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08/06/08
Résumé:  Mélanie était plutôt jolie, mais elle avait de gros seins...
Critères:  fh jeunes fête école amour cunnilingu pénétratio mélo nostalgie -humour -amourdram -prememois
Auteur : Mirthrandir      Envoi mini-message
Le slow


Mélanie était plutôt jolie, mais elle avait de gros seins.

Oh, bien sûr, je n’ai aucun grief ni a priori à l’encontre de cette particularité physique, mais comme certaines personnes considèrent que le charme féminin est affaire de biométrie, force m’est de constater que les obsessions des uns peuvent parfois faire le malheur des autres.


À l’époque, j’étais plutôt timide et cette tare relationnelle me rendait pénible toute démarche destinée à approcher autrui. Ce jour-là, les yeux dans les chaussettes, j’aurais épousseté de l’épaule le mur de l’auditoire si Stan ne m’avait empoigné le coude avec son indécrottable exubérance.



En réalité, peu m’importaient les surnoms dont il avait coutume de m’affubler, mon seul souci était qu’il la boucle et me laisse raser les murs, discret et anonyme parmi les quelque trois cents universitaires venant d’envahir l’auditoire. M’en prendre à sa façon de m’interpeller était sans doute le seul moyen efficace dont je disposais pour doucher ses ardeurs, mais Stan devait être particulièrement excité, car il a fait fi de mon avertissement.



Stan haïssait son prénom. Même prononcé à voix basse. Il a donc compris que je voulais qu’il se taise et m’a suivi en soupirant vers les places que je convoitais, tout dans le fond, dans un coin. Assis à côté de moi, il a pu détailler en toute discrétion les dos et les profils présents dans son champ de vision, tandis que je me laissais aller au soulagement : personne ne me regardait, personne ne m’avait vu. C’était du moins ce que j’espérais. J’espérais toujours ça.



—ooOoo—



La sagesse populaire prétend que ceux qui se ressemblent s’assemblent, mais affirme d’autre part que les extrêmes s’attirent, preuve s’il en est que ladite sagesse s’alimente à tous les râteliers.

Stan et moi nous connaissions de longue date et, malgré le gouffre séparant nos tempéraments respectifs, étions vraiment de bons copains. D’aucuns en auraient conclu que nous étions davantage complémentaires que ressemblants, mais les gens concluent hâtivement.


Stan ne craignait rien, pas même le ridicule. Il aimait courir les filles, leur parler, les faire rire. Sa philosophie se fondait sur la certitude que si neuf lui disaient non, une dixième ne le ferait pas. C’était son côté irrésistible : il avait plus d’humour que d’esprit, ne se formalisait de rien et positivait sur tout. Personne ne le prenait au sérieux et les filles lui disaient oui par jeu, parce qu’il était drôle et qu’avec lui toute prise de tête était proscrite. Il n’était pas franchement beau, mais il était franchement sympa.


J’étais tout son contraire : timide et renfermé, perturbé par l’insignifiant, et totalement inhibé avec la gent féminine. Je cachais mon visage aux traits fins et réguliers, prompt à s’empourprer, sous mes longs cheveux blonds comme les blés. C’était l’époque où, exception faite des tondus à ras qui se couvraient de gloire au Viêt-nam et ailleurs, la jeunesse était aussi indisciplinée que sa coiffure. All you need is love and give peace a chance !



Probablement joignait-il le geste à la parole afin de m’empêcher d’imaginer qu’il parlait de chaussures !



En hommage à son exclamation favorite, j’avais pris l’habitude d’appeler « ta zette » ce dont il imaginait pouvoir honorer chacune de ses conquêtes féminines présentes et à venir.



Il a laissé sa phrase en suspens, mais je devinais la suite. Il ne serait pas allé jusqu’à me traiter de chochotte, mais sous-entendait régulièrement que je ferais mieux de me conduire comme un vrai mec, au lieu de tant tergiverser avec les filles. J’ai souri, sans répondre. Je me tenais moi-même pour incurable : celles que je regardais me considéraient comme un pet insignifiant. J’aurais évidemment pu tenter d’attirer leur attention mais, dans ce domaine comme dans bien d’autres, j’inclinais à la procrastination. Je m’en étais ouvert un jour à Stan, et sa réplique, logique et imparable, avait fusé :



Il avait une vision résolument optimiste des choses et, comme tous ceux de sa race, voulait rendre son enthousiasme immédiatement contagieux. Il s’était mis en tête de me déniaiser avant que je souffre de tendinite des poignets, et se plaisait à m’imaginer l’imitant dans ses exploits.



Mais dans mon esprit encroûté, une fille que je me ferais « comme pour rien » devait forcément ne pas valoir grand-chose !

Assisté de mon copain et de quelques bières, j’avais néanmoins franchi le pas à plusieurs reprises et avais pu m’inscrire au tableau de chasse de quelques-unes qui, comme Stan, multipliaient les conquêtes dans un esprit de fête permanente. À dix-neuf ans, j’avais abandonné mon pucelage quelque part entre un casier de bières et un recueil de chansons paillardes, soulagé de n’avoir ramené de l’aventure qu’une gueule de bois plutôt qu’une maladie honteuse. Le lendemain de ce mémorable exploit, Stan avait déclaré, fort doctement :



Ce qui était une façon comme une autre de voir les choses.



—ooOoo—



Pendant que Stan draguait, je me réfugiais dans mes études. À la réflexion, j’aurais pu opérer plus mauvais choix ! Bonne pomme, je partageais mes notes de cours et rassemblais la documentation pour deux, fréquentant assidûment la bibliothèque de l’université.

Débordant de gratitude et d’empressement à rendre service, Stan m’entraînait parfois dans ses virées et me présentait ses copines, espérant que je trouverais parmi elles « chaussure à mon pied », comme il le disait si bien en pensant à tout autre chose.


Il ne faut cependant pas croire que je déconsidérais mon copain. Il était incroyablement doué, et j’enviais son aisance à se tirer des situations les plus scabreuses en deux coups de cuiller à pot. Moi, j’avais décidé de bosser parce que si je m’en abstenais je me serais ramassé en fin d’année, et comme je préférais passer les vacances d’été à autre chose qu’à réviser des cours pour une toujours aléatoire seconde session, je travaillais suffisamment pour réussir lors de la première.


Stan fantasmait sur Mélanie, mais la belle était très courtisée. D’un certain point de vue, c’était effectivement un fameux morceau, mais vraiment pas mon genre. Je précise d’emblée qu’à l’époque je classais dans la catégorie des antipathiques toutes les filles qui n’accordaient à ma personne guère plus d’attention qu’à une crotte de moineau.



De mon point de vue, il n’en avait aucune. Mélanie, avec sa tignasse décolorée, sa poitrine arrogante et ses airs de m’as-tu-vu, représentait pour moi l’archétype de l’insupportable pimbêche, sûre de son charme et décidée à faire payer très cher le privilège de se traîner à ses pieds pour satisfaire ses moindres caprices. Elle n’était pas une fille pour Stan, parce qu’il n’était pas assez sérieux pour lui plaire et assez cinglé pour essayer de le devenir.


