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n° 13270Fiche technique13360 caractères13360
Temps de lecture estimé : 8 mn
01/05/09
Résumé:  Notre association regroupe désormais un très grand nombre d'adhérents (enfin, surtout d'adhérentes), qui comptent beaucoup sur nous pour trouver aide, soutien et conseil.
Critères:  nonéro délire -humour
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message
L'association



Toujours est-il que je ne peine pas à trouver des partenaires. Que ce soit en boîte, les soirs de week-end, ou à la piscine, certains après-midi, ou encore à la plage, l’été… j’ai toujours quelque chose à me mettre sous la dent, comme on dit…


Mais j’ai un gros problème. Je n’en parle guère, autour de moi, car j’ai honte ; l’une des seules fois où j’en ai discuté avec une copine, elle m’a répondu : Mais tu te rends pas compte, belle comme tu es, tu viens encore te plaindre !


Mon problème ? Il est simple. Aussi simple que cruel : je n’ai jamais eu d’orgasme. Je ne parviens pas à jouir. Ne riez pas, ce n’est pas drôle. Si encore je détestais le cul ou si ça me laissait indifférente… Mais non ; là, j’ai souvent très envie de sexe ; j’adore avoir des relations sexuelles ; d’après certains, je suis même plutôt chaude, comme ils disent.


Mais ça s’arrête là ; je baise et j’adore ça, mais je n’ai jamais ressenti « l’explosion » de plaisir annoncée par les encyclopédies, les magazines, les programmes télé, les copines… Au début, j’ai cru que je me trompais, ou que je ne savais pas la reconnaître. J’en ai même parlé à certains de mes amants réguliers, qui se sont évertués à me faire atteindre le septième ciel. J’ai aussi essayé toute seule, avec toutes sortes de jouets. Et puis j’ai multiplié les expériences, cherchant en vain à décrocher le bonheur ultime. J’ai couché avec des hommes, avec des filles, avec des couples. L’excitation était toujours à son comble, le plaisir toujours au rendez-vous, mais jamais je n’ai eu d’orgasme.


Et puis un jour j’ai rencontré Gufti Shank. Et c’est là que ma vie a basculé. Il a réussi à me faire atteindre des plaisirs parfaitement insoupçonnés, qu’aucun être humain n’était parvenu à seulement me faire envisager. Et depuis, je suis une autre femme…


Clapclapclapclapclapclapclapclap !


– Bravo, Emmanuelle ! Et merci pour ton témoignage. J’espère qu’il pourra éclairer celles d’entre nous qui doutent encore… Et maintenant, mesdames, mesdemoiselles, je vous demande d’accueillir Mylène.

– Bonnnn-soiiiir-Myyyy-lèèèène !

– Mylène a choisi de nous rejoindre car elle ne parvient plus à mener une existence normale. Elle espère trouver au sein de notre groupe aide, réconfort, soutien et conseils. Viens, Mylène… Tiens, prends le micro.

– B… bons… bonsoir à toutes…

– Bonnnn-soiiiir-Myyyy-lèèèène !

– Nous t’écoutons, Mylène !

– Hem… Euh… Bonsoir, je m’appelle Mylène, et j…

– Bonnnn-soiiiir-Myyyy-lèèèène !

– Bonsoir… et je… enfin… je vais vous raconter ce qui m’a fait en arriver là. C’était un soir de novembre, il y a bientôt deux ans. J’étais à une soirée, chez des… euh… des connaissances. J’y étais allée avec un couple d’amis avec qui je partageais… euh… enfin, avec qui il m’arrivait de… enfin, disons avec un couple d’amis, quoi. Mais c’était une soirée normale, là… Euh… enfin… disons que c’était une soirée ordinaire, quoi. Je crois que les gens chez qui nous étions fêtaient leur emménagement dans un nouvel appartement.


Il y avait pas mal de monde, l’ambiance était sympa, détendue. C’était pour moi l’occasion de rencontrer plein de nouvelles personnes. Vous savez ce que c’est, quand on est dans la vie active, et qu’on n’aime pas les boîtes de nuit, comme moi, ce n’est pas évident de rencontrer du monde. Et puis, contrairement aux apparences, je ne suis pas une fille facile, vous savez.


