Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 13383Fiche technique53983 caractères53983
Temps de lecture estimé : 30 mn
29/07/09
corrigé 12/06/21
Résumé:  Elle ouvrit les yeux et constata avec une horreur jamais ressentie qu'elle était dans le vestibule...
Critères:  nonéro
Auteur : Lilas      Envoi mini-message
La collègue est morte

Au début, la révélation la choqua à un tel point qu’elle resta immobile sur le bitume, la mâchoire pendante, les yeux fixes. Puis peu à peu, la réalité, la vérité, s’imposèrent à elle, et elle se mit à trembler.

Des gens parlaient, criaient autour d’elle. Ils la montraient du doigt, déjà.

Elle, ne parlait pas, ne bougeait pas, ne pensait pas.

Un long moment s’écoula avant qu’elle ne réagisse.

Elle recula lentement, entendant comme à travers une sorte de brume compacte le bruit des sirènes d’ambulances.

Le sang spongiait sur le goudron de la route ; la flaque rouge s’élargissait, s’élargissait, devenait mer de sang… elle avait le crâne fêlé, et le liquide imprégné de cervelle suintait par la plaie béante et écarlate.

Le visage était couvert de rouge lui aussi. Les yeux, le nez, la bouche, tout était submergé de sang, jusqu’aux superbes cheveux blonds qui étaient souillés par le liquide poisseux, sombre.

Mina recula encore, et vit avec une horreur grandissante que la flaque rouge, comme animée d’un esprit propre, s’étalait de plus en plus loin sur le bitume, touchant même le bout de ses propres chaussures.

Elles étaient imbibées de sang.

Il y eut comme un déclic dans le cerveau de Mina, qui réalisa enfin que c’était Tamia, là, écartelée sur la chaussée, la tête ruisselante de sang par la large blessure, qui courait de la tempe jusqu’à l’arrière de la nuque.

C’était Tamia.


Un moment après, peut-être quelques secondes, peut-être quelques siècles, Mina poussa – s’obligea à le faire – la réflexion encore plus loin dans le cadre pour l’instant très limité de ses pensées. Elle se rendit finalement compte que non seulement c’était sa collègue de travail – sa meilleure amie – allongée devant elle à ses pieds (ses pieds pleins de sang) mais qu’en plus c’était elle, Mina Hendrowks, qui avait été au volant de la voiture quelques minutes plus tôt.

Deux hommes en blouse blanche pénétrèrent soudain dans son champ de vision. Elle les regarda s’accroupir dans la mer de sang, avec une hâte digne d’éloges, se pencher sur Tamia, la palper délicatement. L’un d’eux secoua alors la tête en poussant un soupir las.



Mina ne sut pas exactement à qui il s’était adressé. Était-ce aux trois policiers qui venaient d’apparaître sur la scène du drame, à elle-même, ou au groupe de badauds qui s’était rapidement formé et qui encerclait à présent le cadavre, malgré les ordres des autorités ?



Comme dans un rêve.

Et sa question – si c’en était une – sembla rester en suspens dans l’air. On aurait dit qu’elle attendait une réponse.

Qui ne viendrait pas, évidemment.

Vaguement, elle comprit à l’agitation de la foule que les policiers repoussaient les gens et isolaient le lieu de l’accident avec des barrières de sécurité.

L’atmosphère était comme saturée d’horreur, se pressant en volutes latentes et trompeuses autour de Mina, qui avait du coup du mal à respirer. Ses mains étaient moites. Elle avait pourtant très froid. Elle se mit à frissonner violemment.



Elle s’aperçut alors qu’un des ambulanciers était devant elle, lui bouchant la vue du sang et du corps sans vie.



Elle le regarda. Il avait de beaux yeux bleus. Elle eut l’impression qu’il la fixait avec accusation. Non, en fait, elle n’en avait pas l’impression, elle en était sûre.



Était-ce vraiment elle qui venait de parler ? Était-ce vraiment sa voix, ses lèvres qui avaient remué ? Était-ce vraiment elle ?

Il hochait la tête. Il eut un vague geste de la main



« Arrêtez de me regarder comme ça. Ce n’est pas vrai, je n’ai tué personne ! Ce n’est pas ma faute ! Cessez de me regarder avec cet air là ! »



Quelqu’un lui posa soudain une couverture sur les épaules.

Elle sursauta.



« M’emmener où ? » pensa-t-elle avec confusion. Mais la question cette fois n’était pas sortie de sa bouche. L’ambulancier n’était déjà plus là. Et sur le bitume, il n’y avait plus que le sang qui rougissait les pores de la chaussée. Sortant de son apathie, Mina tourna la tête de tous les côtés et finit par apercevoir le corps de Tamia dans une espèce d’enveloppe noire, allongé sur un brancard, qu’on transportait dans l’ambulance aux gyrophares flamboyants. Puis quelqu’un remonta la fermeture, et il n’y eut plus que ce sac noir.

