Le jet stratosphérique Boston-Paris se posa à l’aéroport Charles de Gaulle une heure après avoir quitté la Nouvelle-Angleterre. Lizzie McCormick posa enfin le pied sur le sol français. Francophile convaincue, elle rêvait de ce voyage depuis des années. Il lui avait fallu attendre Harvard et son sujet de thèse pour que son espérance devienne réalité. Son séjour était payé par le gouvernement américain, auquel elle avait réussi à vendre les futures conclusions de son travail de recherche. Elle était bien décidée à profiter du mieux possible du temps qu’elle passerait sur cette terre de romantisme, et notamment de mener à bien son étude très personnelle sur les mérites comparés des amants français et américains. Elle pénétra dans la salle des arrivées et scruta les personnes présentes à la recherche de son hôte.
Thomas Dubois regardait la file interminable des mille deux cent quarante passagers que n’en finissait pas de déverser le couloir des arrivées. À chaque fois qu’il voyait une femme seule franchir la porte, il brandissait la pancarte mentionnant le nom de son invitée, espérant que l’Américaine ne soit pas le laideron en jupe orange ou l’obèse en survêtement. Son cœur fit un bond quand il vit une belle jeune femme brune aux cheveux longs, habillée d’un pantalon moulant et d’un chemisier très échancré, lancer un regard interrogateur sur l’assemblée. Pourrait-elle être celle qu’il attend ? Il agita le panneau dans sa direction. La jeune femme se dirigea vers lui.
- — Miss McCormick ?
- — Oui.
- — Thomas Dubois, je suis l’envoyé du ministère. Bienvenue en France.
- — Merci. Je suis très heureuse de fouler enfin le sol de votre pays.
- — Vous parlez très bien le français.
- — Je l’ai étudié très longtemps. J’aime beaucoup la France.
- — Eh bien, j’espère que la France sera digne de l’amour que vous lui portez.
Je vais tout faire pour, ajouta-t-il intérieurement.
- — Mon administration n’a pas été très explicite sur la nature de votre mission, et par conséquent de la mienne. Je sais juste que je dois vous montrer tout ce que vous demanderez à voir, et vous expliquer tout ce que vous demanderez à comprendre. Pouvez-vous m’en dire un peu plus, Miss McCormick ?
- — Bien sur, c’est très simple. Mais peut-être pouvons-nous nous asseoir pour en discuter ?
- — Oui évidemment. Suivez-moi, nous disposons d’un petit salon privé où nous serons à l’aise.
Le jeune fonctionnaire se fraya un passage parmi la foule des arrivants et des personnes venues les accueillir, ouvrant la voie pour sa charmante invitée. Une fois dans le couloir, ils purent marcher côte à côte. Ses yeux ne purent s’empêcher de plonger régulièrement dans le décolleté qui cheminait à sa gauche. Ils parvinrent enfin au lounge réservé aux personnalités, où ils s’installèrent confortablement l’un en face de l’autre.
- — Je vous écoute, Miss McCormick.
- — Tout d’abord, appelez-moi Lizzie. Nous allons passer quelque temps ensemble, nos relations seront moins formelles de la sorte.
- — Soit. Vous pouvez m’appeler Thomas.
- — Merci. Eh bien, Thomas, je suis étudiante en économie. Je prépare actuellement mon doctorat à l’université de Harvard, Massachusetts.
- — Félicitations.
- — Mon sujet de thèse est celui qui me passionne depuis des années : la France. La France est en passe de devenir la locomotive économique du monde occidental. D’un petit pays frappé de lourds handicaps, sclérosé par tant de rigidités socio-économiques, vous vous transformez année après année en puissance incontournable, alors que les États-Unis s’enfoncent de plus en plus dans la récession. Je veux comprendre les raisons de cette success-story .
- — Ah, c’est donc ça. Eh bien, je vais vous expliquer. Mais je vous préviens, vous risquez d’être surprise !
- — Surprenez-moi, Thomas, surprenez-moi !