Au cours du premier trimestre, j’ai eu maintes occasions de croiser Miss Monde au hasard des couloirs et de l’entendre me dire « salut » environ une fois sur douze, lorsqu’elle était seule et daignait s’abstenir de faire mine de ne pas me voir. Car la vedette était bien souvent escortée, cela va de soi. En début d’année scolaire, l’heureux élu était une sorte d’athlète bien de sa personne, un péteux que Stan avait rapidement surnommé « Tarzan ». Moi, je trouvais cela insultant pour le vieux héros de Burroughs, mais dans le chef de Stan, c’était de bonne guerre. Un rival est souvent mal considéré.


Lors de la soirée dansante organisée comme chaque année sur le campus juste avant les congés de Noël, Stan m’a fait observer que « Tarzan » avait dû être largué, parce qu’il boudait au pied de son arbre pendant que Mélanie se laissait fort complaisamment assaillir par une cohorte de prétendants.



Je n’étais complice de rien, mais il faisait ce qu’il voulait, et moi aussi. Il m’a planté là après avoir séché son verre, et je l’ai vu en cours de soirée qui réussissait à approcher Mélanie et à lui arracher un slow.


Sur les entrefaites, et sachant qu’en général je ne me laissais entraîner sur la piste de danse qu’après avoir ingurgité ma dose d’euphorisants, je m’étais mis à picoler tranquillement, calé dans un coin à proximité de la pompe à bière. J’ai rapidement été rejoint par quelques potes amoureux de musique mais allergiques à la guinche, et aussi par deux copines gentilles mais pas très bandantes, dont Stan m’avait déjà assuré que je pourrais « me les taper » si je le voulais. À franchement parler, je n’étais pas assez bourré pour en entreprendre la démarche, et l’éventualité de le faire plus tard m’a ôté d’un seul coup l’envie de me soûler.


J’ai fini par m’esquiver vers les toilettes, puis dans le parc où je me suis aéré un bon moment, mais un groupe d’allumés occupés à griller leur joint ont achevé de me faire flipper. Je me serais tiré sans plus attendre si je n’avais éprouvé quelques scrupules à abandonner Stan sans lui serrer la pince, aussi suis-je revenu dans la salle au moment où s’achevait une série de slows sirupeux. D’emblée, Stan m’a repéré et s’est élancé vers moi.



J’ai éludé la question d’un air goguenard.



Stan de retour près de moi, j’ai de nouveau envisagé l’approche du comptoir. Les copines étaient parties flirter ailleurs et j’ai pu picoler tranquille jusqu’aux petites heures. À un moment, Stan m’a signalé que Mélanie s’était trouvé un autre copain et j’ai plaint mentalement la nouvelle victime, mais le souvenir de cette fin de nuit est resté quelque peu confus.



—ooOoo—



Aux sessions de janvier, je m’en suis plutôt bien tiré, héritant de quelques dispenses pour les examens de fin d’année. Stan est venu me trouver avec un feuillet où il avait noté ses résultats et, en faisant la grimace, m’a annoncé qu’il comptait mettre la pédale douce durant les prochains mois.



Il le savait aussi bien que moi, mais c’était toujours un déchirement pour lui d’admettre que l’heure de déconner était passée. Je me suis enfermé dans ma bulle en écoutant pousser mes cheveux, et juin aurait amené tranquillement ses fraises dans le jardin de ma grand-mère si Stan n’était venu me relancer avec ses angoisses existentielles.



J’ai soupiré.



Stan s’impatientait.



J’ai ricané en pensant aux gars qui lui filaient généralement le train jusqu’à ce qu’elle s’en choisisse un. Stan m’avait d’ailleurs affirmé qu’après « Tarzan », elle s’en était encore « farci » deux autres !



Stan devait effectivement déprimer un peu, pour en arriver à m’appeler par mon prénom !



Je lui ai donné une claque amicale dans le dos.




—ooOoo—



C’était déjà pour moi affaire classée lorsque, deux semaines plus tard environ, j’ai rencontré Mélanie à la bibliothèque de l’université. Je l’avais croisée l’une ou l’autre fois sur les entrefaites et avais noté le changement, mais à vrai dire cela ne m’avait fait ni chaud ni froid. Si elle avait décidé d’abandonner le look starlette blondasse au profit du style peine-à-jouir, c’était son choix et non le mien.


Avec les trois ouvrages que j’étais allé quérir dans les rayonnages, je suis venu m’asseoir à l’extrémité d’une longue table, ai étalé mon matériel et commencé à bouquiner. Au crayon, je griffonnais mes notes dans un silence monacal et un cahier quadrillé, lorsqu’un raclement de gorge m’a arraché à mon travail.



J’ai levé les yeux.



Elle était assise de l’autre côté de la table, deux places plus loin, et j’ai dû décoller le popotin pour faire glisser la petite boîte ronde dans sa direction.



Je l’ai regardée à la dérobée, au travers de mes blonds rideaux, essayant de réactiver les paroles de Stan. Ses petites lunettes rondes lui donnaient une allure vaguement intello, mais sa coiffure incontestablement négligée, son visage exempt de tout maquillage, un chemisier boutonné haut et un petit gilet totalement démodé la balançaient plutôt dans la catégorie des culs serrés. Elle était telle que Stan me l’avait décrite, et je l’ai trouvée un rien plus humaine, mais tout aussi inintéressante.


Je l’aurais probablement oubliée sans remords si le lendemain matin, alors que j’attendais Stan dans le parc, une voix féminine n’était venue interrompre ma méditation transcendantale.



J’ai atterri en voyant la petite boîte en plastique rouge et bleu s’agiter devant mon nez.



J’ai pris le taille-crayon en bafouillant un vague remerciement, et Mélanie a enchaîné :



Je l’ai regardée rapidement, en pensant à ce que Stan m’avait décrit, et j’ai vu à nouveau ses cheveux blonds tirés sur la nuque, avec les repousses brunes aux racines déjà graisseuses, ses vêtements d’un autre âge, son visage sans fard, ses chaussures à talons plats et son allure complètement tarte.


J’ai empoché mon taille-crayon, bien décidé à enterrer l’anecdote, mais Mélanie m’a souri derrière ses lunettes et je crois bien que c’est à ce moment-là que je suis tombé amoureux.



—ooOoo—



J’ai vu Mélanie beaucoup plus souvent, depuis cette fois-là. Je veux dire : je l’ai regardée beaucoup plus souvent, même si le spectacle n’avait rien de particulièrement affriolant. Le hasard a d’abord voulu qu’elle passe à la bibliothèque une paire de jours plus tard, alors que je m’y trouvais déjà, et nous avons échangé quelques mots à propos d’un ouvrage que je consultais et qu’elle a ensuite emprunté elle-même.


Elle m’a avoué s’être plantée aux examens de janvier, et mettre à présent les bouchées doubles pour tenter de résorber son retard. Je l’ai un peu aidée, mais je mettais ça au crédit d’un accès de compassion.