Ça n’a pas de sens, pensa-t-elle. C’est absurde. Impossible.



Mais ils installaient le corps dans l’ambulance, à présent. Des gens, avides d’horreur, se pressaient contre les barrières.

Mina s’aperçut brusquement qu’il y avait à nouveau quelqu’un en face d’elle. Elle leva les yeux. C’était un policier. Il tenait un bloc-notes et un crayon. Elle lui trouva l’air méchant et accusateur.



Il faisait froid. Mina grelottait. Elle resserra frileusement les pans de la couverture autour d’elle. L’ambulance démarra et s’éloigna lentement, en silence cette fois. Des passants s’interpellaient bruyamment, commentant l’accident. Mina comprit vaguement les mots « chauffard », « meurtre », et « folle ».

Elle regarda le policier.

Ce n’est pas ma faute, pensa-t-elle désespérément. N’y aurait-il jamais personne pour la croire ?



Elle le lui dit. Mais en même temps qu’il posait ses questions bêtes et sans signification, elle comprenait réellement ce qui venait de se passer. Elle avait tué Tamia. Point. Elle était une meurtrière. Point.

Une vague de nausée la saisit au ventre, et elle eut envie de vomir. Elle regarda le policier d’un œil trouble.

Lui, dans son conformisme de flic qui fait son boulot, ne s’aperçut de rien. Ainsi va la vie.



Encore cette phrase ridicule et dénuée de sens, nota-t-elle silencieusement. Vous êtes en état de choc. Ils ne savaient pas, ne pouvaient pas savoir, ce qu’elle ressentait à cette seconde précise.

Comment pouvaient-ils une seule seconde se douter de ses sentiments, ou plutôt du naufrage de ses sentiments ?

Machinalement, elle suivit le policier jusqu’à sa voiture de fonction. Il s’arrêta pour lancer quelques mots à ses collègues, qui récoltaient des témoignages de l’accident.

Un stupide, un inutile accident de la route.

Elle se mit à pleurer, doucement, et autour d’elle il n’y eut plus qu’un rideau mouvant d’ombres incompréhensibles.





Mina leva la tête et considéra les deux inspecteurs en face d’elle d’un œil morne. Le bureau où on l’interrogeait était très calme quand on considérait le vacarme qui régnait dans le commissariat, derrière la porte. C’était comme une bulle isolante, ici. Mais les deux paires d’yeux impersonnelles qui étaient rivées sur elle l’empêchaient définitivement de se sentir à l’aise. Et en sécurité.



Mais pas le système judiciaire, pensa Mina. Elle secoua la tête, et jeta un regard flou autour d’elle. Fort heureusement, rien dans cette pièce ne lui rappelait le sang ou la mort. Puis elle regarda les deux policiers.



Les deux hommes la regardèrent aussi, et elle devina qu’ils hésitaient. Enfin un minimum d’humanité. Mais elle allait bien. Tout à fait bien. Elle savait qu’elle avait les yeux rouges. Qu’est-ce que cela changeait ? C’était normal qu’elle pleure. Le docteur qui l’avait examinée avait dit qu’elle n’avait pas besoin de rester à l’hôpital, qu’il fallait qu’elle se repose chez elle.

Et qu’elle était en état de se faire interroger.

Ils devaient le savoir. Le docteur avait dû leur dire. Pourquoi lui demandaient-ils s’ils pouvaient lui poser des questions puisqu’ils devaient déjà le savoir ?



Mina les regardait toujours.



Les inspecteurs échangèrent un coup d’œil.



Mina soutint sans sourciller leurs regards inquisiteurs.



Les policiers se regardèrent à nouveau.



Les mains de Mina se crispèrent sur la bride de son sac.



Après une courte pause, l’autre policier reprit la parole, visiblement agacé.



Il y eut l’ébauche d’un sourire sur le visage las de Mina.



Elle s’arrêta.

Les inspecteurs se penchèrent vers elle comme un seul homme.



Elle garda le silence, les yeux baissés sur ses mains.



Elle soupira. Le chagrin et le remords creusaient son visage. Le visage de quelqu’un qui a la mort sur la conscience.



Elle hocha la tête, les yeux clos.



Mina se mordit violemment les lèvres, l’air bouleversé.



Mina regardait toujours ses mains. Lentement, deux larmes coulèrent parallèlement le long de ses joues pâles.



Les deux inspecteurs hochèrent la tête en même temps. Ils avaient l’air désolé. Pourtant Mina était certaine qu’ils la considéraient comme une meurtrière.



Mina pleurait doucement. Elle étouffa un sanglot avec sa main.



Les deux policiers semblèrent se consulter du regard, puis l’un d’eux s’approcha d’elle et passa un bras autour des épaules de la jeune femme, en un geste de réconfort.



Elle releva la tête avec lenteur. Son visage était baigné de larmes. Elle avait un regard de noyée.



Mina se leva péniblement, serrant son sac tout contre elle. Ses yeux étaient obscurcis d’un voile de détresse.



