Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 12909Fiche technique26981 caractères26981
Temps de lecture estimé : 15 mn
10/10/08
corrigé 01/06/21
Résumé:  Où l'on en apprend bien plus sur le mystérieux Félix Berthier... et son rôle dans les translations inopinées d'univers.
Critères:  voisins handicap bizarre laid(e)s revede nonéro sf -sf
Auteur : Hidden Side      Envoi mini-message

Série : Dans la peau d'un autre

Chapitre 08 / 14
Révélations

Résumé partiel des épisodes précédents :


La vie du comptable revient à peu près à la normale. En apparence seulement, car son destin semble à nouveau le rattraper… Un soir, il reçoit un coup de fil du service des urgences. On lui apprend que quelqu’un vient de tenter de trucider Lucien Gatimel, en lui tranchant la gorge. Le vagabond, qui a échappé de peu à la mort, se jure de retrouver le responsable de sa déchéance. Pichon accepte de l’aider, à condition qu’il entreprenne en premier lieu un sevrage éthylique. À sa sortie d’hôpital, il accueille chez lui le poivrot en rémittence. Une altercation a aussitôt lieu avec Maria Gonzales, la gardienne de l’immeuble. Eglantine arrive sur ces entrefaites, et rétablit un peu d’ordre. C’est alors que Gatimel éprouve la surprise de sa vie : il connaît la jolie blonde !





La mâchoire pendante et le moulin à paroles provisoirement débranché, Gatimel, visiblement en état de choc, fixait la belle Eglantine d’un œil flasque. Celle-ci ne pouvait ignorer l’état d’alcoolisation du cousin « en rémission », mais elle hésitait encore sur la conduite à tenir. En rire ou bien faire semblant de ne rien remarquer ?



Peine perdue, l’hirsute, oublieux de toute prudence, n’avait cure des œillades incendiaires de son cousin présumé.



Gatimel sentit la moutarde gicler dans ses fosses nasales encombrées (mélange peu ragoûtant mais aux propriétés hautement détonantes). Il en avait plus qu’assez de ne pas pouvoir en placer une !



Et, devant un Pichon atterré, Gatimel entreprit de conter à la jolie infirmière ses pérégrinations entre leurs mondes parallèles…



oooOOOooo



Novembre 2001 – fin d’après-midi, une librairie de quartier dans le 19ème arrondissement.


À l’intérieur, assis à une table pliante, Lucien Gatimel, petite barbiche noire et écharpe rouge entourant négligemment un cou chétif. Il a tout à fait le style de l’écrivain incompris. Derrière lui, sur un présentoir de carton, quelques exemplaires brochés de son dernier roman « Les lilas bleus » – imprimé à compte d’auteur (tirage ultra limité, vu ses ressources financières déclinantes).


Gatimel lisait son journal, attendant l’arrivée hypothétique d’un lecteur admiratif ou, plus probablement, d’un badaud à la recherche de temps à tuer. Personne ne semblait vraiment remarquer sa présence (il n’avait pas encore vendu un seul bouquin aujourd’hui).


La porte de la librairie carillonna et une violente rafale poussa une jeune femme à l’intérieur. Peut-être fuyait-elle le froid quasi polaire de la rue ? Visiblement non, car la demoiselle, un peu intimidée, s’approcha de l’écrivain plongé dans la colonne des faits divers.



Il leva lentement les yeux sur la nouvelle venue, qui, aussitôt, captiva toute son attention. Blonde, des yeux d’un vert magnétique, elle devait avoir dans les vingt-trois ou vingt-quatre ans. Son allure, réservée, mettait en exergue un visage sublime. Plus bas, l’entrebâillement de son manteau soulignait des courbes sensuelles dont Gatimel avait toutes les peines du monde à détacher le regard. Un brin gênée par l’inventaire appuyé de ses charmes, la jeune femme émit un toussotement expectatif. La rêverie libidineuse de l’écrivain s’interrompit. Il remarqua alors le livre qu’elle tenait à la main : un de ses premiers romans, quasi introuvable.



