n° 12818 | Fiche technique | 13892 caractères | 13892Temps de lecture estimé : 9 mn | 03/09/08 |
Résumé: Je me rends compte que je travaille avec une beauté que je n'avais pas soupçonnée. Pour l'instant rien de torride mais... patience ! | ||||
Critères: fh fplusag collègues médical revede odeurs | ||||
Auteur : Belamy Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : À la conquête de l'Est Chapitre 01 | Épisode suivant |
J’avais vingt ans, je sortais d’un échec en faculté et je travaillais comme contractuel dans cette clinique. Elle avait trente ans, elle était venue d’Albanie cinq ans auparavant et était aide-soignante. Nous ne nous appréciions guère. Comment cela avait-il commencé ?
Je la trouvais froide et distante, conforté en ce sens par ce que je savais d’elle. Nathalia n’était pas aide-soignante en Albanie, elle était infirmière dans un grand cabinet chirurgical de Tirana. Son mari était ingénieur mais n’avait pas trouvé de travail en France, barrière de la langue. La famille était réfugiée politique mais j’ignorais pourquoi. Leur fils était né avant la migration, leur fille après.
Bref, j’étais informé du fait que là-bas le couple faisait partie de la classe aisée et qu’ici il vivait dans la cité HLM d’une ville de province, à quatre dans soixante-dix mètres carrés, avec son seul salaire d’aide-soignante pour vivre. Belle dégringolade sociale. On aurait été aigri pour moins que ça. J’avais l’impression qu’elle noyait son amertume dans le ménage.
À la clinique, sa réputation de miss Propreté n’était plus à faire. Elle ne prenait jamais de pause, pendant que nous étions attablés à boire un café elle frottait fenêtres, chaises, tables, tout ce qui pouvait être frotté. Une de nos collègues qui vivait à deux pâtés de maison de chez elle racontait qu’au domicile c’était la même chose, elle lavait ses carreaux plusieurs fois par semaine et le balcon subissait le même sort. Cela n’aurait eu aucune importance si elle n’avait pas passé son temps à me faire des réflexions sur mon manque d’hygiène et de méthode au travail. Il est vrai que je ne connaissais rien à l’hygiène hospitalière, étant entré sans formation, et que niveau méthode je laissais à désirer, mais le soin qu’elle prenait à me rabrouer virait au harcèlement. Plusieurs fois il m’arriva de l’envoyer promener, excédé par son omniprésence. Mais je progressais petit à petit et au fil des mois elle relâcha la pression ce qui apaisa de façon continue nos relations.
Je cessais de la détester mais nous ne devînmes pas amis pour autant. D’ailleurs, elle n’était réellement proche que d’une personne sur notre lieu de travail. Maria sa voisine de quartier était la seule à qui elle se confiait un minimum. Tunique impeccablement repassée, boutonnée jusqu’au col strictement, cheveux attachés en chignon parfait, visage apathique et communication minimale de simple courtoisie, Nathalia était d’une pudeur extrême, ce qui ne facilitait pas le rapprochement avec les autres membres de l’équipe et la laissait un peu isolée.
Le temps passait, nous constations malgré tout qu’elle faisait des efforts et qu’elle se décoinçait petit à petit. À sa mesure bien sûr, je veux dire par là qu’elle commençait à sourire un peu, à s’asseoir avec nous pour boire le café… C’est alors que tout commença.