Elle pivota sur ses talons et sortit.




Mina ouvrit la porte de son appartement, entra, referma la porte. Puis elle resta immobile au milieu du vestibule, les yeux dans le vague.

Quelques minutes passèrent ainsi. Elle écoutait le silence de son appartement avec une résignation mêlée de tristesse. David n’était pas là. Il ne rentrerait probablement pas cette nuit. Comme d’habitude.

Mina sembla enfin reprendre vie et se dirigea résolument vers son living, où elle déposa sac et manteau. Le voyant rouge du répondeur clignotait. Dieu, qu’elle détestait cette couleur ! Avec un soupir, elle s’approcha du téléphone et appuya sur le bouton. Il y avait ses trois messages, laborieux et embrouillés, avertissant David qu’il s’était « passé quelque chose de très grave », et qu’elle était à l’hôpital aux urgences « s’il voulait la rejoindre ».

Piètres messages pour un piètre mari, sur un piètre répondeur. Seulement, David ne les avait pas écoutés. David n’était sans doute pas rentré de toute la journée.

Mina écouta le dernier message. C’était sa mère. Elle lui disait d’une voix contrite et inquiète qu’elle avait raté l’avion et qu’elle était désolée.


Parfait. Tout pour clore une merveilleuse journée. Tamia était morte. Dans une semaine, quand Mina retournerait au travail, Tamia sa collègue, sa meilleure amie, ne serait plus là pour l’accueillir.


Le sang.


« Je vais oublier tout ça pour l’instant. Plus tard peut-être je pourrai y repenser avec calme, mais pas maintenant. Il faut que je me reprenne en main, sans quoi je vais devenir folle ».


Mina avait toujours envie de pleurer, mais elle savait qu’elle allait mieux. Ses mains ne tremblaient plus.

Ne plus penser au sang.

Elle retourna dans le vestibule, ôta ses chaussures, voulut les ranger dans l’armoire. Se rendit compte qu’elles étaient tachées.

Se rappela.


Elle étouffa un cri, jeta violemment les chaussures très loin, qui rebondirent sur le carrelage avec un bruit sec et métallique. Elles étaient pleines de sang à moitié séché. La main plaquée contre la bouche pour ne pas hurler, les paupières rouges et gonflées, elle regarda la paire de chaussures avec une terreur sans nom.

Ce fut la sonnerie du téléphone, dans la cuisine, qui la tira du cauchemar où elle venait de sombrer. Elle se leva (car elle était tombée à genoux), se précipita dans la cuisine en faisant un large écart, plus que nécessaire pour éviter les chaussures, et décrocha le combiné mural.



Personne ne répondit au bout du fil. Brusquement, elle entendit un ricanement étrange qui éclata dans son oreille tel un ballon qui crève, la faisant violemment sursauter.

Cette fois elle hurla, le souffle raclant sa gorge, les deux mains lâchant le téléphone et s’abattant sur sa bouche pour insonoriser ce cri fantastique et inattendu.

Elle raccrocha très vite, hors d’haleine, tremblant de tous ses membres.

Son cœur battait follement dans sa poitrine. Elle n’entendait plus que ces battements sourds et irréguliers, et la panique – la peur – dévastait sa raison…


… puis peu à peu, elle comprit que ce n’était pas du sang qui débordait de la poubelle où elle avait jeté les chaussures – mais seulement un papier d’emballage rouge vif, un paquet de chips sans doute, et elle se rappelait l’avoir mis là-dedans le matin même.

Mina secoua la tête, se traitant de gourde, et se remit à peler ses tomates pour le dîner. C’était absurde. Elle venait de tuer quelqu’un, et elle préparait le dîner comme si rien ne s’était passé, comme si rien d’important ne lui passait par la tête. Et elle confondait des paquets de chips vides avec du sang visqueux.

Tout cela était ridicule.

Même s’il n’y avait personne pour l’observer (malheureusement), elle se sentait ridicule.

Elle soupira. Elle devrait se changer les idées. Sortir. Voir des gens. Ou regarder la télé.

Encore une fois, l’inconscience de ses pensées la fit frémir et elle eut envie de rire, hystériquement. Tamia était morte, bon sang, morte, et elle pelait des tomates en se disant qu’il fallait qu’elle voie du monde et s’amuse ! C’était incroyable…


Mina était seule dans un appartement vide, seule avec le cadavre de Tamia dans son esprit, avec le sang de Tamia, avec la mort de Tamia.

Le ronronnement de la pompe de l’aquarium la rappela à l’ordre. Elle regarda ses poissons rouges. Eux au moins ne découchaient jamais. Finalement, elle n’était pas tout à fait seule.

Comme si ses pensées étaient reliées ensemble et toujours fixées au même cercle vicieux, Mina se dit de nouveau qu’elle ne devrait pas rester seule alors qu’elle venait d’écraser sa meilleure amie.