Mélanie ne faisait d’ailleurs rien pour plaire, et plus personne ne s’intéressait à elle. Je recherchais pourtant inconsciemment sa présence, et Stan n’a pas manqué de m’en faire la remarque.



Mon cynisme agressif m’a surpris. J’étais soudain sur la défensive, alors que j’étais loin d’être sûr de ce que j’avançais au sujet de la véritable nature de Mélanie. J’ai regardé Stan avec un petit sourire égrillard.



Stan n’a rien trouvé à ajouter, signe incontestable qu’il n’avait plus l’esprit à la gaudriole. Les examens approchaient, et nous étions tous un peu stressés.



—ooOoo—



Le jour où on a épinglé les résultats, tout le monde s’est bousculé devant les tableaux d’affichage comme si l’autodestruction des feuillets devait se produire dans les deux minutes. Du troisième rang des angoissés, je me suis étiré sur la pointe des pieds et j’ai vu avec soulagement que j’avais réussi. J’ai immédiatement recherché le nom de Mélanie, alphabétiquement proche du mien, et je me suis retourné au moment où elle s’approchait de moi.



Tout le monde s’est éparpillé, mais j’ai quand même dit au revoir à Mélanie, quand j’ai compris qu’elle ne ferait pas la fête avec les autres.



J’ai hoché la tête, et on s’est dit au revoir. Un bisou sur la joue et bye-bye jusqu’à la rentrée. J’ai eu un pincement au cœur en la voyant partir. Cul serré ou pas, j’étais amoureux, mais c’était une évidence que je refusais encore d’admettre.


Ce jour-là, j’ai vraiment picolé grave, et Stan était bien parti lui aussi. Copieusement imbibé, j’ai fini par prendre goût à la fête, et j’ai achevé la soirée avec une copine. Une moche. Enfin, grâce à l’alcool, elle était convenable quand même, et puis elle était gentille et elle m’aimait bien, alors j’ai fini par la tirer – pour utiliser une expression chère à Stan – et puis je me suis tiré lâchement en espérant qu’elle ne se souviendrait pas de moi, parce que moi, je l’avais déjà oubliée.



—ooOoo—



Malgré mon agoraphobie, je me suis offert un bref séjour au littoral fin août, après avoir trimé à la conserverie pendant un mois plein. J’ai débarqué du train à Oostende, sac au dos et baskets aux pieds, et j’ai pris le tram jusqu’à Westende où je me suis dégoté une petite place dans un camping.


La mer du Nord en été, je n’aimais pourtant pas ça, mais je me suis baladé à mon aise, surtout du côté de Nieuwpoort, parce que je me disais que j’allais peut-être y rencontrer Mélanie. C’était idiot de ma part, mais elle me manquait. Je commençais à admettre que j’en pinçais vraiment pour elle, et je la cherchais tout bêtement sur la côte belge alors qu’elle était peut-être chez elle, les doigts de pied en éventail sur une chaise longue au milieu de la pelouse !

À vingt ans, on a rarement assez de plomb dans la cervelle.


La première drache ayant eu raison de mon optimisme, j’ai replié la tente et je suis rentré chez moi quatre jours après mon départ, plus léger de quelques billets et nanti de plusieurs coups de soleil. Une peau de blond, ça n’aime pas les UV.


J’ai éparpillé du sable sur le carrelage en vidant maladroitement mon sac, mais ma mère n’a pas râlé parce que j’avais pensé à lui ramener une boîte de echte babeluten. J’étais timide, mais diplomate.



—ooOoo—



En septembre, pendant que d’autres stressaient en deuxième session, j’ai fait quelques virées avec Stan, histoire de tuer le temps jusqu’à la rentrée. Et puis octobre est arrivé, avec ses bizutages et autres activités de haut intérêt socioculturel, mais je n’avais pas la tête à ça. J’ai évité les beuveries, parce que Mélanie les fuyait complètement, et ça m’a un peu éloigné de Stan.


Je vivais soudain différemment, sans la présence continuelle de mon vieux copain. Je recherchais celle de Mélanie, et nous bavardions régulièrement ensemble entre deux cours, mais ça se limitait à ça. Mon amour-propre, davantage encore que ma timidité, m’interdisait de lui faire quelque avance de crainte d’essuyer un refus, même poli.


Bien sûr, Stan avait remarqué mon changement de comportement, et en avait immédiatement attribué la cause à Mélanie. Mais autre chose le tracassait davantage encore.



Je l’avais remarqué, mais pour moi, ça n’avait guère d’importance. À la rentrée, Mélanie était arrivée toute proprette, vêtue sobrement, avec ses petites lunettes et des chaussures à talons plats. Ses cheveux mi-longs étaient entièrement châtains, retenus sur les côtés par deux petites pinces, et elle avait l’air parfaitement normal. À cent lieues de la blondasse m’as-tu-vu de l’année précédente, mais loin aussi de la demoiselle élevée chez les nonnes qu’elle semblait être devenue au printemps. Et, comme Stan l’avait immédiatement noté, elle n’avait plus cette arrogante poitrine qui faisait fantasmer la plupart des mâles de la faculté. Elle était rentrée dans le rang.


Je me suis courageusement abstenu d’aborder la question avec elle, me contentant de lui dire qu’elle avait bonne mine et de l’interroger au sujet de ses vacances.



La réponse était polie, mais n’était pas annonciatrice de confidences, alors je me le suis tenu pour dit. Elle m’a demandé dans la foulée si le job d’étudiant n’avait pas été trop éprouvant, mais n’a pas cherché à savoir si j’étais parti en vacances, ce qui m’a évité de lui mentir. Jamais je n’aurais osé lui avouer que j’avais arpenté la plage de Nieuwpoort et supporté sur la digue les slaloms des amateurs de cuistax dans le simple espoir de l’y rencontrer !



—ooOoo—



À la fin du mois de décembre, la petite soirée traditionnelle a été organisée, et Stan a voulu savoir si je lui ferais l’honneur de ma présence ou si je snobais toujours les guindailles.



En terminant les cours, j’ai osé demander à Mélanie si elle serait de la fête.



Me prendre un calage dans les gencives en récompense de ma bravoure a dû renforcer mon air idiot !



La question m’avait surpris, mais ma réponse avait été spontanée. Mélanie m’a souri et mon moral s’est envolé dans la stratosphère.




—ooOoo—



Dehors, il faisait froid, mais la salle était surchauffée et la musique gueulait. Je suis arrivé tôt avec Stan, et je me suis morfondu en attendant l’arrivée de Mélanie. Je n’arrêtais pas de m’interroger, parce qu’elle avait dit « je crois bien » plutôt que de m’offrir une certitude.

Je suis sorti plusieurs fois, et Stan a remarqué que je ne buvais pas et que je jetais partout des regards inquiets.



Je me suis levé pour la quatorzième fois en une heure, et me suis à nouveau dirigé vers la sortie, mais soudain Mélanie était là devant moi, et mon cœur a loupé deux battements, sans doute par solidarité avec mon bégaiement.



