n° 13268 | Fiche technique | 17189 caractères | 17189Temps de lecture estimé : 8 mn | 01/05/09 |
Résumé: Il m'est arrivé, dans ma prime jeunesse, d'essayer de rimer, avec maladresse ; soyez sans pitié, si vous me châtiez, j'aime la souffrance, mais pas l'indifférence. | ||||
Critères: nonéro poésie -poésie | ||||
Auteur : Adonide |
Poésie |
MARIONNETTISTE
Ceci n’est pas une accusation
Je vis ma vie sans aucune perfection
Je vous l’annonce, que vous me rendez si triste
Je vous parle, vous le Marionnettiste
Cette formidable souffrance qui m’habite
Je pleure et mon cœur pèse, mon cœur appelle
Dans un cri de vile haine, douleur, qui vole vite
Qui vole loin, et plus aucune réponse du maître
Mal de cœur, mal de vivre ; ces souvenirs
Ils affluent sans cesse et tournent devant moi
Dans un tourbillon insensé et dans un rire
Témoins de cristal et de couleurs ; des voix
Des regards, des gestes, des moments de joie
Des moments creux ou emplis d’une grande lumière
Le reflet de la mer si bleue, le reflet d’hier
Je souffre tellement, dites-moi Marionnettiste
Pourquoi, oh pourquoi, me rendez-vous si triste ?
Qu’ai-je fait à ces étoiles impassibles
Qui brillent là-haut imperturbablement
Qui m’enchaînent à leurs rayons d’argent
Qui me blessent, m’emplissent d’un rêve impossible ?
Qu’ai-je fait pour subir un sort si terrible ?
Cette sentence de coupable qui me tue
Qu’ai-je fait pour mériter cette injustice
Ce désespoir qui m’ôte tout salut ?
Je vous en prie, non, je n’ai pas mérité
Ce que vous m’avez pris, ce que vous m’avez fait
Marionnettiste, ceci n’est qu’une résignation
Je pleure d’avoir vécu votre condamnation
Et la vivre encore et encore
Ma peine criant dans mon corps !
FOULE
Averse glaciale de regards
De la foule sur les trottoirs
Pas scandés au rythme de la vie
Que l’on soit pressé
Ou qu’on vive au ralenti
Cadence effrénée
De milliers de pensées
On fait les magasins
Ou on tend la main
L’esprit tourné
Vers ses souhaits
Et là sur un banc
Moi, la tête qui pend
Yeux rivés sur le ciel
Luttant contre le sommeil
Silence autour de moi
Malgré tous ces pas
Foule indifférente
Froideur aberrante
Je regarde les abeilles
Les oiseaux, les gratte-ciels
Foule précipitée
Qui coule autour de moi
Je ne l’entends pas
Les pensées abîmées
Par tant de pâte malaxée
Le cœur écorché
Par tant de gens sans intérêt
Menés par le bout du nez
Comme de la pâte à modeler
Transformés
En objets
Destinés
Seulement
À acheter
Tout au fond de mon âme
Le flot de mes pensées
Copie le mouvement absurde
De ces zombies harassés
Déchaînés en une multitude
Aux contours flous et désordonnés
D’automatisme de foule insensé
De conscience de fous perforée
D’indifférence au cœur glacé
COMME UNE VIERGE
Ondée du soir en pluie fine
Aussi légère qu’un nuage de bruine
Onde de douceur lave les glycines
Tiédeur du vent, d’humeur câline
Je me lave de la méchanceté humaine
Allongée dans l’herbe humide
Évacue mon désenchantement et ma haine
Pleure au fond d’une pyramide
Refuge secret d’un caveau enterré
Où je me terre pour avoir la paix
Je rends les armes
Je prends les larmes
Aux tiges de l’herbe arrosée
Luisent des gouttes de rosée
Scintillant comme des diamants échoués
Un cœur par la pluie qui est purifié
Déluge qui se déverse en moi
Éclabousse les fleurs mauves du lilas
Éternelle blancheur translucide
Emplit mon âme d’un bonheur timide
Comme une vierge éprise d’immortalité
Donne mon corps à l’emprise de l’Immaculé.
