge de découverte. Désireuse de découvrir le monde à sa façon, elle traverse la forêt qui délimite les terres de son village, sans savoir ce qui l'attend dans ces bois...
Critères:  f fantastiqu merveilleu
Auteur : Emeline_wz  (Majeur depuis peu et aimant écrire)      

Série : La légende de Sara

Chapitre 01
La légende de Sara: le départ

Un bien beau matin que ce jour-là… Un matin comme les autres, en somme ! Cela commençait d’abord pas un soleil timide qui répandait des couleurs brûlantes et tremblotantes sur le monde. Puis, petit à petit, c’étaient des éclats de lumière chaude et agréable qui venaient faire revivre les plantes, les arbres, les animaux, toutes ces petites créatures qui étaient restées en hibernation le temps d’une nuit. Seulement, à cette époque de l’année, les nuits se faisaient plus longues que les journées… oui, bien plus longues ! Sur les Terres Aponiennes, une journée normale équivalait à deux journées complètes dans le monde des humains. Mais ceci n’est qu’une légende comme une autre… la Légende de Sara !



Profitant de l’arrivée d’une brise légère et froide, un petit oiseau au plumage rouge sautilla le long de sa branche d’arbre avant de prendre son envol, s’élevant à tire d’ailes sous le regard bienveillant du soleil levant. Plusieurs de ses camarades le suivirent, créant une marée « noire » d’un rouge éclatant, comme un deuxième astre solaire. Ces oiseaux, c’est bien connu, passaient leurs nuits accrochés en masses sur les branches des arbres, leurs griffes plantées dans le bois et la tête en direction du sol, un peu comme le faisaient les chauves-souris grises de minuit.


Le jour, comme ce matin, ils s’élevaient dans les airs avant que le groupement ne se fende, tandis qu’ils se dispersaient dans le ciel dans toutes les directions possibles… Les Aponiens appelaient cela « l’explosion matinale », annonciatrice d’une très belle journée ensoleillée. Une de ces petites créatures pourpres bifurqua vers l’Est, survolant un village Aponien encore endormi. Leurs maisons, faites de bois, de paille et parfois de pierres, se ressemblaient toujours dans ce type de village commun. Pourtant, l’oiseau rouge en chercha une différente des autres, recouverte de lierre fleurissant. C’était là-bas qu’il avait l’habitude de prendre son petit déjeuner. L’ayant enfin repérée, et constatant que les courants aériens ne lui étaient plus favorables, il amorça sa descente, sentant l’air froid lui secouer les plumes rougeâtres. Tiens, il y avait déjà un des hommes du village qui était bien éveillé. Tout en décrivant un cercle, le temps de pouvoir se poser, il observait cet homme aux poils longs sur la tête qui était occupé à faire la cueillette des grosseilles-rosées.


L’homme aperçut l’oiseau et lui fit un geste de bienvenue de la main, tandis que l’intéressé répondait par un piaillement joyeux. Ces Aponiens… toujours aussi polis avec les oiseaux rouges ! Mais il en oublia bien vite cet homme, repérant sur un appui de fenêtre de la « maison au lierre » que le petit-déjeuner était servi ! Ses pattes rencontrant la surface de bois de ce rebord, l’oiseau contempla d’un air ébloui les minuscules graines bleues qui étaient éparpillées sur l’appui de fenêtre, celle-ci étant par ailleurs fermée.


Ne voulant pas faire attendre ce festin, il picora un premier grain, constatant avec tristesse que c’était tiède et donc moins bon… mais peu importe, ça ferait l’affaire ! C’était délicieux, ça fondait dans le bec et surtout… surtout, ça ne faisait pas grossir ! Est-ce qu’un pareil bonheur pourrait durer comme cela ? Non, bien sûr que non ! La fenêtre s’ouvrit brusquement, alors que le pauvre oiseau se prenait l’un des battants de plein fouet. Il fit un vol plané aérien avant de retomber sur un lit d’herbes par terre, comme un vulgaire détritus. Il aurait pu se croire mort s’il n’avait pas senti une étrange pluie s’abattre sur son plumage tout ébouriffé, avec des gouttes aussi solides que… des graines !


Catastrophé, il fit un bond pour se remettre droit sur ses pattes et pour constater le carnage : tout son bon repas était dispersé par terre, recouvert par la poussière du sol. Ce n’était plus mangeable, c’est certain… Ô rage, ô désespoir ! « Mais qui avait fait ça ? Qui avait osé commettre ce crime impardonnable ? » pensa l’oiseau, tandis qu’il sautillait en tous sens, devenu fou à cause de cette perte inimaginable. Une voix fraîche et féminine hurla sous ce beau matin… plus si beau désormais !



Alors c’était cette maudite femme, la tueuse de graines ? D’un coup furieux de battements d’ailes, l’oiseau rouge eut tôt fait de revenir vers la fenêtre, désormais ouverte. La jeune fille qui avait appelé son père regarda avec surprise le petit volatile qui lui jetait des piaillements furieux, sautillant d’une patte sur le rebord de la fenêtre comme un danseur ivre.



De plus en plus scandalisé, l’oiseau ébouriffa son plumage rouge, prit une grande inspiration et cracha un « PIOU » sonore et strident. La morale disait qu’il ne fallait pas jouer avec la nourriture… mais là c’était un véritable gâchis ! Un affront ! Un attentat même !



D’un geste de la main, elle dispersa de nouvelles graines sur le rebord en bois… seulement, ces graines étaient noires, odorantes, bien plus grosses et surtout immangeables ! Des cailloux ! La jeune fille fut de plus en plus étonnée, la tête légèrement en arrière alors qu’elle subissait l’attaque d’un minuscule oiseau qui voletait à quelques centimètres de son nez, lâchant une flopée de jurons en langage oiseau.



Cherchant quelque chose à l’intérieur de la maison au lierre, elle en revint avec un minuscule sac, pas plus gros qu’un pouce et fermé avec une ficelle. L’oiseau rouge s’en empara d’une patte et s’envola sans demander son reste. Promis, juré : il ne viendrait plus prendre son petit-déjeuner chez Sara La Folle !