Légèrement maquillée, elle ne portait pas de lunettes et ses cheveux retombaient naturellement. En reprenant mon souffle, je l’ai conduite à la table où j’étais installé avec Stan et quelques autres et elle a salué rapidement tout le monde. Quand elle a posé son petit sac et enlevé son manteau blanc en mouton retourné, j’ai vu des mâchoires tomber.


Contrairement à la plupart des filles, elle ne portait pas de blue-jean ou de minijupe, mais une jolie robe bleu pastel qui lui tombait un peu au-dessus du genou. Les jambes gainées de fin nylon et les pieds dans des escarpins à talons hauts, elle était presque aussi grande que moi. J’ai espéré qu’elle n’ait pas pris froid en chemin.


Ni elle ni moi n’avons pris le temps de nous asseoir, parce qu’un morceau venait de s’achever, et les premières mesures du suivant ont fait qu’on s’est regardés et qu’on est allés directement sur la piste de danse toute proche.

J’ai posé les mains sur ses hanches et elle a mis les siennes tout près de mes épaules au moment où Justin Hayward commençait à chanter.


Nights in white satin… never reaching the end…


Je sentais sous mes doigts la douceur du tissu de sa robe, et la tiédeur de sa peau par-dessous. Elle était près de moi, mais sans me toucher, et je voyais sa joue et devinais sous ses cheveux châtains le léger balancement d’un anneau doré suspendu au lobe de son oreille.


Elle m’a souri, mais c’était bizarre parce que le slow appelle au contact et que nous nous efforcions pudiquement de garder quelque distance. Je me dandinais gauchement en m’efforçant de ne pas soulever les pieds de crainte de lui écraser un orteil au passage.

Le rythme plus que posé de la chanson correspondait en tout cas parfaitement à ma compétence en matière de danse, et j’étais ravi de ma bonne pioche : j’aurais pu tomber sur Jerry Lee Lewis !


Il m’était difficile de parler, car en raison du volume sonore ambiant j’aurais dû soit mettre la bouche tout près de l’oreille de Mélanie, soit lui postillonner mes impressions à la figure. N’étant ni audacieux ni malpoli, j’ai choisi de goûter silencieusement au plaisir de la sentir devant moi, de toucher le galbe de ses hanches et de humer son léger parfum. Comme il y avait du monde sur la piste et que les autres danseurs nous heurtaient parfois, on s’est un peu rapprochés et j’ai senti, au travers de mon jean, son genou effleurer le mien.


’Cause I love you… yes I love you…


On tournait doucement, l’un près de l’autre, et les jeux de lumière jetaient des taches tour à tour bleues, rouges, vertes, jaunes… qui formaient un halo psychédélique à contre-jour dans les cheveux de Mélanie.

Elle a penché légèrement la tête, et j’ai senti mon ventre se nouer pendant que je soutenais son regard et répondais à son sourire. J’ai dû rougir un peu à ce moment-là, mais il faisait sans doute trop sombre pour qu’elle s’en aperçoive. Ses doigts sont remontés vers mes épaules et se sont rapprochés de mon cou, contre le col de ma chemise.


Gazing at people…


Mes mains ont glissé lentement dans son dos, se sont arrêtées sur ses reins, et elle a mis la joue un peu plus près de la mienne. Ses mèches brunes ont fugitivement caressé mes blondes, au moment où une bouffée de parfum, plus insistante, plus suave, atteignait mes narines, et j’ai fermé un instant les yeux pour me concentrer sur sa fragrance sucrée et tenter d’identifier le fruit gourmand qu’elle évoquait.


Le mellotron jetait dans les haut-parleurs ses notes moelleuses, et la voix de Justin Hayward se glissait pour la nuit entre des draps de satin blanc.


J’ai levé les paupières pour regarder la salle, au-delà de nous, mais les taches fantomatiques des visages s’évanouissaient dans l’obscurité et les volutes de fumée des cigarettes, alors j’ai cessé de m’occuper de ce qui nous entourait pour goûter pleinement à la magie du moment et au plaisir troublant de toucher enfin du bout des doigts celle que j’aimais du fond des yeux depuis des temps déjà immémoriaux.


Just what you want to be…


Il faisait chaud. Une légère moiteur s’est mise à envahir le bas de mon dos tandis que je sentais sous mes paumes les déhanchements et la chaleur du corps de ma cavalière. Mes doigts se sont rejoints sur la robe, dans son dos, et j’ai résisté à l’envie de les nouer les uns aux autres.


And I love you…


Mélanie a dû percevoir mon hésitation, car elle a penché un peu la tête vers l’arrière pour me regarder, puis elle a accroché mon cou et s’est rapprochée un peu plus de moi, alors nos cheveux se sont vraiment touchés. Nos corps aussi, un tout petit peu, sans appuyer. Juste un frôlement, un très léger contact, qui variait avec notre respiration et nos mouvements. C’étaient des instants magiques, des sensations fugaces et émouvantes parcouraient nos ventres qui se cherchaient, s’effleuraient puis se retiraient comme soudain effarouchés.


Pendant le chorus à la flûte traversière sur fond de mellotron, on a un peu tourné, et cette fois la jambe de Mélanie s’est glissée un peu plus loin entre les miennes, suivant nos pas, et sa robe flirtait avec mon jean, son genou avec le mien. Comme l’aimant attirant le fer, nos corps se sont touchés franchement, alors j’ai osé nouer les doigts sur le bas de son dos. On ne cherchait plus à réduire ce contact, partageant notre chaleur, et j’étais de plus en plus moite parce que ma cavalière me faisait à présent danser en épousant ses déhanchements. La transpiration commençait à faire adhérer ma chemise à mes reins.


Mes avant-bras sont venus reposer contre les flancs de Mélanie, de manière agréable et troublante. J’ai eu la sensation de l’enlacer amoureusement, mais ce n’était pas qu’une sensation. Je la tenais vraiment contre moi, doucement et sans la serrer, mais suffisamment fort pour ressentir un profond émoi au travers des mouvements qui balançaient nos corps, avec les bouffées de son parfum qui commençaient peu à peu à m’enivrer.


Comme les miens quelques instants plus tôt, les doigts de Mélanie se sont rejoints, sous mes cheveux, sur ma nuque trempée de sueur. La chaleur était de plus en plus présente, venant non plus de l’extérieur, mais de nos corps serrés l’un contre l’autre, de nos respirations qui s’accéléraient, des ondulations sous notre poitrine et notre ventre à présent sensuellement unis. Par tous les pores de notre peau suintait un courant complice, une envie irrépressible d’être plus près, toujours plus près, dans une communion des sens qui faisait de deux entités distinctes un seul et même brasier illuminant cette nuit de satin blanc.


Les derniers accords de mellotron ont achevé de noyer dans l’oubli les tables, les chaises et les murs de la salle enfumée, nous laissant seuls elle et moi avec notre émoi et la chanson des Moody Blues.


