n° 13346 | Fiche technique | 17269 caractères | 17269Temps de lecture estimé : 11 mn | 05/07/09 |
Résumé: Je sais pas si les perdrix, elles ont un fiancé. C'est quoi le masculin de perdrix ? C'est fou tout ce à quoi on pense quand on s'emmerde... | ||||
Critères: f revede humour | ||||
Auteur : Lilas Envoi mini-message |
Bon. Voici la bête.
Je pousse un soupir et commence à me déshabiller. Remarque, c’est du vite fait, la robe par-dessus tête, un petit clic-clac pour le soutif, et comme j’ai pas de culotte… Je crois avoir lu un truc un jour, genre que les petites culottes étaient en voie de disparition et qu’on avait créé une assoc’…
Je retire maladroitement mes tongs de deux coups de pieds nerveux. Dans un crac, elles atterrissent à deux secondes d’intervalle sur la déco de coquillages qui longe les murs de la pièce. Mon visage s’allonge en une grimace. Merde ! Elle commence bien, cette journée.
Un coup d’œil vers la porte fermée, qui reste fermée. Pas un bruit. Ouf. Elles n’ont pas entendu.
Je m’allonge précautionneusement. Ça craque de partout là-dedans. C’est ma troisième séance, et je sais maintenant que je m’y habituerai jamais. J’en avais jamais fait avant. Ben franchement, j’en ferai plus après, hein.
Ah zut, les lunettes. Enfin, les trucs là, qu’ici on nomme pompeusement « lunettes ». Une copine m’en avait parlé :
Ben voyons. Six euros j’ai dû les payer, les machins bleus sans branches qui ne me resserviront jamais, à moins de me déguiser en Lor Lapinou dans la piscine municipale, et d’arborer les deux lorgnons débiles pour faire rire mes nièces. Mais elles vont vite s’apercevoir que j’y vois que dalle avec… en même temps, c’est pas fait pour.
Je me lève et vais les chercher dans mon sac. En m’installant à nouveau dans l’appareil qui grince comme une vieille charrue, je songe à la « Tueuse ». C’est une nana de la piscine que j’avais baptisée comme ça. Elle venait tous les mercredis, comme moi, évidemment. Une très bonne nageuse. Et elle nage vite. Sur le dos, parfois. Sans regarder où elle va, cela va sans dire.
Un jour, je me la suis bouffée. Ouais, tête contre tête. On aurait dit un champignon atomique. J’ai cru que mon crâne allait exploser, et j’ai failli couler. En revenant à la surface, en crachant et suffocant, j’ai lancé un regard noir à la « Tueuse ». Elle et son foutu bonnet de bain rose nacré. Elle s’est excusée et elle est repartie dare-dare. Genre, même pas mal ! Alors que moi j’avais la tête qui me semblait gonfler comme une citrouille !
Et puis merde, elle avait quoi, seize ans, la pimbêche ? C’est dégueulasse, elle me foutait un coup de boule, et elle souffrait même pas. Saloperie de capuche débile. Ça ressemblait presque à une capote. Et elle devait être goût fraise, vu la couleur. Et ma mère qui se foutait de ma gueule.
Pff.
Oui, bon, ça va. Pas la peine de me presser. Je tire vers moi ce que j’appelle le « couvercle », appuie sur « start » et me fourre les lorgnons sur les yeux. Ça fait un bruit pas possible, ce truc.
Je m’y habituerai jamais.
Quand ça démarre, on a l’impression que c’est une sorte de machine de guerre poussée à l’assaut, avec des lasers et tout. C’est vraiment flippant.
Tout devient violet très vite. Je pousse un autre soupir. Le calvaire commence. Ah, c’est la misère ce truc. Rester là, sans bouger, pendant vingt minutes. J’aime pas glander. En tout cas, j’aime pas glander au soleil. Et dans cette boîte à sardines, j’ai toujours l’impression de me trouver toute nue sous le soleil du Portugal, en train de me dessécher comme une figue. Qu’on ne s’y trompe pas, j’adore les figues. Mais je m’expose pas beaucoup, moi. En tout cas, jamais comme ça. J’en ai déjà marre et ça doit faire que deux minutes que je suis là…
Il commence déjà à faire chaud. Au fil de mes séances, j’ai compris que la chaleur et l’intensité montent progressivement, sûrement pour préparer ma peau. Ce qui veut dire en général que je trouve déjà la chaleur insupportable au bout de 5 minutes. J’aime pas la chaleur.
