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Temps de lecture estimé : 16 mn
23/12/08
Résumé:  Claudia fait partie d'un groupe de partisans face aux blindés SS.
Critères:  fh forêt amour voir fellation pénétratio historique -historiqu
Auteur : Jean-Marc Manenti            Envoi mini-message
En mémoire de Claudia

Comme vous le savez, la pire chose qui puisse arriver à un écrivain, quelle que soit la nature de ses textes, c’est le manque d’inspiration. Ce soir-là, justement, Marcus était en proie à l’angoisse de la page blanche. Marcus, c’était le premier magistrat de Futzdorf, un joli petit village à la frontière de la Lorraine et de l’Alsace. Il était plus de minuit, et, en proie à l’insomnie, Monsieur le Maire faisait les cent pas dans son bureau. De temps à autre, il s’arrêtait devant la fenêtre pour admirer son fief.


Bien que ce fut une nuit sans lune, il distinguait nettement les toits enneigés, le clocher de l’église luisant de gel. Çà et là, brillaient les globes de l’éclairage public. Marcus devait rédiger le discours qu’il allait prononcer dans quelques jours à la salle des fêtes, à l’occasion du repas de la nouvelle année organisé par la commune. Cette année, ce serait spécial, Marcus dévoilerait la nouvelle plaque commémorative du monument dédié aux résistants morts pendant la Seconde Guerre mondiale. Sur l’ancienne plaque, il manquait une personne : Claudia. À l’évocation de ce nom, une boule noua sa gorge, des larmes mouillèrent ses joues. La jeune femme avait disparu lors de la dernière attaque qu’avaient menée les SS contre la Résistance locale, on ne l’avait jamais retrouvée. Elle n’avait que 19 ans ! Alors, tant d’années après, comme toutes les personnes portées disparues, par décision de justice, elle fut déclarée officiellement décédée.


Marcus reprit place dans son fauteuil, se mit à tripoter son stylo, se releva, parcourut la pièce de long en large, décida brusquement de remettre une bûche dans la cheminée, puis se planta à nouveau devant la baie vitrée. C’est bien la première fois qu’il séchait devant une feuille blanche ! Pourtant il aurait dû être inspiré : l’année 1974 promettait d’être politiquement agitée.


Marcus se lova une nouvelle fois dans son fauteuil et décida de replonger vers le passé. Peut-être y trouverait-il l’inspiration nécessaire à la rédaction de son allocution. Avec d’infinies précautions, il tira le tiroir du bas de son bureau et en sortit une boîte qu’il ouvrit lentement. Il saisit un pistolet, un Lüger calibre 8,8. Il se releva pour se placer sous le lustre, histoire de regarder encore une fois le métal briller sous la lumière. Il était toujours en parfait état. Et dire que les mains fines et douces de Claudia avaient tenu cette arme, avaient pressé la détente pour semer la mort.


Ce Lüger avait appartenu à un officier SS d’un régiment de Panzer qui stationnait aux environs de Futzdorf. Marcus se souvenait fort bien du jour où, lors d’une embuscade, Claudia avait égorgé sans pitié ce militaire et s’était emparée de son pistolet et de sa mitraillette Schmeisser. D’ailleurs, la magnifique et si impétueuse Claudia dépouillait toujours ses victimes de leurs armes, chargeurs, grenades à manche, cigarettes et autres denrées qui manquaient cruellement dans le maquis alsacien. Puis, le douloureux souvenir du Dernier Jour fit à nouveau surface dans son cerveau. Au travers de la vitre, il fixa un point invisible au-dessus des toits du village.


Pour Marcus, le Dernier Jour, c’était celui où Claudia disparut de sa vie. C’était en 1944, son groupe de Partisans harcelait l’occupant, déjà fort occupé à contenir l’avance des Alliés. Cela faisait plus d’un an que Claudia et Marcus se côtoyaient parmi les Hommes de l’Ombre, sans vraiment se parler, vivant clandestinement et, ces dernières semaines, survivant dans l’épaisse forêt. Un bataillon de Panzer SS avait, en effet, encerclé puis pénétré dans Futzdorf. Le nouvel ordre noir voulait réduire au silence le groupe de maquisards qui les gênait en retardant ou sabotant leurs actions militaires contre les troupes françaises débarquées d’Afrique du Nord, quelques mois auparavant.


