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Temps de lecture estimé : 26 mn
20/02/09
Résumé:  Un jeune adjoint de direction sous tension.
Critères:  fh forêt travail portrait
Auteur : HugoH  (Hugo H)            Envoi mini-message
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En préambule : Il s’agit de ma dernière publication sur ce site avant un moment, je pense. Merci à tous ceux qui ont pris le temps de me lire au cours de ces derniers mois, vos avis ont été précieux et utiles. Encourageants surtout. Merci encore et bonne lecture.




I


Scott S. dit :



Sourire léger.



Scott S. laisse la place devant les courbes impeccables sur le mur terne. Clic souris. Derrière lui, s’affiche en lettres bleues le slogan Corporate, Cap vers 2012 !



Art B., son responsable direct, le boss commercial, a froidement pris le micro et entame la longue litanie des remerciements.


Voilà, amuse-toi, enculé ! savoure Scott.


Dans la vaste salle de réunion, les hommes et les femmes le regardent sans empathie. Scott savoure ces instants de relâchement. Il n’est plus un espoir, il vient de convertir, il vient de transformer. Il se reprend. Ne pas montrer aux autres, à tous les autres qu’il s’agit d’un moment spécial, au contraire, laisser penser qu’il s’agit d’une simple routine, que présenter de tels résultats à une telle assemblée est dans l’ordre naturel des choses. Mais il ne boude pas son plaisir, devant tout le comité de direction, il vient de marquer des points. Art B. termine la présentation. On applaudit discrètement.


Les regards se tournent vers le jeune Scott S. qui serre des mains, sourire humble, mais déterminé, qui fixe droit dans les yeux comme on le lui a appris. Il n’est qu’une apparence, de simples attitudes qu’il peut modeler à merci. Ça rend les choses plus faciles. C’est un pro, un vrai. Dénué d’orgueil et de colère, vacciné contre l’embrasement et contre ces épanchements émotionnels qui dans l’entreprise n’ont aucun sens. Ça n’empêche pas le bouillonnement, ça n’empêche pas la tempête sous son crâne, mais il ne montre rien. Jamais. Juste ce sourire lisse.


Il se dit qu’il a bien fait d’insister sur le contrat japonais. Et tout le monde sait ici, dans cette vaste salle de réunion circulaire, la trentaine de directeurs et de hauts responsables, nul n’ignore que le jeune Scott S. est allé chercher ce putain de contrat avec les dents. Là-bas de l’autre côté de la planète. Il leur a bouffé les couilles et en a ramené plusieurs paires dans sa belle gueule carrée. C’est le genre de prise qui place d’entrée chez les très bons. C’est du domaine du strike, mais dans leur monde, Scott en a bien conscience, le jeu de quilles se remet vite en place. Demain, il faudra repartir de zéro.


Son regard est attiré par une explosion à sa gauche. Conflit au Moyen-Orient. Juste une information de plus sur l’un des six écrans plats disposés dans la circonférence, en hauteur. Après la présentation de Scott, on les a rallumés. Il y a des indices boursiers. Des flèches vers le haut et des flèches vers le bas. Mais dans l’ensemble, ça baisse. Il ressent une vague inquiétude. Pas la sienne à vrai dire, celle des autres. Il y a comme une petite tension dans l’air. Un pincement lombaire qui ne prête pas à sourire.



L’œil de Scott accroche à nouveau l’écran. Un groupe industriel indien annonce un plan d’économie de quatre milliards de dollars sur cinq ans. L’objectif est d’accroître la productivité du personnel et de baisser les coûts de production.

L’homme parle de synergie.



Il a un regard neutre, s’exprime sans joie.


Excellent, apprécie Scott. Dynamiser les effectifs, voilà une bonne formule.


Depuis la salle de conférence, la vue est imprenable sur le quartier d’affaires, sur la ville, sur le fleuve. Le matin offre une lumière absolument claire.


L’indice de pollution doit être assez bas, pense-t-il brièvement.


Les verrières brillent de mille feux. Un hélicoptère vire de bord à quelques dizaines de mètres. Il ne l’entend pas. Tout le monde s’est levé, ça discute off, on se glisse quelques mots à l’oreille. Le directeur général s’approche et à voix basse, dit :



Imperceptiblement, Scott tend ses abdos. Douleur. Son corps à vrai dire lui envoie une sourde plainte.



Scott sourit modestement.

Bien sûr, enculé, que je peux t’appeler Henry.


Plus loin, Art B., les observe, Art B. sourit jaune. Art B., quarante ans depuis une semaine. Quarante ans et numéro huit de l’organigramme.


De la merde. J’en veux bien plus que toi, vieille fiotte.