Mais j’aime pas le froid non plus. Mon mec dit que je suis chiante. Ben non, on est bien dans un pays au climat tempéré, non ? Eh ben, je suis comme ça, moi, j’aime bien les températures tempérées. Et on dit pas que le temps est chiant, lui.
Quoique… avec tout ce qui se détraque. Les vieux disent qu’ils ont jamais connu ça. En même temps, va croire un vieux, toi. Ils te racontent souvent n’importe quoi, sous prétexte que t’étais pas né quand ils ont vécu les choses. J’en ai avalé des bobards, avant de comprendre que mon grand-père me faisait marcher. Sacré papi, va. Tiens, salut pépé. Où que tu sois, je pense à toi, t’as vu.
Ça me rappelle un truc marrant. Ma meilleure amie a une fille de 8 ans. Il y a quelques années, la gamine, qui n’avait manifestement pas tout saisi, a demandé à sa mère si elle avait connu les dinosaures. Qu’est-ce que je me suis marrée quand elle m’en a parlé. Tiens, ça me fait encore rire.
Je me marre toute seule dans la boîte chauffée à blanc.
Mais qu’est-ce que je fous là ?
Mes pensées dérivent encore, au gré des brumes de chaleur qui m’enveloppent. Je me marie dans une semaine et demie. J’espère que je fais pas une connerie. Si j’avais choisi une robe ivoire et bordeaux comme prévu, au lieu de celle-ci, sans couleurs, j’aurais pas eu peur de ressembler à un cul de poulet pas cuit. Et je serais pas là, dans le grille-pain, à me demander si je me transforme peu à peu en tranche de pain de mie dorée à point.
L’espèce de ventilo, au bout de l’appareil, me souffle son air brûlant jusque dans la foufoune. Ça fait de drôles de sensations. Je me demande si on peut faire l’amour dans cette foutue machine, puis me dis que non. Ça doit craquer de partout là-dedans. Puis, c’est pas confortable.
Ah, la vache. Je brûle. Je suis un morceau de lard en train de mijoter dans la soupe. Et ce n’est pas qu’une image, je suis trempée.
Combien de minutes encore ? Qu’est-ce que le temps passe lentement, quand on glande. À croire qu’il s’engouffre dans une brèche spatio-temporelle. Alors que, quand je suis en retard, il passe à la vitesse de l’éclair, le salaud. Ça, c’est un coup du marionnettiste, là-haut, qui nous manipule comme des pantins.
Mais qu’est-ce que je fous là ?
J’ai vraiment pas envie d’y être. J’étouffe. Déjà que j’ai jamais aimé le sauna. Ou le hammam, je sais jamais les distinguer, ces deux là. Il paraît qu’il y en a un qu’a une chaleur sèche, et l’autre humide. J’ai jamais vu la différence. C’est irrespirable, c’est tout.
Je peux même pas regarder combien de temps il reste, j’ai peur d’ôter mes lunettes et de ressortir aveugle. J’les connais pas, les risques, moi. J’y connais rien. Et ma mère qu’arrête pas de me dire que je vais choper le cancer. Faut vraiment que je lui coupe l’accès à l’Internet, à ma mère. Elle me soûle. Ce qui me rassure, c’est que les mères ont l’air de produire cet effet-là sur tout le monde.
Le seul hic, c’est que quand j’aurai des gamins, si j’en ai, ben eux aussi ils me trouveront chiante. Alors que je le suis pas. Remarque, c’est comme les cons, les chiantes il doit y en avoir partout, à plus ou moins grosse dose.
Je temporise. Si je suis chiante, c’est juste un peu, alors. Faut pas déconner. Y a pire.
Je tends l’oreille. Au-delà du boucan, je ne perçois rien. C’est chiant. J’ai l’impression d’être dans du coton. C’est peut-être déjà bientôt fini.
Mmm. Ça fait pas assez de temps.
Entres mes cuisses et dans le bas de mon dos, je ruisselle de transpiration. C’est vraiment pas agréable. Il fait même trop chaud pour me masturber. Dommage, ça m’aurait fait passer le temps.
De toute façon, je flippe trop dans ce truc. Je suis pas à l’aise. Je dirais même que j’ai les foies. Le bruit, ça me rassure pas. Et ça chauffe quand même beaucoup. À chaque fois que je rentre là-dedans, je prie pour que ça se détraque pas. Je préfère que ça se détraque pour les autres. Et si l’appareil marche pas bien ? Que les rayonnements deviennent radioactifs ? Non, non, non, faut pas que j’y pense. Ça s’arrêterait, c’est tout. Faut pas flipper pour un rien.