En disant cela, elle croisa les jambes. Thomas eut soudain un flash, l’image d’une scène d’un très vieux film où l’actrice principale, assise face à plusieurs hommes en salle d’interrogatoire, dévoile fugacement son intimité en faisant ce même mouvement. Il regretta que Lizzie ne soit pas vêtue d’une jupe plutôt que d’un pantalon. Il chassa bien vite cette pensée de son esprit, il était en mission pour le ministère, pas en séance de séduction.
- — Bien, commençons par le commencement. Replaçons-nous au début des années 2010. Le monde occidental connaissait sa plus grave crise économique depuis celle de 1929, qui avait particulièrement touché votre pays, Lizzie. Je me souviens avoir lu à ce sujet dans ma jeunesse un très vieux, mais néanmoins excellent, livre The grapes of wrath de votre compatriote John Steinbeck.
- — C’est devenu un classique chez nous, encore plus depuis quelques années.
- — La crise de 2010 était bien plus grave que celle de 1929, en ce sens qu’elle annonçait la fin du modèle économique dont 1929 marquait le début. L’économie occidentale était basée sur une richesse que l’on a longtemps cru inépuisable, le pétrole. Dans les années 2000, on a commencé à prendre conscience de sa raréfaction. Ou plutôt du renchérissement de son prix. Car du pétrole, il y en a toujours aujourd’hui, votre pays est bien placé pour le savoir. C’est simplement son coût d’extraction qui a explosé, car il ne jaillit plus, il faut le pomper à des profondeurs de plus en plus grandes.
Lizzie McCormick écoutait attentivement son interlocuteur. Thomas Dubois ne put s’empêcher d’être troublé par la beauté des yeux verts qui le fixaient. Il se concentra du mieux qu’il put, et continua son exposé.
- — Nous avons senti alors que nous étions à la croisée des chemins. Soit nous continuions dans la même voie, nous condamnant à alourdir toujours plus la facture énergétique, soit nous développions d’autres solutions, pour défricher une nouvelle route. Votre pays a choisi la première solution, s’assurant à coups de dollars la continuité de son approvisionnement en or noir. La France n’avait pas les moyens de cette surenchère, nous avons donc commencé à réfléchir autrement.
- — Ah, c’est là que cela devient intéressant ! s’exclama l’Américaine avec l’air d’un enfant à qui l’on a promis un bonbon.
- — Par ailleurs, notre pays était confronté à d’autres problèmes d’ordre économique ou social. L’agriculture souffrait de surproduction que l’on essayait d’étouffer à coup de subvention, les banlieues s’enflammaient au gré des voitures que l’on incendiait, la menace du chômage rendait nos concitoyens moroses et timorés, les dépenses de santé explosaient un peu plus chaque année, le financement des retraites devenait un problème insoluble. Tous ces problèmes aboutissaient au même résultat : les Français avaient le moral au plus bas. Nous étions devenus un pays triste, paralysé par la peur de l’avenir.
Si elle continue à me regarder comme ça, je vais lui sauter dessus ! pensa Thomas.
- — Alors nous avons décidé de chercher une solution globale à tous ces problèmes. Nous avons tout mis sur la table et joué aux candides. Nous avons avancé des scénarii, nous nous sommes autorisés à dire « Et si… ». Rapidement nous avons compris quel axe de travail nous devions suivre : le bien-être de nos concitoyens, remonter le moral des troupes. Quand le moral va, tout va ! Quand on veut, on peut !
- — Et ça a marché, vous avez trouvé des solutions ?
Le fonctionnaire abandonna l’air sérieux et professionnel qu’il s’imposait depuis le début de l’entretien, et afficha un large sourire.
- — Oui. Mais je pense que maintenant, le mieux est que je vous montre.
- — Avec plaisir, je suis là pour ça !
- — Alors, allons-y ! Je vous expliquerai au fur et à mesure.
Il se leva prestement et tendit la main à son invitée pour l’aider à faire de même. Celle-ci s’en saisit. Le bref contact de sa peau provoqua un frisson d’excitation chez Thomas.
- — Nous allons rejoindre Paris. Le moyen le plus pratique est de prendre le MGV.
- — Le MGV ? Qu’est-ce que c’est ?