JE FAIS LE PIRE
Je suis en rage
On ne peut dire pourquoi
On est sur un nuage
Dès le matin comme ça
On est d’une humeur troublée,
Et puis arrive un de ces incidents
Petit incident mou sans gravité
Et la rage bouillonne dans mon corps
Et m’inonde et sans savoir encore
De quoi il est question, je hurle !
Dans ce cas-là, on ne peut dire
Sans s’interroger et sans mentir,
Que la chouette sans cesse ulule.
On se griffe on s’écrie et basta
La compagnie qui pourrait arranger ça !
Un flot de colère coule noir sur les yeux
Abîme la vue d’un sang gélatineux
Baignent les objets de boue, de flux terreux
Et d’un cri amer, désabusé et affreux
Qui explose dans ma tête ombrageuse
On veut tuer faire mal taper et se battre !
Les ténèbres rouges sans raison te châtrent !
Oh que je suis furieuse et malheureuse !
Que ne puis-je calmer cette colère aveuglante !
Que ne puis-je comprendre le mystère de Dante
Pour avoir vécu sa passion avec déraison !
Un de ces incidents qui gonflent les proportions
D’une humeur acharnée et méchante ;
On se pleure au fond de sa douleur enragée,
Les yeux fermés – nihil est sine ratione !
Que ne puis-je résoudre mon âme !
Mauvaise ou bonne, simple girouette de femme,
Pneuma qui nous fracasse de son ire incompréhensible !
Silesius mon ami de la rose sans pourquoi
Je titube hébétée et pleure en proie
Au tourment enfiévré d’une humeur irascible !
Dans un monde laid des pénombres du corps
Video meliora, probaque, deteriora sequor !
Deteriora sequor.
VISION
Arbres derrière la vitre
Qui défilent
Ma raison qui s’effrite
En dix mille
Morceaux de folie
Gouttes de pluie
Qui déversent
Leur parfum
Douceur d’averse
Une envie
De rien
Mon pied accélère
À quoi ça sert
Colonne de sève
Qui s’élève
Comme des soldats
Qui piétinent
Au pas
Dans ma poitrine
Battements de mon cœur
Qui s’embrument
Amertume
Qui m’enrhume
Vitesse qui fait peur
Mon pied accélère
À quoi ça sert
Lune dans le ciel
Qui s’allume
Comme une sentinelle
Posthume
Lueur
Qui comprime
Ma poitrine
Et mon cœur
Karim
Qui meurt
Karim
Mon cœur accélère
Pourquoi faire
Maladie incurable
Qui décime
Trop plein d’insupportable
Qui assassine
Qui déprime
Karim
Dans ton lit d’hôpital
Tu as mal
Tu n’as que onze ans
Mon enfant
Mon enfer
Mon pied accélère
Mes râles roulent
Mes larmes coulent
À quoi ça sert
Tu as besoin de présence
Qui rassure
Dans ton lit de souffrance
Qui emmure
Ton silence
Avec mon cœur
Je panse
Tes blessures
D’enfant qui meurt
C’est parfois si dur
De continuer
Mon pied accélère
À quoi ça sert
Souvent si dur
De continuer
Route devant la vitre
Qui défile
Mon courage qui s’effrite
En dix mille
Éclats d’amertume
Je pleure
Dans mon cœur
Comme une enclume
Vitesse qui fait peur
Vitesse qui enivre
Qui délivre…
Mon pied se soulève
À quoi ça sert
Les arbres s’élèvent
Vers le ciel amer
Comme des anges
Qui me protègent
Comme des anges
Qui enneigent
Mon impuissance
Extraite
Des sables mouvants
J’aurais pu mourir
Avoir un accident
C’était si facile
Sur la route qui file
Mais Karim m’attend
Karim m’attend
LOIN
Tu es parti loin sous la terre
Au royaume qu’on nomme Enfer
Passé, présent, futur de merde
Comme des traces inutiles et ternes
Germent au sein d’un cœur écorché !
Fuse du ciel un éclair de musique
Une tornade de souvenirs magiques
Germent en ce sein une connerie torchée
De lumière et de bordel blafards
Ma douleur explosant parmi les ténèbres.