En temps ordinaire, elle aurait justement appelé Tamia pour qu’elle la réconforte (combien de fois l’avait-elle fait aux premiers temps de son mariage, lorsque David ne rentrait pas de la nuit ?) et Tamia serait venue chez Mina, et elles auraient discuté pour faire passer le temps plus vite. Mais Tamia était morte et par ce fait, Mina n’était pas en temps ordinaire.

C’étaient plutôt des instants extraordinaires, qu’elle avait vécus aujourd’hui, des choses qui ne devraient pas se produire, des choses qui ne devraient pas exister, des choses étrangères à la logique et au raisonnement.

Qui avait inventé la voiture ? Pourquoi les gens traversaient-ils les routes sans regarder ? Qu’est-ce que Tamia foutait là ?


Mina pensa que ce n’était pas bien de rester dans son appartement à peler des tomates pour l’omelette du dîner, vu qu’en plus elle n’avait pas faim.

Toute seule.

Et terrifiée.

Le coup de téléphone lui revint en mémoire. « N’y pense plus, Mina, n’y pense plus », se répéta-t-elle. C’était seulement un pauvre crétin qui avait voulu lui faire une blague, tout simplement, et qui l’avait faite le mauvais jour au mauvais moment avec la mauvaise personne. C’est David qui aurait dû décrocher. Mais David n’était pas là. David n’était jamais là.


« N’y pense plus ». Elle n’y pensa plus…


Au contraire, autre chose d’aussi – sinon plus – épouvantable s’imposa à elle. Elle voyait le corps désarticulé sur le macadam, comme une vulgaire poupée de son, et tout ce sang, partout… sa vision se brouilla. Elle baissa les yeux. Et faillit s’étrangler, en même temps qu’un hurlement d’effroi jaillissait de sa gorge. Elle avait du sang sur les mains ! Elle était tellement terrorisée qu’elle resta sans bouger, comme une statue de pierre, à fixer ses mains rouges et dégoûtantes.


Après environ trois minutes de terreur et de pétrification totale, elle s’aperçut enfin qu’elle tenait toujours ses tomates dans les mains, et qu’elle avait encore été victime d’une hallucination.

Elle lâcha les tomates, comme dans un état second, et le bruit qu’elles firent au contact du carrelage lui fit irrémédiablement penser à un morceau d’organe plein de sang qui éclate sur le sol. Une violente nausée lui tordit le ventre, et monta dans sa bouche en effluves amers et étouffants. Elle se précipita au-dessus de l’évier et vomit, toussant, pleurant en même temps.


Quand elle se sentit en meilleur état, elle pivota sur ses talons et se rendit en titubant à sa chambre. Maladroitement, elle se déshabilla, baissa le store de la fenêtre pour calfeutrer la lueur de la pleine lune (ne disait-on pas que les rayons de la pleine lune propageaient des ondes négatives sur les êtres vivants et pouvaient être la cause de troubles organiques néfastes pour la santé ?) et écarta les draps de son lit. Ensuite, elle entra dans la salle de bain, contiguë à sa chambre, et se regarda dans le miroir. Elle avait les traits tirés, avec de grands cernes violets sous les yeux. Son visage était très pâle.


Et quand elle fit une rapide toilette, ses mains tremblaient de nouveau.


Comment pouvait-on perdre l’esprit en si peu de temps ? Comme elle aurait voulu que David soit là. Que Tamia ne soit pas morte. Ou alors, que ce ne fut pas elle la responsable de cette mort. Oui, c’était peut-être une réflexion dépourvue d’humanité, mais Mina aurait préféré apprendre la mort de son amie d’une façon étrangère.


Elle retourna dans la chambre, prit un pyjama dans l’armoire (cadeau de David), l’enfila et se dit qu’elle avait oublié de se laver les dents. Elle retourna dans la salle de bain, de sa même démarche chancelante, comme si elle était ivre. Elle avait l’impression d’évoluer dans un brouillard épais et confus. Tout était trouble autour d’elle, et les objets perdaient leur consistance devant ses yeux, leur contour comme effacé, dissipé par ce brouillard.

Arrivée dans la salle de bain après un court trajet extrêmement pénible, elle prit son tube de dentifrice, sa brosse à dents, et s’apprêtait à se les laver lorsqu’elle s’aperçut que ce dentifrice était de cette couleur qu’elle abhorrait, rouge sang.


Évidemment, c’était David qui avait fait les courses – exceptionnellement bien sûr – et il l’avait acheté à la fraise. Quel gamin ! Elle n’eut pas le courage de mettre ce… truc rouge dans sa bouche, et elle reposa tout, dentifrice et brosse à dents, avec un soupir las. Puis elle se rinça le visage à l’eau froide, se moucha, passa une serviette sur ses joues pour sécher les larmes qui persistaient à remplir ses yeux et à investir le coin de sa bouche de leur goût salé.


