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Temps de lecture estimé : 8 mn
01/05/09
Résumé:  Il m'est arrivé, dans ma prime jeunesse, d'essayer de rimer, avec maladresse ; soyez sans pitié, si vous me châtiez, j'aime la souffrance, mais pas l'indifférence.
Critères:  nonéro poésie -poésie
Auteur : Adonide

Poésie
Les Poèmes du Silence

MARIONNETTISTE


Ceci n’est pas une accusation

Je vis ma vie sans aucune perfection

Je vous l’annonce, que vous me rendez si triste

Je vous parle, vous le Marionnettiste

Cette formidable souffrance qui m’habite

Je pleure et mon cœur pèse, mon cœur appelle

Dans un cri de vile haine, douleur, qui vole vite

Qui vole loin, et plus aucune réponse du maître

Mal de cœur, mal de vivre ; ces souvenirs

Ils affluent sans cesse et tournent devant moi

Dans un tourbillon insensé et dans un rire

Témoins de cristal et de couleurs ; des voix

Des regards, des gestes, des moments de joie

Des moments creux ou emplis d’une grande lumière

Le reflet de la mer si bleue, le reflet d’hier

Je souffre tellement, dites-moi Marionnettiste

Pourquoi, oh pourquoi, me rendez-vous si triste ?

Qu’ai-je fait à ces étoiles impassibles

Qui brillent là-haut imperturbablement

Qui m’enchaînent à leurs rayons d’argent

Qui me blessent, m’emplissent d’un rêve impossible ?

Qu’ai-je fait pour subir un sort si terrible ?

Cette sentence de coupable qui me tue

Qu’ai-je fait pour mériter cette injustice

Ce désespoir qui m’ôte tout salut ?

Je vous en prie, non, je n’ai pas mérité

Ce que vous m’avez pris, ce que vous m’avez fait

Marionnettiste, ceci n’est qu’une résignation

Je pleure d’avoir vécu votre condamnation

Et la vivre encore et encore

Ma peine criant dans mon corps !





FOULE


Averse glaciale de regards

De la foule sur les trottoirs

Pas scandés au rythme de la vie

Que l’on soit pressé

Ou qu’on vive au ralenti

Cadence effrénée

De milliers de pensées

On fait les magasins

Ou on tend la main

L’esprit tourné

Vers ses souhaits

Et là sur un banc

Moi, la tête qui pend

Yeux rivés sur le ciel

Luttant contre le sommeil

Silence autour de moi

Malgré tous ces pas

Foule indifférente

Froideur aberrante

Je regarde les abeilles

Les oiseaux, les gratte-ciels

Foule précipitée

Qui coule autour de moi

Je ne l’entends pas

Les pensées abîmées

Par tant de pâte malaxée

Le cœur écorché

Par tant de gens sans intérêt

Menés par le bout du nez

Comme de la pâte à modeler

Transformés

En objets

Destinés

Seulement

À acheter

Tout au fond de mon âme

Le flot de mes pensées

Copie le mouvement absurde

De ces zombies harassés

Déchaînés en une multitude

Aux contours flous et désordonnés

D’automatisme de foule insensé

De conscience de fous perforée

D’indifférence au cœur glacé





COMME UNE VIERGE


Ondée du soir en pluie fine

Aussi légère qu’un nuage de bruine

Onde de douceur lave les glycines

Tiédeur du vent, d’humeur câline

Je me lave de la méchanceté humaine

Allongée dans l’herbe humide

Évacue mon désenchantement et ma haine

Pleure au fond d’une pyramide

Refuge secret d’un caveau enterré

Où je me terre pour avoir la paix

Je rends les armes

Je prends les larmes

Aux tiges de l’herbe arrosée

Luisent des gouttes de rosée

Scintillant comme des diamants échoués

Un cœur par la pluie qui est purifié

Déluge qui se déverse en moi

Éclabousse les fleurs mauves du lilas

Éternelle blancheur translucide

Emplit mon âme d’un bonheur timide

Comme une vierge éprise d’immortalité

Donne mon corps à l’emprise de l’Immaculé.