Un jour, alors que nous avions fini en avance le travail de la matinée, nous décidâmes de marquer une pause. Nathalia, visiblement de bonne humeur et accompagnée de Maria, sa confidente, prit place. Nous étions six et j’étais en bout de table, l’Albanaise à ma droite. Mes collègues commencèrent à parler de cheveux et de teinture, c’est alors que notre pudibonde fit le geste qui changea le cours des choses. Elle prit la parole pour demander aux autres filles des conseils sur une marque de teinture efficace pour cacher les cheveux blancs qui commençaient à poindre sur son crâne. Comme ses interlocutrices mettaient en doute son vieillissement capillaire, elle détacha les épingles qui serraient son chignon. Ses cheveux bruns et ondulés tombèrent en cascades aux effluves délicieusement capiteuses. Telle ces fleurs qui ne livrent leur beauté qu’une fois tous les dix ans, elle explosa à mes yeux. Toute la physionomie de son visage changea, elle paraissait moins pâle, son regard se fit plus doux, la couleur prune de son rouge à lèvres prit tout son sens… j’étais subjugué. La chenille était devenue papillon, opérant sa métamorphose d’un geste. Malgré elle, malgré moi, je venais de succomber. L’aura de volupté dans laquelle je baignais était inouïe, d’une tension érotique presque insupportable. Mutique, prostré, je luttais contre l’attirance phéromonale qu’elle exerçait sur moi. En quelques secondes je parvins à me calmer et tentai de ne rien faire paraître, en vain. Pourtant elle n’avait pas changé, mais moi oui, définitivement.
Elles continuèrent de jacasser, je n’entendais plus rien, ce qui ne changeait pas grand chose puisque je ne participais jamais à ce genre de conversation. J’étais toujours sous son emprise et je me battais pour la quitter des yeux. Mon obstination finit par attirer son attention, les autres, trop occupées à déblatérer, ne remarquèrent rien.
À une minute d’intervalle, elle me jeta deux coups d’œil furtifs puis, attrapant sa crinière, la contrit d’un mouvement circulaire avant de la fixer d’un coup de pique à cheveux bien senti. J’avais été trahi par mon attitude béate. Gênée, elle s’était réfugiée dans l’austérité de son chignon. Savait-elle à cet instant que le mal était déjà fait ?
Les semaines passèrent et j’observais Nathalia du coin de l’œil dès que je le pouvais. Ma fougue était retombée car je ne trouvais aucun moyen de me rapprocher d’elle. En effet, fidèle à elle-même, elle restait distante, concentrée à l’extrême sur son travail, le chignon en bonne et due forme et toujours à l’affût de la moindre saleté. En revanche, je discutais de plus en plus fréquemment avec Maria la confidente, qui était une cinquantenaire à l’embonpoint prononcé et à la bonne humeur communicative.
C’est par son biais que j’appris que le mari de Nathalia n’allait pas fort bien. Celui-ci par fierté refusait de brader ses compétences et la mauvaise qualité de son français l’empêchait de trouver un emploi digne de sa formation. Il végétait alors dans leur appartement trop petit, passant ses journées et ses nuits sur le Net pour tuer le temps. Il s’enfonçait petit à petit dans la spirale de la dépression. Il ne se rendait pas compte que son épouse s’épuisait entre son travail, l’éducation des enfants, les tâches ménagères et le souci qu’elle se faisait pour lui. J’avais moi-même observé qu’elle semblait parfois un peu mélancolique en plus de sa froideur habituelle. Une certaine lassitude pointait dans son regard et dans son attitude, cela était nouveau chez elle ; j’en comprenais ainsi la raison.
Ma vie suivait son cours, j’oubliais Nathalia petit à petit, faute de pouvoir établir le moindre contact. Mais à l’été les choses changèrent.
Comme j’arrivais un matin pour prendre mon service, je surpris mes collègues à discuter, l’air grave. En les saluant je m’assis pour consulter l’emploi du temps de la journée. Je pus constater qu’elles parlaient de Nathalia mais l’heure tournant elles repartirent chacune à leur tâche. Par chance je travaillais en binôme avec Maria ce matin-là. Entre deux soins, je pris mon courage à deux mains pour l’interroger :
J’étais surpris par cette remarque.
Elle s’éloigna en gloussant, fière de sa pique.