C’est dans cette forêt que le destin fit se croiser pour de bon Claudia et Marcus. Alors que, comme à son habitude, ce dernier observait la jeune femme à la dérobée, Gaston, le chef du maquis local, posa la main sur son épaule.



Marcus ne s’était pas retourné et était resté silencieux.



En effet, depuis cette position privilégiée, le trio constata des mouvements de blindés. Ceux-ci prirent position à la sortie du bourg, canons pointés vers la forêt, vers eux ! Puis, en fin d’après-midi, des camions amenèrent des soldats SS, que Gaston estima au nombre de 200.

À 18 heures, plus soucieux que jamais, Gaston prit Marcus à part.



Marcus, le visage sombre, avait acquiescé en silence et était remonté vers la caverne naturelle auprès de Claudia. Avant de l’avertir de son arrivée par le sifflement modulé habituel, il l’observa un instant, à l’abri d’un gros chêne. Comme à chaque fois qu’il l’admirait, une boule noua douloureusement sa gorge et son estomac. Le désir monta de ses entrailles et des picotements traversèrent son sexe. La jeune femme quitta sa place, posa la paire de jumelles qu’elle tenait sur une pierre et disparut du champ de vision de Marcus. Une vraie déesse, cette fille, avec ses longs cheveux noirs, son corps svelte, ses formes si féminines. Un peu plus d’une minute passa et il sentit quelque chose de dur cogner contre son dos. Le cœur battant, il leva les mains.



Marcus poussa un profond soupir de soulagement. Cette Claudia avait vraiment des dons pour la guérilla. Non seulement, il ne l’avait pas entendue venir, mais, en plus, elle le tenait en joue avec son propre fusil Mauser qu’il avait posé à côté de lui.



Après un dîner plutôt maigre, ils allumèrent une cigarette.



Après quelques instants de silence, Marcus écrasa son mégot et alla s’asseoir à côté d’elle.

Alors qu’elle soufflait la dernière bouffée de sa cigarette, Marcus passa la main dans ses longues mèches. Claudia, retenant sa respiration, tourna lentement son beau visage vers lui.



Ils restèrent face à face un long moment, silencieux, les yeux dans les yeux. Puis, un sourire se dessina lentement sur les lèvres de la jeune femme.



Elle passa les bras autour de son cou, posa sa bouche sur la sienne et tous deux roulèrent sur le sol, faisant craquer les brindilles sèches, froissant les feuilles mortes.



Le jeune homme étala soigneusement sa vareuse sur le sol, tandis que Claudia faisait passer sa robe par-dessus tête et se débarrassait de ses sous-vêtements. Le duo s’allongea et échangea de longs baisers passionnés. La fraîcheur de ce début de soirée leur donnait la chair de poule. Marcus se mit à parcourir la poitrine de Claudia avec sa bouche, déposant des bisous çà et là sur les seins durs, pinçant les tétons érigés avec ses lèvres. Un brûlant désir enflamma le corps de la jeune femme, lui arrachant des gémissements presque plaintifs. La bouche de Marcus parcourut ensuite le ventre, puis la pointe de sa langue glissa dans le sillon de l’aine à droite, à gauche. Claudia ouvrit largement ses cuisses pour s’offrir au jeune homme. Avant de coller sa bouche à la fourche de ses jambes fuselées, il admira quelques secondes les reflets du soleil couchant qui irisait la sombre toison du pubis de teintes rousses. Marcus fouilla de sa langue les replis intimes gorgés de nectar aux subtiles senteurs féminines. Un orgasme, aussi violent que soudain, explosa au fond du ventre de la jeune femme, la laissant pantelante et à bout de souffle.