JE FAIS LE PIRE


Je suis en rage

On ne peut dire pourquoi

On est sur un nuage

Dès le matin comme ça

On est d’une humeur troublée,

Et puis arrive un de ces incidents

Petit incident mou sans gravité

Et la rage bouillonne dans mon corps

Et m’inonde et sans savoir encore

De quoi il est question, je hurle !

Dans ce cas-là, on ne peut dire

Sans s’interroger et sans mentir,

Que la chouette sans cesse ulule.

On se griffe on s’écrie et basta

La compagnie qui pourrait arranger ça !

Un flot de colère coule noir sur les yeux

Abîme la vue d’un sang gélatineux

Baignent les objets de boue, de flux terreux

Et d’un cri amer, désabusé et affreux

Qui explose dans ma tête ombrageuse

On veut tuer faire mal taper et se battre !

Les ténèbres rouges sans raison te châtrent !

Oh que je suis furieuse et malheureuse !

Que ne puis-je calmer cette colère aveuglante !

Que ne puis-je comprendre le mystère de Dante

Pour avoir vécu sa passion avec déraison !

Un de ces incidents qui gonflent les proportions

D’une humeur acharnée et méchante ;

On se pleure au fond de sa douleur enragée,

Les yeux fermés – nihil est sine ratione !

Que ne puis-je résoudre mon âme !

Mauvaise ou bonne, simple girouette de femme,

Pneuma qui nous fracasse de son ire incompréhensible !

Silesius mon ami de la rose sans pourquoi

Je titube hébétée et pleure en proie

Au tourment enfiévré d’une humeur irascible !

Dans un monde laid des pénombres du corps

Video meliora, probaque, deteriora sequor !

Deteriora sequor.





VISION


Arbres derrière la vitre

Qui défilent

Ma raison qui s’effrite

En dix mille

Morceaux de folie


Gouttes de pluie

Qui déversent

Leur parfum

Douceur d’averse

Une envie

De rien


Mon pied accélère

À quoi ça sert


Colonne de sève

Qui s’élève

Comme des soldats

Qui piétinent

Au pas

Dans ma poitrine


Battements de mon cœur

Qui s’embrument

Amertume

Qui m’enrhume

Vitesse qui fait peur


Mon pied accélère

À quoi ça sert


Lune dans le ciel

Qui s’allume

Comme une sentinelle

Posthume


Lueur

Qui comprime

Ma poitrine

Et mon cœur

Karim

Qui meurt

Karim


Mon cœur accélère

Pourquoi faire


Maladie incurable

Qui décime

Trop plein d’insupportable

Qui assassine

Qui déprime

Karim


Dans ton lit d’hôpital

Tu as mal

Tu n’as que onze ans

Mon enfant

Mon enfer


Mon pied accélère

Mes râles roulent

Mes larmes coulent

À quoi ça sert


Tu as besoin de présence

Qui rassure

Dans ton lit de souffrance

Qui emmure

Ton silence


Avec mon cœur

Je panse

Tes blessures

D’enfant qui meurt

C’est parfois si dur

De continuer


Mon pied accélère

À quoi ça sert

Souvent si dur

De continuer


Route devant la vitre

Qui défile

Mon courage qui s’effrite

En dix mille

Éclats d’amertume


Je pleure

Dans mon cœur

Comme une enclume

Vitesse qui fait peur

Vitesse qui enivre

Qui délivre…


Mon pied se soulève

À quoi ça sert

Les arbres s’élèvent

Vers le ciel amer

Comme des anges

Qui me protègent

Comme des anges

Qui enneigent

Mon impuissance

Extraite

Des sables mouvants


J’aurais pu mourir

Avoir un accident

C’était si facile

Sur la route qui file

Mais Karim m’attend


Karim m’attend





LOIN


Tu es parti loin sous la terre

Au royaume qu’on nomme Enfer

Passé, présent, futur de merde

Comme des traces inutiles et ternes

Germent au sein d’un cœur écorché !

Fuse du ciel un éclair de musique

Une tornade de souvenirs magiques

Germent en ce sein une connerie torchée

De lumière et de bordel blafards

Ma douleur explosant parmi les ténèbres.