Cela voulait dire que j’allais me retrouver seul avec elle tous les soirs après le départ du reste de l’équipe à 19 h 30 et ce jusqu’à 21 heures, fin du service. Cette nouvelle raviva ma flamme, j’allais mettre à profit ce temps pour tenter de mieux la connaître.
Le premier soir arriva, 19 h 30 approchait et mon angoisse grandissait. Maria avait raison comme toujours, Nathalia ne laissait rien paraître de sa peine, elle était égale à elle-même, briser la glace ne serait pas chose facile.
À 19 h 30, le reste de l’équipe quitta la clinique. Le travail était fait et mis à part deux ou trois broutilles, nous n’avions plus qu’à attendre le relais de l’équipe de nuit.
Nous nous assîmes pour manger, dans un silence de mort. À ma grande surprise, c’est elle qui parla la première :
Je décidai de mentir :
J’avais la tête dans l’assiette.
Elle avait souri… dévoilant le rose de ses gencives et de petites dents à la blancheur immaculée, à nouveau tout son visage s’était éclairé de bienveillance. Son français imparfait, avec ses "r" roulés et ses genres confondus résonnait encore dans ma tête. Elle me regarda de face pour la première fois, le sourire aux lèvres pendant quelques secondes qui suffirent à me plonger à nouveau dans un état d’excitation proche de celui éprouvé à la vue de sa chevelure. Et, chose nouvelle, je la sentais s’ouvrir à moi, elle n’était plus inaccessible, la transe qui s’était emparée de moi n’en était que plus profonde et sans m’en rendre compte, je la dévorais à présent des yeux.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, comme la première fois elle se ravisa, effaça le sourire de son visage et se leva d’un bond, prétextant avoir oublié ses tuniques en lingerie. Elle fila sans se retourner.
Elle remonta vingt minutes plus tard, sans rien dans les bras. Je ne lui posai aucune question quant à ce qu’elle était soi-disant partie chercher. C’est elle à présent qui semblait terriblement mal à l’aise. Je pris l’initiative de dissiper cette tension en parlant des problèmes que nous posaient certains patients. Nous parlâmes une demi-heure et l’effet escompté se produisit.
Elle se détendit à nouveau, et sans s’en apercevoir, elle commença à se livrer : ses parents âgés en Albanie qu’elle allait revoir pour la première fois depuis son départ, ses enfants qui lui manquaient terriblement mais qu’elle retrouverait dans un mois, l’intégration difficile de son mari et surtout le dégoût que lui inspirait le quartier HLM qu’elle habitait. Et elle souriait encore et toujours, elle ne semblait plus effrayée par mon regard et de mon côté je faisais en sorte que celui-ci ne soit pas trop insistant malgré l’effet hypnotique qu’elle exerçait sur moi. Puis, de fil en aiguille, nous échangeâmes nos impressions sur telle ou telle collègue de travail, sur la ville, sur la chaleur du mois de juillet.
Nous fûmes interrompus par l’arrivée de l’équipe de nuit. Après le compte-rendu du déroulement de la journée nous prîmes tous deux l’ascenseur pour descendre au vestiaire. Un sourire détendu ne quittait plus son visage, je ne l’avais jamais vue ainsi. Dans le couloir du sous-sol elle me souhaita bonne nuit et, chose exceptionnelle, elle me salua d’une poignée de main. Ce premier contact physique me combla de joie. En me dirigeant vers mon vestiaire je jubilais intérieurement, il m’avait fallu une seule journée pour faire ce qui me semblait impossible le matin même : fendre la glace qui me tenait à distance de Nathalia. Elle me héla alors que je m’apprêtais à entrer dans le vestiaire des hommes :
Elle éclata de rire, je m’enfermai dans mon vestiaire. J’étais au bord de l’évanouissement, tout allait trop vite. Je pris ses rires comme une invitation et je savais que dorénavant tous mes efforts tendraient vers un seul objectif : la conquérir. C’était pure folie certes, mais je sentais que mon désir naissant n’avait déjà plus de limite.