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n° 13370Fiche technique77149 caractères77149
Temps de lecture estimé : 42 mn
25/07/09
corrigé 12/06/21
Résumé:  Le salaud ! Me tromper avec la voisine ! Avec une autre, je ne dis pas, mais avec celle-là... Ce thon, ce cageot, ce boudin ! Mais tout compte fait, ça ne m'étonne pas tellement. Elle était tout près, cette catin ! À portée de main et du reste.
Critères:  fh inconnu vacances amour vengeance intermast pénétratio policier fantastiqu -fantastiq -amourdram -occasion
Auteur : Pervenche M      Envoi mini-message
L'intrus

[…] Ah ! Le salaud ! L’immonde salaud !

De lui, j’aurais cru beaucoup de choses, j’en aurais imaginé d’autres, mais pas celle-là ! Qu’il me trompe, oui, j’y avais parfois pensé, mais je m’étais entêtée à me répéter qu’il était bien trop lymphatique pour passer à l’acte. N’était-ce pas moi qui l’avais dragué, je me demande à présent pourquoi, au cours de ce fameux « quart d’heure américain » ?

Le fumier ! Me tromper avec la voisine ! Avec une autre, je ne dis pas, mais avec celle-là… Ce thon, ce cageot, ce boudin ! Mais tout compte fait, ça ne m’étonne pas tellement. Elle était tout près, cette catin ! À portée de main et du reste. Juste un étage à monter pour la monter !


Il n’avait même pas essayé de nier, ce goujat libidineux. Il n’avait pas fait mine d’éprouver la plus petite parcelle de remords. Toute honte bue, il m’avait seulement regardée d’un air de défi, bien campé dans ses mules et le « marcel » tendu sur le bide :


  • — Va t’faire foutre !

Comme j’avais la rage au ventre, j’y suis allée immédiatement. Je dis « immédiatement », mais ça n’a pas été si simple ni si rapide, loin de là ! Mais puisqu’il me trompait, je pouvais le tromper moi aussi, cet ignoble individu ! Et tout de suite. Sans gamberger. En tout cas, pas trop. Mais je ne pouvais quand même pas débarquer au bistrot du coin et dire à un client : « baisez-moi, c’est pour une vengeance, je suis dans mon bon droit ! »


J’ai donc réfléchi, me laissant le loisir d’imaginer avec qui assouvir ladite vengeance, et j’ai d’emblée écarté l’idée – pourtant logique – de recourir aux services du voisin. Déjà, savoir cocu ce cornichon me réjouissait particulièrement et je ne tenais pas à lui faire le plaisir de lui avouer que je l’étais moi aussi. J’ai ma fierté. De toute façon, le cocu en question étant en voyage d’affaires plus souvent qu’à son tour, il ne devait pas se gêner non plus pour tromper sa légitime au cours de ses innombrables déplacements.


J’ai consulté Zoé, une amie.


  • — T’as bien raison, m’a-t-elle dit d’emblée. Rends-lui la pareille !
  • — Quel appareil ? j’ai demandé sans rire.
  • — Non, pas l’appareil ! La pa-reil-le ! a-t-elle répondu sans rire non plus. Fais-lui le même coup !

Simplement pour expliquer que Zoé est une bonne copine, mais qu’elle n’a pas vraiment le sens de l’humour.


  • — C’est bien mon intention, ai-je assuré. Le problème est de décider avec qui !
  • — Eh ben… T’as pas un pote qui demande que ça ?
  • — Heu…
  • — Un ex, peut-être ?
  • — Tu les connais, mes ex ! Y en a même un que…
  • — Je sais ! Viens pas avec ça !

En effet. Valait mieux pas. Bon, c’était pas ma faute si Zoé avait marié Henri, un de mes ex, précisément ! Et on était quand même devenues copines, parce que quand on a ce genre de choses en commun, ça peut créer des liens. Une fois, au début, Zoé m’avait taquinée à ce sujet :


  • — C’est grâce à toi qu’il m’apprécie autant !

J’avais encaissé. Puis, très bonne joueuse, j’avais sournoisement répliqué :


  • — Tu sais maintenant de quoi j’en avais marre de me contenter !

Plutôt que d’en venir aux mains, on avait réglé le problème au kir. Depuis, on évitait ce sujet de conversation. Par égard pour notre foie et nos vaines tentatives de suivre le programme Weight Watchers®, on évitait le kir également.

Zoé a insisté :


  • — Dans tes collègues, t’en as pas un qui…
  • — Ah ! Non ! Pas question ! On mélange pas le boulot et le privé. Si jamais je couche avec Pierre, Paul ou Jacques, je m’engueulerai fatalement avec Pierre, Paul et Jacques.
  • — Faut pas te taper les trois, quand même !
  • — J’ai dit « Pierre, Paul OU Jacques » pour ce qui est de coucher, mais c’est garanti que si je franchis le pas avec un, je me brouillerai avec tous.
  • — Puisque tu le dis ! Je les connais pas, moi, Pierre, Paul et Jacques.
  • — Mais ils s’appellent pas comme ça, bordel ! C’est juste une expression que j’ai utilisée !
  • — Si tu compliques, on n’y arrivera jamais ! a soupiré Zoé.

C’est vrai qu’avec Zoé, il vaut mieux éviter de compliquer. J’ai sorti mon carnet d’adresses, ma liste de contacts de messagerie, mon répertoire GSM… On a commencé à coucher des noms sur une feuille, puis à les barrer à mesure qu’on trouvait une objection à ce que j’envisage d’en faire autant avec leurs propriétaires. […]




Les cris m’arrachèrent à mon texte et attirèrent mon regard en contrebas. Quelques jeunes descendant la rivière en kayak venaient de filer au jus. Ce n’était pas dangereux, l’eau étant bien moins profonde que le courant n’était rapide à cet endroit. Ils redressèrent l’embarcation chavirée et disparurent rapidement vers l’aval.


Les feuillets sur les genoux repliés, je me replongeai dans ma lecture un instant interrompue. Le crayon entre les doigts, j’ajoutais des remarques, soulignais des mots, en entourais d’autres… C’était mon premier roman et je pataugeais allègrement entre relectures et corrections. J’avais l’impression d’en faire trop et cette première version crachée par l’imprimante maison était en train de me le confirmer. Je biffai une phrase complète, puis un paragraphe.




[…] - Tu tiens vraiment à te venger ?


C’est cette question de Zoé qui a achevé de me motiver. Et comment, que j’y tenais !


  • — Absolument !
  • — Pourquoi tu chercherais pas carrément l’homme de ta vie ?
  • — Un homme de ma vie, j’en ai déjà un. Et c’est plus l’homme de ma vie, maintenant.
  • — Un autre homme pour le reste de ta vie.
  • — Et je vais trouver ça où ? Sur les sites de rencontre ?
  • — Pas du tout. Si tu veux un mec pour te faire niquer, c’est l’idéal. Mais si tu veux rencontrer un mec bien, tu dois aller là où tu ne vas jamais.
  • — Attends, là… Tu insinues que là où je vais habituellement il n’y a pas de chouettes mecs ?
  • — T’aimes bien aller où ? Faire quoi ?
  • — Ben… J’aime bien aller au cinoche, au resto, sortir en boîte, prendre mes vacances à la plage, faire les boutiques de fringues…
  • — Ton mari, tu l’as rencontré où ?
  • — En boîte.
  • — Bien sûr ! a ricané Zoé. Et alors vous êtes allés au cinoche et au resto, et vous avez pris vos vacances à la mer. Je me trompe ?
  • — Non.
  • — Mais ton mari, lui, il te trompe.
  • — Oui.
  • — C’est parce que tu t’es trompée de mari.