Ils restèrent allongés côte à côte à écouter le bruissement des insectes, le chuintement du vent qui agitait le feuillage. Marcus ne se lassait pas d’admirer le corps nu de Claudia, que mettait en valeur le jeu d’ombre et de lumière du soleil couchant sur sa peau laiteuse. Après quelques minutes de ce magnifique spectacle, le jeune homme s’allongea, mains derrière la tête, les yeux clos.


C’est une agréable impression de chaleur sur son pénis qui le tira de sa rêverie. Elle se répandit lentement jusqu’au fond de son bas-ventre et se transforma peu à peu en une jouissive brûlure. Marcus ne bougea pas, n’ouvrit pas ses paupières, laissant la bouche de Claudia l’emmener au Nirvana. C’était la première fois qu’une fille le suçait.




* * * * *




Quelques centaines de mètres en contrebas, Valérie, une ravissante brune, zigzaguait entre les silhouettes menaçantes des chars allemands. Debout derrière la tourelle de son panzer, un obersturmführer, l’œil suspicieux, observait la jeune fille qui promenait le chien du chef de la Gestapo locale. La pauvre Valérie faisait des efforts surhumains pour dissimuler la trouille qui la rongeait. Ces hommes en uniforme noir qui avaient remplacé les soldats de la Wehrmacht la terrorisaient. Néanmoins, elle s’arrêta pour échanger quelques mots avec un soldat qui fumait, adossé à son engin de mort. Elle continua sa balade en s’efforçant de marcher lentement et calmement, ce qui n’était pas dans ses habitudes, car elle était toujours pressée, Valérie. Les nombreux regards qui convergeaient vers elle, la mettaient mal à l’aise. Ils la pénétraient, la déshabillaient. Si ces militaires savaient où elle se dirigeait, ils la fusilleraient sur-le-champ. Aussi, dès qu’elle fut hors de vue, elle allongea la foulée et le chien fut obligé de trotter. Grâce à lui, les SS ne lui posaient jamais de question quand elle se déplaçait dans la petite ville. Valérie allait émettre le sifflement signalant son arrivée, lorsque son attention fut attirée par des gémissements qui ne laissaient aucun doute sur leur origine.


Avec précaution, elle avança de quelques pas et, doucement, écarta la végétation. Le spectacle qui s’offrait à ses yeux la fit sourire. Marcus était allongé, nu, mains derrière la nuque. Claudia, nue aussi, était penchée sur lui, ses longues mèches balayant le bas-ventre du jeune homme qui gémissait et tournait la tête de droite et de gauche. Elle sourit, ravie que Claudia, son amie d’enfance, ait trouvé l’amour.



Au dernier moment, Claudia se recula et contempla les jets de sperme qui sortaient du sexe palpitant s’élever dans l’air, puis retomber sur l’abdomen de son partenaire. Valérie attendit que le duo soit calmé pour signaler sa présence. Claudia ramassa ses vêtements et se précipita dans la cavité rocheuse. Ce soir-là, Marcus battit sans doute le record de vitesse d’enfilage de vêtements. Valérie fit comme si elle venait d’arriver.



La jeune femme avait débité son laïus sans reprendre son souffle et s’éloignait déjà.



Et Valérie, toujours aussi pressée, fit un dernier geste de la main.

Le jeune homme fit signe de l’attendre à Claudia qui l’observait depuis l’entrée de la caverne et se précipita vers les autres positions tenues par les maquisards.


De son côté, Valérie zigzagua à nouveau entre les tanks pour regagner les locaux de la Kommandantur. Alors qu’elle passait devant le dernier char, une main se posa brutalement sur son épaule.



Elle se raidit, et une fine couche de sueur froide couvrit lentement son dos.



Il fit signe à un soldat qui attendait à quelques pas. Valérie sentit ses jambes se transformer en coton. La peur monta de ses entrailles. L’officier la tira par le bras sans ménagement.