Je veux être vulgaire, du fin fond du noir
Où ton image rongée exposée comme un phare
Éclaire une route terreuse d’un cimetière enragé
Hurle à la mort en touchant sa carcasse
Souvenir d’un temps intemporel
Squelette dépassé par la mort des ténèbres
Et rampe et jonche le sol de ses vertèbres !
Je hurle à la mort en frottant mes yeux
Visage endeuillé qui flirte avec l’aveu
Une connerie de plus, une connerie de trop
Un rêve ou un cauchemar que seuls les mots
Dans une révélation atroce et lancinante
Crieront au monde : liberté que l’on chante
Zombies de feu et de chimères, justice
Toi ma compagne acharnée, mon vice
Toi liberté, je dis que rien de cela n’existe !
Puisque même l’interdit frissonne
Sous ma peau pâle qui résonne
D’un seul et même appel
Puisque même cet interdit banni
Dans un affront de sang et de tuerie
S’impose comme maître des valeurs du mal
Mal fleuri par la culture de la débauche
Voyez, aucune liberté même dans l’interdit
Qui crie et creuse la vie sans justice !
On ne peut plus vivre libre dans ce vice !
Ma débauche, ma débauche a l’outrecuidance
D’enterrer, d’ensabler mes jeunes espoirs
Au fond d’une tombe noire
D’une tombe d’indifférence !
Loin, ô temps
Loin, ô vent
Vent qui charrie mes vains espoirs
Et qui fleurit ma morte mémoire !
PROCÈS
Je me sens pleine de rancœur contre ce monde
À quoi bon toujours croire en une justice ?
La seule justice qui existe est celle du vice.
Quand les plus forts dévorent les plus faibles
Quand c’est la lutte qui produit la paix
Quand les plus riches commandent les plus démunis
Quand la misère et le malheur surgissent jour et nuit
Dis-moi comment croire à la justice vraie ?
J’ai souvent cru que j’étais punie
À cause de ces fautes que j’ai commises
Mais quelle justice a pu me punir ?
Bâtarde du droit et de la morale
De quel droit m’a-t-elle jugée
M’a-t-elle mise en garde contre le mal ?
Et surtout a-t-elle seulement existé ?
N’ai-je pas cru ce que je voulais croire,
Inventé ce que j’ignorais être un espoir ?
Il est impossible d’affirmer que c’est une réalité.
Ces fautes inexpiables qui resteront inexpiées
Je les porterai dans ma souffrance humaine
Moi qui ne suis ni Dieu, ni ange, ni reine
Je ne peux exorciser ces péchés, séparés
De toute justice naturelle, de tout pardon.
Car certes le monde est rempli de cons
Et de militants de l’ordre et du droit
Mais l’inégalité, la Faute, est bien là, n’est-ce pas ?
PLUIE DE PLAIE
Gouttes de pluie en gouttes de sang
Lavent le monde en lentes giclées
Imbibent la terre rouge en plaie
Lave en fusion qui coule doucement
Crépite sur les toits fatigués
Comme un tambour, orage menaçant
Fend l’ardoise sous le poids desséché
Tuiles sèches de gouttes effacées
Souille les sentiers d’une blessure
En feu qui rougeoie et fissure
L’herbe tendre qui ploie sous l’humidité
Murmure de pluie résonne, apprivoisé
Frissonne sur le vert feuillu d’une forêt
Vacarme muet claironne et verse l’eau
Hissez pavillon en flammes, souquez matelots !
Emplissez l’air de bouffantes fumées
Alcool de pierre suintant de la plaie
Tonnerre d’éclats ruine la vallée
Pluie qui fracasse et gifle la forêt
Et frappe et crible les rameaux lacérés
Comme autant de flèches aiguisées par l’eau
Transpercent sous le claquement sec des chevaux
Dont les sabots raient le ciel au galop
Vampires en fuite, levez vos lèvres en lambeaux !
Récoltez en vous cette pluie battante et farouche
Goûtez sa pureté contre la douceur de votre bouche !