J’ai fermé les yeux sous mon pouce et mon majeur.


  • — Oh ! Ma tête ! Tu peux pas faire plus simple ?

Parfois, avec moi aussi, il vaut mieux éviter de compliquer.


  • — Tu dois trouver un homme complémentaire, voilà.
  • — Puisque tu le dis ! Et je le cherche comment, l’homme complémentaire ?
  • — Tu le cherches pas. Tu vas simplement là où tu ne vas jamais parce que tu es certaine de t’y emmerder. L’homme que tu ne cherches pas, il te trouvera tout seul, au moment où tu t’y attendras le moins.


Nantie de ces précieux conseils, je me suis mise en quête d’un endroit où je n’allais jamais, pour y faire quelque chose que je ne faisais jamais. Et le premier truc horrible qui me soit venu à l’esprit, c’est le sport. Qu’est-ce que je déteste le sport ! Déjà rien que marcher, ça me casse les pieds ! Alors, courir… Même à la télé, j’ai horreur de ça ! Surtout que l’autre, l’infâme, la charogne, il se vautre au salon dès qu’il y a un match de foot, les pieds sur la table, une main dans les Doritos® et l’autre autour de la canette ! […]




Au moment où je changeais de page, une saute de vent fit s’envoler deux feuillets, que je récupérai presque miraculeusement avant qu’ils ne filent vers la gorge pour un voyage au fil de l’eau. « Va falloir rentrer », pensai-je, « le temps tourne à l’orage. » Je guettai les nuages assombrissant le ciel et fis la moue. J’aimais tant m’asseoir là-haut, au grand air et loin de l’agitation ! Je pouvais encore rester un peu sur mon perchoir, dos au rocher et les fesses sur un petit coussin.




[…] J’ai tenté le coup malgré tout. Comme il y avait une salle de fitness à cinq cents mètres de chez moi, j’ai pris la bagnole et je suis allée bravement y confirmer ma méforme. Avec un survêtement, on ne voyait pas trop mes bourrelets. Le musclé à l’accueil m’a vendu une séance en souriant de tous ses crocs et m’a conseillé de faire un quart d’heure de vélo pour commencer. Je n’étais pas chaude pour l’aventure, car la bicyclette et moi… Mais enfin, ce deux-roues-là tenait debout tout seul, ça limitait déjà les risques de chute intempestive. Perchée sur la selle, j’ai adopté un rythme pépère. Inutile de m’esquinter : de toute façon, je ne venais pas là pour le sport, mais juste pour rencontrer l’homme de ma vie.


J’étais en train de me dire que c’était vachement gonflant comme activité, surtout que les mecs des alentours ne m’avaient jeté que quelques regards distraits, quand une voix féminine m’a interpellée :


  • — Excusez-moi…

J’ai tourné la tête de l’autre côté. Une femme assez grande, svelte, l’allure sportive et habillée en conséquence me regardait en souriant.


  • — Je ne voudrais pas vous importuner, mais… vous vous donnez du mal.
  • — Du mal ? ai-je répliqué, sur la défensive.

Comme si elle m’apprenait quelque chose ! J’ai compris d’emblée avoir affaire à une habituée qui, voyant la petite nouvelle, allait étaler sa science et me faire sentir à quel point j’étais ridicule. Je ne pédalais certainement pas comme Jeannie Longo, mais je m’en foutais puisque je n’aimais pas le sport et que je ne venais pas là pour ça !


  • — Vous devriez régler la selle un peu plus bas, et…
  • — Plus bas ? Comment on fait ?

Elle m’a montré, puis elle est partie parce qu’elle a bien senti qu’elle m’importunait. En s’éloignant, elle a quand même lancé :


  • — Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas.

J’ai repris mon pédalage en me disant qu’effectivement, avec une selle mieux réglée, c’était un peu plus facile. Au bout de trois minutes sans forcer, j’étais néanmoins en nage et à bout de souffle. J’ai adopté une allure de limace asthmatique, juste pour faire semblant de faire encore quelque chose, et j’ai regardé la salle et les gens. Je ne voyais pas tout le monde, mais il m’a semblé que l’ambiance générale était davantage au m’as-tu-vu qu’à la transpiration.


Les filles portaient des tenues voyantes, aux couleurs vives, sans doute destinées à souligner leurs formes et à attirer l’attention des athlètes aux muscles saillants qui s’activaient aux engins en surveillant leur viande dans les miroirs. J’ai louché sur mon survêtement à l’allure lâche, bleu foncé avec de fines lignes blanches aux jambes, et je n’ai pas eu la conviction qu’il m’aiderait à faire un malheur au sein des représentants de la gent masculine et à rendre jalouses les habituées du club. Quant à enlever ledit survêtement, je n’y songeais même pas !


J’ai fini par abandonner le vélo et me disposais à en faire autant avec les lieux, quand la sportive m’a rattrapée :


  • — Vous partez déjà ?
  • — Ben…
  • — Vous semblez désabusée. C’est souvent comme ça, au début…

Elle a commencé à me faire un petit discours sur la difficulté de se mettre au sport. Comme si je ne l’avais pas remarqué ! Ses allusions à peine voilées me rappelaient douloureusement mes kilos excédentaires. Quoi qu’il en soit, je m’en fichais. J’avais juste payé la séance, et l’abréger ne me coûterait pas un centime de plus.


  • — Seule, c’est difficile, poursuivait la sportive. C’est pour ça que souvent les femmes viennent entre copines.

Comme je ne répondais rien et lorgnais vers la sortie et le musclé qui rangeait divers produits stimulants derrière des vitrines, elle s’est légèrement interposée et m’a désigné l’escalier.


  • — On a une salle, en haut, pour les cours collectifs.
  • — Des cours collectifs ?
  • — Mais oui. On met un peu de musique et on fait quelques exercices en rythme.
  • — De… de l’aérobic, c’est ça ? ai-je risqué pour tenter d’échapper à mon statut d’ignare.
  • — Pas seulement. C’est varié. Step, abdos-fessiers, et tout ça… L’horaire est affiché là.

« Abdos-fessiers », ça m’interpellait, mais plutôt comme reproche que comme compliment.


  • — Je donne un cours dans dix minutes. Restez donc, c’est moins frustrant que les engins !

J’ai fait l’effort d’y participer et elle m’a encouragée à plusieurs reprises en milieu de séance, me recommandant de ne pas forcer, de reprendre mon souffle, d’aller à mon rythme et de m’arrêter quand je le souhaitais pour ne pas me « mettre dans le rouge ». Si c’était pour la couleur de mes joues, c’était loupé !