Une formidable gifle lui laissa une cuisante douleur sur la joue. Avant que Valérie eût le temps de protester, l’obersturmführer l’empoigna par les cheveux et la poussa brutalement à l’intérieur de l’école que les militaires avaient réquisitionnée pour en faire leur quartier général. Elle trébucha et s’étala de tout son long dans le couloir, le bas de sa jupe se retroussant sur ses reins… alors qu’un groupe de soldats riait, l’officier posa sa botte cloutée au creux du dos de la jeune femme.





* * * * *




L’ombre de Marcus se profila à l’entrée de la caverne. Claudia n’avait pas jugé bon de se revêtir et gisait sur le sol, mains sous la nuque, les paupières closes, un sourire coquin sur les lèvres.



Elle entendit les habits de Marcus tomber un à un, puis, en silence, il s’allongea sur elle. La jeune femme ne bougea pas, seules ses cuisses s’écartèrent lentement. Marcus glissa ses mains sous son fessier et, avec une lenteur calculée, pénétra en elle et glissa tout au fond de son ventre. Alors, elle l’enlaça de ses bras et de ses jambes, puis colla sa bouche contre la sienne pour qu’ils ne fassent plus qu’un.


Quelque temps plus tard, le couple sortit de la grotte et, en tenue d’Adam et Ève, inspecta le village en contrebas et ses environs, à l’abri de la végétation. Bientôt, la nuit serait complète. Dans ses jumelles, Claudia devinait la forme sombre des chars et, de temps en temps, le rougeoiement d’une cigarette. Une fenêtre du bâtiment scolaire était encore allumée.


Lorsque la visibilité fut nulle, la jeune femme tira son amant par la main vers la caverne. Ils firent à nouveau l’amour, sans retenue. De temps à autre, ils grignotaient un biscuit ou fumaient une cigarette tout en discutant, puis reprenaient leurs caresses et leurs étreintes.


Alors qu’il venait tout juste d’entrer en elle, il y eut un bruit à l’extérieur, suivi d’une lueur blanche et crue. Tous deux se cramponnèrent l’un à l’autre en attendant une explosion. Rien ne vint, la lueur vive persista. Marcus sortit et, sous la lumière crue de la fusée éclairante, observa pendant quelques minutes son cher village. Il consulta sa montre, il était déjà deux heures quinze.




* * * * *




Pour la énième fois, l’officier SS abattit sa cravache sur le corps meurtri de Valérie. Jusque là, elle avait serré les dents, mais l’épuisement la gagnait rapidement. Dans un ultime accès de haine, il fit pleuvoir les coups à l’aveuglette. Il détacha ses mains des barreaux du lit et la mena à nouveau à son bureau. D’autres coups de cravache ajoutèrent de nouvelles marbrures sur son dos. Valérie n’avait rien dit et ne parlerait pas. Elle répétait obstinément qu’elle promenait le chien, qu’elle n’avait aucune relation avec les terroristes… Elle serrait les dents à s’en faire craquer la mâchoire. Tout son corps la brûlait et vibrait sous les coups. Brusquement, l’obersturmführer décida que l’interrogatoire était terminé.



Il ponctua ses derniers mots par un coup de botte en plein ventre. Valérie se plia en deux et perdit connaissance. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle était seule, toujours nue, couchée sur le lit, les mains liées aux barreaux de bois au-dessus de sa tête. Au-dehors régnait une agitation inhabituelle. Les soldats couraient en tous sens en martelant le sol de leurs bottes, des ordres étaient hurlés.


Soudain, les puissants moteurs des chars Tigre se mirent en route presque simultanément, faisant trembler le parquet et les vitres de la chambre où se trouvait la jeune femme. L’horloge marquait quatre heures cinquante. Combien de temps allaient tenir ses amis ? Aux souvenirs des coups reçus et des viols répétés, du fond de son âme monta un inexorable sentiment de haine. Les yeux injectés de sang, Valérie scruta la pièce en tous sens à la recherche de quelque chose qui l’aiderait à se libérer.