Donnez au monde votre pluie de sang bienfaiteur
Qui embrase la terre rouge d’une coulée de pleurs !
MA VALLÉE
Qu’elle était belle ma vallée
Et son paysage bigarré !
La lune comme une synapse
Entre le ciel creux et du jaspe
Drôle de pierre en vérité
Qui allume, feu fulgurant,
Des étincelles d’électricité
Avec un oh ! lugubre ululement !
Qu’elle était douce ma vallée
Et son herbe toute coupée
Par des vaches imbéciles qui ruminent
Lâchent du fumier et font grise-mine !
Une subtile odeur de province
Aux effluves blafardes d’une juteuse fumée !
Une roue qui peine et qui grince
Roule au bas d’une colline qui s’est jetée
D’une morne bicyclette. Voilà qu’elle guette
Le rivage d’Éros et ses ancêtres
En quête de sots et de guêtres !
Des étoiles hystériques en voyage
Le long d’une voûte sourde et bête,
Du coton dans ses oreilles. Ô ciel de fête !
Le voici qui illumine ces mortelles étoiles !
Qui rient et voyagent à poil !
Nue et si verte vallée
Province inconnue au manteau fêlé !
Nues ces étoiles gloussantes
Témoins d’une danse endimanchée !
À me soucier de chimères
Moi qui me marre
Seule et le cœur en bière ?
BARBIER À CONFESSE !
Ah ! quel rêve curieux
Qui fredonne un bruit d’essieu
Au creux d’une démence, du milieu
D’un âge, que commande le Vieux !
Ah ! quelle drôle de vie !
Qui se lamente et se ravit
Des glycines lentes en plein midi !
Quelle ombre ; quelle cruelle mélodie !
On croirait mal,
Cette morale qui s’afflige !
Qui écoute les plaintes,
S’infiltrant entre les plinthes,
Qui résonnent, écho monotone,
Au fin fond d’une vallée d’automne ?
Qui comprend les mornes appels,
Au babillage de ritournelle,
Ex-voto d’un troublant aveu,
Se perdant au giron tremblant
D’une : « qu’elle était belle, cette hirondelle ! »
Et Jackie qui me demande
Picotement, paupières tiraillées ; du rimmel ?
Douleur au fond des yeux
Et le rimmel qui cligne, fondu, haletant ?
Voyons, on y croit pas, on se lamente !
Et d’un cri perçant aux livides promesses
Mitaines d’hiver et barbier à confesse
J’imite le Marionnettiste, ô Vieux, ô Carapace
D’un reflet de miroir, et je reconnais ma place !
Ah ! quel rêve curieux
Qui se lasse et trépasse
Demande d’une voix de basse
Le sens de mes aveux !
Et le rimmel de clignoter d’hébétude
Comme un phare d’aveugle solitude !
EN FÊTE !
J’ai l’âme en fête
J’ai l’âme d’un poète !
Je fais des rimes
Et puis je trime.
Dur d’être poète,
Dur de s’en remettre !
Trois p’tits tours et puis s’en vont
J’ai une main de moribond ;
Hosannah, stylo de pieux !
(Et je me vautre dans un pieu)
J’ai l’âme en fête
J’ai l’âme d’un poète !
Je passe tout mon temps
À observer les passants
Les chats qui font pipi
Les oiseaux qui pépient
Aussi bien sûr les hommes jolis
Qui m’saluent d’un clin d’œil sexy !
Trois p’tits tours et puis s’en vont
J’erre d’un pas de vagabond ;
Hosannah, regards curieux !
(Et je m’éclate à qui mieux mieux)
J’ai l’âme en fête
J’ai l’âme d’un poète !
Dans mon calepin
Je note tout partout
En mangeant du pain
Et des biscuits trop mous
Et si le cœur m’en dit
Par les rues j’me promène danse et ris
Et si mon cœur mendie
C’est pour mieux profiter de la vie !
Trois p’tits tours et puis s’en vont
J’fais des claquettes sur mon balcon,
Hosannah, ces cœurs envieux !
(Et mon coeur mendie par mes yeux)
J’ai l’âme qui guette
Le rire et la fête !
J’ai l’âme d’un poète !