Je veux être vulgaire, du fin fond du noir

Où ton image rongée exposée comme un phare

Éclaire une route terreuse d’un cimetière enragé

Hurle à la mort en touchant sa carcasse

Souvenir d’un temps intemporel

Squelette dépassé par la mort des ténèbres

Et rampe et jonche le sol de ses vertèbres !

Je hurle à la mort en frottant mes yeux

Visage endeuillé qui flirte avec l’aveu

Une connerie de plus, une connerie de trop

Un rêve ou un cauchemar que seuls les mots

Dans une révélation atroce et lancinante

Crieront au monde : liberté que l’on chante

Zombies de feu et de chimères, justice

Toi ma compagne acharnée, mon vice

Toi liberté, je dis que rien de cela n’existe !

Puisque même l’interdit frissonne

Sous ma peau pâle qui résonne

D’un seul et même appel

Puisque même cet interdit banni

Dans un affront de sang et de tuerie

S’impose comme maître des valeurs du mal

Mal fleuri par la culture de la débauche

Voyez, aucune liberté même dans l’interdit

Qui crie et creuse la vie sans justice !

On ne peut plus vivre libre dans ce vice !

Ma débauche, ma débauche a l’outrecuidance

D’enterrer, d’ensabler mes jeunes espoirs

Au fond d’une tombe noire

D’une tombe d’indifférence !

Loin, ô temps

Loin, ô vent

Vent qui charrie mes vains espoirs

Et qui fleurit ma morte mémoire !





PROCÈS


Je me sens pleine de rancœur contre ce monde

À quoi bon toujours croire en une justice ?

La seule justice qui existe est celle du vice.

Quand les plus forts dévorent les plus faibles

Quand c’est la lutte qui produit la paix

Quand les plus riches commandent les plus démunis

Quand la misère et le malheur surgissent jour et nuit

Dis-moi comment croire à la justice vraie ?

J’ai souvent cru que j’étais punie

À cause de ces fautes que j’ai commises

Mais quelle justice a pu me punir ?

Bâtarde du droit et de la morale

De quel droit m’a-t-elle jugée

M’a-t-elle mise en garde contre le mal ?

Et surtout a-t-elle seulement existé ?

N’ai-je pas cru ce que je voulais croire,

Inventé ce que j’ignorais être un espoir ?

Il est impossible d’affirmer que c’est une réalité.

Ces fautes inexpiables qui resteront inexpiées

Je les porterai dans ma souffrance humaine

Moi qui ne suis ni Dieu, ni ange, ni reine

Je ne peux exorciser ces péchés, séparés

De toute justice naturelle, de tout pardon.

Car certes le monde est rempli de cons

Et de militants de l’ordre et du droit

Mais l’inégalité, la Faute, est bien là, n’est-ce pas ?





PLUIE DE PLAIE


Gouttes de pluie en gouttes de sang

Lavent le monde en lentes giclées

Imbibent la terre rouge en plaie

Lave en fusion qui coule doucement

Crépite sur les toits fatigués

Comme un tambour, orage menaçant

Fend l’ardoise sous le poids desséché

Tuiles sèches de gouttes effacées

Souille les sentiers d’une blessure

En feu qui rougeoie et fissure

L’herbe tendre qui ploie sous l’humidité

Murmure de pluie résonne, apprivoisé

Frissonne sur le vert feuillu d’une forêt

Vacarme muet claironne et verse l’eau

Hissez pavillon en flammes, souquez matelots !

Emplissez l’air de bouffantes fumées

Alcool de pierre suintant de la plaie

Tonnerre d’éclats ruine la vallée

Pluie qui fracasse et gifle la forêt

Et frappe et crible les rameaux lacérés

Comme autant de flèches aiguisées par l’eau

Transpercent sous le claquement sec des chevaux

Dont les sabots raient le ciel au galop

Vampires en fuite, levez vos lèvres en lambeaux !

Récoltez en vous cette pluie battante et farouche

Goûtez sa pureté contre la douceur de votre bouche !

Donnez au monde votre pluie de sang bienfaiteur

Qui embrase la terre rouge d’une coulée de pleurs !