Nights in white satin…


J’ai dû louper un temps, et nos pieds se sont légèrement emmêlés, mais nous ne sommes pas tombés. En riant, nous nous sommes accrochés l’un à l’autre davantage encore, comme des naufragés à leur bouée de sauvetage. Le contact était affolant, rempli de vibrations, de frémissements. Les bras de Mélanie ont pesé sur mes épaules, et tout d’une fois j’ai eu des seins, parce que sa poitrine s’écrasait sans pudeur contre la mienne.


Nos jambes se frottaient, ma cuisse filait entre les siennes tandis que la pression s’accentuait. Nos joues se sont rapprochées, nos cheveux se sont mêlés, sa bouche est venue tout près de mon oreille et son oreille tout près de ma bouche, alors que je désirais ardemment le mouvement inverse, qui aurait rapproché nos lèvres et scellé notre étreinte. J’ai senti les ondulations lascives de son corps, et sa voix a chanté doucement dans mon oreille.



Sa robe collait à ma peau, les battements de son cœur tambourinaient contre le mien, son souffle caressait mon cou, se perdait dans mes cheveux. Malgré notre épiderme en feu, l’ébullition de notre esprit et la chaleur moite dans laquelle on baignait, un long frisson est parti en cascade de ma nuque vers mes reins, et j’ai aussi fredonné la fin de la chanson rien que pour Mélanie.



On s’est immobilisés, soudés l’un à l’autre, avec les dernières notes de ce slow volcanique. Nos joues ont glissé lentement jusqu’à ce que ma bouche effleure la commissure de ses lèvres et que son regard rejoigne le mien, puis nos souffles se sont mêlés et j’ai fermé les yeux pendant que tout s’embrasait sur les premières mesures de Back in the USSR.



—ooOoo—



Entre la Noël et le Nouvel An, nous sommes partis tous deux direction la côte et l’appartement de ses parents. Il faisait froid, mais sec, et j’avais accepté avec enthousiasme la proposition que Mélanie m’avait faite de ce séjour.



J’avais abondé dans son sens. Les gens ignorent trop souvent les charmes incontestables exhalés par certains endroits pendant la morte-saison.


Nous avons quitté le train en gare d’Oostende, et pris le tram de la côte. Une motrice crème, sans remorque, contrastant avec les longs attelages estivaux. Nous étions presque seuls dans le véhicule qui filait à belle allure le long du littoral. Mélanie portait son manteau en mouton retourné, et moi mon duffel-coat, et nous étions assis l’un contre l’autre sur la banquette, frottant nos blue-jeans au gré des cahots du trajet.

Mélanie arborait de nouveau ses petites lunettes. Elle était un peu myope, et renonçait la plupart du temps à la coquetterie de ne pas les porter.


Nous nous sommes rendus directement à Nieuwpoort, mais la journée était déjà bien avancée alors on a juste déposé nos bagages à l’appartement et mis le chauffage en marche, puis nous sommes sortis pour une balade main dans la main sur la plage déserte.


Les vagues étalaient leurs rouleaux grisâtres et écumants sur le sable, et quelques rares oiseaux de mer planaient encore au-dessus de nous. Nous avons marché dans la zone de balancement des marées, dure, sombre et luisante sous les rayons rasants du soleil déclinant, et les coquillages craquaient sous nos semelles. En reprenant pied sur la digue, nous avons suivi la même impulsion, qui nous guidait vers l’estacade. Nos chaussures sonnaient sur les madriers pendant qu’on se hâtait vers l’extrémité arrondie de la construction. De l’autre côté du chenal, sa sœur jumelle longeait la plage au bas du domaine militaire de Lombardsijde, avant de s’avancer audacieusement vers le large.


Appuyés au garde-fou, serrés l’un contre l’autre, cheveux au vent qui nous fouettait le visage et faisait naître de petites larmes aux coins de nos paupières, nous sommes restés immobiles de longues minutes, heureux de vivre et de contempler l’immensité marine. Nous avons fait demi-tour avant d’avoir la goutte au nez, et la nuit tombait déjà lorsque nous avons regagné l’appartement.


En riant, nous avons déballé nos maigres bagages et rassemblé les quelques victuailles que nous avions amenées. Pendant que du lait chauffait, elle m’a montré sa chambre et, malgré l’étroitesse du lit, c’est là qu’on voulait s’installer. On se cherchait sans cesse : un sourire, un frôlement, un mot gentil et nous tombions dans les bras l’un de l’autre, savourant le contact de nos mains, de nos corps, de nos bouches enfiévrées.

Nous éprouvions tous deux l’envie de nous jeter sur le lit, mais repoussions sans cesse ce moment, trouvant à chaque fois quelque chose de plus urgent à faire. Nous aimions cette tension, cette impression d’être sur le fil du rasoir, d’être prêts à basculer dans un bain de délices, mais de se refuser encore cet instant.


On a regagné la cuisine juste à l’instant où le lait se préparait à déborder du poêlon, et nous nous sommes offert un grand bol de chocolat chaud avec quelques biscuits.


Je ne sais plus lequel de nous deux s’est ensuite levé en premier, mais nous sommes restés un long moment devant la baie vitrée, face à la mer sur laquelle scintillaient au loin les feux d’un navire, puis Mélanie a tiré les tentures et on s’est enfermés dans sa chambre.


La petite lampe de chevet jetait une faible lueur jaune et rasante sur le lit, et les tons chauds de la couverture étaient un appel à la douceur et à l’intimité. Nous avons enlevé nos chaussettes, Mélanie a posé ses lunettes sur la table de nuit et nous nous sommes retrouvés debout l’un en face de l’autre, les orteils crochés dans la carpette en velours.



Je l’ai prise dans mes bras, j’ai embrassé son front, ses yeux, son nez et sa bouche, puis mes mains ont saisi le bas de son pull-over et j’ai tiré lentement vers le haut, pendant qu’elle levait les bras pour m’aider. Elle a laissé tomber elle-même le lainage sur le sol, pour ensuite nouer les bras autour de mon cou pendant que je l’enlaçais pour extraire son tee-shirt de son pantalon. J’ai glissé les doigts par-dessous, sur la chaleur de sa peau, et elle a eu un petit frisson, alors j’ai caressé son dos en soulevant le vêtement pendant qu’on s’embrassait goulûment, échangeant la saveur de nos papilles gustatives.


Mes doigts ont effleuré au passage l’attache du soutien-gorge, puis ont entamé l’ascension de la face sud de ses épaules, jusqu’à l’arrondi marquant la naissance de ses bras. Elle les a tendus vers le plafond tandis que mes paumes glissaient sur toute leur longueur, et nos doigts se sont trouvés au moment où le tee-shirt tombait sur la carpette.