Impressionné par les appas de cette enthousiaste furieusement photogénique, il chercha à prolonger la discussion, et, accessoirement, à en apprendre un peu plus sur elle.



Avec un profond soupir, Gatimel se remémora la promesse qu’il s’était faite. Bien qu’Eglantine fut dotée d’un physique à faire se retourner les prêtres dans la rue, il comptait bien ne plus jamais refranchir la ligne jaune… Il remisa à regret les envies insatisfaites de son cerveau reptilien, et ils passèrent la demi-heure suivante à discuter gaiement littérature et personnages, scénario et inspiration.


Galvanisé par l’intérêt que cette magnifique jeune femme portait à son œuvre méconnue, il lui parla également de son futur roman, « Les exilés ».



Durant les semaines qui suivirent, l’écrivain et la jeune infirmière se croisèrent régulièrement. Ils échangeaient quelques mots ou bien des sourires entendus, mûrissant, au hasard de leurs déambulations, une communion de files d’attente, une idylle complice et épurée, une intimité candide pleine de regards licencieux.


Puis vint la saison littéraire, qui déposa son offrande inattendue dans l’escarcelle de l’écrivaillon de quartier, du besogneux obscur, encore inconnu des foules télécervelées… Gatimel obtint son prix. Eglantine fut invitée et participa à la fête. Ensuite, le fatum que l’on sait frappa à la porte du pauvre Lucien…



oooOOOooo



Naturellement, Eglantine n’avait pas souvenance d’une quelconque libation célébrant un prix littéraire. Et encore moins d’avoir jamais lu un seul roman de Gatimel ! Cependant, malgré la totale incongruité de ce récit, les accents de vérité de l’éthylique la touchèrent. De plus, cela faisait résonner une séquence truculente dans ses propres souvenirs : les changements dans la personnalité de Francis, intervenus brutalement quelques mois plus tôt.


Bien que la notion d’univers multiples défia son imagination, elle décida d’admettre provisoirement l’inconcevable. Mettant à profit ses capacités cognitives, la petite futée commença à agiter ses neurones :



Ils venaient de pointer le lien logique entre leurs destinées congruentes : la belle infirmière. Un profond silence vint recouvrir le salon du petit deux pièces. Silence à peine troublé par le bourdonnement d’une mouche zigzaguant au hasard entre ces trois personnes frappées de stupeur.



oooOOOooo



Félix Berthier, arrimé au dos de la mouche, un casque d’aviateur en toile lourde vissé sur la tête, faisait des loopings dans l’appartement de Pichon. Du moins, c’était l’impression saisissante qu’il retirait des images holographiques projetées sur ses binocles. Un joypad à double potentiomètre en main, il arpentait à gogo cette réalité tridimensionnelle augmentée. Le génial avorton avait de quoi exulter ; il disposait là du graal des espions en herbe.


Néanmoins, la transpiration abondante baignant le front outrancier du gnome laissait deviner une certaine inquiétude. Quelques minutes plus tôt, il y avait eu du bruit chez Pichon. Puis il avait cru entendre la séraphique Eglantine, lumière de ses jours, renvoyer dans ses buts madame Gonzales, cette rombière de halls d’immeuble. Berthier avait alors promptement expédié dans la conduite d’aération communautaire son dernier agent, le "numéro cinq", pour un vol de reconnaissance dont il pressentait l’importance stratégique.


Il se félicitait à présent de cette initiative. Posé sur le col de chemise du comptable, il avait surpris la fin de leur petit conciliabule. Leur conversation venait de lui apporter un éclairage inédit, pouvant expliquer les échecs récurrents de sa plus grande invention…


L’œuvre de sa vie - cette machine surréaliste qui n’avait jamais fonctionné comme prévu - était tout, sauf inopérante ! Cette incroyable révélation mobilisait déjà toute l’inquiétante puissance cérébrale du nain, qui voyait soudain s’ouvrir devant lui le champ des possibles…



oooOOOooo



12 juillet 2002, 22heures - Gatimel, écrivain, vient de recevoir le prix Médicis pour son dernier roman.