J’ai quitté les lieux à la fin du cours, nauséeuse et les jambes tremblantes, me promettant de ne plus jamais remettre un orteil dans cette salle de torture où je m’étais couverte de ridicule. En outre, il n’y avait là que des femmes. Pour rencontrer l’homme de ma vie, c’était mal emmanché !

J’aurais bien taillé une bavette avec l’athlète qui avait fini de ranger ses boîtes, mais je ne me sentais pas d’attaque. J’ai dit « salut ! » et il m’a répondu « à bientôt ! ». Tu parles ! […]




Un coup de tonnerre interrompit mon travail. Hâtivement, je me levai et, le petit coussin dans une main et mes papiers dans l’autre, je quittai l’amas de rochers qui me servait de siège et me faufilai rapidement entre les pins.


Trois enjambées sur les marches déjà humides et je fus au sec dans le bungalow, jetant sur le bureau ma pile de feuilles et reprenant mon souffle, tout heureuse d’avoir échappé de justesse à la douche monumentale qui s’amorçait. Quelques secondes plus tard, je faisais demi-tour et me tenais debout sur les planches de la terrasse à regarder la violente averse arroser les alentours.

C’est alors qu’il a surgi du rideau de pluie.



Il était grand et mince, avec une voix grave et veloutée.



Je hochai la tête sans répondre. Isolée depuis des semaines, ne me rendant au village que sporadiquement pour quelques emplettes, j’avais presque perdu l’habitude de parler. Je regardai mon visiteur sans bien distinguer ses traits. Dans l’ombre de la terrasse, il n’était qu’une silhouette environnée par la lueur des éclairs.



Je tournai les talons tandis qu’il prenait place sur un siège de jardin. Non, je n’étais pas aimable. Je m’engouffrai dans le bungalow en espérant que l’orage serait bref. J’eus soudain envie d’une cigarette, mais j’avais cessé de fumer et m’efforçais de ne pas céder à la tentation de recommencer. Une tasse de café suffirait.

Je fis un peu de rangement pendant que la cafetière électrique s’acquittait de sa tâche, puis m’avachis dans un fauteuil en sirotant le liquide brûlant. Mon visiteur s’encadra bientôt dans l’entrée et se racla la gorge.



Il me remercia et resta là debout à me regarder par-dessus le récipient. Son visage était à nouveau dans l’ombre, alors que le mien devait être éclairé par la lumière grisâtre s’infiltrant par les deux fenêtres. Gagnée par l’irritation, je dus refréner mon envie d’allumer le plafonnier. « Bois ton jus et dégage ! » pensai-je en me dirigeant vers le coin-cuisine. La vitre au-dessus de l’évier m’offrit une séquence orageuse supplémentaire tandis que je nettoyais et rangeais un peu de vaisselle. La sensation d’être observée attisa la hargne qui m’envahissait. « Et en plus, il mate mon cul, ce con ! » me dis-je. J’entendis son pas, puis sa voix grave.



Je pivotai. Rencontrai son regard.



J’étais franchement odieuse, mais il ne sembla pas s’en formaliser. Il me gratifia d’un sourire et d’une légère courbette avant de s’esquiver d’un pas léger. Mon souffle reprit un rythme normal bien que mon agacement soit toujours bien présent. « T’es dégueulasse, Pervenche ! » méditai-je. « Ce type est poli et n’a sans doute pas de mauvaises intentions. »


Je n’éprouvai que très peu de remords. Il valait mieux me montrer désagréable si je ne voulais pas qu’il s’attarde. Il n’était pas le bienvenu. Ni lui ni personne. J’avais besoin d’être seule. « Les mecs, on leur tend la main et ils prennent tout le bras ! »

En soupirant, je m’assis devant mon bureau et mes feuillets, cherchant dans le travail remède à ma nervosité.




[…] Rentrée chez moi, je me suis douchée et me suis vautrée dans le fauteuil avec un demi-litre de cola – light ! – jusqu’au moment où je suis tombée endormie. Quand je me suis réveillée, le soir tombait et la télé allait pour elle seule. L’ex-homme de ma vie n’était pas là. Il devait être chez le cocu-en-voyage, à forniquer avec la cocue-chez-elle.


Une bouffée de rage m’est montée à la gorge. Dans cette affaire, tout le monde portait les cornes, sauf mon mari ! J’ai oublié instantanément que j’avais promis de renoncer à l’apéritif et je me suis envoyé une demi-bouteille de vermouth pour accompagner le paquet de pommes chips ayant échappé à la voracité du phacochère en pantoufles. Ça m’a calmé les nerfs, mais balayé les inhibitions. Un tour à la salle de bain m’a permis cette fois de m’arroser l’extérieur, puis de me refaire une beauté en enfilant une tenue limite allumeuse avec jupette noire ras-de-cul et blouse soyeuse rouge vif à décolleté louchez-dessus. J’ai parachevé l’ouvrage avec des escarpins dorés, une petite veste en cuir et un gros nuage de Suivez-Moi-Les-Mecs, après quoi je suis sortie sac à l’épaule en claquant la porte et les talons.


Un saut dans la voiture et direction centre-ville ! J’ai abandonné l’engin avec une roue sur le trottoir et une autre sur un avaloir, puis j’ai flâné dans les rues piétonnes en reluquant les vitrines encore éclairées. Les boutiques ne tarderaient pas à fermer, les clubs à ouvrir. La journée avait été douce, mais l’air du soir jetait des friselis sur mes jambes nues. Je me suis soudain inquiétée du léger duvet qui menaçait de se hérisser sous la fraîcheur. « T’aurais pu repasser un coup d’épilation, ma vieille ! » me suis-je gourmandée.


J’ai atterri chez Paulo, un bar en sous-sol encore peu fréquenté en ce début de soirée. C’était idiot d’aller là, on m’y connaissait. Zoé m’avait pourtant bien indiqué d’éviter mes ports d’attache, mais sur le moment ça ne m’a pas effleurée.

Pascal était derrière le comptoir, à astiquer des verres. Je l’ai regardé d’un œil neuf. Un beau mec, sans doute un brin macho, mais quel beau mec ne l’est pas s’il n’entre pas dans la catégorie des inhibés incurables ?


  • — T’es toute seule ? m’a-t-il dit.

Comme il le voyait bien, je n’ai pas vraiment pris ça pour une question au premier degré. D’autant qu’il avait assorti ses paroles d’un bref clin d’œil. Les hommes ont-ils un instinct pour repérer la femme en manque d’affection ou ma tenue vestimentaire faisait-elle son petit effet ?


  • — Ouais ! j’ai fait simplement avant de commander une vodka-orange.

Je me suis hissée sur un tabouret en larguant mon sac sur le bord du comptoir et j’ai immédiatement tourné les genoux à quarante-cinq degrés vers le meuble, car ma jupette remontait dangereusement. J’avalais la première gorgée de la seconde moitié de mon verre quand des doigts m’ont effleuré les cheveux près de la nuque.


  • — Salut, ma belle !
  • — Mario !
  • — Toute seule ? a-t-il demandé en me faisant la bise.

Si tous les mecs du coin me posaient la question…


  • — Non, je suis venue avec Brad Pitt, mais il est parti pisser.
  • — C’est comme ça que t’appelles Vincent ?