On s’est écartés un instant, et je me suis agenouillé tout en couvrant son ventre de petits baisers. Elle a ri gentiment en passant les ongles dans mes cheveux et autour de mes oreilles, alors j’ai commencé à dégrafer son pantalon. Mes doigts tremblaient quand la tirette est arrivée en bout de course, mais j’ai continué l’effeuillage en accrochant le vêtement à la taille et en le faisant coulisser le long de ses jambes, jusqu’à ses pieds. Elle les a soulevés l’un après l’autre, et j’ai repoussé le pantalon derrière moi.


Toujours à genoux, j’ai saisi les globes de ses fesses, en posant la bouche sur le tissu soyeux de sa petite culotte, et j’ai soufflé longuement sur son pubis. Je n’avais pas spécialement envie de faire ce geste puéril, mais j’essayais de chasser ma nervosité.



Mes mains pétrissaient les deux rondeurs charnues, au travers du tissu, et j’ai fini par les glisser sous l’élastique, pour mieux palper la douceur de la peau. J’ai inspiré à fond, en devinant sous mes lèvres les petits reliefs mousseux de ses poils pubiens, et en savourant l’odeur de femme qui grimpait à l’assaut de mes narines. Mélanie accompagnait mes caresses d’un léger balancement des hanches, et elle a fini par tirer sur ma tête pour que je me redresse.


Ma bouche est remontée le long de son ventre, le couvrant de baisers, et je me suis attardé un peu, juste pour une exploration de son nombril avec la pointe de ma langue, avant de m’aventurer entre ses seins puis de longer le bord en dentelle des bonnets de son soutien-gorge. Mes lèvres ont effleuré son cou, puis on s’est retrouvés à nouveau debout, serrés l’un contre l’autre à s’embrasser. J’ai attrapé l’agrafe de son soutien-gorge, mais la fermeture tenait bien et j’étais maladroit, alors Mélanie m’a aidé du bout des doigts.


Je lui ai caressé le dos pendant qu’on s’embrassait encore, puis mes mains ont repoussé les bretelles du sous-vêtement, et on s’est écartés le temps de le laisser choir à nos pieds. J’ai à nouveau voulu m’agenouiller, mais Mélanie s’est assise sur le bord du lit, et quand mes genoux ont touché la carpette, mes mains étaient sur ses hanches et mon visage sur ses seins, et je sentais ses genoux serrés de part et d’autre de ma taille.


Mes lèvres ont à peine eu le temps de lui effleurer un téton, que Mélanie s’est renversée sur les couvertures en m’attirant sur elle, mais je suis resté agenouillé et j’ai tendu les bras pour emprisonner ses seins dans les paumes de mes mains, caressant du bout des doigts leurs pointes érigées. Ma bouche s’est posée tout naturellement sur la petite culotte de ma partenaire, et j’ai senti un petit frisson parcourir tout son corps au moment où je poussais la langue au bas de sa zone pubienne, goûtant au travers du tissu la senteur épicée de sa vulve humide.


J’ai appuyé doucement, remuant la bouche sur l’étoffe mouillée par la cyprine autant que par ma salive, pendant que mes doigts continuaient à palper les deux rondeurs offertes à la caresse. Mélanie a commencé à remuer le bassin de haut en bas, se frottant à ma langue et fourrageant des doigts dans mes cheveux, et j’ai entendu les légers murmures satisfaits qui franchissaient l’ourlet de ses lèvres. Elle a abandonné ma tête pour glisser une main sur son ventre et l’autre sous ses fesses, et elle a écarté l’élastique de sa petite culotte, dénudant son entrejambe et offrant sa vulve à ma bouche avide.


C’était affolant ! Sans alcool ni copains ni chansons paillardes, une ivresse neuve et inconnue s’était emparée de moi et j’osais entreprendre ! Je ne réfléchissais à rien, et la seule chose pratique à laquelle j’ai eu la lucidité de penser, c’était que la position adoptée pour nos ébats empêchait les mains de Mélanie de s’aventurer ailleurs que sur ma tête, ce qui était heureux, car mon sexe douloureusement gonflé échappait ainsi à toute tentative de caresse de sa part. Je ne tenais pas à la laisser provoquer trop rapidement mon plaisir sans lui avoir d’abord offert le sien. J’avais ma fierté.


J’ai continué à la lécher, pendant qu’une de ses mains tenait écarté l’élastique de la culotte et que l’autre accompagnait la caresse de mes doigts sur ses seins, guidant leurs mouvements. J’ai entendu cette fois plus distinctement les soupirs d’aise qui fusaient de sa gorge, alors qu’elle continuait à osciller des hanches et que je m’efforçais de ne pas penser au volcan qui bouillonnait quelque part dans mon ventre.


Tout à coup, Mélanie a relevé les jambes et, les jetant en arrière par-dessus sa tête, a momentanément échappé à ma caresse buccale pour tirer sur sa culotte et s’en débarrasser. J’ai attrapé ses cuisses lors de leur descente, et cette fois son sexe était entièrement offert, ruisselant et odorant, et j’ai pu le fouiller à m’endolorir le frein de la langue, léchant et suçant tour à tour, jusqu’à ce que j’entende la voix de Mélanie.



Mais j’ai maintenu la prise sur ses cuisses, pendant qu’elle laissait échapper des cris de plaisir et que son corps frémissait sous ma bouche.



Je me suis allongé tout contre elle, cherchant ses lèvres et lui faisant partager le goût de sa jouissance, pendant qu’elle dégrafait mon pantalon. Elle m’a pris en elle alors que j’avais encore tous mes vêtements, guidant mon pénis tendu à mort vers son vagin trempé.



Elle m’a serré contre elle, nouant les jambes autour de mes reins, jusqu’à ce que mon orgasme explose et que je me détende, essoufflé et le cœur battant comme après un sprint effréné.



Elle m’a regardé, pendant que nous étions allongés l’un près de l’autre et que mon sexe se rétractait jusqu’à sortir du fourreau détrempé.



Elle m’a aidé à me dévêtir, puis elle s’est mise à genoux sur le lit, assise sur les talons, en face de moi.



Elle les soulevait doucement, comme pour les soupeser. J’ai dégluti.



Je l’ai vue baisser la tête au moment où elle lâchait ses seins, qui ont balancé un petit peu alors qu’elle se penchait en avant, poings fermés sur la couverture.



Sa voix n’était plus qu’un murmure. Pour moi, ça n’avait pas d’importance, mais si c’en avait pour elle, je respectais son choix, quel qu’il soit.



Elle m’a regardé.



Le sourire est revenu sur son visage. Qu’elle est belle ! me suis-je dit en français et en moi-même.

J’ai tendu le bras pour la toucher, mais elle a attrapé ma main, s’est levée et m’a entraîné dans le living.



Nous avons enlevé la petite table du salon, puis elle a ouvert une armoire et en a sorti un quarante-cinq tours qu’elle a placé sur le tourne-disque. Dans la demi-pénombre, je voyais son dos, la courbe gracieuse de ses reins, l’arrondi de ses hanches et son cul rebondi. Elle s’est retournée et, lorsque les premières notes de la chanson ont flotté dans l’appartement, elle s’est avancée vers moi en ouvrant les bras.