Sara regarda l’oiseau rouge qui s’enfuyait avec son bien, sans même un « PIOU » de remerciement. Ils étaient tous pareils, faisant la courbette avant le repas, et une fois servis, se tiraient comme de vulgaires voleurs ! Mais peut-être qu’elle aurait dû faire un peu plus attention en ouvrant la fenêtre… Bah, peu importe : quand c’est fait, c’est fait ! Il y avait un problème bien plus préoccupant de toute façon !



Au moins, cela lui laisserait plus de temps pour se préparer ! Sara referma les deux battants de la fenêtre puis traversa le salon au pas de course, gravissant quatre à quatre les escaliers qui menaient à sa chambre. Sa porte s’ouvrit à la volée avant de se refermer d’un claquement sec, tandis que la jeune Aponienne se regardait dans la grande glace, fabriquée avec de l’obsidienne des volcans blancs, et qui représentait sa fierté personnelle. Elle y vit le reflet d’une jeune fille ayant atteint ses dix-huit printemps la semaine dernière, avec un sourire éclatant dessiné sur ses lèvres. Ses cheveux, aussi sombres que la nuit même, étaient tous décoiffés, s’éparpillant devant son visage et sur les côtés, lui donnant l’air de paysanne que sa famille était. Mais ses beaux yeux bleus contrastaient largement avec sa masse de cheveux informes. Sara ôta la tunique en cuir vert qu’elle utilisait pour passer ses nuits dans le lit, observant son corps nu mais bien construit. Elle soupesa sa poitrine encore faible de ses deux mains, se regardant de face puis de profil pour en conclure que c’était petit… mais qu’au moins ça avait le mérite de bien lui aller !


Sur une commode en bois de frêne, non loin du miroir, elle attrapa sa lime à ongles après avoir constaté que ses doigts ressemblaient à des serres d’aigles ! Beurk, ça lui donnait un frisson de penser comme ça ! Satisfaite, elle en profita pour s’occuper de ses pieds, voulant être parfaite au moment du départ… car aujourd’hui était un grand jour ! Mais il ne fallait pas y penser… oh surtout pas maintenant, sinon elle n’arriverait pas à tenir en place et Papey serait encore furieux !


Avisant la bassine d’eau qui se trouvait au niveau du côté droit de son lit, elle jeta sa lime qui rebondit avec un bruit métallique sur la commode, s’immobilisant dans un tintamarre sonore. Après s’être jetée sur le lit, recouvert d’une fine couverture chaude en peau de mouton, Sara attrapa le carré de tissu qui se trouvait juste à côté de la bassine, puis le plongea dans l’eau froide, sentant sa peau frémir sous ce contact glacial. Puis, après s’être confortablement installée sur le drap, elle laissa le tissu lui tomber sur le visage dans un bruit d’éclaboussure.



Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour bien se préparer le grand jour. La jeune Aponienne retint un grognement de bête sauvage en sentant les gouttes d’eau qui coulaient le long de ses joues, épousaient la forme de ses lèvres et s’insinuaient dans ses narines. Non… non, pas le nez ! Trop tard, Sara éternua violemment, projetant le tissu mouillé qui retomba mollement sur sa poitrine. Arg, c’était froid ! c’était mouillé ! Après s’être bien lavé le visage et essuyé le corps de ces répugnantes gouttes d’eau gelées, Sara revint se contempler dans le miroir, un doigt sous le menton. Quelque chose manquait… Les ongles mal limés ? Son bas-ventre mal rasé ? Ou la cicatrice de son coude gauche trop voyante ? Ses yeux se posèrent sur ses cheveux couleur de nuit puis elle eut un soupir désespéré, cherchant son peigne qui devait encore s’être caché dans un coin sombre de sa chambre.


Il n’y avait pas à sourciller : sa chevelure avait toujours était une catastrophe, si bien que la jeune Sara avait toujours été obligée de les attacher avec n’importe quoi pour paraître un tant soit peu présentable. Papey avait renoncé à voir sa fille avec les cheveux longs car, au final, le résultat serait tout aussi désespérant ! Bon, là au moins elle avait pu faire quelque chose d’assez bien : deux longues tresses derrière sa tête, bien serrées. Ce n’était pas impeccable mais ça ferait l’affaire ! La jeune Aponienne entendit un bruit dans le salon, prouvant que son père était enfin rentré de sa cueillette.



Ah oui… elle ne les avait pas remarqués avant. Sur ladite chaise, la jeune fille put voir ces fameux vêtements dont son père lui avait si longtemps parlé… des vêtements de grande qualité qu’il avait payé très, très cher en cité ! Des vêtements de marque que ça s’appelait ! Toute excitée à l’idée de les porter, Sara souleva d’abord un magnifique haut brodé. Une capuche y était rattachée derrière et il y avait même une doublure en laine à l’intérieur pour avoir chaud lors des intempéries. De la même couleur que les troncs de chênes bicentenaires, il était certain que ce haut était fait pour durer !


Le bas avait été fabriqué avec les mêmes matériaux. Oh, joie, il y avait même des poches situées sur chaque fesse ! Elle qui avait toujours rêvé d’avoir des habits avec au moins une poche, elle était vraiment comblée ! Par contre, elle devrait sans doute fournir les chaussures… pas grave, c’était déjà bien, mais espérons tout de même qu’elle avait au moins une paire de chaussures adaptée !


Après s’être rapidement habillée, Sara se regarda dans la glace… Magnifique, pour la première fois de sa vie, elle se sentait… belle, tout simplement ! Après avoir dévalé les escaliers comme une furie, Sara vint se camper devant un homme d’âge mûr muni d’une longue barbe, faisant plusieurs tours sur elle-même avec un sourire gracieux.



L’homme répondit par un sourire satisfait, s’asseyant sur l’une des chaises en bois se trouvant autour de la table du salon. Il était si rare pour cet homme fatigué de sourire. La jeune Aponienne prit cela pour un compliment, s’installant à son tour.



Oui, oui tout ça elle le savait déjà ! Les groseilles-rosées étaient particulières car on ne pouvait les cueillir que le matin, un peu comme la rosée sur l’herbe. Le plus étonnant, c’est que cela pousse en masse la nuit et que c’est délicieux, devenant la friandise idéale de tout petit-déjeuner qui se respecte sur les Terres Aponiennes ! Papa posa le panier rempli à ras bord sur la table de salon, le poussant ensuite vers sa fille qui ne se le fit pas dire deux fois pour attraper une bonne poignée de groseilles.