Elle resta un moment encore devant le lavabo, les yeux dans le vague, pensant au destin qui nous attendait tous, devenir fou ou mourir… peu à peu, un facteur extérieur parvint à trouver un chemin dans son esprit égaré, et elle pensa qu’elle avait froid aux pieds. Baissant les yeux, elle remarqua qu’elle était pieds nus. Où avait-elle bien pu mettre ses chaussons ? D’abord, tout simplement, les avait-elle enfilés ?

Elle ne s’en souvenait plus. C’était finalement très bizarre, cette mémoire qui s’obstinait à fuir et à se dérober. Par exemple, il y avait à peine quelques minutes, elle avait regardé son réveil dans sa chambre. Et elle ne se rappelait plus l’heure qu’elle avait pu y lire.


En ce qui concernait le mystère des chaussons disparus, il suffisait pour le résoudre de se rendre dans le vestibule et de les prendre dans le placard à chaussures. Mais Mina était bien trop fatiguée pour avoir la force de confirmer cette interrogation stupide qui consistait à se demander où on avait pu ranger ses chaussons. Aussi retourna-t-elle dans la chambre, se glissa dans son lit, regarda l’heure (20 h 05) et se plaça sur le flanc ; se refusant à éteindre la lumière de sa lampe de chevet.


Bientôt, elle coulait dans un sommeil agité et peuplé de cauchemars, pour finalement se réveiller brusquement une heure plus tard. Elle ouvrit les yeux et constata avec une horreur jamais ressentie qu’elle était dans le vestibule. Assise sur le carrelage froid et dur. Devant elle, ses chaussures tachées de sang se découpaient avec une précision inutile sur la couleur beige du couloir. Ses chaussures qu’elle se rappelait parfaitement avoir jetées dans la poubelle un peu plus tôt dans la soirée.


L’affolement la saisit, et elle se releva lentement, la gorge nouée par une peur insoutenable, ses yeux noyés de larmes terrifiées. Que faisait-elle dans le vestibule ? Qui avait sorti ces maudites chaussures de cette maudite poubelle, dans la cuisine ? Ce n’était pas elle, ce n’était pas possible, elle dormait ! Ou alors… Ou alors, elle était somnambule. Avec une lenteur exaspérante, elle alla chercher des sacs plastiques, revint dans le hall, pas rassurée du tout, tremblante de la tête aux pieds et se mordant convulsivement les lèvres.

Puis elle ramassa les chaussures avec les sacs, avec d’infinies précautions, entra dans la cuisine, jeta le tout par la fenêtre. Le lendemain, elle aviserait du comportement à adopter si quelqu’un reconnaissait ses chaussures au bas de l’immeuble. Pour l’instant, elle avait très peur et s’en souciait comme d’une guigne.


C’était étrange comme son corps avait du mal à se mouvoir normalement, alors que son cerveau lui ordonnait fébrilement de se dépêcher d’aller se recoucher. Elle vérifia avant tout que la porte d’entrée était fermée, que les fenêtres étaient closes, et un faible soulagement la submergea quand elle réalisa que personne n’avait pu entrer. Elle était donc somnambule. Elle se demanda si son comportement était après tout normal, si elle ne devrait pas appeler le docteur qui l’avait examinée dans la journée pour lui faire part de ses hallucinations. Mais comme elle n’avait jamais vécu d’expériences traumatisantes, comme tuer quelqu’un, elle ignorait complètement si son attitude n’était pas l’effet secondaire d’un choc.


Elle hésita, puis enfin se résigna à retourner au lit. Il était bientôt vingt et une heures trente. Il était encore tôt. Elle avait peur, et elle était toute seule. Peut-être aurait-elle dû rester à l’hôpital ? Peut-être était-elle devenue folle ?

Dans son lit, elle n’arriva pas à dormir toute de suite. Elle claquait des dents. Tels des oiseaux de mauvais augure, les pensées tournaient et retournaient dans sa tête, incohérentes et violentes. Tout brillait derrière ses paupières closes. Elle avait du mal à respirer. Sans s’en apercevoir, elle sommeilla, et les pensées continuaient à se cogner contre les parois de son cauchemar… elle revoyait la rue, le volant entre ses mains… elle entendait la chanson qui passait à la radio… You are so beautiful, my only love… it’s so beautiful… Puis la silhouette sur le trottoir… Silhouette qui court, qui court très vite… le choc, foudroyant, inattendu, épouvantable… et le sang…


Tamia est morte… ma collègue est morte….

J’ai froid. Elle est morte morte morte je l’ai tuée… J’ai mal j’ai froid… Un bruit dans la cuisine, quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Ce n’est pas ma faute, les policiers l’ont dit aussi… tu t’es quasiment jetée sous mes roues Tamia ! Qu’est-ce qui t’a pris ? Pourquoi as-tu fait ça alors que je fonçais sur la route ? Reste sur le trottoir Tamia, reste, non, NON ! C’est quoi ces bruits dans la cuisine ? Les poissons déménagent, je les entends, ils font leurs valises. Eux aussi ils vont découcher ? Je t’aimais tellement Tamia, tellement… Adieu poissons rouges… Tu déprimais Tamia tu déprimais ? Tu m’écoutais toujours parler de David mais que me disais-tu, tu ne me disais rien, tu déprimais ? J’ai freiné freiné mais tu étais morte, ce n’est pas ma faute Tamia ce n’est pas ma faute.