Derrière son bar, Pascal a rigolé, alors Mario a fait pareil. Puis il m’a offert une autre vodka-orange. […]




Il faisait de plus en plus sombre et j’allumai la lampe de bureau. La porte du bungalow était restée ouverte. « Flûte ! Les bestioles vont entrer ! » pensai-je en me levant. Je crus que mon visiteur était parti, mais il s’était assis à même le plancher de la terrasse, adossé à la paroi de la bâtisse. La tache plus claire formée par son visage se tourna dans ma direction.



Comme je gardais le silence, il insista.



La question avait jailli, spontanément. J’aurais voulu la ravaler.



Je devinai son sourire en dépit de mon propos moqueur et de mon bras tendu à l’opposé du sien. Je cédai presque malgré moi :



Une pointe de remords tenta de s’infiltrer dans mon esprit, mais je l’émoussai bien vite. De toute façon, je n’avais qu’une seule chambre et un seul lit.





[…] Je me suis laissé offrir plusieurs verres à la file. La tête commençait à me tourner. J’ai voulu griller une nouvelle cigarette, mais mon paquet était vide. Mario est venu à la rescousse. Je l’ai regardé, lui ai souri pour le remercier, et j’ai senti sa main se poser sur mon genou. En temps normal, j’aurais réagi, aurais chassé cette pogne audacieuse, mais nous n’étions plus en temps normal et Mario l’avait remarqué, sans cela il se serait abstenu de ce geste plus que familier. J’étais toujours frustrée, alors j’ai laissé faire.


Un peu plus tard, j’ai quitté mon tabouret et ma jupe est remontée de manière indécente. Plusieurs clients, qui étaient entrés entre-temps, m’ont accompagnée du regard pendant que je me dirigeais vers les toilettes en tirant sur le tissu pour le remettre en place.

J’ai titubé vers les waters, dans un état second, et un moment j’ai pensé que Mario allait me suivre, mais une autre femme est arrivée à ma suite. Je me suis enfermée dans un des w.-c., n’en suis sortie qu’une fois seule dans les locaux et me suis alors plantée devant le miroir. J’ai rectifié ma coiffure et je me préparais à retoucher mon maquillage lorsque Mario a surgi. J’ai rouspété pour la forme.


  • — Hé ! Ce sont les toilettes pour Dames, ici !
  • — Excuse-moi. On se demandait, avec Pascal, si t’étais pas tombée dedans ! […]




En soupirant, j’éteignis la lampe de bureau. Cette scène dans les toilettes me déplaisait tout autant qu’elle m’excitait. Était-il convenable de raconter ainsi ce genre de choses ? Je n’avais plus la tête à y travailler encore. Après une douche rapide, je me jetai sur mon lit. La conviction d’avoir gâché la soirée m’épuisait. J’avais bossé sur mon roman, mais sans enthousiasme. L’intrusion d’un inconnu dans mon espace vital avait suffi à altérer mes facultés de concentration.


Ma nuit fut peuplée de cauchemars. J’en avais presque perdu l’habitude. De vieux démons resurgissaient.

Je me levai aux aurores, la bouche pâteuse et l’humeur maussade. En quittant la chambre, je pensai à mon visiteur de la veille. Était-il déjà parti ? J’ignorais à quel endroit il avait dressé son campement.

En ouvrant la porte, je fus accueillie par quelques rayons d’un soleil rasant… et par un joyeux « bonjour » !



La question était stupide. Il était à genoux dans un coin de la terrasse, à rouler son couchage.



Il sourit avant d’ajouter :



Son sourire, son humilité avivèrent mon sentiment de culpabilité. J’avais été odieuse, mais que pouvais-je faire d’autre ? Lui offrir mon salon pour la nuit ? Et pourquoi pas mon lit ?



Il rit de mon embarras.



Je terminais de préparer la mouture et mettais la machine en marche lorsqu’il entra dans le bungalow. En pivotant vers lui, je croisai son regard et une sensation bizarre m’envahit soudain.



Adossée à la porte, une main sur le ventre, je repris mon souffle en écoutant battre mon cœur. Comment avais-je pu me présenter aussi peu vêtue devant cet inconnu ? Je n’étais couverte que jusqu’à mi-cuisses par une légère chemise de nuit ! Opaque, certes, mais si fine ! Le miroir de la garde-robe me renvoya mon air hagard, mes cheveux en bataille, ma petite taille et mes rondeurs.



Alors que j’étais prête à faire amende honorable, à me montrer un tantinet aimable, la rage m’agaçait à nouveau les crocs. Hâtivement, je choisis des vêtements, les enfilai pour les enlever aussitôt et les balancer hargneusement sur le lit avant de jeter mon dévolu sur d’autres qui subirent le même sort. Je devenais hystérique. Chaque coup d’œil dans la glace me faisait constater ma profonde décrépitude. J’étais affreuse. Horrible. Un cas désespéré. De régime foireux en irrépressible boulimie, mon indice de masse corporelle avait joué au yo-yo.


Je tentai de me ressaisir, de me dire que je m’en foutais complètement, que « l’autre » allait partir bien vite, sortir de mon existence, disparaître dans le néant… mais rien n’y faisait. Je tenais à laisser une bonne impression. Chasser l’intrus, oui, mais à son grand regret autant qu’à ma profonde satisfaction !


Inutile de songer à me maquiller ni même à me rafraîchir. Pour ce faire, j’aurais dû quitter la chambre pour la salle de bain. En d’autres termes, avouer mon désir de me montrer à mon avantage. Il était trop tard. L’homme m’avait vue comme ça. Nature. Au saut du lit. Des doigts, je tentai d’ordonner ma chevelure. Consolation : j’avais de beaux cheveux. Complètement décoiffés, mais abondants. Je leur assortis un vieux blue-jean mal repassé et un sweat-shirt de la même veine et, pieds nus, regagnai le living.


Il était debout, les fesses contre le bureau, sirotant son café.



Je fronçai les sourcils. Il souriait aimablement, comme il semblait en avoir l’habitude, mais n’était-ce qu’une façade ? Je le trouvai très beau ; irrésistiblement charmant. Ses sandales de randonneur, ses vêtements usagés et froissés et son teint hâlé témoignaient d’une vie au grand air. Il n’avait cependant rien d’un vagabond : propre et détendu, correctement rasé, il respirait l’assurance. Il parut déceler le motif de mon inquiétude.



Son air candide accentua mon agressivité.



Son calme et ses questions achevèrent de me mettre hors de moi. Je m’avançai vers lui.



Je me dressais devant lui comme un jeune coq, mais il était grand. Lorsqu’il posa sa tasse près de lui et décolla les fesses du bord du bureau, il me surplombait d’une tête.



J’aurais souhaité effacer le sourire narquois qui fleurissait sur son visage. Je me retins de le gifler.



Il se dirigea vers la porte.



Je fis un léger écart pour le contourner et lui ouvrir la porte.



« Il a lu tout ça ? » pensai-je avec effroi.



Ce type avait vraiment décidé de m’emmerder !



Je tournai les talons et m’effondrai dans un fauteuil, la tête entre les mains. J’entendis l’homme s’approcher.