Papa, qui n’avait pas touché à une seule groseille, la regardait de ses yeux bruns et pénétrants, triturant sa barbe qui commençait à blanchir avec l’âge. Mais qu’est-ce qu’ils avaient tous à vouer une sorte de culte à tous ces oiseaux rouges ? Ce n’était que de stupides volatiles qui râlaient quand ils n’avaient pas à manger !



Par moment, il pouvait réellement devenir rabat-joie avec son oiseau-éveil ! Bon c’est vrai, elle aurait pu faire plus attention en ouvrant la fenêtre et en criant comme une possédée. Sans doute que papa était en colère contre elle… mais Sara savait comment le calmer.



Allait-il mordre à l’hameçon ? La jeune Aponienne fourra une pleine poignée de petites groseilles dans sa bouche, sentant le goût acide couler le long de sa langue sensible. C’était bien dommage que ces fruits pourrissent si vite… elle aurait pu les tester en confiture ! Avec un regard étonné, le visage de papa se dérida bientôt pour laisser apparaître un sourire joyeux. Il devait être fier que sa fille chérie ait atteint l’âge de découverte. À cette période, les adolescents Aponiens avaient d’étranges difficultés à atteindre l’âge de découverte dans les Terres reculées. Eh oui, dans les zones campagnardes, les dangers étaient relativement présents pour les jeunes gens. Il n’y avait pas que les loups qui ne s’intéressaient qu’aux adolescents, mais aussi les moussons, les grandes chaleurs ou encore la forêt. Ce n’était plus étonnant, dans les zones campagnardes, de voir un enfant disparaître du jour au lendemain… c’est pour cela qu’on avait surnommé l’arrivé à l’âge adulte l’âge de découverte !



Sara baissa humblement la tête. Elle avait beau avoir dix-huit printemps, son père restait une personne qu’il fallait respecter. Ils finirent de manger les groseilles en silence, regardant par moments l’astre solaire qui annonçait une belle journée.


Après avoir correctement agrafé sa cape rouge de voyage sur les épaules, Sara fit un tour sur elle, aussi gracieuse que le plus gracieux des oiseaux rouges. Satisfait, papa tint tout de même à retravailler ses tresses, voulant que sa fille soit la plus belle de toutes !



Et comment ! Elle n’aimait peut-être pas les départs, mais elle aimait au moins garder les bonnes relations ! Papa semblait vraiment au bord de la crise, puisqu’il tirait régulièrement, sans le vouloir, les pauvres cheveux de Sara, ce qui ne les arrangerait pas ! Il faut dire que ce n’était pas tous les jours que l’on voyait sa fille partir à l’aventure ! L’âge de découverte était un âge naturel, mais les départs n’étaient pas obligatoires… Après tout, on ne pouvait pas obliger ses propres enfants à devoir subir encore d’avantages de périls ! Mais Sara avait insisté : elle voulait découvrir le monde de ses propres yeux !



Papa avait avoir capitulé pour que sa fille parte le jour venant, cela se voyait qu’il était mort d’inquiétude. Et si jamais il revenait sur sa décision et faisait en sorte que sa fille ne quitte pas le logis familial ? Ah non alors ! Hors de question !



Était-ce une bonne idée de parler de maman comme cela ? Après tout, c’était un sujet sensible dans cette famille maintenant réduite. De plus, si jamais Sara partait, papa se retrouverait seul à s’occuper des champs… À présent, la jeune Aponienne comprenait mieux le désir qui animait son père de voir sa fille rester… Mais elle se sentait toujours aussi dynamique : sur le pied de guerre, comme disaient les citadins !



Un sourire radieux illumina le visage de Sara. Si papa lui disait qu’elle était magnifique, c’est qu’elle l’était réellement ! Après tout, ce vieil homme était un sacré radin au niveau des compliments !



Le sac… Où est-ce qu’elle avait fichu ce satané sac ! Ah, près de la porte ! Dégageant les mains de son père qui lui tenaient les épaules pour mieux l’observer, Sara se dirigea vers son sac, en cuir de mouton lui aussi, qu’elle attrapa avant de passer l’attache en bandoulière, au niveau de sa poitrine. Bon, cette fois c’était certain : elle n’avait rien oublié… elle était fin prête ! Papa ne cessait de la regarder avec de petits yeux malheureux, sa bouche produisant un bruit de mastication, comme s’il était en train de se mâchouiller la langue. La maison, derrière lui, semblait si petite maintenant… la jeune Aponienne avait l’impression de ne plus la reconnaître malgré le lierre qui recouvrait toute la façade ! Sara tapa du pied contre le sol, les bras croisés sous sa poitrine.



Le père sembla surpris de la remarque de sa fille avant de se ressaisir, son dos devenant bien droit comme le voulaient les personnes de sa stature. Quand il était sûr de lui, qu’est-ce qu’il pouvait être imposant… et ce regard si dur, si paternel… brrr c’était à faire froid dans le dos ! Mais Sara en était fière !



Sare se mit au garde à vous devant l’Aponien avant de s’incliner respectueusement puis de se retourner, faisant un premier pas vers l’horizon.



« Oui, papey… » pensa-t-elle. À dans un mois… porte-toi bien… La forêt se dessinait au loin et la jeune femme avait encore un petit trajet à faire avant de pouvoir l’atteindre. Que cela ne tienne, elle avait tout son temps, d’autant plus que, encore une fois, c’était une magnifique journée qui s’annonçait. Ne pas se retourner, surtout… papa était encore en train de la regarder s’éloigner, devant le pas de sa porte. Si jamais elle se retournait, elle n’oserait pas aller plus loin… surtout ne pas se retourner. Le problème était que Sara était morte de peur. Non pas à cause de la forêt qui était, d’après les rumeurs, très sauvage et inconnue, mais plutôt parce qu’elle se sentait toute petite par rapport aux Terres Aponiennes. Avec un peu de chance, cela passerait avec le temps !