Ce soir-là, il a organisé une sauterie pour célébrer son succès. Glissant consciencieusement un mot dans chacune des boîtes aux lettres, il a prévenu tout le voisinage – dans ces vieux immeubles, l’isolation phonique est un concept fallacieux qui relève de la plus pure science-fiction. Au même moment, le locataire du dessous est occupé à une toute autre tâche…


Félix Berthier contemplait avec un amour quasi maternel son dernier bébé, un assemblage de près de sept tonnes évoquant une tourelle de char M1-Abrams, dépiautée de son canon de 125 mm et posée sur la tranche. Des tubulures métalliques, bobinées avec du fil de cuivre de très grosse section, couraient sur toute la circonférence de l’objet. Au centre, boulonné avec de larges écrous, un siège en cuir proéminait. Deux paires de sangles complétaient le dispositif : la première, fixée en dessous du siège et la seconde, de part et d’autre. Le tout était arrimé à la cloison du salon via un support circulaire puissamment motorisé.


Le gnome, la larme à l’œil, donna son dernier coup de clé à molette. Puis il trottina vers un appareil photo posé en équilibre instable sur une commode, mit en route le retardateur et revint se placer à côté du bric-à-brac monstrueux. Berthier se devait d’immortaliser l’instant où son souhait le plus cher était sorti du domaine du rêve pour prendre pied dans la réalité. Dans un grand flash, le photoscope enregistra un cliché fantasmagorique : un nabot mégacéphale prenant la pose au pied du tas de ferraille qui défigurait son séjour.


Berthier sortit du frigo une bouteille de champagne d’un quart de litre (suffisant pour se cingler le blaire, quand on fait moins d’un mètre vingt) et en versa une bonne rasade dans une flûte lilliputienne. On y était enfin : il venait de parachever le premier véhicule inter-dimensionnel de l’univers !


Savourant sa réussite, il allait porter le verre à ses lèvres quand un bruit atroce le fit soudain tressauter. Sans préavis, un flot d’ondes sonores surpuissantes le bombardait à travers le plafond de son appartement. Le volume de cette cacophonie infâme, à la limite de la déclaration de guerre auditive, faisait vibrer d’indignation jusqu’aux carreaux des fenêtres.


L’homoncule, que la nature avait pourvu de capacités auriculaires hors norme, ressentait toute exposition à une source phonique immodérée comme un véritable supplice. Malgré le barrage de ses index boursouflés d’arthrite, fichés dans ses oreilles, il subissait donc de plein fouet ce raz-de-marée à la violence archétypale, cette bérézina musicologique (« Let’s Twist Again », de Chubby Checker, un bon vieux rock des sixties).


Des infrasons vinrent rapidement se mêler à cette torture sensorielle, comme si un corps d’armée défilait chez son voisin du dessus. Ses invités… ils dansaient, les bougres ! Non contents de l’accabler de leur hideux tapage, voila qu’ils se livraient à présent à des démonstrations de frénésie préhistorique !



Chaque fois qu’il se laissait aller à l’effervescence, ses origines méditerranéennes reprenaient le dessus.



Berthier, revêtu à la hâte d’une redingote noire et armé d’une canne en pur châtaignier, se précipita sur le palier de l’insouciant Gatimel. Le myrmidon, fulminant à la limite de la déflagration, brandissait sa gaule en direction d’une pauvre sonnette, dont la seule tare était d’être inaccessible aux farfadets. Il finit néanmoins par réussir l’accouplement improbable de la mince trique et du bouton récalcitrant, enclenchant un délicat « Ding-Dong », marque de fabrique d’une visite habituellement amicale.


Quelques secondes s’écoulèrent sans que rien ne se produise. L’avorton faisait des efforts de surhomme pour maîtriser sa fureur, de crainte de perdre tout contrôle sur sa petite personne. Les rares fois où il avait laissé son emportement agir à sa place, celui-ci avait culminé en folie homicide, occasionnant des dégâts fâcheux… du genre à vous faire encabaner pour quelques décennies.


Excédé, Berthier décida de lâcher un peu de pression et se mit à marteler scrupuleusement la porte de son voisin à coups de canne. Ce déluge de violence gratuite mais ô combien jubilatoire porta rapidement ses fruits. Le maître des lieux ouvrit sans plus tarder.