Ça fait bizarre d’être à poil, quand même. J’ai jamais été sur les plages de nudistes. Je me suis jamais fait bronzer à poil, d’ailleurs. Je me demande si les muqueuses, ça bronze. Probablement que non. Et un sexe ? ça bronze un sexe ?
J’ai toujours peur qu’une des esthéticiennes entre en douce dans la pièce (qui n’est pas fermée à clefs) et me mate pour se foutre de moi. C’est sûrement mon côté parano. De toute façon, j’entends rien. Je le saurais même pas.
Je bouge un peu. Qu’est-ce que c’est inconfortable. Je monte le bassin, histoire que le souffle d’air enveloppe mes fesses et mon dos, pour me rafraîchir un peu. Ah, misère.
Mais qu’est-ce que je fous là ?
La position n’est pas facile à tenir. Je lutte. On dirait que je mime une position sexuelle. Ça me fait sourire. Vraiment, je pense qu’à ça. Une vraie obsédée. Je me souviens soudain du beau mec qui travaille au centre commercial, juste à côté. Je pourrais peut-être y faire un tour, après la séance. Histoire de mater. Rien de grave. À peine une éraflure à ma vertueuse fidélité.
Mes pensées sont brutalement interrompues quand j’entends des espèces de grésillements. On dirait qu’il y a un faux contact dans les tubes. Oula !
Ça y est, je flippe.
Et brusquement, tout s’éteint ! J’enlève mes lunettes, paniquée. C’est pas normal, ça.
Je n’ose rien dire, j’attends. La minuterie est stoppée. Soudain je la vois se modifier, comme si on la remettait manuellement. 0, 30, puis 20, 18, 15… elle s’arrête à 13, et clignote.
Remis ? Remis quoi ? La minuterie ? ça veut dire qu’il reste ENCORE treize minutes ?! C’est pas vrai, ça fait que sept minutes que je cuis comme un poulet dans un four ? Ooh, la misère. Je réponds « merci » (bien que je ne la remercie nullement, elle et sa foutue machine) et appuie sur le bouton « start ». J’enfonce à nouveau mes lunettes profondément dans la peau. Qu’est-ce que ça m’agace, ce truc. Qu’est-ce que j’en ai marre.
VIONNNNNNNVRRRRVIONNNNN
Quand même, ça en fait du boucan. Pourquoi ça s’est éteint, comme ça ? Y a eu surchauffe ? Ben merde, moi aussi je vais surcramer ? L’autre fois, j’ai fait un cauchemar. En sortant de la « boîte », je me regardais dans le miroir et je voyais un squelette couleur pain d’épice. Ouais, une vraie psychopathe paranoïde. Je suis sûre que je tiens ça de ma mère. Parfois, je me demande si faire des enfants, c’est pas tout simplement transmettre les tares de génération en génération. Et à la fin, y aura plus que des tarés ?
Baignée de chaleur et de sueur, je réfléchis quelques secondes, et en viens à la conclusion que mes voisins ont déjà atteint leur apogée génétique.
Mais quel ennui ! Il ne se passe rien. J’ai juste à être là, à attendre. Évidemment, je pourrais arrêter tout et ficher le camp. D’ailleurs, j’ai une très grande envie de le faire… mais non, j’ai casqué, me dis-je avec résolution. Je reste jusqu’à la fin.
Pour me changer les idées, je reprends le fil de mes fantasmes avec le mec du centre commercial. Mmm. Oui, j’en étais là, à me rappeler son petit cul moulé dans son jean. Il a quand même un moins beau cul que mon fiancé. Il faut le reconnaître. En matière de cul masculin, je suis passée experte. Je peux dénicher un beau cul n’importe où. Toutes les formes de cul, je les connais. De la fesse molle à la fesse ferme, en passant par la fesse moelleuse. Les culs plats. Les culs rebondis. Les culs bas. Les culs haut placés. Ah, les culs, y en a pas deux pareils.
