n° 12641 | Fiche technique | 13679 caractères | 13679 2365 Temps de lecture estimé : 10 mn |
15/06/08 corrigé 01/06/21 |
Résumé: Guillaume se retrouve à l'état d'ectoplasme prisonnier d'une piscine. | ||||
Critères: #fantastique fh piscine amour revede intermast nopéné | ||||
Auteur : Cidoup Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Piscine hantée Chapitre 01 / 06 | Épisode suivant |
Baoum !
Où suis-je ? Qu’est-ce qui m’arrive ? On dirait que je n’ai plus de sensations. La seule chose dont je me souvienne c’est un éclair suivi par un énorme choc dont je ressens encore le tremblement. Tout flotte autour de moi… Non, c’est moi qui flotte. C’est bizarre. Je ne distingue rien, tout est flou. J’ai l’impression de me dissoudre dans… dans quoi ? Je me faufile par plein de petits trous et glisse dans l’eau… Oui, c’est de l’eau, un peu chlorée même, qui m’enveloppe… Non, elle ne m’enveloppe pas, c’est moi qui en prends possession… Eh ! Qu’est-ce que je dis là ? Je rêve ce n’est pas possible !
L’environnement se précise. Je suis dans une piscine. Non, ce n’est pas exact, je suis la piscine… C’est idiot ! Je ne peux pas être une piscine, je suis… Qu’est-ce que je suis ? Incapable de le dire. J’ai l’impression d’occuper tout l’espace. Je m’imprègne dans le carrelage qui tapisse le fond et les parois de la piscine, je suis l’eau, je suis le corps nu qui flotte les bras en croix, la tête éclatée… Plus pour longtemps : je quitte à toute vitesse cette chair encore tiède pour me fondre dans le liquide… Une mue…
Plouf ! Quelque chose me rentre dedans, se love dans mon sein. C’est chaud, c’est doux. Un autre corps nu. Il me bouscule pour atteindre la chose inerte qui est encore un tout petit peu moi et que des mains retournent sur le dos.
Donc je m’appelle Bill, pourquoi pas ?
Un quinquagénaire poivre et sel fait son apparition. Ses chaussures boueuses salissent les carreaux de ma bordure.
Ah bon ! Je suis mort. Ça explique tout… Ça n’explique rien du tout ! Comment puis-je me retrouver à la fois dans ce débris flottant, dans l’eau et dans les parois du bassin ? Oh ! Cette sensation ! Comme une caresse ! Le corps qui nageait en moi agrippe mes barreaux et s’extrait de l’eau. Je glisse dessus, les épaules, les seins, les cuisses, m’attardant sur les poils qui voilent le bas ventre…
Eh ! Vite réintégrer la piscine si je veux rester entier ! Je me faufile dans les dernières gouttes qui tombent. Ouf ! Que serait devenue cette partie de moi si elle était restée prisonnière du tissu éponge que l’homme tend à Sophie ?
oooOOOooo
Les rides à ma surface s’estompent. Les chaussures qui me piétinaient disparaissent, emportant ce qui m’a servi d’enveloppe charnelle pendant vingt-deux années. Il est temps de faire le point sur ce que j’ai appris. Je suis un garçon appelé Guillaume… J’étais, puisque je suis mort. Jusqu’à ces dernières heures, je suivais des cours à la faculté avec mon amie et condisciple Sophie qui m’avait invité à me délasser dans sa piscine… (dans moi maintenant).
Qu’elle était jolie Sophie, toute rougissante à la réflexion du policier qui s’étonnait avec malice de ma tenue sans maillot ! Malgré tous mes efforts je n’arrive pas à me souvenir de ce que nous faisions elle et moi tout nus. Faisions-nous l’amour ? Probable si j’en crois les relents de sperme qui imprègnent encore l’eau du bassin. Qu’est-il arrivé ensuite ? Je l’ignore. Sophie a déclaré m’avoir abandonné quelques instants le temps de passer aux toilettes.
Elle a entendu un coup de feu, s’est précipitée et m’a découvert flottant dans la piscine la tête ensanglantée. Elle s’est jetée à l’eau espérant me porter secours. Son père, Pierre, qui discutait avec un voisin, est venu à son tour attiré par la déflagration. Il a fait sortir sa fille de l’eau et a appelé la police.
Il n’a vu personne s’enfuir, simplement entendu le vrombissement d’une voiture qui démarrait sur les chapeaux de roue. Les policiers ont découvert des marques de passage dans la haie et des traces de pneumatiques sur le gravier de l’allée bordant la propriété à l’arrière. Pas d’arme, ni d’indice sur l’identité du visiteur.
Tout ça est bien joli, mais cela n’explique pas pourquoi je suis… Le premier mot qui me vient à l’esprit est prisonnier. Oui, je suis prisonnier de cette piscine. Est-ce cela qui nous attend après la mort ? La nuit est tombée. Le père de Sophie m’a recouvert d’une grosse bâche bleue. Je ne vois les étoiles que par la bordure de carrelage. Des bruissements m’entourent. Je mets un bon moment avant de discerner des pensées qui s’adressent à mon esprit. Je ne suis pas seul, d’autres fantômes (?) m’environnent, me souhaitent la bienvenue.