Scott lui lance un regard ferme. Henry K., en bon directeur général, susurre à l’oreille de Scott des petites décharges électriques qui doivent perturber la digestion de ce bon Arty. Henry K. fait un signe de la tête dans sa direction. Art s’approche, observant le costume sombre sur mesure de Scott. Henry l’enjoint par une sèche accolade à alimenter la discussion.



Les deux responsables le regardent, jugent ce petit connard avec une différence nette d’angle de vue. Toujours est-il qu’ils ont bien entendu et qu’ils ont pris acte de l’engagement de Scott S. Des mains tapent encore son dos, appuient son insolente réussite. Si jeune. Mais il sait bien qu’ils le pousseraient volontiers par la fenêtre s’il le fallait. Soixante étages. Pas de rédemption.



II



Le sourire en coin de Scott se répercute sur les grands miroirs de l’ascenseur.

Il est seul.

Et durant la descente ultra silencieuse, il se sent vidé, absolument déserté de la moindre agitation. Il n’est ni heureux, ni malheureux. Ça ne fonctionne pas comme ça. Il est un réceptacle pur du regard des autres, il en est le produit ; sait devoir se modeler au gré du jugement de ceux qui comptent.


Souvent, il s’imagine sur une scène, à haranguer ses troupes, à les exhorter à donner plus encore. Sous une lumière Hollywoodienne, promettre à toutes les composantes de l’entreprise les fruits prochains de leur labeur accru. Il sait comment ça se passe. Il a accompagné les directeurs lors de ces grandes cérémonies. À bien reçu les informations. Des centaines de slides ont teinté son regard de couleurs apaisantes. Dans des salles attentives, ses yeux ont caressé des courbes et des schémas, des chiffres, des résultats. Il y a un fond, lointain, c’est certain. Des mots derrière les mots. Des messages.


Scott s’est imprégné des paroles des très hauts responsables shootés au cours de communication et au media-training. Des gars en costume sombre qui arpentent des scènes irradiées de lumière. Des gars qui cherchent la bonne formule, tentent des uppercuts, osent des mots qui boostent le sentiment d’appartenance au groupe. Derrière eux, des tableaux gigantesques, des graphiques épatants projetés sur des murs blancs.


Art lui a dit:



Scott sait traduire. Il faut que tu saches mentir, voilà ce que Art lui a dit.

La foule applaudit. Ils croient tous être à l’extérieur, ils croient tous que ces termes / expressions / étranges façons de parler, ne les atteignent pas vraiment. Mais il en reste toujours quelque chose. Une forme de morale. Mystique. Religion.


Ensemble vers le cap 2012 !


Dans des salles surchauffées / sous des chapiteaux humides, des milliers de salariés venus de la planète entière tendent l’oreille. Les mots les traversent. Ils entrent en eux, puis ils ressortent. Il y a bien un président, mais les schémas décisionnels sont complexes. Il s’agit d’une boucle mystérieuse qui englobe les actionnaires, la direction, le personnel.

Qui donne les ordres ? Qui décide ? Le marché décide, dit souvent Karl, mais qui est le marché ? Qui est Karl ? Qui est le putain de marché ? Pour Scott qui aime réfléchir à ce problème, surtout après une ligne, il n’y a pas vraiment de réponse.


Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Carillon numérique. Il sort, marche un moment avant de se rendre compte qu’il n’est pas au bon étage. Il a l’esprit ailleurs aujourd’hui. Ne pas se laisser griser. Garder la tête froide. Il croise des anonymes. Passe sur un plateau téléphonique. Bourdonnement intense. Ça grouille d’appels. Une centaine de chargés de clientèle décrochent en cadence sous l’œil vigilant d’une poignée de superviseurs.


Personne ne semble faire attention à sa présence. Entre deux coups de fil, ils regardent le plafond, attendent de voir ce qui va bien leur tomber sur la gueule. Pendant les appels, ils pensent à autre chose, ils pensent tout à ce qu’ils vont faire le soir. Ils regardent les autres, ils se recoiffent. Ils vont aux toilettes, ils se frôlent, ils parlent bas dans les restaurants d’entreprise, ils fument lentement au pied des tours. Flot de paroles ininterrompu.

Des termes techniques, des alinéas de contrats, des propositions. Des services. Ils aimeraient être ailleurs, mais personne ne sait quoi faire d’autre. Ils ne veulent pas l’admettre, ils le refusent. Pourtant, c’est leur putain de vie.

Scott les regarde avec compassion, enfin, quelque chose de ténu, rien de plus.


Dieu que je n’aimerais pas être à leur place, songe-t-il en poursuivant sa déambulation. Ainsi, c’est vous que je fais vivre avec mes contrats. C’est vous, peut-être, que je dirigerai un jour.


Il entend un rire gras, sonore. Des gars s’envoient des vannes. Un superviseur les reprend. D’une certaine façon, c’est le monde quasi à l’arrêt, enfermé dans un sot, minuscule et terrifiant mouvement. D’où leur viennent ces rachitiques appétences ? Ils sont gavés d’informations, saturés de communication. Ils ont peur. À cet instant, il ressent, dans le grésillement des combinés, le monde au bord du gouffre. L’impression que tout va bientôt s’arrêter.