Enfin, peu importe… Toujours est-il qu’au beau milieu de la soirée, un type est arrivé, qui avait l’air d’être attendu comme le Messie. À peine venait-il d’entrer que toutes les femmes se sont jetées à son cou ; chacune cherchait à se l’accaparer, toutes presque prêtes à se battre pour quelques minutes en sa compagnie. J’ai demandé à mon plus proche voisin qui était ce gars-là, m’imaginant avoir affaire à une quelconque star de la jet-set ou à un acteur plus ou moins connu. Et le nom à consonance étrangère que me bredouilla mon voisin ne m’évoquait rien.


Je vous l’ai dit, je ne suis pas une fille facile. Mais je dois reconnaître que lorsque je me suis trouvée face à lui, j’ai été comme fascinée, ensorcelée. Je ne parvenais plus à décoller mon regard du sien ; mes jambes flageolaient ; j’avais le cœur qui tapait à toute allure ; et le bas de mon ventre me faisait chaud…


C’est le seul contact que j’ai eu avec Gufti Shank. J’ai été parfaitement incapable de dire quoi que ce soit d’autre qu’un bête Bonsoir. Et, bien que j’aie passé toute la soirée à essayer de recroiser son chemin ou son regard, je n’ai pas réussi à l’approcher vraiment, prisonnier qu’il était de la foule de ses admiratrices.


Et, croyez-le ou non – pourtant je pense vous l’avoir dit, je ne suis pas une fille facile – depuis ce jour, je ne parviens plus à regarder un homme de la même manière qu’auparavant. Quand je suis dans les bras d’un amant, je ne vois plus que le visage de Gufti Shank. Et il occupe toutes mes pensées ; je ne parviens plus à vivre normalement. Je suis en train de devenir folle. Complètement folle… Tout ça à cause de cet homme, tout ça à cause de Gufti Shank !


Clapclapclapclapclapclapclap !


– Bravo, Mylène ! Merci de ton témoignage.

– Ça va déjà un peu mieux, rien que d’en avoir parlé…

– Tu vas te rendre compte que ta situation n’est pas un cas isolé. Tu ne dois en aucun cas culpabiliser. Tiens, assieds-toi ; nous allons peut-être écouter un autre témoignage avant de continuer ?


Clapclapclapclapclap !


– Attendez, je vous en prie, faites silence, je vois une dame qui souhaiterait intervenir. Viens, rejoins-nous… Tiens, prends le micro… Comment t’appelles-tu ?

– Germaine.

– Boooonnnn-soiiiir-Geeeer-maaaiiiine !

– Bonsoir à toutes. Je voulais simplement dire un mot en réponse au témoignage de Mylène.

– Tiens, tourne-toi vers elle.

– Mylène, je voulais te dire de ne pas baisser les bras ! D’être forte ! Des solutions existent !


Clapclapclapclapclapclap !


– Dans la région d’où je viens, nombreuses sont les femmes dans ta situation, Mylène. Mais nous avons peut-être un début de solution : notre antenne locale a signé un contrat avec une entreprise de moulage et de plasturgie qui va nous permettre d’ici environ six mois d’acquérir – à un prix certes encore élevé – des poupées géantes à l’effigie parfaite de Gufti Shank.


Brouhahabrouhahabrouhaha.


– Je sais ce que vous pensez toutes, mais laissez-moi vous montrer quelque chose. Si madame la présidente me le permet, je vais utiliser son système de vidéo projection pour que vous puissiez contempler ce dont je vous parle.

– Je t’en prie, Germaine.

– Merci… tenez… attendez… je branche ma clé… voilà… encore un petit instant… et… regardez…


Ooooooooooohhhhh !


– On y croirait, n’est-ce pas ? Attendez, il y a d’autres photos, regardez…


Ouuuaaaaaahhhhh !


– Eh bien, Germaine, ce que tu nous montres là est très prometteur !


Clapclapclapclapclapclap !


– Et tu dis que ce produit sera disponible dans combien de temps ?

– L’entreprise s’est engagée à nous fournir les premiers modèles dans environ six mois.

– Mais tu parlais du prix ?

– Oui, c’est encore très cher ; mais si ces modèles donnent satisfaction et si la demande est croissante, l’entreprise pourra sans doute en fabriquer en série et les prix baisseront nécessairement.