La jeune femme n’avait jamais pris le temps d’explorer les champs de blé du village, étant toujours restée à la limite des propres terres de sa maisonnette. Désireuse de s’amuser un peu avant d’atteindre l’orée de la forêt, elle traversa la jungle de maïs, s’orientant toujours de la direction à prendre en fonction de la place du soleil dans le ciel : son plus fidèle compagnon en ce moment. Écartant les feuilles de maïs qui la gênait, la jeune Aponienne utilisait son autre main en visière. Déjà une demi-heure de passée, et la chaleur avait déjà monté d’un cran ! Monsieur soleil n’était plus aussi accueillant désormais et c’était l’insolation garantie si elle ne faisait pas de longues pauses régulières.


Ce fut durant l’une de ces pauses que Sara soupira longuement, grignotant du maïs sur une grosse pierre ronde. Avec cette vitesse de tortue de terre, elle n’était pas prête d’atteindre la forêt avant la fin de l’après-midi… elle avait pensé à se servir de sa capuche pour se protéger des rayons solaires, mais elle étouffait dessous avec sa tunique… Jusqu’au moment où elle pensa enfin à ôter le rembourrage de ses habits et allégeant son corps en sueur. Au moins, le maïs bien chaud avait le mérite d’être revigorant ! Avec avoir nettoyé sa petite écuelle avec de l’eau de sa gourde de rinçage, elle plaça ces deux-là dans son sac avant de sortir une seconde gourde, celle-ci servant uniquement à sa réhydratation. Sara se rinça la bouche puis vida une partie du contenu de son récipient sur son visage, rafraîchissant sa peau qui en avait tant besoin.



Il serait préférable de pas parler trop vite… les loups de cette région raffolant uniquement des adolescents, rien ne prouvait qu’ils ne s’en prendraient pas à une jeune femme seule loin de son village ! Dans le pire des cas, elle avait prévu son grand couteau de chasse, attaché à l’extérieur de son sac. C’était pratique pour trouer de la fourrure et percer du muscle !


Dès qu’elle eut correctement rangé tout son paquetage, la jeune Aponienne reprit sa marche tranquille à travers la jungle de maïs, espérant voir la sortie avant que le soleil ne commence sa descente vers l’horizon. Les journées étaient si courtes… pourquoi n’étaient-elles pas aussi longues que les nuits, qui duraient deux fois plus longtemps ? C’était un grand mystère ! Est-ce que c’était seulement partout pareil sur les Terres Aponiennes ? Sans doute que oui !


Durant une heure de marche, Sara avait pu observer avec intérêt le ballet infatigable de plusieurs papillons des champs. Elle n’en avait jamais vu autant, servant presque de toit pour la jungle de maïs et protégeant ainsi la jeune femme des rayons du soleil. On raconte que ces papillons avaient une espérance de vie incroyablement plus longues que celles des Aponiens, ce qui expliquait leur nombre. Devenus nuisibles sur une bonne partie des Terres Aponiennes, beaucoup de paysans commencèrent à dresser plusieurs colonies de leur prédateur naturel : les papillons de plaines. À l’inverse de leurs cousins, ces insectes vivaient bien moins longtemps, soit deux à trois semaines et donc il n’y avait absolument aucun risque qu’ils deviennent une gêne à l’avenir.


C’était donc assez étonnant de voir autant de papillons des champs sur une terre agricole ! Peut-être parce qu’elle s’était réellement éloignée de son village natal… c’était merveilleux, et effrayant à la fois, car cela semblait tout de même impossible qu’une multitude de ces petits insectes puissent ainsi cacher le ciel !Après une autre heure de marche, Sara s’était définitivement éloignée des champs pour arriver à l’orée du bois. Quelques arbres bordaient un long sentier de terre qui venait directement s’enfoncer dans la forêt. De si près, elle n’avait pas l’air impressionnante… il y avait bien quelques arbres dépouillés de leurs feuilles et de nombreux rochers sinistres à son entrée, mais elle ne dégageait aucune aura malveillante, comme l’avaient prétendu les paysans du village !



Ça, c’était vite dit ! Les nuages avaient déjà commencé à se teinter de rouge et d’or alors que le ciel s’assombrissait lentement. Il était évident qu’elle devrait passer la nuit dans l’un des arbres de la forêt, par peur des bêtes nocturnes ! Bon tant pis, au moins elle avait le mérite de pouvoir pénétrer dans la forêt pour la première fois de sa vie. La jeune femme rajusta sa cape, marchant aux côtés des premiers arbres de la forêt. Ses pas quittèrent le sol caillouteux, rencontrant de la terre boueuse et de l’herbe bien verte et mouillée. Il y avait une chose qui était prouvée : la température de la forêt restait très tiède en cette saison, contrastant avec les chaleurs étouffantes des champs. La seule chose qui inquiétait la jeune Aponienne, pour le moment, c’était sa gourde qui menaçait de se vider à tout moment. Avec un peu de chance, elle trouverait une rivière où elle pourrait faire le plein, se préparant pour la journée du lendemain. Il régnait dans la forêt une terrible odeur d’humidité et de moisissure, tandis qu’un lit de vieilles feuilles mortes tapissait son sol. Ce n’était pas non plus à la limite du supportable, mais cela restait tout de même très désagréable. De plus, si elle devait dormir dans l’un de ces arbres, cela promettait une belle nuit blanche ! Sara espérait sincèrement que les loups ne viendraient pas lui tenir compagnie cette nuit, interprétant leurs hurlements funèbres qui étaient si détestés par tant de gens !


Les rumeurs étaient en partie fausses : la forêt était un endroit vraiment charmant. Tout d’abord parce qu’il pouvait y pousser n’importe quoi, des plus belles et délicates fleurs aux arbres fruitiers les plus délicieux. Ainsi, sa crainte de se retrouver en pénurie de victuailles n’était pas encore fondée et elle put même remplir sa besace de toutes sortes d’oranges rouges et de fraises des bois. Mais bon, elle ne pourrait pas non plus se nourrir uniquement de fruits, mais ça, c’était un tout autre problème.


Alors qu’elle buvait à même l’eau d’une source claire, Sara regardait le soleil disparaître définitivement à la surface de la rivière calme, sentant un malaise croître au plus profond de son cœur. Ce serait la première nuit qu’elle passerait au dehors, loin de toute civilisation, seule comme la plus seule des colombes solitaires. Même sans soleil, la clarté était toujours suffisante pour lui permettre de prendre le bon chemin. Mais d’ici moins d’une heure, il ferait si sombre qu’elle ne pourrait pas voir plus loin que le bout de son nez. Ce serait durant ce moment qu’elle serait le moins en sécurité. Le mieux, pensa-t-elle, serait de continuer sa marche incertaine pendant encore une demi-heure puis de grimper à un arbre aux branches sinueuses. Là, elle aurait peut-être la chance de passer une nuit calme et peu mouvementée.