Une lueur malsaine dans le regard, Berthier fixait l’écrivain droit dans les yeux. Son sourire sardonique, frisant l’insanité, le faisait ressembler comme un frère au nain mégalo de la série « Les mystères de l’ouest » : le bon vieux docteur Miguelito Loveless.


Les traits figés, Gatimel fit volte-face. Cet avorton blafard lui avait fichu une sainte frousse ! Il ne s’absenta qu’un bref moment et, quand il revint, le volume de la musique permettait de tenir une conversation sans avoir à aboyer chaque syllabe.


Gatimel tenait à la main un livre, qu’il brandit soudain devant lui, comme un talisman censé écarter créatures maléfiques et autres gnomes acrimonieux…



L’écrivain faillit s’étrangler de rage. Il n’en revenait tout simplement pas de se faire insulter par ce crapaud délétère, le soir même de son triomphe.



Et là, Lucien Gatimel commit une erreur inepte : au lieu d’opter pour un retrait éclair dans la quiétude insouciante de son foyer, il attendit, l’air rogue et les bras croisés, que son adversaire jette l’éponge et s’en aille, alors même qu’il venait de lui larder l’amour-propre de cinglantes banderilles. L’annexion du dernier mot ne lui suffisait pas. Il entendait signifier au gnome sa détermination à défendre son honneur tout autant que son territoire. Pour lui, point de dérobades pusillanimes !


Deux bruits rapprochés, presque insignifiants, illustrèrent la sanction aussitôt apportée à cet abus de suffisance. Le premier fut le « chtoump » pneumatique d’une sarbacane de poche, propulsant une fléchette acérée qui se ficha en silence dans la gorge de l’écrivain. Le second, un « blonk » plus franc, témoignait de la rencontre inopinée entre le prix Médicis – pavé littéraire copieusement lesté en phrases à rallonge – et le parquet de l’étage, après que la main agitée de spasmes dudit écrivain l’eut lâché.



La victime du nabot, sous l’influence neuroplégique de la fléchette empoisonnée, s’exécuta avec des gestes d’automate. Satisfait, Berthier rangea en sifflotant la sarbacane dans la doublure secrète de son veston. Puis, il balança un méchant coup de pied dans le tibia de l’infortuné, sans que ce dernier ne manifestât une quelconque douleur. Le nain lui demanda ensuite de refermer la porte de son logis et de le suivre, ce que fit Gatimel, sans même ciller. Privé de volonté propre, il était totalement en son pouvoir.


Quelques secondes plus tard, le reclus irascible, flanqué de sa marionnette humaine, avait réintégré son antre. C’était la première fois qu’il tolérait une visite, en dehors des coursiers et autres livreurs de bas étages ; grâce au pouvoir amnésiant de la substance lui assurant le contrôle de Gatimel, il ne craignait aucunement de dévoiler ses secrets.


Cette domination totale sur l’écrivassier instillait en lui un exaltant sentiment de puissance. Cependant, le dessein du gnome n’était pas d’assouvir une quelconque pulsion revancharde. Non. C’était bien plus simple que ça. La science, qu’il avait élevée au rang de dogme, exigeait son lot de cobayes.


Berthier méprisait les notions de bien et de mal. À ses yeux, l’éthique était l’excuse des faibles et des moralistes pour ne pas explorer comme il se doit toutes les possibilités offertes par la science. Quant à lui, ses seule limites se situaient quelque part dans le mince continuum séparant le possible de l’utopique. Et sa seule gloire, en tant que génie véritable, était de faire avancer l’un au détriment de l’autre.