* * * * *




Claudia reposa sa paire de jumelles. Les cinq chars avaient cessé de faire mouvement. Ils étaient maintenant alignés, canons levés. Derrière eux étaient massés une multitude d’uniformes sombres. Alors que la jeune femme faisait un topo de la situation avec Marcus, les canons entrèrent en action. Les obus miaulèrent au-dessus du duo et finirent leur course dans la forêt, derrière les positions tenues par les partisans. L’atmosphère fut vite saturée du bruit des explosions, de l’odeur de la poudre et du feu. Le couple se précipita dans la grotte pour saisir leurs armes. Lorsqu’ils en ressortirent, à leur ceinture pendaient des chapelets de grenades à manche, ils avaient, en bandoulière, un sac de toile contenant des chargeurs pour leur mitraillette Schmeisser. Claudia arborait en plus un splendide Lüger 8,8 mm.


Elle regarda son compagnon confectionner un piège à l’entrée de la caverne. Il ramassa le reste des grenades et ils les fourrèrent dans leurs poches. Le tout se passa sans une parole, dans le vacarme des canons. Ils burent de l’eau et fumèrent en attendant la fin du déluge. Celui-ci cessa aussi brutalement qu’il avait commencé, jetant un silence de plomb sur l’endroit.




* * ** *




Valérie poussa un cri strident que couvrit le bruit des bouches à feu. Elle venait de jeter ses dernières forces dans le combat qu’elle menait pour se libérer de ses entraves. Le barreau de bois qu’entourait la cordelette céda brusquement sous la force de ses contorsions et tiraillements répétés, la laissant lourdement tomber sur le matelas. Toujours nue, le corps trempé de sueur et de sang coagulé, elle se mit péniblement debout et, les yeux hagards, chercha un objet susceptible de couper ses liens. Son regard tomba sur un sac de cuir portant l’écusson du régiment SS. Outre quelques affaires personnelles, elle y trouva un nécessaire de rasage. C’est avec un magnifique rasoir à manche de corne qu’elle trancha, non sans difficulté, la cordelette qui liait ses poignets. Elle mit quelques minutes à trouver ses vêtements entassés dans un coin de la pièce.


Dehors, les canons crachaient toujours leurs obus. Avec précaution, elle sortit de la chambre et visita les autres pièces. Elle constata que le gymnase servait en partie de dortoir et d’arsenal. Comme un automate, Valérie s’empara de quelques grenades et d’un pistolet. La chance lui souriait, il n’y avait pas âme qui vive, les soldats étaient tous massés derrière les chars en attendant l’assaut. Pliée en deux, elle courut à en perdre le souffle, contournant les militaires par la gauche. Au moment où, à l’abri d’épais buissons, elle arrivait à la hauteur des tanks, ceux-ci cessèrent brusquement leurs tirs. Le sol ne tremblait plus, un silence pesant se fit.


À une dizaine de mètres devant elle, juché sur l’avant de son char, l’obersturmführer ajustait ses jumelles pour examiner les effets du bombardement. Après quelques secondes, il les laissa retomber sur sa poitrine et porta un sifflet à ses lèvres. Une marée humaine se mit alors en branle, dans le cliquetis des armes et le martèlement des bottes.


Ses yeux verts flamboyaient de rage et de haine. Déterminée, elle repoussa d’une main la mèche brune qui barrait son front. Elle empoigna une grenade, ôta la goupille avec ses dents et la jeta de toutes ses forces. L’engin heurta la tourelle et retomba au sol, entre le char et un groupe de SS qui montait vers le maquis. La seconde grenade cogna la botte impeccablement cirée de l’officier au moment où il se retournait dans sa direction. Valérie se jeta à terre. Les deux explosions furent presque simultanées. Les branchages au-dessus de la jeune femme furent déchiquetés et hachés par les éclats. Des morceaux de métal brûlant lacérèrent les jambes et le bas-ventre de l’obersturmführer, qui bascula au sol.