Avait-elle le temps de faire un rapide décrassage général ? Non, c’était trop risqué, il vaudrait mieux retourner à la source une fois que le soleil se serait réveillé le lendemain. La jeune Aponienne abandonna donc à regret cette eau si délicate et pure pour remettre son sac en bandoulière, cherchant déjà un arbre qui pourrait faire office de refuge. Malheureusement, soit les branches étaient trop basses ou fragiles, soit elles n’étaient pas adaptées pour pouvoir s’installer correctement dessus. Ce que cherchait Sara c’étaient des branches un peu comme celles des arbres inséparables, dont les racines et les membres s’entrelaçaient dans une étreinte amoureuse. Elle dut donc se contenter d’avancer, craignant de plus en plus de ne pas trouver de refuge avant l’arrivée de la nuit complète. Soudain, elle se raidit, sentant un léger changement au niveau de l’odeur de la forêt. C’était bizarre mais… ça sentait si bon ! On aurait dit un mélange entre une odeur de fruits et de pollen ! Ce changement avait été si brutal que son cœur venait de faire un bond dans sa poitrine. Qu’est-ce qui pouvait dégager une odeur pareille ?


Ayant oublié le danger de la nuit, la jeune Aponienne suivit le chemin que ce parfum si subtil était en train de lui tracer, écartant les branches basses et les feuilles qui lui fouettaient les jambes et le visage. Au détour d’un petit sentier, juste derrière un gros rocher, Sara ne put retenir un sifflement d’admiration.


D’étranges champignons, de la taille d’un petit enfant, recouvraient une bonne partie du sol de la forêt, formant une sorte de cercle coloré. Leur chapeau et leur tige étaient entièrement recouverts d’une matière rose et à la texture désirable. Ils poussaient partout : sur la base des troncs d’arbres, sur les rochers, sur le sol, partout, si bien que l’on devrait slalomer entre eux si on voulait traverser cette mer de champignons roses. Le parfum qui se dégageait de ce lieu était si enivrant, si bouleversant… jamais encore Sara n’avait senti une odeur aussi alléchante !


Bien qu’hésitante, la jeune Aponienne fit un pas, puis deux, s’approchant à pas silencieux de cet étrange endroit. Dès qu’elle fut tout près d’un de ces champignons, elle posa une main sur son chapeau, appréciant sa douceur et sa tiédeur. On aurait même dit que… en enlevant ses doigts, elle aperçut d’étranges fils visqueux qui s’étaient empêtrés autour de ceux-ci, comme si tout le champignon rose en était recouvert. Sara porta les doigts à sa bouche, goûtant cet onctueux fluide rosé. Est-ce qu’ils étaient mangeables ?


Mais bon, Sara n’eut pas le temps de vérifier puisque tout le gros champignon fut agité de curieux spasmes, dégageant de dessous son chapeau des spores de la même couleur. Méfiante et en partie effrayée, la jeune Aponienne préféra reculer, ses pieds trébuchant sur les cailloux ronds qui jonchaient maintenant le sol de la forêt. La règle numéro 1 de papa en zone étrangère : toujours se méfier de ce qu’on ne connaît pas… et parfois même de ce que l’on connaît, mais ça c’était une tout autre affaire.



Et comme pour confirmer ses dires, la jeune fille tira la langue vers cette colonie de champignons roses, se retournant pour revenir sur ses pas avec, cette fois, l’espoir grandissant de trouver un abri. Ce qu’elle ne savait pas, c’était qu’elle venait d’inhaler quelques-unes de ces spores… mais en si petite quantité, cela ne pouvait pas faire de mal, si ?


Après être revenue à la source claire, Sara emprunta une autre direction, se dirigeant vers l’opposé du chemin qu’elle avait pris auparavant. De ce côté-ci, les arbres étaient bien moins nombreux mais ils étaient si hauts et si touffus que cela n’aurait pas été étonnant qu’ils puissent toucher la voûte céleste ! Dans cette jungle luxuriante, elle finirait bien par trouver son bonheur ! Comme elle l’avait souhaité, Sara dénicha plusieurs couples d’arbres inséparables, dont les troncs ressemblaient à de véritables amants enlacés dans les bras l’un de l’autre. Il lui faudrait faire sans doute un léger effort pour atteindre les premières branches, mais après cela elle pourrait presque se créer un lit douillet… enfin presque, seulement.



Dans un premier élan, elle enlaça le tronc le plus fin, entourant son tronc de ses jambes avant de commencer son ascension. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était que l’écorce serait recouverte d’une fine couche de mousse… en résumé : glissssse… badaboum… aïe ! Sara ne savait si elle devait d’abord se masser les fesses douloureuses, son dos meurtri, ou encore sa tête lourde. Pourquoi ne pouvait-on pas faire les trois à fois ? C’était une question turlupinante… mais trêve de pensées inutiles, elle recommença sa manœuvre, mais en s’aidant cette fois de son couteau de chasse qu’elle plantait dans l’écorce salissante, aux moments qui semblaient les plus critiques.


Ce ne fut pas facile et la jeune Aponienne versa beaucoup de sueur et de larmes avant de pouvoir enfin attendre les premières branches libératrices. Ce ne fut que lorsqu’elle put reposer son dos sur le tronc et ses jambes le long de branches entortillées qu’elle se décida enfin à pousser le soupir de la victoire. Il était temps… la luminosité de la forêt commençait sérieusement à lui faire défaut ! Au-dessus d’elle, monsieur hibou entama un refrain à sa façon, ayant décidé que la nuit avait enfin remplacé le jour. Lentement mais sûrement, les yeux de la jeune femme se fermèrent et son souffle devint régulier.


Sara se réveilla en sursaut, le front trempé de sueur froide. La nuit était encore maîtresse des lieux et la lune diffusait une lumière blanche et blafarde à travers la voûte des arbres de la forêt. Alors pourquoi se réveil si brusque et si rapide ? Elle ne se souvenait même plus du rêve qu’elle était en train de faire, comme si entre le temps de s’endormir et celui de se réveiller il ne s’était espacé qu’une seule seconde !