- — Le Métro à Grande Vitesse. C’est l’ancien réseau R.E.R que nous avons adapté pour y transférer la technologie du TGV, que vous connaissez, bien que vous vous obstiniez à ne pas vouloir l’acheter.
- — Oui… Vous voulez dire que votre métro roule à 300 km/h ?
- — En effet. 27 kilomètres nous séparent de la station Châtelet-Les Halles. Nous allons les parcourir en cinq minutes.
- — C’est impressionnant. Mais… ça sert à quoi ?
Thomas regarda Lizzie d’un air étonné. Elle n’était vraiment pas dans l’état d’esprit qui convenait. Il faudrait qu’elle adopte un mode de pensée moins conformiste si elle voulait venir à bout de sa thèse. Sans cela, elle n’était pas au bout de ses surprises.
- — Mais à beaucoup de choses, ma chère Lizzie. Cette décision relativement simple et facile à prendre a résolu beaucoup de problèmes.
- — Ah ?
- — Oui. Où habitez-vous, Lizzie ?
- — Dans la banlieue de Boston, pourquoi ?
- — Combien de temps mettez-vous pour aller à l’Université ?
- — Ça dépend de la circulation, ça oscille entre trois-quarts d’heure et une heure et quart.
- — Environ une heure, donc. Matin et soir, c’est-à-dire deux heures par jour. Deux heures par jour que vous ne passez ni chez vous, ni à travailler. Et quand vous partez le matin, vous êtes heureuse de passer une heure dans les bouchons ?
- — Non, bien sûr. Je préférerais habiter à côté de la fac, mais je n’en ai pas les moyens.
- — Bien, vous avez tout compris. La diminution importante du temps de trajet a eu plusieurs effets. En premier lieu, les gens ont récupéré du temps pour eux. On estime en moyenne à une heure et demie par jour le temps économisé. Ce temps gagné a été réparti entre travail et famille. Le temps de travail a été augmenté d’une demi-heure par jour, sans travail supplémentaire à effectuer. La conséquence immédiate a été une diminution du stress au travail, car les salariés disposent de plus de temps pour réaliser leurs tâches. L’heure restante a été accordée aux familles. Les parents passent ainsi plus de temps avec leurs enfants et sont moins pressés le matin pour les emmener à l’école ou chez la nounou.
- — C’est intéressant !
- — Je ne vous le fais pas dire ! Deuxièmement, les banlieusards ont pu quitter la banlieue, s’éloigner de Paris. La population est désormais mieux répartie sur le territoire autour de la capitale, jusqu’à cent cinquante kilomètres. Le prix de l’immobilier étant moins élevé dans ces régions, les familles ont pu mieux se loger. Le gouvernement a entrepris depuis quelques années une politique de démolition systématique des immeubles en banlieue. C’est la fin des cités, et donc des problèmes qui y étaient liés. Le ministère des Transports travaille actuellement sur l’augmentation de la vitesse du MGV pour autoriser une couverture encore plus large du réseau.
- — Impressionnant !
- — Troisièmement, l’augmentation de la vitesse du métro a permis d’accélérer la fréquence des rotations. Avec plus de trains, nous avons des rames moins chargées. La cohue des heures de pointe est un mauvais souvenir désormais. Chaque passager a une place assise.
- — Well done !
- — Désormais la grande majorité des personnes vivant dans cette région dispose d’une maison avec jardin, ce qui a un autre avantage que je vous expliquerai ultérieurement. Le résultat de cette politique est l’amélioration phénoménale du bien-être des personnes. Fini le « métro-boulot-dodo », le stress des transports, les cadences inhumaines au travail, le blues du dimanche soir. Le moral de la population est remonté en flèche !
Le regard de Lizzie sur le Français changea. Elle était arrivée emplie malgré elle du sentiment de la supériorité américaine, regardant avec condescendance un petit pays folklorique. Elle était en train de s’apercevoir que ce pays n’était pas seulement une attraction touristique, mais qu’il y avait peut-être réellement des idées à piocher, des exemples à suivre.