Patiemment, ils m’expliquent que ma situation est temporaire, que j’ai une tâche à accomplir. Quoi ? À moi de le découvrir. C’est à cette condition que je serai délivré et quitterai définitivement cette terre. Mais comment y parvenir puisque mes souvenirs ont disparu avec mon corps ? Ah ! Il paraît que non, tout ne s’est pas évaporé. Mon passé existe encore, caché dans les objets qui m’étaient familiers. Si je tombe sur l’un d’eux, le souvenir attaché me reviendra.
Mais comment retrouver mon environnement puisque c’est la première fois, et ça c’est une certitude maintenant, que je viens dans cette demeure, dans cette piscine où je suis bloqué. Non ? Pas bloqué ? Les esprits qui m’environnent refusent de m’en dire plus. Je dois le découvrir par moi-même, c’est la règle…
oooOOOooo
Je suis préoccupé. Je ne fais même pas attention aux corps qui plongent, nagent, s’immiscent dans mon être, violant mon intimité. Depuis la révélation de mon nouvel état, je cherche désespérément à retrouver les objets qui m’étaient familiers, ceux qui recèlent une parcelle de mes souvenirs. J’ai compris que c’est par eux que j’arriverai à me libérer de ma prison, eux qui me permettront de découvrir la tâche qui me reste à réaliser et m’aideront à l’accomplir.
Les deux nageurs s’amusent à se couler. C’est agréable de les sentir me bousculer, me lancer en l’air, m’éclater en gerbe liquide. Vite, quitter les gouttes en m’enfonçant dans le ciment avant qu’elles ne s’évaporent !
L’un est le père de Sophie que j’ai rencontré juste après mon assassinat, l’autre encore tout jeune, peut-être adolescent. J’ai la conviction que je devrais le reconnaître, mais j’en suis incapable. Peut-être s’il portait un objet m’ayant appartenu ?
Des pieds nus chatouillent ma bordure de carreaux.
Ah oui, ça y est, ça me revient… Maxime, le jeune frère de Sophie qui vient de fêter son dix-huitième anniversaire !
Sophie s’assied au bord de la piscine. Ses fesses protégées par un slip rouge s’appuient sur moi. Un orteil égratigne la surface de l’eau. Aah ! La caresse est délicieuse. J’essaye d’envelopper le pied de toute ma tendresse.
Elle plonge l’autre jambe. Sans savoir comment j’y arrive, j’entoure ses membres inférieurs d’ondes frémissantes. Je sens les fesses vibrer contre le ciment. J’accentue les pulsations autour de sa peau. Sophie glisse peu à peu dans l’eau où elle s’immerge entièrement. Quelle joie de l’enlacer, non, mieux que ça, l’envelopper, la cocooner, la sentir mienne. Quel délice de posséder ses jambes, ses cuisses, son bassin, son torse, sa figure, sa chevelure blonde qui flotte au gré des vaguelettes.
Je m’interdis d’accompagner les gouttes qui imprègnent le tissu du slip et du soutien-gorge. Non ! Pas maintenant ! J’attendrai qu’elle se baigne nue comme elle faisait juste avant que je sois tué. Tiens ! Je me souviens de cela ! Oui, nous étions nus, nous nous embrassions… La suite reste floue… Je détaille les traits de son visage, le contour des yeux, des oreilles…
Les boucles d’oreilles ! Un cadeau que je lui ai fait, un objet familier… Tout à coup, il me revient le lieu où je les ai offertes et les circonstances, le bal de fin d’année à l’université…
Toute la soirée, j’ai gardé les boucles d’oreille dans le fond de ma poche, guettant le moment favorable pour les offrir. Je la voyais évoluer sur la piste, joyeuse, riant aux éclats au milieu de la troupe d’étudiants qui l’entourait. J’étais rongé par la jalousie. Elle ne semblait pas s’apercevoir de mon émoi. À un moment j’ai pu l’isoler. Je lui ai tendu mon présent. Ses yeux ont brillé en ouvrant la boite.
- — Qu’elles sont jolies ! s’est-elle exclamée. Aide-moi à les mettre.
Je me suis empressé. Mes doigts tremblaient de toucher sa peau, ses cheveux. Elle ne se dégagea pas, nos lèvres se rapprochèrent… Notre premier baiser. Mes mains, animées d’une vie propre, virevoltaient autour de son corps, ne sachant pas où s’attarder. Je la sentis s’appuyer, comme si elle voulait se fondre en moi. Je crus mourir de honte quand, se frottant contre la bosse qui déformait mon pantalon, elle se mit à rire :
- — On dirait que ça te fait de l’effet !
Elle me retint, m’empêchant de m’enfuir.
- — Viens, dit-elle après avoir regardé autour de nous pour s’assurer que personne ne faisait attention.