Il faisait assez frais mais en même temps tout le corps de la jeune Aponienne bouillonnait de l’intérieur, comme si un volcan avait mis son sang en ébullition. Et qu’est-ce que c’était que ce… manque qu’elle ressentait ? Tout à coup, elle avait un besoin subit d’aller voir des champignons, ceux de la petite clairière !



Mais cela ne passa pas… pire, ce besoin augmenta en intensité avec une telle vigueur que la jeune femme se surprit à se mordre les doigts jusqu’au sang, sentant le goût du cuivre sur sa langue. Tant pis, maudites soient toutes ces précautions stupides ! Elle devait y retourner ! Un moment… un tout petit moment seulement… juste une minute ! Sara repoussa son sac qui lui servait d’oreiller, s’empara de son couteau pour l’accrocher à sa ceinture et descendit de son arbre en quatrième vitesse, de nouvelles vigueurs se développant dans ses muscles pourtant déjà endoloris. Elle fit tant et si bien qu’elle mit trois fois moins de temps pour rejoindre le sol qu’elle avait mis pour atteindre son « lit initial », cherchant dans les ténèbres le chemin qu’elle devait emprunter pour retourner à la colonie de champignons roses.


Il y avait toujours le danger des bêtes sauvages… mais avec son couteau elle se sentait en partie en sécurité et dans le pire des cas elle pourrait grimper à un autre arbre, passerait une nuit blanche puis se reposerait le lendemain en milieu de journée ! La jeune femme avait eu peur de ne pas pouvoir retrouver le chemin qu’elle avait déjà emprunté, mais la délicieuse odeur sucrée qui émanait des bois semblait lui préparer une voie déjà toute tracée… il suffisait de ne faire confiance qu’à son odorat, qui était si bien développé. Le regard de Sara se mit à nager dans ce champ coloré. C’était si beau… si calme et apaisant… elle pourrait passer la vie ici si elle le pouvait…


Tous les grands champignons s’agitaient doucement de gauche à droite, tandis qu’une légère brume rose circulait au ras du sol, un peu comme de la vapeur d’eau mais en plus coloré. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et oubliant toutes les précautions que son père lui avait apprises, Sara se retrouva au milieu de cette colonie, se sentant chez elle alors que ces étranges plantes continuaient de danser en son honneur. Ça sentait si bon… Son esprit semblait presque se décomposer alors que ses sens s’embrouillaient. Elle n’avait qu’une envie, c’était de s’allonger au milieu de cette masse grouillante, chose qu’elle fit sur le champ, juste après que cela lui eut traversé la tête.


Houla… sa tête commençait à lui tourner alors que tout ce qu’elle voyait tourbillonnait, tourbillonnait, tourbillonnait… encore et encore jusqu’à ce qu’elle en ait le vertige. Quelque chose de chaud et de gluant toucha sa jambe droite, comme si elle tâtait cette chose inerte et pourtant bien vivante. Après avoir relevé la tête, Sara constata avec un sourire que c’était simplement une sorte de tentacule, hérissé de pointes sur tout son long, et qui venait directement du dessous de la coiffe du champignon le plus proche. Cette longue chose, tout aussi rose que son propriétaire, passa dessous la jambe de la jeune Aponienne puis commença à s’enrouler très doucement autour de celle-ci, comme si elle avait peur de la blesser.



Un câlin ? Si elle avait eu un minimum d’esprit, elle se serait sans aucun doute tout de suite dégagée. Mais sa voix était suave, endormie, prouvant l’état de bien-être dans lequel elle se trouvait. Seulement quelque chose clochait : les pointes de ce tentacule semblaient titiller sa peau à travers la tunique, comme prêts à s’enfoncer dans sa chair tendre et sans défense.



Grossière erreur que d’être revenue dans ce lieu dangereux ! Seulement, Sara ne s’en rendait compte qu’à l’instant ! Le tentacule du champignon se resserra brusquement autour de sa cuisse alors que les dards s’enfonçaient sans peine dans sa peau blanche. Avec un cri de douleur, la jeune Aponienne n’hésita pas une seule seconde et décrocha son couteau de chasse de sa ceinture. La lame sectionna net cette chose gluante à sa base, tandis que ce qu’il restait de ce membre torturé se tortillait dans tous les sens, se rétractant sous le chapeau du gros champignon.



Sa jambe n’avait beau avoir été que légèrement blessée, il était tout de même un peu tard pour enfin penser à s’en aller d’ici, jeune Sara ! Un autre tentacule se posa sur son épaule gauche. N’attendant pas que celui-ci passe à l’attaque, la jeune femme le trancha avec son couteau alors que le membre ainsi coupé continuait de vivre par terre, se contorsionnant comme l’aurait fait un ver de terre. Bon, c’était gagné : cette fois elle était réellement morte de peur ! Elle aurait pu se relever et détaler à toutes jambes ! Elle aurait pu fuir ce lieu maudit sans demander son reste ! Seulement c’était comme si elle ne pouvait pas… ou plutôt qu’elle ne voulait pas ! Sans qu’elle comprenne pourquoi, et malgré ses égratignures, elle se sentait si bien ici… ce parfum si enivrant… ces couleurs si chatoyantes… cette chaleur qui se répandait dans tout son corps…


Elle ne fit pas même un geste de recul lorsque l’un de ces horribles membres vint s’enrouler autour de sa taille, tentant de la plaquer contre le sol. Dans un geste désespéré, Sara tenta de se débattre, mais elle ne réussit qu’à s’entailler les bras et à lâcher son couteau. Un autre tentacule vint reprendre possession de sa jambe déjà touchée, serrant si fort que ses pointes s’enfonçaient loin dans sa chair. Cela faisait mal… mais le pire c’est qu’à chaque nouvelle blessure, la jeune Aponienne semblait perdre un peu plus de ses moyens, ressentant une horrible extase qui lui était inconnue. Les dards étaient certainement empoisonnés !