??????????????


– Huit mille deux cent cinquante-six euros, pour l’instant.


!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


– Oui, mais vous savez, quand on est dans une situation comme celle de Mylène…

– Tu as parfaitement raison, Germaine ! Et grâce à vous, l’avenir de ces femmes est désormais moins terne. Merci Germaine, et bravo !


Clapclapclapclapclapclap !


– Mais excusez-moi, s’il vous plaît ; j’aperçois les membres du Comité Directeur qui me font signe que l’heure tourne. Vous savez que nombreuses sont parmi nous celles qui ont des obligations familiales, aussi allons-nous, si vous le voulez bien, aborder tout de suite les formalités administratives.


Brouhahabrouhaha.


– Nous allons commencer par le vote de la modification de nos statuts. Peu de changements, en fait, et essentiellement ce que nous avons évoqué à notre dernière assemblée. Tout d’abord, compte tenu du fait que nous dépassons désormais largement les cinq mille adhérentes, et compte tenu de l’impact très positif du travail de notre association sur certaines d’entre nous – rapports psychiatriques à l’appui – le Comité Directeur proposait de tenter de faire reconnaître notre association « d’utilité publique ». Je vous propose de vous prononcer tout d’abord sur ce point précis ; veuillez prendre votre télécommande pour participer au vote.


(Quarante minutes plus tard.)


– Les nouveaux statuts étant désormais adoptés, nous allons désormais nous prononcer sur le renouvellement des contrats de travail de nos employées. Je vous rappelle que notre association emploie trois personnes à plein temps et une personne à mi-temps.


Clapclapclapclapclapclap !


– J’en profite pour également remercier les nombreuses bénévoles qui donnent sans compter leur temps et leur énergie au bon fonctionnement de notre association.


Clapclapclapclapclapclap !


– J’ajouterai un dernier mot pour remercier également le Docteur Robert Shank, psychanalyste bénévole œuvrant à nos côtés.


Clapclapclapclapclapclap !


(Vingt minutes plus tard.)


– Nous voici aux questions diverses. Une demande émanait de notre antenne de La Baule – Saint-Nazaire. Mais je vais laisser la parole à Vanessa, responsable de cette antenne.


Clapclap !


– Je t’en prie, Vanessa.

– Bonsoir.

– Booooon-soiiiiir-Vaaaa-neeeees-ssaaaaaa !

– Nous t’écoutons, Vanessa.

– Voilà : nous souhaiterions voter une motion pour durcir quelque peu les conditions d’adhésion.


Ahemahemahemahem !


– Plus précisément, vous devez savoir que suite au séjour récent de Gufti Shank dans notre région, nous croulons sous les demandes. Certaines sont farfelues et menacent de discréditer la réalité des besoins des adhérentes entre guillemets sérieuses.


Brouhahabrouhahabrouhaha.


– Euh… excusez-moi, je me permets d’intervenir ; je m’appelle Élisabeth, je suis responsable de l’antenne de Nantes. Je voudrais confirmer que cet effet s’est fait sentir jusqu’à chez nous et apporter mon soutien à cette proposition.


Brouhaha.


– Bonsoir, j’interviens également ; je m’appelle Angélina, je suis responsable de l’antenne de Vannes et j’abonde dans le même sens. Chez nous également, les demandes ont explosé ces deux dernières semaines.


Brouhahabrouhahabrouhaha.


– S’il vous plaît, un peu de calme… Merci… Et, Vanessa, quels seraient vos desiderata ?

– Nous souhaiterions que toute candidate membre subisse un examen psychologique avant sa demande d’adhésion et que le compte-rendu de cet examen soit joint au dossier d’adhésion.


Clapclapbrouhahaclapbrouhahaclapahemahembrouhahaclapclap !


(Quarante minutes plus tard.)


– Bien, mesdames, mesdemoiselles, je vous remercie infiniment de votre patience et de votre participation. Je déclare l’assemblée levée. Je vous convie à partager un verre avant d’assister, si vous le souhaitez, à la conférence du Docteur Héléna Brjownakova sur le thème de « l’Adolescence de Gufti Shank : entre mythe et réalité ». Bonne soirée à toutes.