C’est arrivé aux Romains, ça nous arrivera à nous, dit souvent Damian L. du marketing. Vous croyez quoi ? Que les mouvements du marché vont protéger vos petits culs ? Qu’ils vont se glisser dans vos petits anus serrés pour vous transformer en ballons et vous permettre de regarder le monde sombrer ?


Il a de nombreuses théories sur la fin de notre ère telle que nous la connaissons. Ça n’a rien d’original, il faudrait être dingue pour ne pas le sentir. C’est une question de temps. Ça arrive. Et d’ici là, il faut prendre et ne rien partager. Il trépigne, sa jambe droite frétille curieusement en appui sur un bureau inoccupé. Un panneau indique 3257 en lettres rouges. Il y a d’autres chiffres qui évoluent sans cesse. Des délais de réponse, des délais d’attente. Des postes disponibles / Occupés. Des appels pris / abandonnés. Des statistiques que ne peuvent manquer d’accrocher les regards fatigués. Des petites loupiottes clignotent sur les téléphones massifs, étrangement massifs.


Il y a une pression incroyablement silencieuse, un contre-courant glacé et profond qui cisaille les jambes sur les fauteuils à roulettes. Ils travaillent dans des boxes, le long de travées, face à des parois opaques. De sorte qu’il n’y a personne en face d’eux à part une plaque neutre. Les superviseurs donnent de la voix. Il y a une forme d’excitation. Une tension sexuelle terrifiante, juge Scott en s’épongeant le front. Malgré sa science de la prise de recul, il n’arrive pas à se sentir détendu. Tout simplement, parce que sa place n’est pas ici.


Dans l’ascenseur, remontant vers les étages, il se sent mieux. Desserre légèrement sa cravate neuve. La remarque d’Henry ne lui est pas passée au-dessus de la tête. Il fera attention la prochaine fois. Il avance vite dans le couloir qui mène à son bureau. Moquette épaisse. Il se laisse glisser dans son fauteuil, se tourne vers la large baie vitrée. Depuis le quarantième étage, il observe que l’été rend les armes.


Le temps est clair, mais c’est un leurre. Il n’y a plus cette tension brûlante dans l’air. Des flux réguliers entrent et sortent par les grandes portes battantes. Tous ces gens.


Avale deux euphorisants, lisse ses cheveux sombres, saisit un de ses portables et compose le numéro de Lauren N.



Il a besoin de se dépenser. Ses pieds battent nerveusement la mesure sous son bureau, tandis qu’il étudie des pages de chiffres qui composent les rapports de ses assistants. Tas de branleurs. Mais la journée est encore longue. Ce soir, ce soir, il ira courir dans la forêt quand la nuit tombera. Après Lauren. Après le club. Le club où il croisera ses semblables. Les mêmes prototypes.



III


Il y a du monde dans le restaurant d’entreprise. C’est même surchargé. Les caissières en suent. Scott déteste déjeuner ici. D’abord, parce qu’il a les moyens de manger ailleurs, ensuite parce qu’il n’apprécie guère la compagnie de la grande masse salariale, enfin parce que l’endroit est tout simplement hideux, mélange de restoroute et de cafétéria de supermarché. Quelques plantes vertes quand même, ici et là. Mais aujourd’hui, Art B. n’a pas pu s’empêcher de vouloir réunir son équipe commerciale pour célébrer la prise du contrat japonais.

Et comme il est de coutume ces derniers mois, ce genre de célébration ne se fait plus dans de chics restaurants près du fleuve ou des fontaines, mais au sein même de l’entreprise. La réussite visible aux yeux de tous. Et puis, les notes de frais sont moins conséquentes. Comment tripler les bénéfices si la classe dirigeante ne fait elle-même aucun effort ?


Art a choisi une grande table ronde. Les discussions sont vivantes. On parle de cibles, de projets, de reportings. Scott opine du chef, renvoie son sourire neutre et séduisant. Il n’est pas là. Pas à ce moment précis. Il a la tête dans la forêt. Malgré les courbatures que deux heures de musculation intensive la veille ont provoquées, il a besoin d’évacuer, de cette autre façon. Dans la forêt. À bien y penser, il bande légèrement, mais enfin, il ne s’agit pas de s’attarder. Les gens autour de la table parlent, attendent de lui des commentaires sur l’affaire danoise. Art dit:



« On », comme si ce trou du cul avait quelque chose à voir avec le contrat Aoyoma. Comme si ce vieux débris avait pu influer en quoique ce soit sur le glorieux dénouement.


Scott sourit difficilement.



Art vide son verre d’eau minérale.