Je n’ai pas répondu. Comment aurais-je pu oublier ? J’ai mis les mains sur ses hanches, et elle a accroché mes épaules au moment ou Justin Hayward commençait à chanter.


Nights in white satin…


Cette fois, c’était différent. Plus de copains, plus de haut-parleurs crachant chacun leur décabel dans une salle enfumée et surchauffée, plus de lumières colorées : juste nous deux au milieu de l’appartement, les pieds nus sur le moelleux tapis débarrassé de la table de salon.


On aurait pu se jeter l’un sur l’autre, mais on s’est juste effleurés des doigts, presque timidement, comme si le monde entier nous regardait, alors qu’il n’y avait que la pâle clarté lunaire filtrant au travers des tentures et un rai de lumière jaune, en provenance de la chambre à coucher, qui s’en allait zébrer le mobilier du coin-cuisine.


Nous aurions pu parler, bien sûr, mais nous avons préféré nous taire pour mieux goûter à la magie du moment. J’ai glissé les mains dans le dos de Mélanie, juste au creux de ses reins, et elle a caressé ma nuque en joignant ses doigts.


Just what the truth is…


Quand le refrain de la chanson a retenti dans l’appartement, nous nous sommes chantonné la mélodie directement dans le creux de l’oreille, et j’ai senti contre ma poitrine les pointes des seins de Mélanie, et son ventre qui frôlait le mien, alors mon sexe encore humide a vraiment repris de la vigueur. Je me suis légèrement écarté pour lui permettre de se dresser complètement entre nos ventres.


…Oh how I love you…


J’ai ensuite serré Mélanie contre moi, avec mes bras qui l’enlaçaient et mes mains qui se posaient sur le haut de ses fesses. Elle, elle se tendait sur la pointe des pieds, ballerine sans tutu juste pour moimoi, levant parfois une jambe pour effleurer mes cuisses avec les siennes. J’ai remonté le bout des doigts le long de son dos, dans le creux marqué par la colonne vertébrale, et elle m’a embrassé dans le cou et mordillé le lobe de l’oreille. C’était le même slow, mais les circonstances différaient, et nous ne pouvions cette fois languir plus de quatre minutes avant de céder au vertige des sens !


Gazing at people…


Nous étions un peu moites, et mon sexe encore mouillé nous humidifiait le ventre. L’odeur de l’amour, mélangée à celle, plus diffuse, de notre transpiration et de quelques traces d’eau de toilette me chatouillait les narines. Jamais je n’avais connu quelque chose d’aussi troublant, d’aussi sensuel et chaleureux. Je dansais un slow avec celle que j’aimais, nous étions complètement nus et frémissants, ivres du désir d’être près, tout près l’un de l’autre.


Le mellotron jetait dans les haut-parleurs ses notes moelleuses, et la voix de Justin Hayward se glissait une nouvelle fois pour la nuit entre des draps de satin blanc.


De plus en plus souvent, Mélanie se pendait à mon cou, se dressait sur la pointe des pieds, tantôt de l’un, tantôt de l’autre, et on a cessé de tourner. J’ai fléchi légèrement les genoux pendant qu’elle se cambrait, et mon sexe est parti entre ses jambes, là où c’était chaud, doux et mouillé.


J’ai empoigné les globes fessiers de Mélanie, pour l’aider à se soulever tandis que mon pénis caressait sa vulve puis se frayait son chemin dans le fourreau brûlant, et elle a poussé un petit soupir, juste près de mon oreille, d’une voix douce et caressante qui m’a fouetté le bas des reins.


And I love you…


Ce n’était pas une position confortable, mais nous étions émoustillés et prêts à tout. Je soutenais fermement mon amie, accompagnant des mains ses mouvements du bassin, et par moments je sentais son poids sur ma nuque et mes épaules, quand ses pieds ne touchaient plus suffisamment le tapis, alors c’était moi qui accentuais mon va-et-vient.


Ce soir-là, j’ai eu vraiment la sensation de faire l’amour pour la première fois de ma vie, tout simplement parce que c’était avec celle que j’aimais. Je ne baisais pas à la sauvette une vague « copine » de beuverie.


Pendant le chorus, j’ai pensé à diverses choses, pour diluer un peu mes sensations et ne pas jouir trop vite. Je me suis demandé quelle serait la réaction de Stan s’il nous voyait, et ce qu’il en penserait. Sûr que ça lui en boucherait un coin ! J’étais certain qu’il n’avait jamais fait ça comme ça !

Et mes parents ? Et ceux de Mélanie ? J’ai imaginé un instant un homme et une femme respectables surgissant à l’improviste dans leur appartement et découvrant leur fille de vingt ans occupée à danser le slow complètement à poil avec un parfait inconnu, puis j’ai chassé rapidement cette pensée saugrenue qui menaçait de me couper mes effets !


J’ai assuré ma prise sous les fesses de Mélanie quand elle s’est pendue complètement à mon cou, a accroché ses jambes autour de ma taille et croisé les pieds dans le creux de mes reins. Nous avons fait l’amour comme ça pendant de longues secondes, le souffle court, avec la sueur qui commençait à imprégner sérieusement nos corps enlacés.


Mélanie a dû pressentir que je n’étais pas l’athlète capable de tenir indéfiniment cette position sportive, car elle a de nouveau posé les pieds par terre et, soulevée sur les orteils, a accéléré ses mouvements des hanches. Nous ne dansions plus. Nous étions concentrés sur nos gestes, et j’ai eu à plusieurs reprises l’envie de m’abattre avec elle dans le canapé trois places, pour davantage de confort, mais c’était notre slow, celui qui avait embrasé nos sens quelques jours plus tôt, et je voulais le revivre entièrement comme il le méritait.


Le chorus se poursuivait, envoûtant, lascif, avec les notes de flûte et de mellotron qui s’envolaient, et mon membre qui s’activait malgré ma fatigue, malgré mes mollets endoloris, mes muscles abdominaux enflammés et mes cuisses tremblotantes. J’avais eu peur de jouir à nouveau trop vite, mais la position acrobatique et l’effort physique que je produisais pour soutenir le corps de mon amie atténuaient mes sensations. J’ai fléchi à nouveau légèrement les jambes, et Mélanie est venue s’empaler à fond sur mon sexe au moment où le chorus s’achevait dans trois derniers accords de mellotron.


Nights in white satin…


J’ai failli basculer en arrière, sous le coup de reins que venait de donner Mélanie, mais j’ai fait un petit pas de recul, et nous ne sommes pas tombés. En riant, nous nous sommes accrochés l’un à l’autre davantage encore, comme des naufragés à leur bouée de sauvetage, balancés par les flots de l’océan d’émotions qui nous emportait loin de tout. Nous étions en plein délire, en pleine extase, et je ne maîtrisais plus rien hormis ma résistance aux lois de la gravité.


Le contact physique était affolant, rempli de vibrations, de frémissements, de glissements de corps en sueur et de gémissements de plaisir. Les seins de Mélanie s’écrasaient contre ma poitrine, son sexe engloutissait le mien avec un bruit de succion, et sa respiration haletante remplissait mon oreille.