MA VALLÉE


Qu’elle était belle ma vallée

Et son paysage bigarré !

La lune comme une synapse

Entre le ciel creux et du jaspe

Drôle de pierre en vérité

Qui allume, feu fulgurant,

Des étincelles d’électricité

Avec un oh ! lugubre ululement !


Qu’elle était douce ma vallée

Et son herbe toute coupée

Par des vaches imbéciles qui ruminent

Lâchent du fumier et font grise-mine !

Une subtile odeur de province

Aux effluves blafardes d’une juteuse fumée !

Une roue qui peine et qui grince

Roule au bas d’une colline qui s’est jetée

D’une morne bicyclette. Voilà qu’elle guette

Le rivage d’Éros et ses ancêtres

En quête de sots et de guêtres !



Des étoiles hystériques en voyage

Le long d’une voûte sourde et bête,

Du coton dans ses oreilles. Ô ciel de fête !

Le voici qui illumine ces mortelles étoiles !

Qui rient et voyagent à poil !


Nue et si verte vallée

Province inconnue au manteau fêlé !

Nues ces étoiles gloussantes

Témoins d’une danse endimanchée !



À me soucier de chimères

Moi qui me marre

Seule et le cœur en bière ?





BARBIER À CONFESSE !


Ah ! quel rêve curieux

Qui fredonne un bruit d’essieu

Au creux d’une démence, du milieu

D’un âge, que commande le Vieux !

Ah ! quelle drôle de vie !

Qui se lamente et se ravit

Des glycines lentes en plein midi !

Quelle ombre ; quelle cruelle mélodie !



On croirait mal,

Cette morale qui s’afflige !


Qui écoute les plaintes,

S’infiltrant entre les plinthes,

Qui résonnent, écho monotone,

Au fin fond d’une vallée d’automne ?


Qui comprend les mornes appels,

Au babillage de ritournelle,

Ex-voto d’un troublant aveu,

Se perdant au giron tremblant

D’une : « qu’elle était belle, cette hirondelle ! »



Et Jackie qui me demande

Picotement, paupières tiraillées ; du rimmel ?

Douleur au fond des yeux

Et le rimmel qui cligne, fondu, haletant ?

Voyons, on y croit pas, on se lamente !

Et d’un cri perçant aux livides promesses

Mitaines d’hiver et barbier à confesse

J’imite le Marionnettiste, ô Vieux, ô Carapace

D’un reflet de miroir, et je reconnais ma place !


Ah ! quel rêve curieux

Qui se lasse et trépasse

Demande d’une voix de basse

Le sens de mes aveux !

Et le rimmel de clignoter d’hébétude

Comme un phare d’aveugle solitude !





EN FÊTE !


J’ai l’âme en fête

J’ai l’âme d’un poète !

Je fais des rimes

Et puis je trime.

Dur d’être poète,

Dur de s’en remettre !

Trois p’tits tours et puis s’en vont

J’ai une main de moribond ;

Hosannah, stylo de pieux !

(Et je me vautre dans un pieu)

J’ai l’âme en fête

J’ai l’âme d’un poète !

Je passe tout mon temps

À observer les passants

Les chats qui font pipi

Les oiseaux qui pépient

Aussi bien sûr les hommes jolis

Qui m’saluent d’un clin d’œil sexy !

Trois p’tits tours et puis s’en vont

J’erre d’un pas de vagabond ;

Hosannah, regards curieux !

(Et je m’éclate à qui mieux mieux)

J’ai l’âme en fête

J’ai l’âme d’un poète !

Dans mon calepin

Je note tout partout

En mangeant du pain

Et des biscuits trop mous

Et si le cœur m’en dit

Par les rues j’me promène danse et ris

Et si mon cœur mendie

C’est pour mieux profiter de la vie !

Trois p’tits tours et puis s’en vont

J’fais des claquettes sur mon balcon,

Hosannah, ces cœurs envieux !

(Et mon coeur mendie par mes yeux)

J’ai l’âme qui guette

Le rire et la fête !

J’ai l’âme d’un poète !