Je le regardai, incrédule.



J’avais des larmes plein les yeux. Je ne m’imaginais pas aussi fragile. Ma voix se brisa.



L’instant d’après, il s’agenouillait devant moi.



Je me levai, fis quelques pas en lui tournant le dos. La minute de désespoir s’estompait, gommée par une bouffée de froide colère.



Il était tout près. Je sursautai et fis volte-face. Je l’avais à peine entendu se déplacer.



Il ne manquait ni de culot ni d’optimisme !



Il paraissait sincère, mais je n’en croyais rien. Sa tactique était cousue de fil blanc. Un voyageur audacieux, un aventurier, un tombeur. Combien de naïves s’étaient-elles laissé dévorer comme autant de fruits mûrs ?



J’étais dressée de toute l’immensité de mes cent soixante centimètres, lui crachant mon mépris au visage, et il restait là, immobile, avec un air triste, incrédule. Il y eut un silence pendant lequel je le jaugeais, soutenant son regard. Quel homme était-il donc ? Comment pouvait-il supporter tant de rebuffades ?

Il baissa les paupières, comme pour s’accorder un bref instant de réflexion, puis ses épaules s’affaissèrent.



Il se dirigea vers la porte ouverte, mais fit doucement volte-face avant de l’atteindre.



Cela n’en finirait donc pas ? J’étais incapable de répondre, tant la colère me serrait la gorge.



Je reculai d’un pas. Le prit-il pour une invite ? Il s’avança tout à coup vers moi et une seconde plus tard, il m’enlaçait.



Je tentais de le repousser, mais sans conviction. Sans énergie. J’étais en train de m’avouer ma propre faiblesse : cet homme me plaisait. J’aimais son regard, son visage, son corps sur lequel il attirait le mien, le son de sa voix et les douces paroles dont le flot m’inondait les oreilles. J’avais la tête en feu mais je m’efforçais de maîtriser la situation. N’avais-je pas droit à un peu d’amusement ?


Lorsque ses lèvres se posèrent sur les miennes, lorsque le frôlement de nos langues fit courir un frisson de désir au creux de mes reins, je compris qu’il avait gagné. Que j’allais être à lui. Que j’en mourais d’envie. En répondant fiévreusement à son baiser, en me serrant contre lui, je savais ce que je faisais. Je devinais que cet inconnu de passage se servirait de moi avant de m’abandonner lâchement pour reprendre son voyage.

Que m’importait l’avenir ? Je ne voulais que l’immédiat. J’allais être à lui, mais il serait à moi ! Un épisode de ma vie. Une page qui serait bien vite tournée. Mais avant l’inéluctable séparation, je tenais à m’offrir un maximum de plaisir. J’étais en manque depuis si longtemps déjà !


Nous reprîmes notre souffle. Mon cœur cognait dans ma poitrine.



Comment pouvait-il m’aimer ? Pourquoi s’obstinait-il à jouer cette comédie de l’amour fou ? Cela faisait-il partie de sa mise en scène ? Je pensai que, peut-être, ce voyageur aimait vraiment ses multiples conquêtes, qu’il les aimait fougueusement, passionnément… mais brièvement. Ou, plus simplement, qu’il avait besoin de se stimuler par ce genre de paroles…


Je cessai de gamberger lorsque ses mains se glissèrent sous mon sweat-shirt pendant qu’il m’embrassait le cou. Elles étaient chaudes, douces, enveloppantes. Je les sentais courir dans mon dos, titiller l’attache de mon soutien-gorge, frôler le bord de mon jean. Elles allumaient de dévorants incendies sous ma peau. J’aurais voulu qu’il m’arrache les vêtements pour me retrouver nue dans ses bras, mais il prenait son temps. Ses doigts se faufilaient sous les élastiques, jouaient avec les bretelles, longeaient le tissu contre mes reins.


Impatiente, je passai moi-même à l’action : mes ongles accrochèrent les boutons de sa chemise froissée, s’enhardirent à effleurer son torse large et ferme, couvert d’un fin duvet. En une sorte de pas de danse, nous tournions au milieu du living, étroitement enlacés puis légèrement relâchés ; et lorsque la chemise de mon bel inconnu tomba sur le plancher, il me serra plus fort contre lui et je sentis la chaleur de sa peau nue au travers de mes vêtements. Nos bouches se trouvèrent à nouveau, gourmandes, enfiévrées, puis nous desserrâmes notre étreinte le temps pour moi de lever les bras tandis qu’il m’enlevait mon sweat dans une caresse grimpant du bas de mon dos jusqu’à mes poignets.


Je me sentis alors soulevée et transportée jusqu’au divan. La tête sur l’accoudoir rembourré, étendue et tremblante, je m’abandonnai aux câlineries et aux baisers. Ses mains couraient sur mon corps, frôlaient mon ventre, pétrissaient ma chair. Il empaumait mes seins, y faisant doucement glisser les bonnets du soutien-gorge mais s’abstenant de les dénuder. Ses lèvres s’approchèrent et se saisirent d’un téton qui pointait sous la dentelle. La chaleur s’écoula sur ma poitrine comme une traînée de lave. Au même moment, des doigts rampaient le long de mon jean, caressaient l’intérieur de mes cuisses. Le désir me brûlait. Je serrai contre mon cœur la tête de cet inconnu, subis le picotement de sa barbe naissante, palpai l’épaisseur et la rudesse de sa chevelure malmenée par le soleil et le vent.


Les cajoleries étaient intenses, sensuelles. Je fis tomber rapidement sur mon bras une des bretelles de mon soutien-gorge, mais la bouche de mon partenaire retenait l’étoffe, que je sentais s’humidifier de salive. Quand enfin les lèvres écartèrent la dentelle, lorsque le mamelon durci reçut l’hommage direct de la langue, mon corps tout entier fut parcouru de tremblements. Une main atteignit mon ventre, courut sur le bouton du jean, puis le long de la fermeture à glissière. Je relevai le bassin, allant à la rencontre de la caresse qui frôlait mon pubis, glissait entre mes cuisses. La pression des doigts s’accentua, s’attarda sur mon entrejambe, remonta vers la ceinture. Je fermai les yeux, concentrée sur les sensations qui m’envahissaient, se bousculaient dans ma chair alanguie. J’avais tant besoin d’amour !


Le bouton fut défait, le zip courut vers le bas, une main se posa sur mon ventre, écarta doucement le rude tissu du jean, froissa le coton de ma petite culotte. Des doigts palpèrent la toison pubienne au travers de l’étoffe. Une fois encore, je soulevai le bassin, m’offrant à la caresse. L’homme s’allongea près de moi, me couvrant à demi, un bras passé à présent sous ma nuque, et j’ouvris les yeux sur son visage souriant.



Ma voix n’était qu’un souffle. Mes lèvres tremblaient. Il me fixait intensément et je ne pouvais soutenir son regard. Je fermai les yeux.



Ses doigts cherchèrent un chemin sous mes vêtements, sous la raideur du jean, sous le coton de mon slip, et atteignirent mes chairs brûlantes, humides.



J’ouvris les yeux. Rencontrai son regard enfiévré.