Des hommes composent la majorité du cercle, mais il y a deux femmes dans l’équipe. Disons que dans l’ensemble, ils sont jeunes et affamés. Et que personne, personne autour de lui ne peut le blairer. Ils attendent qu’il se plante, qu’il chute lourdement sur le sol. Surveiller ses arrières tout le long de la journée. Bon Dieu ce que c’est fatiguant. Éreintant même. L’ennemi vient de l’intérieur. La plus grande difficulté dans le monde de l’entreprise moderne, ce sont les gens avec lesquels on travaille. C’est une vérité simple, mais édifiante.


La plus grande partie de son énergie, Scott la perd à épier, à imaginer, à se comporter en fonction de ce tas de branleurs.

Il enfourne une bouchée d’un entremet chimiquement méconnaissable. Peut-être de la vanille, peut-être de la coco. Lève la tête. Croise le regard de Lauren N qui se lève de table avec son plateau. Les gars du cercle suivent dans un mouvement plus ou moins discret ce cul ahurissant. Cette jupe noire, c’est électrique. On échange quelques clins d’œil, les femmes de l’équipe font mine de s’offusquer avec exagération, mais en vérité elles s’offusquent vraiment que cette petite pute attire tous les regards.


Du coup, il s’attarde un peu sur les tablées alentours. Brouhaha des conversations. De la bouche à l’oreille. Trait continu. Illusions. Phrases rabâchées en boucle. Sous-tendues par les informations qui entrent en eux à tout moment. Les mêmes têtes que ce matin. Les mêmes chargés de clientèle, de comptabilité, les mêmes gestionnaires de ressources humaines s’ennuyant ensemble au gré de discussions dépassionnées. Il y a bien des rires de temps à autre. Mais ce sont les nerfs qui lâchent, juge Scott.

Il y a de l’émincé de bœuf, du filet de cabillaud au curry, des compotes, des ananas coupés. Des coupelles de crudité. Il règne cette odeur particulière de produits détergents et de nourriture industrielle. Il y a beaucoup de vieux. Des quadras, des quinquas, une bonne proportion. Les pieds dans le béton. Ça le révulse. Coup de panique. Bouffée d’angoisse. Comme ce matin sur le plateau téléphonique. C’est nouveau, ça. Il secoue la tête, chasse sa nausée en imaginant sa belle foulée fendre l’air tiède de la forêt. Mais le soir est encore loin.


Finissons-en déjà avec cet effroyable déjeuner.


Il remue nonchalamment la cuillère dans son entremet.

Sally H. dit :



Liam G. ajoute, avec un regard complice :



Damon A. vide sa tasse d’un trait et lance :



Scott lâche, mâchoire serrée :



Damon rigole.



Il sourit un peu tristement. Et il repart avec ses histoires de Business to Business, de Business to Customer, de Business to Business to Customer.

Art, en bon membre du comité de direction, rectifie :



Damon accuse le coup, le reste de la tablée sourit, même Scott. Une employée passe devant eux, mode guichet de poste. Très lentement.



Ça ricane légèrement, les regards agrippent les montres. Pas simple aujourd’hui, vraiment. Scott s’excuse, file vers les toilettes, s’enferme dans une cabine et avale deux euphorisants. Roses. Pourquoi pas ? L’effet ne se fait pas attendre et quand il rejoint l’équipe autour du café, il est de meilleure humeur, nettement. On parle de la chute des cours. Alors, il enchaîne les vannes sympas et les encouragements discrets. Les gars apprécient. Les femmes surtout.



La petite mort. Cette phrase quand même, il ne s’y est jamais fait.


Dans son bureau, la journée tire en longueur. Ses yeux vont et viennent sur des colonnes de chiffres. Des courbes, des indices. Le marché va mal, c’est clair. Ça n’empêche pas de faire du business. Ni de penser à sa future voiture. Encore un mois à tenir. Il en frémit d’avance. Sentir l’odeur du cuir noir et neuf. Bon Dieu. En attendant, les chiffres lui rentrent dans le crâne. Il aligne les colonnes Excell, fait danser les formules.


Réussis les Danois, et ton bonus va décoller. Et ta réputation avec.


Son ventre se serre. Il se sait sensible au regard des autres. Plus jeune, sa psy lui disait qu’il ne s’agissait en fin de compte que de son propre regard à lui. Est-ce qu’il ne surmonte pas tout ça ? Est-ce qu’il ne cache pas avec autorité ses travers ? Discipline. Rien d’autre. Pas de meilleur concept. Rien de bien neuf en ce bas-monde. Les vikings n’étaient pas différents. Les Wisigoths et les Sarrasins non plus. Son attention glisse sur l’écran de contrôle. Les cours continuent de chuter. Mais ça reviendra. À un moment forcément, les flèches pointeront vers le vert. En attendant, le contexte n’est pas idéal pour préparer les Danois. Il va falloir marger très légèrement à la baisse à ce train-là.


