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Temps de lecture estimé : 7 mn
15/02/09
Résumé:  Toutes les femmes de ma vie.
Critères:  collection nonéro humour -consoler
Auteur : Bozo  (Loser)
Mes femmes

Je m’appelle Benoît, mais tous mes copains m’appellent Bozo, c’est pour ça que j’ai mis ce nom-là, ici. Je suis né dans un petit village de l’Ardèche, où j’ai grandi heureux jusqu’à mes quinze ans. Ensuite, mes parents ont déménagé à la ville, et c’est là que tout a commencé.


Mes premières dragues sérieuses, mes premières copines, mes premiers ébats amoureux…

C’est incroyable comme ces choses vous laissent un souvenir merveilleux.


À vingt ans, j’étais en couple ; presque installé avec une fille de deux ans mon aînée. Laetitia, elle s’appelait.

On s’entendait très bien, à tous points de vue. Et au lit, c’était pas mal, aussi, avec du recul. Surtout pour des jeunes comme nous, finalement.


J’ai cru un moment que c’était parti pour la vie. Mais c’est curieux comme certaines choses vous paraissent naïves, plus tard.


Laetitia m’a quitté au bout de trois ans. Et même pas pour un autre, non, elle m’a quitté, le croirez-vous, pour rentrer dans les ordres. (Je sais pas si ça se dit pour une fille ?)


J’ai failli me pendre. Enfin, en tout cas, depuis, je ne vais plus à l’église.


Ça a été dur ; je suis resté un bon moment tout seul, à chercher à droite à gauche à refaire ma vie. Mais je ne rencontrais que des filles d’un soir, ou bien alors des moches.


Et puis je suis tombé sur Pauline.


Elle aussi, elle était plutôt moche, mais elle avait un charme fou. Un petit quelque chose qui vous pinçait les yeux, qui vous prenait au cœur quand elle vous souriait.


C’est marrant, parce qu’elle est vite tombée folle amoureuse de moi. Au bout d’un an, c’était comme si on se connaissait depuis toujours. Elle savait déjà tout de moi, et puis aussi tout comment me rendre dingue. Et moi, je ne pouvais plus me passer d’elle.


Pourquoi ça n’a pas duré, ça j’en sais foutre rien. Ça aurait dû durer. Mais que voulez-vous, y a des choses qu’on ne maîtrise pas…


Et puis y avait ses copines, des espèces de thons gothiques qui n’arrêtaient pas de lui monter la tête, de lui dire que j’étais qu’un loser. Et elle a fini par me reprocher d’être trop casanier, pas assez imaginatif, trop prévisible.


Ce qui me fait bien rigoler, c’est que maintenant elle est avec un pauvre type à moitié alcoolique, qui lui a fait deux gamins et qui passe ses soirées au bistrot…



N’empêche, ça m’a foutu un coup. Moi aussi, je me suis mis à picoler un peu, au début. Je traînais chez moi à faire la larve plus que jamais, à comater devant la téloche, au mieux avec deux ou trois copains de beuverie.


C’est ma mère qu’a réussi à me secouer. Elle venait de divorcer d’avec un type avec qui elle s’était remariée deux ou trois années auparavant, après que mon père fut allé une fois de trop voir ailleurs. Mais ma mère, elle, quand elle divorce, elle a pas le moral dans les chaussettes, comme moi, bien au contraire. Elle se met à sortir en boîte dans tous les sens, à draguer des minots de vingt ans de moins qu’elle.

Et du coup, elle a dû avoir pitié de moi et elle a réussi à me traîner avec elle dans ses soirées. J’avais l’air fin : les gens commençaient d’abord par croire que j’étais le nouveau gigolo de service, et quand ma mère leur expliquait que j’étais son fils, je passais pour un handicapé mental.

En plus, le genre d’endroits où allait ma mère, c’était plutôt glauque. Je sais pas trop comment j’ai fini par atterrir dans le lit d’une qu’était au moins de son âge, à ma mère. Une même pas spécialement belle, ni spécialement bien conservée… Je devais être bien bourré, en fait. Les deux seules choses dont je me rappelle, c’est qu’elle était moche et qu’elle voulait absolument que je l’encule.


Mais ça m’a fait du bien, parce qu’après ça, j’ai arrêté de picoler. Ma mère a continué à me traîner un moment en boîte, en y repensant, je sais même pas comment j’ai pu accepter ça…


Un soir, une autre nana est venue me draguer ; enfin, du moins, j’ai cru qu’elle me draguait. Et puis comme je suis con, ben je suis rentré dans son jeu. Elle était pas trop mal et guère plus âgée que moi, ça me changeait des mémères qu’y avait d’habitude dans les discos que fréquentait ma mère. J’ai sorti le grand jeu pour séduire la minette jusqu’à ce qu’après un slow, pendant lequel je m’étais répété « Je vais conclure, je vais conclure… », je la voie aller rouler une pelle à ma mère.