Ses doigts caressaient mon sexe sous mes vêtements et j’ondulais doucement des reins en cadence. La jouissance toute proche m’incitait à baisser les paupières, mais mon partenaire insistait.



Il souriait, et moi j’étais occupée à jouir !



L’orgasme me remplissait de frissons. J’aurais dit n’importe quoi ! Mais j’adorais ce que cet homme me faisait. Il était si gentil, si délicat, si sensuel…

Il m’embrassa à nouveau, puis recommença à me caresser tout en enlevant mes vêtements. Je flottais comme dans un rêve. Jamais un homme ne s’était occupé de moi avec tant d’attention ni de patience. Il couvrit mon corps de baisers et je finis par me sentir quelque peu honteuse de tout prendre et de ne rien donner, alors je l’attirai contre moi et entrepris à mon tour d’achever de le dévêtir.


Lorsque nous nous blottîmes nus l’un contre l’autre, il recommença à me chuchoter des mots doux à l’oreille et, bien que n’étant pas d’un naturel naïf, je commençais à le croire sincère. Quel besoin aurait-il eu d’en rajouter, alors que je m’abandonnais à lui ?



Je le voulais en moi. J’étais plus que prête à l’accueillir. La nature l’avait généreusement servi, mais il me pénétra aisément.



Il me pistonna d’abord doucement, puis accéléra la cadence. Je sentais son souffle dans mon cou tandis que son sexe allait et venait dans le mien à un rythme soutenu. Le plaisir me gagnait à nouveau en compagnie de cet homme qui paraissait infatigable. Il s’en aperçut.



Je me laissais aller. Jamais je n’avais connu une telle extase. Même nantie de la certitude absolue que cet inconnu devait me quitter le jour même, je n’aurais cédé ma place à personne. Je serrai très fort contre moi ce corps aux muscles noueux, transportant l’odeur de la forêt, de la pluie et de la terre mouillée autant que celle, virile et épicée, de sa transpiration.



Je frémis. Au creux de mes reins, ma sueur se glaça.



Je devenais folle. La peur le disputait au plaisir. Alors que j’étais à deux doigts de l’orgasme, d’autres sensations m’envahissaient.



Il me regarda. Il souriait. J’y décelai de la moquerie.



Il accéléra le rythme de ses va-et-vient. Il était à peine essoufflé. Sa voix était douce, chaude, enjoleuse.



J’aurais voulu le repousser, mais mon corps était inondé de plaisir. La frayeur que je ressentais décuplait la violence de l’orgasme qui s’annonçait, terrible, dévorant.



C’était étourdissant. Nous étions couverts de sueur. Les vagues de plaisir nous submergèrent en même temps. J’étais prise dans un tourbillon. Un homme m’aimait, le disait, le faisait. J’étais transportée. Je planais dans les airs !




Nous restâmes étendus de longues minutes sur le divan, serrés l’un contre l’autre, son bras sous ma nuque et nos jambes emmêlées. Je redoutais l’instant où il allait se lever, enfiler ses vêtements et m’annoncer son départ. C’était inéluctable.

Il souriait, les yeux au plafond. Je lui caressai la poitrine, puis le ventre. L’angoisse m’étreignait.



Il me regarda.



Ma main atteignit son sexe, qui retrouva peu à peu de sa vigueur sous la caresse.



Il ne répondit pas.



Il sourit, énigmatique, puis rapprocha son visage pour m’embrasser. Je lui rendis fougueusement son baiser, tout en m’accrochant fermement à ce que je tenais entre les doigts. Tant que je le tiendrais par là, pensai-je, il n’aurait sans doute pas envie de partir !

Ses mains ne demeuraient pas inactives elles non plus et je dus accomplir un effort de concentration et de volonté pour ne pas m’abandonner complètement. Je désirais conserver un peu d’initiative, mais cet homme était exceptionnel. Dès qu’il me touchait, me murmurait des mots d’amour, je chavirais.


Il m’embrassait, pétrissait mes seins, lançait l’autre main à l’assaut de mon ventre et de mes cuisses, et je perdais pied, m’accrochant à l’arbre de vie que je masturbais de plus en plus vivement. C’était une sorte de lutte lascive, à qui exciterait le plus son partenaire, à qui arriverait à lui faire perdre les pédales.

Il finit par enfoncer deux doigts, puis trois, dans mon sexe ruisselant. Je sentais mes chairs s’ouvrir, se porter à la rencontre de la caresse et, malgré moi, je ne maîtrisais plus rien. Le plaisir revenait, irradiant dans mon ventre, dans mes cuisses, dans le creux de mes reins. Nous étions à nouveau couverts de sueur.



Ses doigts s’enfoncèrent davantage. Il devait les mettre tous les quatre, son pouce sur mon pubis. Les mouvements de sa main étaient amples, en légère rotation. J’écartai davantage les jambes, m’offrant totalement à la caresse de mon merveilleux amant.



Il était occupé à en faire autant avec la sienne !



Qu’il exprime ainsi son plaisir me transportait, décuplait le mien.



J’eus l’impression qu’il entrait toute la main, mais ce n’était sans doute qu’une impression suscitée par l’intensité de l’orgasme qui me terrassait. Je criai sans honte ma jouissance, inondant à mon tour son oreille de mots d’amour, de paroles enfiévrées. Il se serra alors contre moi et je sentis son sperme gicler sur mon ventre, couler dans ma paume et sur mon avant-bras.



Nos cœurs battaient à tout rompre et de longues minutes nous furent nécessaires pour enfin nous détendre, laisser nos sens et nos souffles s’apaiser. Nous restâmes silencieux, l’engourdissement commençait à nous saisir. J’étais sur le point de m’endormir lorsqu’un mouvement de mon amant me ramena à la réalité. Il se levait.



Il rit.



Je m’assis vivement.



Il me tint serrée contre lui. Sa peau nue était chaude sur la mienne.



Nous étions souriants, enjoués, heureux ; profitant de l’instant présent sans nous poser de questions. Pendant qu’il s’habillait, je me lavai à mon tour. L’eau fraîche me fit du bien. Je n’arrivais pas à croire complètement à mon bonheur. Malgré nos mots d’amour, notre désir, notre plaisir d’être ensemble, je gardais dans un coin de ma tête l’impression que ce voyageur était un véritable nomade, un être sans attaches qui me quitterait tôt ou tard. Je renonçai cependant à me tourmenter davantage. L’essentiel était de profiter au maximum de ce bonheur peut-être éphémère qui m’était tombé comme un cadeau du ciel avec l’arrivée de cet homme dont j’ignorais jusqu’au nom !


Je me vêtis rapidement et regagnai le living. Il était assis devant la table et achevait de couper en quartiers un melon qu’il venait d’éplucher.



Il se leva et me prit les mains.



Il m’embrassa les mains puis les regarda, les caressant de ses pouces.



Il me regarda.



Mon sourire se figea.



Une sueur glacée suinta dans mon dos. J’étais comme paralysée.



Je tentai de dégager mes mains, mais il les tenait dans les siennes.



Il abandonna mes mains.



Il me regarda, puis éclata de rire. Un rire effrayant, qui fit courir un frisson sur mon échine avant de s’arrêter d’un seul coup.