Maintenant à genoux, elle balança les deux derniers engins qui lui restaient et détala vers la position des partisans, poursuivie par l’odeur de la poudre et les hurlements des blessés… Quelqu’un cria que l’obersturmführer était mort. Un rictus se peignit sur le visage de Valérie. Plusieurs mitrailleuses de tourelle aboyèrent. De nombreux projectiles sifflèrent et miaulèrent autour de la fuyarde, écorchant les troncs et coupant le feuillage. Une douleur aiguë à la jambe droite stoppa sa course folle. Elle reçut un second projectile en plein thorax, qui lui brisa le sternum et la projeta à terre. On venait dans sa direction. Elle saisit le pistolet dans sa poche et, au moment où les soldats débouchaient sur le sentier en face d’elle, Valérie colla le canon sur son front et pressa la détente. Elle eut la satisfaction de mourir à sa manière.




* * * * *




Claudia entendit le bruit strident d’un sifflet dans le lointain. À peine la masse en uniforme s’ébranlait, qu’une série d’explosion était suivie peu après de tirs de mitrailleuses lourdes. Des cris parvinrent jusqu’aux oreilles des partisans. Deux ou trois soldats se détachèrent de la troupe qui continuait son assaut, pour poursuivre quelqu’un. Comme prévu dans leur stratégie, les résistants firent feu ensemble au dernier moment.


L’effet de surprise fut complet. De nombreux soldats restèrent au sol, avant qu’un feldwebel ne donne l’ordre de se replier. Alors, les mitrailleuses lourdes des tourelles de char ouvrirent le feu, suivies par les canons. Ce fut la confusion la plus totale. Les obus explosaient de tous côtés.


Les souvenirs de Marcus devinrent moins précis, l’odeur du feu, les cris, la fumée âcre. Et ce choc, ce souffle bouillant et implacable qui l’avait cloué sur place, la terre qui se dérobait sous ses pieds. Claudia, où est Claudia !




* * * *



Un peu plus de 24 heures plus tard, c’est un petit groupe de soldats américains cherchant un endroit tranquille pour uriner qui trouva Marcus, blessé à une jambe, victime également d’un traumatisme crânien. Il avait eu la chance d’être projeté dans une crevasse qui l’avait dissimulé à la vue des SS qui cherchaient d’éventuels survivants.




* * * * *




Brusquement, Marcus revint au présent, tiré de ses pensées par une crispation de tout son corps. Il éprouva une sorte de lassitude qui devint si violente, qu’il fut obligé de quitter son confortable fauteuil de maire. Une sourde douleur se diffusa peu à peu partout dans son corps, en même temps qu’une intense fatigue. S’il s’était écouté, il se serait allongé sur l’épais tapis devant l’âtre.


À son grand étonnement, alors qu’il allait se caler dans son siège et mettre ses pieds sur le bureau, Marcus entendit la grande porte d’entrée s’ouvrir un étage plus bas. Mais qui avait donc l’idée de venir à la mairie un 31 décembre à presque une heure du matin ?


Puis, des bruits de pas se firent entendre dans l’escalier. Marcus se figea, les pas venaient dans la direction de son bureau. Ils stoppèrent devant sa porte. Puis, après quelques secondes d’hésitation, la porte s’ouvrit sur une silhouette féminine.


Alors que la douleur oppressait son thorax et le tétanisait, il eut un hoquet de surprise qui lui coupa la respiration. Le mal disparut aussi rapidement qu’il était venu, faisant place à une apaisante sérénité.



Face à lui, la jeune femme eut un sourire radieux. Elle était toujours aussi magnifique. Elle lui tendit les bras. Sans hésiter, il s’y précipita et la serra contre lui. Le couple se laissa glisser sur le tapis devant la cheminée.


Pendant un long moment, ils échangèrent baisers et caresses, puis Marcus posa sa tête au creux de son cou.



Claudia fit un signe affirmatif.

Alors Marcus se coucha sur elle pour lui faire l’amour.




ÉPILOGUE


Le 31 décembre 1973, à 8 heures 45 du matin, Léa, première adjointe au Maire, inquiète de ne pas avoir de nouvelle du premier magistrat, trouva ce dernier dans son bureau, allongé devant l’âtre, décédé pendant la nuit d’un infarctus du myocarde. Son visage était figé dans un large sourire resplendissant de bonheur



FIN