Scott supprime une ligne de son business plan. Une heure passe, puis une autre. Il sursaute. Sa messagerie émet un son numérique neutre. Nouveau mail de Lauren N. qui s’ajoute à une file rouge d’informations non lues qui continuent de tomber sans faiblir. C’est un problème, il faut qu’il s’évertue à être plus rigoureux dans ce domaine. Il ouvre.



Il répond :



Retour dans les quinze secondes.



Il se mort la lèvre.



Son poste sonne + nouveau mail.



Le poste sonne encore.



Il décroche.



Scott a envie de rajouter que tout est important, qu’il ne se passe pas un jour sans qu’une putain de directive venue d’on ne sait où chamboule les organigrammes, les organisations, les orientations. Tout ce travail dans le vide, c’est effarant. Tout ce qu’il sait lui, c’est qu’il faut faire gagner du fric au groupe.



Il se lève, ferme la porte de son bureau. Demande à sa secrétaire qu’on ne le dérange pas de toute l’après-midi, sauf membre du comité de direction évidemment. Putain, putain. Il sculpte une fine ligne de coke sur une page de son agenda ouvert. Celle de demain où il a annoté le rendez-vous avec les Danois. Les tensions quittent son crâne / ses cervicales / ses lombaires. Les douleurs disparaissent. Voilà, voilà. Il est opérationnel maintenant, prêt à terminer ce foutu rapport. Danois de merde.



IV


Dix-neuf heures, la pleine nuit dans le monde de l’entreprise. Près de l’Audi, dans l’ombre de sa place nominative, il y va franchement entre les cuisses de Lauren N. Pourquoi est-ce qu’il aime la baiser ainsi ? Pourquoi ne rien lui proposer d’autre ? La voir se plier contre le mur, dans les courants d’airs moites portés par les grilles d’aération, c’est absolument ébouriffant. Ça sent le pneumatique et l’essence. Ça l’enthousiasme complètement. Elle, il ne sait pas ce qu’elle en pense vraiment ; n’a pas l’air de détester. À la voir se trémousser, à l’entendre gémir, il jurerait que ça n’est pas désagréable.


Le pantalon sur les mollets, il a placé ses mains en croix sur le bas de son dos. Sa jupe à elle est relevée. Beau petit lot, Lauren. Lauren N. , une occasionnelle. Une récurrente en fait. Une urbaine moderne pour qui le sexe n’est pas un problème. Sa génération a grandi avec le mode porno. Les pauses, le déroulé, la façon de faire. Elle n’échappe pas à la règle, propose ce qu’un mec de son niveau est en droit d’attendre aujourd’hui. String minimaliste, sexe épilé, peau douce et bronzée. Seins fermes / Ventre plat. Bouche à pipe. Hygiène corporelle impeccable.


Elle fait du sexe comme elle ferait un squash, un sauté de veau ou participerait à un speed-dating. Ça ressemble à son fonctionnement à lui, mais les motivations sont certainement plus variées. Plus profondes. Il devine dans leurs fugaces ébats qu’elle prend du plaisir, mais qu’il n’y a pas que ça. Alors quoi ? La psyché féminine reste un mystère. Trop complexe. Chez lui, il n’y a pas de second degré. Il ne se cache rien derrière son érection somme toute impressionnante. Pas de message. Pas de fantaisie / Pas de dramaturgie.


Faire l’amour ; c’est quoi ces conneries exactement ? songe-t-il en retournant Lauren sur le capot de l’Audi noire.


Il ne comprend même pas le concept, faut-il mettre autant de noms à ce qu’il est en train de faire ? Faut-il y voir tant de symboliques ? Y déceler tant d’importance ?


Ces jambes lisses et mates, c’est quand même quelque chose. Elle gémit. L’avantage avec Lauren, c’est que le sexe cru, brut, le sexe sans lendemain, ne l’effraie pas. Il aime ce genre de fille effrontée. Même s’il n’est pas dupe. Même s’il ne croit pas un instant à cette façade désinvolte et sexuée. Tout le monde veut quelque chose, tout le monde cache ses requêtes. Mais lui, là dans le parking, ne masque rien, il veut juste baiser. Et c’est ce qu’il fait, avec énergie. Il y a des échos de pas. Ça les fait sourire, mais ils ne se regardent pas. Puis il se retire, elle s’agenouille. Le finit avec sa bouche. Ça a du sens. Il lève la tête vers le plafond sale. Elle descend sa jupe, l’embrasse sur la joue, lui souffle :



Il contemple le cul divin s’éloigner dans un mouvement de balancier confondant. Les talons claquent. Le tissu léger de sa robe caresse la lumière blafarde des néons. Il bande comme un âne.