Il fit quelques pas, s’empara des feuillets. Lorsqu’il se tourna vers moi, il ne souriait plus.



La frayeur me torturait le ventre. Il avait donc tout lu ! Mais quand avait-il eu le temps de le faire ? Il avait dû s’introduire dans la maison pendant la nuit ! Je ne voyais que cette explication.



Comment pouvait-il savoir ? Il fit deux pas vers moi, les feuillets entre les doigts. Son regard était glacial.



Sa voix grave et douce avait pris des accents métalliques.



Mes lèvres tremblaient. Il s’approcha encore, et j’eus un mouvement de recul.



Il tendit les bras et sourit, mais son sourire avait quelque chose d’effrayant.



Il était tout près. Il laissa tomber les feuillets sur le plancher et tendit à nouveau les bras, essayant de m’enlacer.



Glissant sur la table, ma main se referma sur un objet dur : le manche du couteau de cuisine. Un instrument à la lame large, pointue et bien aiguisée, que l’inconnu avait utilisé pour découper le melon.



Ses yeux s’étaient rétrécis en deux minces fentes, ajoutant à son aspect menaçant. Il me faisait l’effet d’un fauve guettant l’instant propice à se jeter sur sa proie.



Mon bras se détendit. Cet homme m’effrayait au plus haut point ! J’eus l’impression de lutter pour ma survie. C’était lui ou moi !


Lorsqu’il s’écroula à mes pieds, la poitrine lardée de coups de couteau, je restai quelques secondes immobile, haletante, les yeux exorbités. Déjà, le sang s’écoulait du corps lacéré, tachant la chemise puis se répandant sur le plancher du bungalow. Brusquement, je poussai un hurlement, laissai choir mon arme et courus m’enfermer dans la salle de bain. Je vomis dans le lavabo, violemment, douloureusement, les yeux noyés de larmes et le visage en feu. Qu’avais-je fait ? Qu’avais-je fait ?


Tremblante, haletante, je mis un temps infini à reprendre la maîtrise de mon corps. D’un pas mal assuré, je finis par regagner le living. Meurtrière ! J’étais meurtrière, une fois de plus ! Et cette fois, je n’avais aucun mobile. Un coup de folie m’avait fait tuer cet inconnu qui disait m’aimer. Qui était-il ?


Je m’immobilisai, bouche grande ouverte. Sur le plancher, la tache de sang était bien en vue, ainsi que les feuillets de mon récit éparpillés jusque sous la table, mais de cadavre, point ! Et de couteau… pas davantage ! Je retins à grand-peine un nouveau cri de frayeur. Il n’était donc pas mort ! Tremblante, je regardai tout autour de moi, craignant que ma victime ne surgisse, ivre de vengeance.


La maison était silencieuse. Je tentai de me maîtriser. Comment avait-il pu se lever et disparaître ? J’avais vu sa poitrine lacérée par les coups de lame, son sang couler sur le plancher… Il en avait perdu en abondance, comme en attestait la flaque qui s’assombrissait près de la table. Du regard, je cherchai une piste écarlate, quelques traînées que ma victime ait pu abandonner derrière elle en s’enfuyant… mais en vain !


Je prêtai l’oreille au moindre bruit, mais c’était comme si de grosses mouches à viande bourdonnaient dans mon crâne. Tremblante, j’imaginais leurs yeux rouges aux multiples facettes, leurs ventres d’un vert métallique. Je les sentais entrer et sortir par mes narines, mes oreilles… J’hallucinais.


Secouant ma torpeur et rassemblant tout mon courage, les jambes flageolantes, j’entrepris de faire le tour du bungalow : nulle part, mon inconnu n’était visible. J’hésitai longuement avant de me glisser dehors. Le moindre de mes pas était accompagné de mouvements de la tête et des yeux, tant je redoutais de voir surgir brutalement un homme à la poitrine ensanglantée, le couteau au poing, hurlant sa haine avant de se jeter sur moi pour m’ouvrir le ventre.


Les bagages du voyageur auraient dû se trouver sur la terrasse, là où il les avait laissés après les avoir bouclés, mais tout avait disparu ! Je retournai dans la maison. Quel était ce prodige ? Comment avait-il pu survivre et prendre la fuite ? Où était-il allé ?


Je réunis les papiers éparpillés et les fis brûler dans la cheminée, puis m’affairai à nettoyer la tache de sang qui souillait le plancher. Sans doute était-ce inutile : l’homme pouvait revenir accompagné des forces de l’ordre, et c’en serait terminé. Je perdais probablement mon temps, mais je ne pouvais m’empêcher de tenter d’escamoter les preuves de mon forfait.


Lorsque tout fut propre et net, j’étais en sueur et toujours pas rassurée. Je pris la décision de faire mes valises et de rentrer chez moi. Il me restait près de deux semaines de location, mais je ne me voyais pas demeurer une journée de plus dans ce maudit bungalow ! Je choisis néanmoins de conserver les clés et de ne les restituer à l’agence qu’à la fin du mois, ce qui me laisserait la possibilité, si j’étais encore en liberté bien entendu, de venir y faire un bref passage quand j’aurais les idées plus claires.


J’allais remballer mon PC portable et la petite imprimante lorsque je me rappelai que le fichier compromettant se trouvait toujours sur le disque dur et qu’il serait plus sage de l’en effacer. Immédiatement. Inutile d’attendre d’avoir regagné mon appartement pour accomplir cette tâche, même si celle-ci consistait à détruire des heures de boulot. De toute façon, je m’étais illusionnée en pensant travailler sur un résultat, alors que le seul but de l’ouvrage était d’exorciser mes peurs, comme l’avait souligné mon visiteur. À cette pensée, je frissonnai et regardai autour de moi avec inquiétude, mais tout restait calme.


Je me penchai sur le clavier et recherchai hâtivement le fichier compromettant. L’imprimante qui se mettait en marche me fit sursauter ! Je n’avais pourtant pas demandé d’impression ! Une première page sortit, que je saisis d’une main tremblante tant j’étais à cran. Dès que mes yeux tombèrent sur les premiers mots, les premières phrases, une vague de panique me submergea.




[…] Accrochée au rebord du lavabo, j’ai aperçu mon visage dans le miroir. Un visage rougi, aux yeux brillants, injectés d’alcool et de sang. Mario avait soulevé ma jupe et me possédait par-derrière, sans ménagement. La bouche ouverte, je subissais les assauts de son sexe en poussant de petits cris où la honte se mêlait au plaisir. Penchée en avant, j’ai vu mon nez se refléter en gros plan sur la surface chromée du robinet… […]




Pourquoi l’imprimante crachait-elle ces feuillets ? J’en saisis un autre : ce n’était pas la suite du précédent ! C’était pire, encore !




[…] J’ai jeté un dernier regard sur les corps encore chauds affalés tout près du lit. D’un côté l’affreux, le salaud, l’ignoble individu ; et de l’autre l’horrible cageot à qui il avait eu l’outrecuidance d’accorder sa préférence.

Quelle gourde ! Quel besoin avait-elle eu de me dire que son voyageur de mari avait acheté un flingue ? Voulait-elle me donner des idées ? À l’époque, je n’avais pas réfléchi plus loin que cela, mais peu à peu les scénarios de vengeance avaient commencé à germer dans mon esprit.