Comme sa jambe droite, son bras gauche fut également immobilisé. Les champignons essayaient de tirer les membres qu’ils avaient attrapés, comme s’ils voulaient… la démembrer ! Oh l’horrible idée ! Heureusement que ces créatures abominables n’avaient que peu de force… elle aurait facilement pu se dégager si ce poison n’entravait pas ses mouvements ! Son sang se glaça lorsqu’elle sentit l’horrible contact d’un bras qui s’enroulait très lentement autour de son cou, avant de resserrer brusquement… Horreur, il avait la ferme intention de l’étrangler ! C’était ici, dans cette forêt dangereuse qu’elle allait trouver la mort. Et le pire dans tout ça c’est qu’elle adorait ce contact gluant, ces épines venimeuses qui pénétraient aisément sa peau. L’idée de mourir étouffée ne lui traversait plus l’esprit jusqu’au moment où sa trachée fut enfin bloquée, l’empêchant de respirer.


Elle essaya tant bien que mal de desserrer l’étreinte, de son seul bras valide, mais c’était inutile car la pression augmentait davantage encore, endolorissant sa poitrine alors que ses paupières se faisaient lourdes. Si jamais elle s’évanouissait… non, elle ne voulait pas mourir aussi bêtement, c’était trop cruel ! Sa main rencontra le cuir du manche de son couteau de chasse. Fendant l’air, la lame frappa avec une telle force qu’elle se planta directement sur le sol, tandis que le tentacule ainsi amputé gigotait autour de sa nuque, relâchant aussitôt la pression. Cette atmosphère viciée par les spores des champignons ressembla tout de même à la brise la plus fraîche et la plus pure qu’elle ait pu respirer jusqu’à maintenant.



Aussitôt dit, aussitôt fait ! Quel soulagement ce fut, lorsque sa jambe et son bras furent enfin libérés. Mais déjà, d’autres tentacules revenaient à l’attaque, bien décidés, apparemment, à se nourrir de cette étrangère qui avait osé fouler leur sol.


Hors de question de rester une minute de plus ! Sara se retrouva très vite sur ses pieds, frappant à tout va pour repousser l’attaque des champignons roses. Mais où partir ? Il y en avait partout ! Un appendice s’accrocha à sa jambe, mais la jeune femme lui régla bien vite son coup, donnant ensuite un furieux coup de pied à son possesseur dont le chapeau se détacha du corps. Profitant du passage ainsi créé, l’Aponienne passa au-dessus du pied qui gisait sur le sol, s’enfuyant aussi loin qu’elle le pouvait. Jamais Sara n’avait autant couru… mais il faut dire que jamais encore elle n’avait eu aussi peur ! Ses entailles, un peu partout sur le corps, ne la gênaient pas… mais c’était plutôt le besoin attractif qui continuait à faire son effet, s’emparant de ses jambes qui devenaient de plus en lourdes… si lourdes qu’elles ne purent supporter son corps plus longtemps. La jeune femme s’effondra dans l’herbe verte de la forêt, à présent hors de danger mais le corps meurtri de toutes parts.


Sara rampa vers l’arbre le plus proche, ses yeux essayant de s’accoutumer à l’obscurité. Elle avait chaud… si chaud… et pourtant la température de la forêt était assez basse ! Est-ce que le poison des champignons roses pouvait expliquer ce phénomène ? La jeune femme ne put y réfléchir davantage, car une violente douleur la prit au nouveau de son bas-ventre, alors qu’elle se pliait en deux, gémissant comme une pauvre petite créature inoffensive. C’était toujours cette sensation d’extase… mais aussi de manque ! Elle avait besoin de quelque chose mais de quoi ? En tout cas, il était hors de question de retourner vers ce lieu maudit ! Mais qu’est-ce qu’elle pouvait avoir chaud ! Désireuse que cela se passe au plus vite, la jeune Aponienne retira fébrilement les boutons du haut de sa tunique, laissant bientôt sa poitrine à l’air libre. Elle fit ensuite glisser son pantalon, se retrouvant quasiment nue dans cette jungle sombre.


Un nouvel élan de douleur lui fit de nouveau porter ses mains à son bas-ventre… mais qu’est-ce que… c’était quoi ce liquide poisseux qui coulait entre ses doigts ? Est-ce que c’était… sa cyprine ? Non impossible, le poison ne pouvait créer un bien-être à ce point là ! Encore une nouvelle contraction… et cette fois un flot de fluides intimes coula de son sexe, recouvrant ses doigts tremblants.



Elle se sentait si sale… le sang coulait en légère quantité de ses nombreuses blessures, sa tunique était trouée en de nombreux endroits, ses cheveux étaient décoiffés, elle était presque couverte de boue et par-dessus tout… elle était en train de mouiller ? Non, sérieusement, c’était difficile à gober ! Mais même les tétons de ses seins s’étaient durcis et lui faisaient mal, sa peau frissonnant sous les brises froides de la forêt. Sans véritablement faire attention à ce qu’elle faisait, et surtout pour se laver les doigts, Sara les porta à ses lèvres, les faisant glisser dans sa bouche et aspirant cette étrange liqueur. C’était sucré et chaud… ce n’était pas forcément très bon mais… elle venait de goûter sa propre cyprine ? Celle-ci coulait lentement le long de ses cuisses tremblantes, gouttant ensuite sur l’herbe de la forêt.


Sa main se posa sur l’un de ses seins douloureux, le massant pour tenter d’atténuer cette désagréable sensation. Mais les pigments de sa peau semblaient être devenus plus sensible, lui faisant cracher un gémissement lorsque ses doigts touchèrent son téton bien dur désormais. Elle avait du mal à le reconnaître mais se toucher de cette façon était agréable… d’autant plus qu’elle soulageait un tout petit peu le manque qui lui torturait le ventre.



Ses mains se refermèrent sur ses deux globes, les massant, les découvrant du bout des doigts et pinçant leurs extrémités. Et à chaque fois, Sara ne pouvait empêcher son bassin de se soulever, ses doigts de pieds se tortiller tant c’était délicieux. Ce n’était pas la première fois que Sara pratiquait ce genre de choses peu recommandables… mais c’était à chaque fois la propre découverte de son corps sans réellement aller trop loin. Aujourd’hui, elle se donnait pour excuse de ne pas se trouver dans son état normal, ce qui était en partie vrai.