Je reprends ma position cambrée, ouvrant un peu plus les jambes. Je souris. Le souffle d’air me va une nouvelle fois droit à la foufoune. Je me demande si elle est ouverte. Je pense que oui, mes petites pensées perverses m’ayant ouvert l’appétit. Je me demande aussi si elle va aspirer de l’air. Ça arrive parfois. J’appelle ça « l’aérophagie foufounesque ». Surtout pendant les rapports. Et l’air n’ayant rien à faire là-dedans, il faut bien que ça ressorte, sous forme de pets de foufoune plus ou moins délicats. Tiens, ça me rappelle une fois avec…
…
Ben ça y est ! ça s’est encore arrêté ! Ah, mais c’est quoi ce matos de merde ? Il vient d’où ? Chine ? Thaïlande ? Jurassic Park ?
C’est fou le nombre de trucs que j’achète et qui ne viennent plus du tout de France. J’en reste baba. Les gros scotchs à mouches qui pendent, tiens. C’est dégueu, mais c’est efficace. J’ai eu la curiosité de regarder : fabriqués en Thaïlande. Pourquoi ? En France, on n’est plus foutus de badigeonner de la colle sur un ruban ?
*Bip*bip*bipbipbipbip*
Ouais, c’est ça. Je soulève un des lorgnons pour regarder le temps qui reste. Pff ! 7 minutes. J’appuie pour la troisième fois sur le bouton « start ». Je me promets que l’esthéticienne et moi, on va avoir une petite discussion, tout à l’heure.
Bon. Ne pas penser que je vais ressortir molle du bulbe, ou que je vais ressembler à une tranche de pain d’épice. Soyons zen.
Alors donc. Cette chute de reins. Appelons le Tom. Ça lui va bien, Tom. L’autre fois, il était en train de mettre des machins en rayon, à quatre pattes sur le dallage du centre commercial. Je raconte pas dans quel état il m’a mise. Je suis revenue quatre fois dans le rayon, à me faire des films à chaque fois que je passais derrière lui. Ça me change du quotidien avec mon homme. C’est vrai ça, l’autre fois je commençais à dresser une liste de courses pour le mariage pendant qu’il me ramonait. Ça devient grave, docteur ?
Et paf. Plus rien, une fois de plus. Bon, c’est terminé, là ! J’entends les bipbip de l’esthéticienne, de l’autre côté, qui commence à remettre le temps restant. 4 minutes ? C’est ça, oui ! J’ai chaud, soif, je suis d’humeur grognon, et elle peut bipbiper tant qu’elle veut celle-là ! C’est fini pour aujourd’hui !
Je retire les lunettes, soulève le couvercle et m’extrais lentement du sarcophage. Bon, d’accord. C’est pas vraiment un sarcophage. Une fois debout, je constate que je suis mouillée de sueur dans le dos, sur et entre les fesses, entre les cuisses. Beuuuh. Je jette un coup d’œil à la machine récalcitrante. Y a du lait hydratant mélangé à ma sueur qui font des flaques sur la vitre. Eh ben tant pis ! ça leur apprendra, eux et leur machine pourrie !
Non mais ! Et puis elle a avalé un disque ? Elle dit toujours la même chose ou presque, de sa même voix plate et douce, monocorde. On dirait un robot. Un GPS. Mais je remets pas les pieds là-dedans aujourd’hui ! C’est gonflant, et surtout ça fait peur, ces arrêts intempestifs !
Je cherche des yeux une serviette, ne me souvenant pas y avoir prêté attention les deux premières fois. ’a pas. Un lavabo, sans serviette. Bon. Je me rince le visage, jette de l’eau dans le cou, en étale sur mes bras. Pas de serviettes en papier non plus ? Pfff… je me regarde dans le miroir. Derrière, je suis trempée. Je vais pas me rhabiller dans cet état-là !
Si ?
Je farfouille dans mon sac. En ressort des kleenex. M’essuie tant bien que mal, cherche des yeux une poubelle. ’a pas. Fais chier, à la fin ! Je fourre en douce les kleenex usagés dans un coquillage, et roule ma robe sur mon corps. J’enfile mes tongs, et mets mon soutif dans mon sac à main. Pas le courage de le porter après ça.
On va bientôt pouvoir créer une assoc’ pour les soutifs aussi…
Je sors de la pièce. On s’excuse. On explique, contrites. Les lampes sont neuves, elles pompent plus d’énergie, ça s’éteint, blablabla.
M’y f’rais jamais.
Heureusement, je me marie bientôt !
En descendant les marches pour rejoindre la cafétéria, puis la sortie, je glisse dans l’escalier. Et merde !