Pareil, ça m’a calmé grave ! On a beau être tolérant, ça fout un coup quand c’est votre mère…



Je sais pas si c’est directement lié à ça ou pas, mais j’ai peu à peu arrêté de sortir le soir avec ma mère. Heureusement, d’ailleurs, parce qu’à trente berges, c’est quand même vraiment la lose ! Les thons gothiques avaient raison…



Et puis, il y a eu un déclic. Un déclic qui s’appelait Emmanuelle. Une toute jeune, que j’ai rencontrée au boulot. Je vous ai pas raconté, mon boulot, mais c’est parce qu’il est nul. Enfin, il est pas si nul que ça, parce que j’y ai rencontré Emmanuelle…


Une bombe ! Surtout, un corps à damner un saint. Enfin, c’est ce qu’a dit ma mère quand je la lui ai présentée… J’avais qu’une peur, pendant un moment, c’était qu’elle essaye de me la piquer. Je vous assure que ça m’a traumatisé, cette histoire, avec ma mère. Je suis même allé voir un psy, pendant un moment.


Mais avec Emmanuelle, j’avais plus besoin de psy. Ça a été une thérapie immédiate. C’est beau comme les choses peuvent évoluer en quelque temps.


C’est sûr qu’il y avait notre différence d’âge, mais ça n’avait pas l’air de l’inquiéter. Et chaque jour était aussi fort que le premier, avec elle. On avait plein de projets, tout le temps, et puis on n’arrêtait pas de rire. C’est bon, de rire avec celle qu’on aime.


Quatre ans, ça a duré. Quatre ans intenses. On s’est même mariés. Contre l’avis de ma mère, pour qui le mariage était devenu un artifice. Mais pour nous, ça voulait dire beaucoup. Je peux pas trop vous l’expliquer, c’est comme ça.


On a fait des trucs de fous, avec Emmanuelle. On est parti en voyage de noces à l’autre bout de la Terre. On a vu des endroits magnifiques où on s’est laissé dorer nus. On a fait des expériences qu’on n’imaginait même pas. Et même après plus d’un an de mariage, on continuait à être complices comme aux premiers instants.


Quatre ans. Quatre ans intenses, jusqu’à cette putain de bagnole. Un gros con dans un 4x4 géant qui traversait la ville à toute allure. Et boum ! Au moins, elle a pas souffert.



Là, j’ai sérieusement peiné. Cette fois, je me suis même pendu. Enfin, non, pas pendu, parce que je suis un lâche, mais j’ai bouffé des médocs avec du whisky ; je pensais pourtant qu’y avait la dose, mais faut croire que non. Je pense que si, en fait, mais c’est encore ma mère qui m’a retrouvé avant. Faut dire qu’elle voyait bien que j’étais vraiment mal et elle passait me voir tous les jours. Plusieurs fois par jour, même, des fois. Même quand j’étais à l’hôpital, après.


J’en ai vu, des toubibs. Et puis des psys, après. Pas des psychologues, non, des psychiatres, et des bien armés, pour les cas lourds. Y en a quelques-uns qu’étaient encore plus à plaindre que moi, d’ailleurs. Y en a même un qui m’a conseillé d’aller à l’église.



Une fois, ça m’a fait du bien et du mal à la fois, j’ai eu la visite de Pauline, celle qu’était moche avec des copines gothiques. Elle avait toujours son charme à me nouer le ventre, mais elle avait deux enfants, maintenant. Mais d’un côté, c’était chouette. J’avais l’impression de la redécouvrir. Et puis elle avait sa peine à épancher, elle aussi, avec son mari qui passait plus de temps au troquet qu’en famille.


Elle est revenue plusieurs fois. C’est peut-être un peu grâce à elle que j’ai fini par aller mieux.


Elle m’a présenté ses enfants, mais ça m’a foutu les boules. Sans doute parce que j’ai réalisé que finalement j’avais pas foutu grand-chose de ma vie. Toutes mes aventures s’étaient terminées en désastre, et à presque quarante ans, je sortais de l’hp avec aucun objectif.


Mais Pauline était toujours là ; on s’épaulait mutuellement. En tout bien tout honneur. Enfin, surtout au début. Après, elle a craqué un peu. Moi, c’était plus fort que moi, quand elle s’effondrait en pleurs sur mon épaule, qu’elle se serrait contre moi. Et puis elle avait toujours ces yeux qui pétillaient, même quand elle était triste. Et puis, y avait plus ses copines gothiques…


Son mec a quand même fini par vouloir me péter la gueule. Mais d’abord, sans doute pour s’entraîner, il a commencé par cogner sur elle. Quel connard ! Les flics ont pas été durs à convaincre, quand ils ont vu l’état de Pauline, à l’hosto. Et puis son divorce a été assez rapide, après.



Et enfin, je suis à nouveau heureux. On s’est pas marié, mais on peut très bien vivre sans se marier. Et puis, les enfants sont pas les miens, mais je les aime aussi. On est allé s’installer en Ardèche. Les enfants ont un peu râlé, surtout la grande, qu’avait pas trop envie d’aller s’enterrer dans un trou paumé.



Mais c’est calme, ici, j’aime bien…