Nous avons poussé des cris de joie et de douleur à la fois. J’avais mal partout mais la jouissance s’annonçait dans mon ventre et dans le creux de mes reins, poussée de lave en fusion attisée par les gémissements de plaisir de ma partenaire. Nos cœurs battaient à tout rompre, la transpiration ruisselait de partout, j’avais la gorge enrouée, des cheveux dans la bouche et dans les yeux.


’Cause I love you…


Mélanie a accéléré ses mouvements, et j’ai serré les dents pendant que montait l’orgasme. Nous nous sommes envolés en même temps, sur le dernier refrain, mais notre plaisir prenait toute notre énergie, et nous n’avons pas pu chanter. Pas tout de suite, pas la première fois. Mais quand Justin Hayward a repris les derniers vers de la chanson, nous les avons bus en même temps que lui, convaincus que rien ne pourrait jamais nous séparer.




—ooOoo—



Nous n’avons pas beaucoup dormi de la nuit. L’étroitesse du lit nous maintenait l’un contre l’autre, et je ne pouvais laisser Mélanie tranquille. Tenir dans mes bras son corps doux et chaud, me frotter contre elle, sentir son souffle tout près du mien, percevoir son odeur… me remplissait d’un bonheur total. Nous avons encore fait l’amour plusieurs fois, et ne nous sommes vraiment endormis qu’au petit matin, terrassés par la fatigue et repus de sensations voluptueuses.


La matinée était déjà bien entamée quand nous avons quitté la couette. On s’est douchés ensemble en riant comme des enfants, puis on a mangé un bol de céréales avant de se décider à mettre le nez au balcon. Il faisait clair, un temps sec et venteux, froid, mais propice à la promenade. Nous aimions vraiment la mer en hiver et j’étais heureux comme jamais je ne l’avais été.



On s’est habillés pour sortir, et Mélanie a récupéré ses lunettes.



Elle les a déposées sur la table.



Nous sommes partis main dans la main, nos manteaux fermés jusqu’au cou, dans l’air vif et sec, et nous avons marché rapidement vers la ville où quelques commerces étaient ouverts. On a trouvé une boulangerie, et Mélanie est entrée pour acheter du pain. Plusieurs personnes faisaient la file, alors j’ai dit :



Elle m’a souri et je l’ai embrassée, puis je suis sorti et j’ai traversé la chaussée avec sur les lèvres le goût de son baiser. J’ai choisi quelques cartes chez le libraire, et j’ai retrouvé la rue au moment où Mélanie quittait la boulangerie. Dès qu’elle m’a vu, elle a fait un signe de sa main libre et s’est élancée pour traverser, toute souriante.


J’ai crié, mais en vain. Les pneus ont hurlé sur l’asphalte, il y a eu un impact effrayant, et c’était comme si le ciel me tombait sur la tête pendant que le corps de celle que j’aimais se désarticulait dans un vacarme de cris, de tôle froissée et de verre brisé.

Des gens sont sortis des boutiques, des voitures et peut-être aussi des maisons, je ne sais plus, et tous se sont précipités mais il était trop tard. Trop tard pour elle, pour nous, pour moi, et pour une paire de lunettes abandonnées sur un coin de table, dans un appartement avec vue sur la mer.



—ooOoo—



Il y avait du monde à l’enterrement, mais j’étais désespérément seul. Seul dans mon malheur, dans mes remords et mes regrets. À la fin, je suis encore resté longtemps figé près de la tombe béante, à regarder le cercueil recouvert de fleurs, pendant que les gens s’éloignaient et défilaient devant la famille, un peu plus loin.


Je ne pouvais m’arracher à cet endroit. J’aurais voulu me jeter dans le trou, sentir tomber sur moi les pelletées de terre et qu’on m’oublie définitivement. Les larmes ruisselaient sur mes joues, en flot continu, et un brouillard rouge flottait devant mes yeux. Je n’étais plus rien qu’une plaie vive, une douleur immense, une maladie incurable.


C’est à peine si j’ai entendu les pas crisser derrière moi sur les graviers, mais j’ai senti une main ferme se poser sur mon épaule. C’était le père de Mélanie. C’est la seule personne, ce jour-là, à m’avoir gratifié d’autre chose que d’un regard chargé de haine et de mépris. Il souffrait atrocement, mais il n’a rien dit. Les grandes douleurs sont muettes.


Il a serré les doigts sur mon épaule, puis s’est éloigné sans un mot, engoncé dans son pardessus et dans sa peine, les yeux rougis par les larmes qu’il n’avait pu retenir lui non plus.



—ooOoo—



Le pâle soleil hivernal jette ses derniers feux sur les rouleaux gris de la mer du Nord. Les vagues s’écrasent en grondant sur les brise-lames et sur les poutres de l’estacade, entrelacs sombre et dégoulinant orné d’algues, de mousses et de coquillages.


Accoudé au garde-fou, le regard perdu ailleurs vers l’horizon, c’est à peine si je vois voleter devant mon visage les mèches de mes longs cheveux blond cendré. Ils sont comme moi, démodés, fatigués, mais je les aime ainsi, avec leur blondeur que les années ensevelissent peu à peu sous la cendre.


L’écume se soulève, jaillit, et un visage m’apparaît dans un brouillard de gouttelettes scintillantes, perles d’un songe au milieu des embruns. Mélanie porte ses petites lunettes, celles qu’elle aurait eues sur le nez ce jour-là si seulement j’avais insisté un tout petit peu… Pourquoi n’ai-je pas insisté ?


Elle les enlève et me sourit. Elle m’attend. Un jour, j’irai la rejoindre, mais je ne puis décider seul du moment où je partirai. Ce serait trop simple, trop lâche. Je dois vivre mes hivers, le nez au vent et les yeux dans les vagues écumantes. Je sais que Mélanie m’a déjà pardonné, mais moi, je ne peux pas. Je ne me le pardonnerai jamais.




La voix m’a surpris, m’arrachant d’un seul coup à ma rêverie. Je tourne la tête. Une jeune femme est debout près de moi, contre la rambarde, sur fond de mer.

J’acquiesce. La femme sourit à son compagnon qui vient près d’elle lui entourer les épaules de son bras.



Avec un petit rire, elle pose la main sur le ventre rebondi qui tend son épais manteau. Elle est plutôt menue, pas spécialement belle, mais pleine de charme. Lui est grand, incontestablement plus âgé qu’elle, l’air sympathique.

Je souris à la jeune femme.



Elle a l’air heureux, et lui aussi. Elle a des yeux étranges. Des yeux vairons. L’un gris, l’autre brun clair.

Je leur souhaite un bon voyage et beaucoup de bonheur, et ils me remercient avant de s’éloigner bras dessus, bras dessous. Je les regarde partir, puis me tourne à nouveau vers le large, vers la mer grise et houleuse, pendant que le vent emporte au loin le cri moqueur d’un oiseau marin.


Les couples amoureux me donnent toujours le cafard.