Plus tard, dans la salle de sport, échange de clins d’œil avec ses connaissances, Damian L., Karl O., Freddy T. Ils soulèvent de la fonte. Et comme eux, Scott a besoin de son endorphine. Ces derniers temps encore plus. Alors que les responsabilités s’accumulent sur son bureau et qu’il gravit l’échelle promotionnelle à grande vitesse, il ressent plus que jamais l’impérieuse nécessité de se dépenser. Ça ne s’arrête pas. Le jour dans la nuit. La nuit dans le jour. Il écoute la planète tourner/La planète lui parle.


Il soulève des poids de quatre-vingts kilos, en phase avec le rythme délirant qu’impose le monde moderne à ses meneurs. Il a été préparé. Depuis son plus jeune âge. Ses parents ont tracé la voie, l’ont éduqué, conditionné, poussé à intégrer les meilleures écoles. Le cursus le plus payant. Ils ont voulu pour lui une existence qualitativement plus riche que la leur. Qui au demeurant n’était pas si morose ; disons simplement neutre, concède Scott en poussant fort sur ses avant-bras. Il regarde ses abdos, ses quadriceps, tourne la tête vers ses deltoïdes, puis admire un court instant ses pectoraux. Parfait. Parfaitement dessinés. Parfaitement travaillés. Il n’y a pas de limites. Aucun obstacle sur sa route.


Près de lui, Hugo H. s’inspecte de la même manière. Brun, grand, beau mec. Queutard. Hugo H. le queutard. Il sent que Scott l’observe, tourne la tête vers lui, même pas surpris. Puis leurs regards se posent sur la chute de reins d’une bombe métissée.


Dans le vestiaire, devant les casiers en bois massif, la jeune classe dirigeante se rhabille tranquillement, en plaisantant. Les blagues vont bon train sur le cours de la bourse, sur les positions éjectables de X ou Y. Sur l’âge canonique du chairman ou du directeur financier. Globalement, l’affaire danoise alimente les débats. Tout le monde est excité.

Karl O. dit :



Damian ajoute :



Scott sourit. Il aurait peur ? Peur de quoi ? Mais ça lui tiraille le ventre, Danois, ce putain de mot, Danois. Danois de merde. La plupart des gars des opérations tirent quand même un peu la gueule, parce que les cours vrillent dangereusement vers le sol. Des vannes fusent mais le cœur n’y est pas. Vince, serviette nouée sous son torse nu, dit :



Des gars se lancent des slips humides au visage. On s’amuse comme on peut dans les vapeurs des parfums musqués. Les mains claquent les eaux de toilettes sur des pectoraux lustrés comme des jantes de formule 1. Karl passe derrière lui, le frôle. Il est plus grand d’une tête, plus fin aussi.



Et Scott plisse les yeux de plaisir, tandis que la main manucurée de Karl se pose sur son épaule.



Scott pense au fleuve, à la lumière dévorante de l’été. Des milliers de joyaux sur l’eau tranquille.




V


La ville défile le long du circulaire comme un jeu vidéo ancien en deux dimensions. Scott pilote de façon sportive. Quatrième voie. Appels de phare. Passé le quartier commercial, la circulation devient plus fluide. La voiture file, et bien sûr qu’il aime la vitesse. Prend la sortie vers Tennant & Lowe. Le lecteur CD passe Interpol, Obstacle 1.

Il allume les phares, le soir s’annonce doucement. Le dossier Danois ne lâche pas ses pensées. Irrigue le moindre mouvement. Electricité. Oui, il va en chier. Ces gars ne sont pas commodes. Et s’il se loupait, s’il passait à côté de ce contrat ? Il devine déjà le regard compatissant de ses collègues, de ses alliés. Le soulagement général qui tient les troupes quand l’un d’entre eux s’écroule. Il ne leur en veut pas, il est pareil. C’est le jeu.


Demain est un jour important. Comme tous les jours ?


Oui, comme tous les putains de jours. Il repense à Lauren N. De toutes les garces qu’il se tape, c’est la plus bandante et de loin. Elle sait le danger qu’il y a à baiser près de l’Audi. Et puis, elle est fiancée. Ça ne gâche rien. Scott fait défiler les noms des salopes sur son portable tactile. Rien ne lui dit. Non, vraiment, ce soir, il préfère la forêt. Pour en finir avec les Danois, il a bien bossé, la ligne de coke lui a donné l’énergie nécessaire. Il est comme un sportif de haut niveau, à un certain degré de performance, le simple corps ne suffit plus.

C’est ainsi qu’il perçoit les drogues. Pas une addiction, mais une aide. Un vrai support. Le seul sur lequel il puisse compter. Les lumières du centre se sont éloignées. Des immeubles moins cossus se succèdent et bientôt des barres d’habitations glauques s’invitent dans les lumières rectilignes de ses phares au xénon.


Puis c’est au tour d’une forêt triste et vaste de dévoiler ses feuillages drus. En journée, l’endroit est relativement vivant. Le soir, c’est autre chose.