Elle m’entraîna à l’abri d’un buisson. Là, dans l’ombre complice, elle se colla contre moi. Nos lèvres se rejoignirent à nouveau. Mes mains s’enhardissaient, patouillaient les seins. Les doigts déboutonnaient le chemisier, tentant de s’insinuer sous la dentelle du soutien-gorge. Je touchais enfin cette poitrine qui m’affolait. Elle me laissa la caresser quelques minutes, puis s’écarta.
- — Ne sois pas si impatient, mon gros, dit-elle prévenant ma déception. Moi aussi j’ai le droit de m’amuser.
Ses doigts habiles ouvrirent ma braguette et s’insinuèrent dans le slip.
- — Aah !
Je ne pus taire le gémissement qui m’échappa lorsque sa paume se referma sur ma queue raidie à l’extrême. Je fouillai sous sa jupe, remontant le long des cuisses nues, les fesses à peine recouvertes par une mini culotte de dentelle. Je tremblais de désir en sentant sous mes doigts la chair de poule que mes attouchements provoquaient.
Nos jambes avaient de la difficulté à nous soutenir. Je cherchai du regard un coin d’herbe où nous étendre quand des voix proches nous dérangèrent. Nous nous sommes rajustés à la hâte. Avant de rejoindre nos camarades, elle me glissa au creux de l’oreille de venir la rejoindre chez elle le lendemain. La maison serait à nous, m’assura-t-elle…
Sophie émerge pour reprendre sa respiration. Elle est restée près d’une minute sous l’eau. Son père s’approche, un peu inquiet.
Ah ! Que c’est doux à entendre ! Mes caresses liquides ont l’air de lui plaire. J’enveloppe son corps de mes vibrations. Je ne suis plus qu’un énorme désir. À force de volonté, j’imprime à l’eau tout autour d’elle, des ondes de pression, comme un massage. Elle ne bouge plus. Je me plais à l’imaginer attentive à découvrir les nouvelles sensations que je m’efforce de lui prodiguer.
M’armant de courage, je dirige mes pulsations sur la poitrine, concentrant leurs effets sur les tétons. J’ai le plaisir de les voir s’ériger sous le tissu, mais en suis-je la cause ? Ou n’est-ce que la fraîcheur de l’eau qui occasionne cette manifestation physique ? Sophie ferme les yeux, sa bouche s’ouvre sur un cri silencieux.
Tout à coup, elle frémit, soupire et nage vers son frère. Elle s’est reprise. Mes ondes mal dirigées n’ont plus d’effet sur elle. J’enrage de n’avoir pu déclencher une jouissance que je sentais proche. Ah ! Si je me rappelais ce que nous avons fait en ce lieu ?
Mais oui ! J’en suis sûr à présent ! Nous avons fait l’amour dans la piscine et elle en a gardé le souvenir, un bon souvenir. Sinon comment expliquer son émoi actuel ? J’aimerais la faire jouir à nouveau, j’enrage de ne savoir comment. J’ai beau fouiller dans mon esprit, aucune image de ma visite en ces lieux ne surgit. À quel objet ce souvenir est-il lié ?
Une goutte lancée par son frère atteint la boucle d’oreille. Faute de mieux, je m’y attarde. Je suis surpris de la difficulté à m’en extraire quand la goutte, après avoir hésité, se détache et retombe dans le bassin. Est-ce que Sophie aurait pu emporter une parcelle de moi ? C’est peut-être ça le moyen de sortir de ma prison. Malheureusement la jeune fille sort de l’eau sans remouiller ses cheveux. Ce sera pour une prochaine fois… Le prochain bain…
Une fois seul, lorsque l’homme et Maxime m’ont recouvert de la bâche bleue, je repense à l’émoi qui a envahi Sophie quand je l’ai enveloppée de mes vagues de tendresse. Oui, j’en suis sûr, j’ai réussi à communiquer avec elle. Ce sont les ondes que j’ai lancées à l’assaut de son corps qui l’ont conduite à un état proche de l’extase. La présence de son père et de son frère a empêché qu’elle s’y abandonne. Serais-je donc capable d’animer les éléments ?
Je me souviens d’un film où le héros, à l’état de fantôme, victime d’un assassinat, propulse des meubles et même des corps par la seule force de l’esprit. Je pensais alors à une imagination de scénariste. Tiens ? Pourquoi ce souvenir me revient-il ? À quoi est-il rattaché ? Peut-être que d’avoir ouvert un casier de la boîte aux souvenirs entraîne d’autres émergences ?
Je sens que je tiens le bon bout. Toute la nuit je m’exerce à créer dans l’eau des vaguelettes. À l’aube j’arrive à dessiner des figures géométriques sur la surface par les ondes que mon esprit insuffle. Je suis tout étonné de percevoir les félicitations que la brise matinale m’adresse. Mes tentatives ont eu des spectateurs, non, pas des spectateurs mais plutôt des témoins fantômes.
À suivre