Si c’est ta faute. Tu m’as tuée


En hurlant, Mina se redressa dans son lit. Son corps était couvert de transpiration sous son pyjama. Elle était essoufflée et elle tremblait terriblement. Angoissée, elle fouilla sa chambre du regard, dans tous les sens. Avant de comprendre enfin que le téléphone sonnait dans la cuisine. Pourtant, elle était sûre que ce n’était pas cela qui l’avait éveillée, comme ce n’était toujours pas le téléphone qui l’avait fait hurler. On aurait dit qu’on lui avait parlé. « Je deviens complètement cinglée », pensa-t-elle en se levant laborieusement.


Elle était dans la cuisine et tendait la main vers le téléphone quand elle se rappela le coup de fil du petit plaisantin de tout à l’heure, qui avait éclaté d’un rire vengeur dans son oreille. Elle se raidit, serra les lèvres, incertaine, puis enfin décrocha le combiné et le porta à son oreille, la bouche sèche.



Le soulagement tomba sur elle comme une chape de plomb.



Mina se sentit très triste à cette nouvelle. Elle aurait voulu que sa mère soit là, elle aurait voulu parler à quelqu’un.



C’est ta faute. Mina déglutit nerveusement. Cette voix qui venait de traverser son crâne, c’était la voix douce, mais monotone, de Tamia. Non seulement elle était devenue complètement folle, mais en plus, elle avait très mal, dans son corps entier, et plus la conversation durait, plus elle avait mal. Que se passait-il ? Affolée, Mina appuya la tête contre le mur, sentant la transpiration ruisseler sous son pyjama. Ses mains étaient moites et douloureuses elles aussi. Mina fit un effort pour reprendre le fil de la discussion. Sa mère parlait toujours, de sa voix à la fois douce et inquiète.



Mina aurait voulu lui dire que David n’était pas là, qu’elle avait très, très mal, qu’elle était seule et terrifiée, et qu’elle avait froid, mais aucun son ne sortit de sa bouche, et sa mère raccrocha.

Il n’y eut plus que le bip continu et insupportable, dans le combiné, et Mina raccrocha à son tour, très lentement, pleurant de souffrance. Pourquoi avait-elle aussi mal au ventre, aux bras, dans son corps entier ?

Elle s’appuya un moment contre le mur, respirant difficilement. De gros points brillants et noirs à la fois lui cognaient dans les yeux comme des battes de base-ball. Bon sang, que lui arrivait-il ? S’était-elle finalement blessée dans l’accident ?


Elle se retourna, et c’est là qu’elle les vit.

Ses chaussons flottaient dans son aquarium.

L’eau était rouge. Rouge sang.

Pas traces des poissons qui originellement occupaient l’aquarium.


Comme si la terreur, au bout d’un moment, atteignait un point de non-retour, Mina resta immobile et silencieuse, les yeux braqués sur l’aquarium, incapable d’aligner une seule pensée développée et cohérente. Puis elle s’approcha, très lentement, regardant ses jolis chaussons bleus pleins de sang flotter dans l’eau écarlate. D’où venait tout ce sang ? L’horreur de la découverte avait du mal à se frayer un chemin dans sa tête. Beaucoup de mal. Mina ne réagissait pas.



Elle avança encore, trop désemparée et terrorisée pour raisonner correctement. Ce sang, tout ce sang…



C’est alors qu’elle sentit ses pieds entrer en contact avec quelque chose de tiède et liquide. Elle aurait pu se précipiter hors de l’appartement, refuser de croire, refuser de regarder ce dans quoi elle marchait, refuser l’évidence de la folie. Mais elle resta immobile, sut qu’elle était folle, et baissa les yeux pour se heurter à la vision d’une flaque de sang, sombre dans la pénombre de la cuisine. Ses pieds baignaient dedans. Là encore, elle aurait pu hurler et appeler police-secours, mais là encore, elle ne le fit pas.

Mina se sentait au-delà de la peur, au-delà de l’horreur. Elle se sentait simplement folle et stupéfaite. Pourquoi ses chaussons étaient-ils dans l’aquarium, comment les y avait-on mis, d’où venait tout ce sang, elle n’aurait su répondre à ces questions. Elle se contenta de nier la chose, de nier sa vision, et ses yeux suivirent malgré eux les traces rouges qui partaient de la flaque par terre. Des pas. Qui menaient à sa chambre.



Tout tournait autour d’elle. Le sol semblait fondre sur elle, les murs se rapprocher, l’aquarium se ruer vers le sol. Elle comprit qu’elle allait s’évanouir. Alors elle vint prendre appui au chambranle de la porte, les yeux fixes et grands ouverts, puis elle baissa la tête et s’obligea à respirer profondément, calmement. C’est à ce moment précis, au moment où son vertige disparaissait, qu’elle eut une nouvelle révélation. Elle comprit d’où venait ce sang. C’était le sien.