Je me souvenais encore très bien du jour où elle avait décidé de me montrer l’arme : j’avais simulé la frayeur la plus totale, refluant vers la sortie, alors que c’était moi qui, grâce à quelques allusions finement placées, lui avais suggéré d’exhiber l’engin. Mon plan machiavélique prenait déjà forme.


Je me suis secouée. Il était temps de filer. Le cocu n’allait pas tarder à arriver… J’ai regardé autour de moi, vérifié que tout soit parfaitement en ordre, puis j’ai rapidement quitté le pavillon. […]




Au comble de la frayeur, je poussai sur l’interrupteur de la machine, mais les feuilles sortaient toujours, alors j’arrachai carrément la fiche de la prise pour qu’enfin l’imprimante daigne s’arrêter.


Mon cœur battait à tout rompre. La tête me tournait. D’un revers de main, j’essuyai mon front couvert de sueur et me penchai sur l’écran du PC. Il fallait démolir ce fichier du diable ! Assise à mon bureau, j’explorai le répertoire contenant mes documents et ne commençai à respirer plus calmement que lorsque j’eus expédié le coupable à la corbeille et vidé celle-ci. Pour faire bonne mesure, j’effaçai l’historique de mon traitement de texte ainsi que la liste des derniers fichiers utilisés. À l’instant même où j’éteignais l’ordinateur, un éclair illumina vivement la pièce, et le brusque mouvement de recul que je ne pus retenir me fit valser en bas de mon siège ! Dans un fracas épouvantable, je fis connaissance avec le plancher au moment où le coup de tonnerre retentissait.


Un rire nerveux filtra entre mes dents serrées tandis que je me relevais en grimaçant : un orage ! Ce n’était qu’un orage, alors que je pensais avoir créé un gigantesque court-circuit en coupant le PC ! J’entendis la pluie tambouriner sur le toit. « Merde », songeai-je. J’avais horreur de conduire dans de telles conditions, mais je désirais néanmoins partir sans attendre.


« Toc toc toc ! »


Je me figeai, la bouche ouverte, les yeux tournés vers la porte d’entrée.


« Toc toc toc ! »


Le bruit se répéta. Quelqu’un frappait au panneau ! « Non ! », pensai-je. « Non ! » Je vis la poignée s’abaisser, et la peur me retourna les tripes. Pourquoi ne m’étais-je pas enfermée ?

La porte s’ouvrit en grand et une silhouette s’encadra dans l’ouverture. Les éclairs jetaient des lueurs en contre-jour sur la chevelure du visiteur.



Je voulus m’enfuir vers la salle de bain et m’y réfugier, mais mes pieds rencontrèrent ceux de la chaise renversée sur le plancher. Dans un fracas de fin du monde, j’accomplis une cabriole au bout de laquelle je me retrouvai étendue sur le dos. Je tentai de me relever, distribuant des ruades pour débarrasser mes jambes de l’encombrante présence du siège. Appuyée sur les coudes, je vis l’inconnu s’approcher de moi.



Je parvins enfin à me redresser. Il était juste devant moi. Sur sa chemise, nulle déchirure, nulle trace de sang ! Il me regardait en souriant.



Il me tendit le couteau, manche en avant.



Je bondis, dans un mouvement de panique destiné à me permettre d’atteindre la sortie, mais l’homme s’interposa. Nos corps se heurtèrent violemment et un objet dur frappa douloureusement mon thorax, juste entre les seins. J’en eus le souffle coupé pendant plusieurs secondes, alors que l’inconnu s’accrochait à moi, le visage crispé sous la douleur.



Ses mains retombèrent, puis il s’effondra sur le plancher comme un paquet de linge sale. Il bascula sur le dos, les bras en croix. De sa poitrine, au centre d’une tache écarlate qui s’élargissait rapidement, seul le manche du couteau dépassait.


En hurlant comme si j’avais aux trousses tous les démons de l’enfer, je me précipitai vers la sortie, sautai plus que ne descendis les marches de la terrasse et, sous l’averse orageuse, filai à travers les pins, droit devant, aveuglément, pressée de mettre le plus de distance possible entre ce lieu de cauchemar et moi.


Lorsque je réalisai que j’arrivais en bordure de la gorge, il était trop tard. Mes bras battirent l’air et je me rejetai vers l’arrière, tentant de m’accrocher aux branches et aux pierres tandis que le sol se dérobait sous mes pieds. Je dévalai la pente, sur le dos puis sur le ventre, mes ongles se retournèrent quand mes doigts labourèrent la terre et la caillasse à la recherche d’un point d’appui ; et mes vêtements partirent en lambeaux. Mes pieds heurtèrent soudain une surface dure, ralentissant ma chute, puis mon corps meurtri s’immobilisa à quelques mètres à peine des rochers bordant la rivière gonflée par l’orage.


Je demeurai allongée au bas de la descente, haletante, à demi étourdie. J’avais uriné dans mon jean, mais la pluie était occupée à tout laver. Je souffrais de partout et plus particulièrement des bras, des épaules et des mains aux doigts ensanglantés. De surcroît, mes chevilles avaient dû encaisser un choc violent lors du contact de mes pieds avec les pierres.

De longues minutes s’écoulèrent avant que je ne me décide à remuer. En me traînant sur les genoux, les coudes et le ventre, en agrippant cailloux et branches des mes doigts gourds dont la chair partait en lambeaux, je me hissai mètre après mètre et en oblique sur la pente que je venais de dévaler. Je perdis la notion du temps.


Complètement hébétée, les yeux fous, ma gorge crachant une toux rauque, je finis par retrouver un terrain à peu près plat alors que l’orage s’en était allé et que la terre, réchauffée par un soleil de fin d’après-midi, exhalait des nuages de vapeur. Je tentai de me mettre debout, mais mes chevilles étaient trop douloureuses pour me porter et j’étais trop épuisée pour franchir un mètre supplémentaire. Je restai étendue sur le sol humide, la joue sur les aiguilles de pin. Mon corps n’était qu’une plaie, mais je ne ressentais plus aucune douleur. Je voulais juste dormir. Dormir…






Un rayon de soleil entre par la fenêtre de la chambre. Une odeur de café et de chocolat flotte dans l’air. Allongée sur le lit, la tête sur l’oreiller, je ne respire qu’à petits coups de crainte qu’une nouvelle quinte de toux ne me déchire la poitrine. De mes mains bandées, j’écarte le drap, contemplant mon corps meurtri couvert de pansements et de mercurochrome. Chaque mouvement que j’accomplis m’arrache une grimace de douleur.

Je masque ce piteux tableau et lève les yeux vers la porte de la chambre, qui vient juste de s’ouvrir. « Il » est là. Il entre, un petit plateau dans les mains.



Il se penche sur moi après avoir posé l’objet sur la table de nuit et place un second oreiller sous ma nuque. Doucement, il s’assoit et approche la tasse de mes lèvres.



Je fais oui de la tête. Il sourit, me regarde, puis ses yeux descendent vers mes mains bandées. Il les caresse du bout des doigts.