Ouvre le coffre. Sort ses runnings. Se déshabille sur le petit parking. Un vent faible fait frissonner les branches des arbres. Pas d’autres voitures. Il enfile un jogging, pas de sous-vêtement. Apprécie le contact lisse sur sa queue. Lauren N., merde, il devrait la rappeler, là maintenant.


Canalise ton énergie, Cours. Baise les kilomètres.


Il entame son footing. Seul sur un sentier cahotant, il allonge tranquillement sa foulée. Il fait tiède. À travers des ramures plus maigres, un soleil rougeoyant se faufile encore. Mais ça ne dure pas longtemps. Il transpire, il en a encore sous le pied. Après une journée comme celle-là, il a de la ressource. Aux abords d’un petit étang, il ressent une décharge courir le long de son dos. De la peur, de la tension. En levant la tête, il entrevoit nettement les barres de logements sociaux. C’est tout près.


Il y a des détritus sur le sol. Passe sous un pont, ses pieds s’enfoncent dans un parterre humide et glissant, ça sent la pisse et l’humus. Il y a des tags sur les murs, des canettes vides enfoncées dans la terre. Son cœur bat un peu plus vite. Après un virage, il coupe par un étroit chemin qui contourne une aire de jeux. Toboggans anciens, balançoires rouillées et grinçantes. Trois gars sont assis sur un banc près d’un petit château en plastique usé. Ils le regardent passer.


Il ralentit, sort son portable et fait mine de passer un coup de fil. Un vrai aimant à trous du cul. L’un des gars relève sa capuche et le regarde avec un air de défiance. Ça monte, ça monte bien. Ils n’en reviennent pas tous les trois en regardant ce beau gosse en survêtement de marque, les cheveux plaqués en arrière, une montre poids lourd en guise de bracelet-éponge et ce téléphone dernier cri comme un étendard.



Barbichette courte, cheveux rasés, diamant dans l’oreille, survêtement vert avec une virgule.



Scott range son portable dans sa poche. Ne répond pas.



De l’index, singeant un rouage, il mouline à côté de sa tempe droite. Puis il sautille sur place, rabat sa capuche comme un boxer. L’autre se marre.



Les deux autres viennent de se lever du banc. Gesticulent avec véhémence. Beaucoup de bruit / Beaucoup de mouvements. L’autre reprend :



Derrière lui, l’un des gars dit :



Scott a un sourire crispé. Il faut y aller maintenant. Il faut y mettre du cœur. Son poing part. Beau direct. Sec. Tendu. Ça touche. Le gars se tient courbé, le nez en sang. Les deux autres bondissent sur lui. Durant une seconde, Scott lutte méchamment pour réprimer l’envie de fuir. Mais il va falloir encaisser. Les coups pleuvent. Prend dans les abdos, prend dans le torse, dans les côtes, dans la gueule. Il esquive, contre avec les bras, balancent des coups, s’astreint à ne pas crier ni gémir. Le premier relève la tête, du sang coule sur son jogging. Scott ne laisse pas passer l’occasion, lance son genou de toutes ses forces dans ses couilles. C’est mou. Choc mat. Le gars hurle et tombe sur le sol.

Scott ne peut retenir un rire, il dit :



Ça survolte les deux autres. Qui frappent de plus en plus fort. Qui cognent son torse comme s’il était un homme-tronc. Tout l’enjeu, c’est de protéger ses parties intimes et sa petite gueule. Bon Dieu, ce qu’il se sent bien. Son corps, c’est comme s’il se nourrissait de leurs coups, de toute la violence que ces gars projettent sur lui. Une lame griffe la pénombre.



Qui a dit ça ? Aucune idée. De toute façon, ils se ressemblent, mêmes têtes de con. Il dit d’ailleurs, vous avez de sacrées têtes de con.

Esquive un coup de couteau de peu. Là, ça ne rigole plus, il va falloir penser à dégager. Il tente un coup de pied circulaire, mais celui qui a le schlass a bien suivi, se baisse et le chasse au niveau des mollets. Ça craque légèrement. Scott pose un genou au sol. Un poing le cueille en pleine tête. Son arcade sourcilière gauche explose. Du sang plein la gueule. La lame le taille à l’épaule. Merde. Merde. Il roule sur le sol, s’agrippe à un petit arbre et se remet debout. Un coup de pied le touche à la cuisse. Mais il ne sent plus rien.


Adrénaline / Pur stress. Ça monte et ça monte. Il rigole. Prend une baffe, puis un poing dans les côtes encore. La douleur lui coupe le souffle, mais nul doute qu’il ne boude pas son plaisir. Même s’il va être temps de reculer, décide-t-il en parant un tibia menaçant. Allez, encore un coup ou deux. Oui, d’accord, trois. Et, maintenant, barre-toi.