Bien sûr. C’était logique que le cauchemar continue ainsi. C’était vraiment logique. Silencieusement, elle examina l’étendue des dégâts. Ses mains étaient couvertes d’entailles profondes et inexplicables. Elle se demanda pourquoi elle ne les avait pas vues avant. Ses pieds aussi. Elle s’examina, la respiration de plus en plus pantelante, frisant l’hystérie. Son pyjama de soie autrefois gris perle était rouge sur la majeure partie du vêtement. C’était donc du sang qu’elle avait senti sous son pyjama dès qu’elle s’était éveillée, pas de la transpiration.

Tout son corps saignait.


Mina éclata brusquement en sanglots et courut jusqu’à sa chambre. La moquette était imbibée de traces de sang. Ses draps également. Elle en avait mis absolument partout. Malgré la douleur extrême qu’elle éprouvait dans chaque partie de son corps déchiqueté, Mina enleva son pyjama souillé (ce n’était pas facile car ses mains étaient assaillies de soubresauts) le mit dans de l’eau froide, dans la salle de bain. Puis elle tenta de faire le vide dans son esprit survolté et épouvanté tandis qu’elle ôtait ses draps du lit, en mettait des propres, lavait le carrelage et la moquette (le sang resta sur la moquette), jetait ses chaussons trempés dégoulinants eux aussi. Puis elle s’inspecta, nue, devant le miroir.


Et poussa un cri pitoyable.


Tout son corps était douloureux, couvert d’entailles comme ses pieds et ses mains.

D’où venaient ces coups… de quoi ? De couteaux ?

Quelqu’un l’avait poignardée ?!

En poussant des plaintes douloureuses, Mina se traîna dans le couloir, jusqu’au vestibule. La porte était toujours fermée, les verrous tirés, la chaîne de sécurité enclenchée. Personne n’avait pu entrer. Elle fit péniblement le tour de l’appartement. Personne n’y était caché. Les fenêtres, toujours closes.

Personne n’avait pu entrer !


Alors Mina fit halte sur ses pensées, prit une douche, se lavant consciencieusement, agitée de tremblements convulsifs. Lorsqu’elle eut fini, elle s’enveloppa dans un grand peignoir qui appartenait à David – David qui n’était toujours pas rentré – revint dans la cuisine, prit le téléphone et fit le numéro du docteur qui lui avait conseillé d’appeler si elle avait des problèmes.


Elle avait des problèmes.


Au bout de huit longues sonneries, elle entendit une voix pâteuse à l’autre bout du fil.



Curieuse expression.



Il y eut un silence. Puis le docteur parla d’une voix beaucoup plus éveillée.



L’homme paraissait stupéfait, et soudain très inquiet. Elle était très inquiète aussi.



Autre silence.



Et il raccrocha. Mina se dit que c’était lui qui devrait se calmer. Elle, malgré tout, se sentait assez calme. Façon de parler.

Aussi faible qu’un nouveau-né, elle réussit à se tirer jusqu’à sa chambre, percluse de douleurs. Avant de retourner au lit, elle prit soin de fermer la porte de sa chambre à clefs, et de coincer une chaise sous la poignée.

Elle agissait comme dans un rêve. Peut-être en était-ce un ? Peut-être allait-elle se réveiller et découvrir que tout ceci n’était qu’un cauchemar ? Elle se mit au lit très doucement, pour ne pas réveiller plus encore ses douleurs et ses plaies. Le peignoir commençait à être taché de sang lui aussi.

La joue contre le matelas, elle gardait les yeux fixés sur la porte, essayant de penser à autre chose d’agréable. Leur lune de miel. La nuit de leurs noces. Elle s’était acheté un déshabillé rose comme il aimait. Oui, elle se rappelait, à présent, le déshabillé rose, et le champagne, David qui rit doucement et qui lui raconte une blague, David qui lui dit qu’il l’aime si fort et…


Tu m’as tuée


Avec un sursaut, Mina fut tirée de ses pensées par une voix surnaturelle. Elle se redressa immédiatement, le souffle coupé. Le bruit de voix cessa.

Son regard se porta brutalement sur la porte.

Elle était grande ouverte.


Mina se leva lentement, en proie à une terreur indicible. Elle laissait échapper de tout petits cris terrifiés, comme un animal en cage. À pas prudents et mesurés, le corps frissonnant d’effroi, elle se rendit dans son entrée et voulut ouvrir la porte. Il fallait avertir les voisins, ce n’était pas possible ! Un maniaque s’était sûrement infiltré chez elle !