Qu’importe s’il fallait en passer pour cela par de menus sacrifices. Gatimel risquait-il de trépasser dans les minutes à venir ? L’existence putride de ce rebut inutile, le nabot l’offrait avec joie à son dieu aveugle et avide, cette idole vampirique affublée de milles noms : connaissance, progrès, avancées technologiques…


Au final, on en revenait toujours à la lutte éternelle de la raison contre l’obscurantisme, au face à face du savoir et de l’ignorance, à la domestication de la matière par la pensée. Et que la matière était donc faible et misérable, et combien il abhorrait son dictat arbitraire et scélérat ! La fatalité avait fait de lui un monstre ? Soit. La supériorité de son intelligence contrecarrerait la tyrannie des lois de la nature…


Très bientôt, cette machine à exaucer tous les souhaits allait lui ouvrir un passage vers l’univers idéal où Eglantine serait sienne. À lui, la baguette magique changeant les crapauds bubonneux en éphèbes athlétiques ! Et alors, il pourrait goûter aux rondeurs polissonnes de cette jeune femelle lascive…


Berthier se tira à grand peine de ses rêves lubriques, où sa toute-puissance sexuelle asservissait enfin l’objet de ses désirs. Il était plus que temps, à présent, de procéder à une expérimentation du VIDEUR (« Véhicule Inter Dimensionnel Explorateur d’Univers Réactifs »). D’ailleurs, un premier voyageur attendait avec docilité, près de l’engin de mort sorti tout droit du cerveau torturé du dément…



Et il fit s’installer Gatimel sur le siège, utilisant les sangles de l’engin à l’allure extraterrestre pour immobiliser les membres de son pantin. Détail amusant : celui-ci tenait encore entre ses doigts tétanisés ce vil ouvrage de fiction, objet de son outrecuidance flétrie. Le gnome, en équilibre sur un escabeau, coiffa ensuite le malheureux d’une sorte de heaume pourvu d’écrans à cristaux liquides. Ceux-ci s’ajustaient parfaitement aux orbites du voyageur-malgré-lui.



Le nain approcha sa bouche de la cagoule de cuir, près de la boursouflure enserrant l’oreille droite de son esclave.



Puis il enclencha une série de contacts sur un épais boîtier de commande. Les écrans LCD clignotèrent, puis commencèrent à inonder d’images aux tons pastel les pupilles dilatées du cobaye. L’imposante tourelle entama ensuite une lente révolution, qui alla en s’accélérant. Un bruit sourd et répétitif émanait du Videur, comme celui de pales d’éolienne battant l’air crescendo, tandis que des gerbes électriques fleurissaient sur les bobinages de cuivres. Fermement entravé sur le siège, Gatimel tournoyait tel un astronaute testant une centrifugeuse d’un genre nouveau et à la sûreté plus que précaire.


Le gnome, secoué d’éclats de rire orgiaques, pianota au hasard sur les touches caoutchoutées de sa télécommande. En réponse, le manège halluciné accéléra encore sa vitesse de rotation, générant un vrombissement monstrueux.



La force exponentielle à laquelle était soumis l’écrivain lui arracha finalement le livre primé, qui alla se désintégrer contre le plafond. Il y eut un soudain ouragan de papier ; les pages du roman démembré volaient en tous sens dans le séjour, comme des feuilles mortes prises au piège d’une tornade miniature.


Tout à coup, des gouttelettes jaunâtres dégoulinèrent sur les binocles du nabot. Berthier, quittant des yeux les écrans de contrôle, remarqua tout autour du Videur une traînée liquide, qui crépissait les murs du sol au plafond. Jurant avec l’éloquence d’un franciscain défroqué, il stoppa la course folle de l’engin. L’odeur nauséabonde qui l’assaillit ne lui laissa aucun doute sur l’origine du fluide visqueux retapissant son intérieur : l’estomac malmené du scribouillard venait d’évacuer son content de matières organiques douteuses, sans préavis !



Avec une grimace de dégoût, le maître des lieux se jucha à nouveau sur son escabeau, pour retirer le heaume du crâne de Gatimel, inconscient.



Il se rua sur ses appareils de monitoring, visionna à nouveau la séquence vidéo qu’il venait de projeter à Gatimel, étudia en silence des courbes alambiquées à la signification indéterminable. La physionomie de Gatimel n’avait pas varié d’un atome. Il ne ressemblait absolument pas à ce qu’il aurait dû être à présent : le sosie parfait de Gérard Depardieu… L’expérience était un échec total !



[À Suivre…]