Il fuit à toute allure sur le sentier. Les deux gars à sa poursuite. Le troisième pleure la perte de ses testicules comme un chiot castré. Maintenant, il faut imprimer le rythme.


Mais à la course, même blessé, c’est autre chose. À la course, les deux connards ne l’auront jamais. C’est bon ça, c’est bon, je m’en tire. Les gars lancent la chasse.


Ils vont vite, mais ils ne tiendront pas longtemps, juge Scott qui accélère tranquillement.


Belle foulée, qui leur fait tirer à la langue. Quelquefois il ralentit, les laisse revenir un peu, puis remet la gomme en les traitant de tous les noms. Ils ne sont pas en reste, sa mère en prend pour son grade. Sa pauvre mère. Il s’amuse, fait des grandes foulées à la manière d’un sprinter mondial après l’arrivée du cent mètres. Salue une foule invisible.


Ça dure longtemps, les gars s’accrochent. Il les trimbale une vingtaine de minutes. Un vrai bon run, indéniablement. Il les remercie à distance. Vous avez assuré. Super ! Vraiment super ! Ils ne comprennent pas, les visages empourprés trahissent un certain désarroi. Il coupe à travers bois, rattrape un autre sentier. Il ne les entend plus.

Ses hurlements accompagnent la tombée de la nuit. Un soulagement réel s’est emparé de lui. Et bien que chaque foulée lui arrache un gémissement, il ne peut s’empêcher de murmurer, Bon Dieu, bon Dieu que c’est bon.


Le parking. La voiture. Se laisse glisser sur le fauteuil en cuir. Il en chialerait. Putain, ces allemandes, c’est quelque chose. Il verrouille les portes. Souffle court. Maintenant, la douleur s’invite. Il se regarde dans le rétro : du sang tout le long de la joue gauche depuis l’arcade. Enlève le haut de son survêtement avec difficulté. Son épaule le tiraille. Le couteau a tailladé en surface, mais ça fait un mal de chien. Il ouvre la boîte à gant, sort une fiole de whisky, asperge la plaie, hurle de douleur.



Ça lui fait penser à ces héros de comic books qu’il lit depuis qu’il est gamin. Le coureur, merde. Peut-être qu’il devrait se confectionner un costume. Il attrape les bandages et les pansements qui traînent à côté de la fiole de whisky. S’arrange comme il peut. Il fera mieux plus tard, chez lui. Après une douche brûlante. Une bonne douche. Il en bave.


Remet sa veste de survêtement, démarre la voiture. Les phares éclaboussent la nuit. Il y a du mouvement à la sortie de la forêt. Les deux gars. Qui jaillissent sur le parking. Qui jettent des pierres sur la voiture. Putain, ma carrosserie, regrette-t-il en faisant crisser les pneus du coupé sur le gravier. Et il rentre sur la route comme dans un vagin humide.

Il n’y a rien ici, rien d’autre que des voies désertées.


Plus tard, après la douche, savourant l’effet de deux tranquillisants et de trois anti-douleurs, il vide un verre de whisky. Depuis son salon, il peut voir la ville illuminée. Les tours, c’est si beau, si déraisonnablement concret. Il adore. Nu, son corps dur offre à la vision une dizaine d’hématomes et de coupures. La plaie à l’épaule est superficielle.

Il a un beau bleu sous l’œil droit et une jolie cicatrice sur l’arcade. C’était un peu plus chaud que la dernière fois, pense-t-il en composant le numéro de Lauren N. Mais tellement bon. Il pense au dossier danois. Voilà, là, maintenant, ça ne l’effraie pas. Ça ne lui pince plus le ventre. Elle décroche après trois sonneries. Il est excité, méchamment excité. Elle dit :



Il y a du bruit, elle semble se rendre dans une autre pièce.



Il y a toujours autre chose. Derrière les mots. Derrière le sexe. Il ne croit ni aux hommes ni aux femmes. Il n’a pas foi en eux.


Sa platine joue Roxy Music / Avalon. Il danse. Nu. Propose d’étranges mouvements lascifs. Mais enfin, ça a une certaine grâce. Il répète les mots, Dancing’, Dancing, il chante d’une voix aiguë. Il chante encore. Cabotine comme un dandy sur le retour. Yes the picture changing / Every moment / And your destination / You don’t know it.


Il s’approche de la grande baie vitrée. Se colle à elle, lève ses bras sur elle, il devine des feux verts. En contrebas, dans la grande ville, il les voit tous ces feux verts. Des flux d’information. Des chiffres sur des écrans. Feux verts. Il se frotte au double vitrage. Des données. Des écrans chargés de sigles. Son front accroche la surface froide. Tout va si vite. Des feux verts. Des colonnes lumineuses. Les halos des sigles électriques. Partout, des feux verts. Son ventre colle au verre. Tout est si parfait.