Mais elle eut beau retirer le verrou, la chaîne de sécurité, tourner la clé, la porte ne s’ouvrait pas. Elle cogna des mains et des pieds, faiblement, contre le bois, appelant à l’aide, pleurant à gros sanglots terrifiés. Quelque chose bruissa alors derrière elle. Elle se retourna d’un bloc, les yeux hallucinés, voilés. Il faisait noir dans la cuisine, mais elle crut voir quelque chose bouger. Très doucement. Près de l’aquarium. Elle poussa un gémissement effrayé, bondit jusqu’à sa chambre en quatrième vitesse malgré les souffrances que cela engendrait.

La chaise était toujours renversée près de la porte. Cependant, la clé avait disparu de la serrure. La jeune femme la chercha fébrilement, les yeux baignés de larmes. Le bruit de frottement un peu flasque se rapprochait, il était dans le couloir. Elle abandonna la recherche de la clé, claqua la porte, poussa tant bien que mal la commode devant la porte. Écoutant le silence de son appartement. Plus rien.



Évitant de regarder le sang sur la moquette, elle s’assit sur le lit, frémissante de peur. Que faisaient les urgences ? Elle regarda le réveil. Elle avait appelé le docteur il y a seulement vingt minutes. S’il y avait de la circulation, c’était normal que l’ambulance ne soit pas encore là.

Claquant des dents, elle se coucha, sans quitter des yeux la porte. Malgré sa profonde angoisse, elle finit par sommeiller encore une fois. Une rumeur de voix cruelles et démoniaques la ramena à l’instant présent.

Tamia lui parlait ! Tu m’as tuée Mina. Tu vas payer.

Ouvrant brusquement les yeux, Mina s’assit, se bouchant les oreilles, et bondit hors du lit. Les voix venaient de son matelas !



Il n’y avait personne dans la chambre ! Et pourtant, quelqu’un parlait, toujours la même voix, celle de Tamia !



Secouée de sanglots déchirants, elle se jeta dans la salle de bain, s’enferma, essayant de se persuader que tout allait bien.



Elle s’aspergea le visage d’eau froide, s’essuya rapidement avec une serviette, évitant du regard son pyjama rouge, encore, et croisa son reflet dans le miroir. On aurait dit une morte. Elle était blême. Ses lèvres semblaient presque bleues, gercées. Ses yeux, trop grands, trop sombres dans son visage émacié.

Elle ne supporta pas la vision de ce visage ravagé, et plongea de nouveau la tête sous le jet d’eau du robinet. Quand elle se sentit à peu près mieux, elle se redressa. Mais ce n’était plus son reflet, dans le miroir au-dessus du lavabo.

Une figure blanche, diaphane presque. Des yeux noirs sans fond, noirs comme la fin du monde. Une bouche rouge et éclatée, avec des dents pointues. Des cheveux blonds emmêlés, couverts de sang. Un crâne fracassé, la cervelle dégoulinant le long de la nuque et du cou, mêlée au sang séché…

C’était Tamia.


Les yeux écarquillés, Mina fixa cette image atroce et cauchemardesque, se sentit carrément verdir, crut que son cœur cessait de battre définitivement. Et cette odeur de pourriture…

Une main au poignet cassé se leva, tenant une lame pleine de sang. Tamia souriait, d’un sourire horrible, sans lèvres. Les yeux noirs étaient comme fous, démoniaques.



Dans un cri, Mina se retourna brusquement. Il n’y avait personne derrière elle, et son regard ne lui renvoya que la blancheur du mur carrelé de sa salle de bain. On cognait furieusement contre la porte de la chambre, contre les murs. On l’appelait, des voix qui venaient du fond de l’enfer.

Elle sortit en hurlant de la salle de bain, perdant irrémédiablement la raison.


Elle hurlait encore lorsqu’elle sut au plus profond d’elle-même comment elle pouvait sortir de sa folie. En effet, comment combattre des esprits ?

Elle prit son élan et se jeta contre la fenêtre, insensible à la douleur. Il y eut un bruit de verres qui cassent, la lune ricanait là-haut dans la nuit sombre, puis il n’y eut plus que le vide, sous elle, tout autour d’elle…



« Bon sang, mais qu’a-t-elle coincé derrière cette putain de porte ? » pensa David, et lorsqu’il entendit le hurlement de terreur, dans la chambre, de l’autre côté de la porte fermée, et le bruit de verre, il sentit son sang se glacer dans ses veines. Que se passait-il ? Pourquoi Mina hurlait-elle ?

Un autre bruit, insolite, pénétra dans son cerveau submergé par la panique. Renonçant à appeler Mina, à contrecœur, il se précipita dans la cuisine, glissant au passage sur des tomates écrasées, sur le carrelage. Il décrocha rapidement le téléphone :



Derrière David, des policiers et des ambulanciers entraient en trombe dans le vestibule. Il les regarda avec stupéfaction.



David reposa doucement le combiné sur sa fourche, coupant la parole et la communication à l’inconnu ; puis il regarda les policiers d’un air infiniment désespéré. Ils attendaient tous sa réponse. Fronçant les sourcils.



S’il avait bien compris.