C’était la soirée des expériences, puisqu’elle voulait profiter de ce moment d’extase ! Trempant ses doigts dans son fluide vaginal qui s’écoulait encore en abondance de ses lèvres, la jeune Aponienne entreprit un massage plus poussé avec cette huile improvisée, sentant la chaleur de son « moi-interne » faire réagir un peu sa peau déjà alarmée. Cela collait un peu, mais c’était si déroutant que tout ce liquide vienne uniquement d’elle, soumise au poison des champignons roses. Son souffle chaud s’élevait dans les airs, alors que la jeune femme se mordait la langue pour s’empêcher de gémir et d’attirer les bêtes curieuses et sauvages. Elle n’aurait jamais pu penser que ses tétons puissent devenir aussi durs… mais elle n’était pas au bout de ses surprises ! Désireuse de calmer les ardeurs de son bas-ventre, elle posa sa main droite à plat sur ses petites lèvres, tandis que son autre main touchait son petit bouton de chair. Là aussi, étonnement, c’était devenu si sensible, si gros, si chaud… que le titiller pourrait lui faire connaître des plaisirs encore cachés ?


La réaction ne se fit pas attendre et son corps réagit positivement à ses caresses intentionnées, alors que son clitoris roulait agréablement entre ses doigts devenus habiles. Quel plaisir savoureux… Sara comprenait maintenant les interdictions de son père d’entreprendre cette initiative : il fallait sans doute se sentir prêt pour cela. Mais c’était tout de même effrayant que ce soit des créatures carnivores qui aient éveillé ces sensations cachées.


Sa main droite caressant sa poitrine gonflée et sa main gauche tripotant son petit bourgeon d’amour, la jeune Aponienne sentait qu’elle allait bientôt « exploser », un peu comme les oiseaux rouges le matin lorsqu’ils se dispersaient dans les cieux. Mais est-ce qu’il y avait encore meilleur que ces simples caresses ?


Abandonnant à regret son clitoris qui en demandait encore, Sara écarta ses petites lèvres à l’aide de son majeur et de son annulaire, se demandant si tout ce désir qu’elle ressentait ne venait pas directement de l’intérieur. Le dos bien calé contre l’arbre, la jeune femme y glissa un doigt, sentant ses chairs s’écarter face à cette intrusion. C’était si serré et chaud à l’intérieur… mais étrangement, sans qu’elle puisse expliquer pourquoi, cela lui faisait un bien fou, elle était comme comblée. Avec un second doigt, la sensation serait sans doute meilleure.


Cela devenait difficile d’empêcher ses gémissements, transformés en cris, de ne pas s’échapper de sa gorge. Oh et à quoi bon ! De toute façon, elle savait qu’elle ne pourrait pas tenir indéfiniment de cette façon ! Sa voix fut comme un râle, tandis que ses doigts curieux étaient en train de fouiller son intimité, touchant chaque parcelle de chair intime et stimulant ses parois vaginales. Ils quittaient souvent cette grotte bien accueillante pour venir offrir le nectar ainsi recueilli à la langue de leur propriétaire, tandis que cette dernière s’en délectait avec une ivresse désemparée. Qui passait par là pourrait voir une jeune femme, les jambes et les bras recouverts de blessures, qui venait de survivre à une attaque de champignons roses, maintenant en train de se faire jouir à cœur joie.


Il y avait de quoi être scandalisé ! Et pourtant c’était réellement ce qu’il se passait ! Est-ce que les effets du poison continuaient toujours d’agir ? Ou bien était-ce sa propre conscience qui réclamait ce plaisir inavouable ? De toute façon, elle s’en fichait royalement ! Maintenant que son antre féminin s’était habitué à cette intrusion, il lui fallait quelque chose de gros… de beaucoup plus gros ! Mais à cette pensée, elle se sentait comme devenir la pire des dévergondées ! Quelle honte ce serait pour papa s’il apprenait ça… non, il ne le saurait jamais car cette histoire ne sortirait jamais de cette forêt !


Enfin convaincue, Sara chercha à tâtons son couteau tombé par terre, ses doigts se refermant sur la garde en cuir. Son toucher était doux et sa forme était arrondie sans bosse. Si elle y allait délicatement par la lame, cela devrait rentrer sans trop de problèmes… dommage que cela soit si court, elle aurait aimé le sentir au plus profond de son ventre !


Quelque peu inquiète et peu certaine de faire quelque chose de bien, Sara fit lentement glisser son nouveau « jouet » à l’intérieur de son antre, ses lèvres s’écartant franchement et accueillant sans rechigner ce nouvel inconnu. La jeune Aponienne fut même certaine d’avoir entendu un bruit de succion lorsque la garde fut rentrée à son maximum, sa lame dépassant de ses lèvres intimes. Et maintenant ? Apparemment le plaisir se ressentait au niveau des mouvements des objets qu’elle utilisait. Si elle y allait plus vite, peut-être que ce serait plus intense encore !



La sensation était tout simplement inimaginable ! Sara faisait aller et venir son engin dans son ventre, ses sensations s’affolant terriblement. De sa main libre, elle se mit à masser son bouton de chair laissé trop longtemps en retrait, se stimulant de toutes les façons possibles. Par moment, elle ôtait la garde son couteau, la suçant franchement pour ne pas perdre une goutte de sa cyprine avant de la refaire glisser entre ses lèvres. Son fluide intime coulait de sa bouche, mélangé de sa salive. Si cela continuait elle allait… elle allait bientôt…


Explosion de peur et de plaisir ! Son bassin se souleva alors que ses yeux se révulsaient et qu’un long cri retentissait dans la forêt, faisant s’envoler les chauves-grises de minuit. Son ventre brûlant déversa une quantité incroyable de sa propre mouille, inondant ses cuisses tremblantes. Alors seulement Sara laissa son corps retomber dans l’herbe, sa poitrine tentant de retrouver une respiration normale. Fatigués, ses yeux se fermèrent au moment où elle retira définitivement le manche de son couteau de son antre brûlant. Sous le plaisir, elle s’était même entaillée la main, mais ça elle s’en moquait.


Si jamais elle passait la nuit et ne se faisait pas manger par les loups, elle renouvellerait l’expérience le lendemain matin avant de reprendre sa route, riche en nouvelles découvertes… Pitié, faites qu’elle passe la nuit… après tout, elle était Sara !