Leurs pas les avaient conduits jusqu’à la station de MGV. Thomas invita Lizzie à monter dans la rame. Ils s’assirent face à face, à côté d’une fenêtre. Le train démarra. Les deux premières minutes du trajet se déroulèrent en surface avant que le métro ne plonge dans un tunnel. L’Américaine regardait le paysage avec curiosité.
- — Dites-moi Thomas, quelles sont ces grandes cheminées que l’on voit sur chaque maison ?
- — Ah, c’est notre solution antipétrole !
- — C’est ça votre solution pour vous passer du pétrole, vous vous chauffez au bois ?
Thomas éclata de rire.
- — Non, ce ne sont pas des cheminées ! Ce sont des tubes à effet Venturi.
Un regard d’incompréhension interrogative se lut dans les beaux yeux verts.
- — Vous ne savez pas ce qu’est l’effet Venturi ?
- — Non, je n’en ai pas la moindre idée !
- — C’est très simple. Vous savez que l’air chaud monte, n’est-ce pas ?
- — Oui, bien sûr.
- — Si vous avez une cheminée chez vous, vous avez pu remarquer qu’il y a du tirage dans le conduit même quand vous ne faites pas de feu.
- — Oui, je suis obligée de fermer la trappe pour éviter le courant d’air.
- — Plus le conduit de cheminée est haut, plus il y a de différence de température entre le haut et le bas, plus le courant d’air est important. L’air est naturellement aspiré vers le haut. L’effet Venturi, c’est l’accélération de la vitesse d’écoulement de l’air quand la section du tuyau diminue.
- — Oui, et…
- — Et nous avons profité de ce phénomène naturel, connu depuis des siècles, pour placer dans ce tube des turbines électriques. Pour les maisons individuelles la hauteur du toit n’est pas suffisante, nous sommes obligés d’y accoler un tube plus haut. Mais pour les immeubles c’est directement intégré dans la structure lors de la construction. Nous équipons le ou les tubes d’autant de générateurs que nécessaire pour que le bâtiment puisse produire l’électricité dont il a besoin. Aujourd’hui chaque maison, chaque immeuble est énergétiquement autonome. Nous n’avons plus besoin de construire des centrales de production électrique, nucléaires ou à énergie fossile, puisque les besoins centraux ont considérablement diminué.
Le train s’immobilisa.
- — Ah, nous sommes arrivés. Bienvenue à Paris, Lizzie !
- — La capitale du romantisme… J’espère que j’aurai le temps de jouer un peu les touristes pendant mon séjour !
- — Je vous servirai de guide, si vous voulez.
Lizzie regarda Thomas. Tout compte fait, sous des abords de fonctionnaire méticuleux, il avait un petit côté séduisant. Il pourrait bien être d’agréable compagnie pour des moments de loisir.
- — Pourquoi pas ? Si cela ne vous dérange pas. Il ne faudrait pas que votre femme me reproche de vous voler à elle…
- — Je ne suis pas marié ! Je vis seul, s’empressa-t-il de répondre, content de voir qu’elle s’intéressait à sa disponibilité.
Un silence un peu gêné s’installa entre eux. Au bout de quelques secondes, Thomas s’éclaircit la voix et reprit.
- — Mais en attendant, nous avons encore beaucoup de choses à voir.
- — Oui, sûrement…
- — Je vous propose d’illustrer mes propos par une visite à l’hôpital, nous y trouverons tout ce que je veux vous montrer. L’Hôtel-Dieu est à deux pas, allons-y. De plus, nous pourrons joindre l’utile à l’agréable, il est situé sur l’ile de la Cité, devant la Cathédrale Notre-Dame. Et nous passerons par l’Hôtel de Ville pour y aller. Ce sera un peu une balade touristique.
Ils sortirent de la station de métro et se dirigèrent vers la Cité. Lizzie ouvrait de grands yeux pour ne rien perdre du paysage, de l’architecture, des monuments qui s’offraient à elle. Elle oublia complètement pendant la durée du trajet la raison de sa venue. Thomas se garda bien de la lui rappeler et s’employa à faire le guide. Les yeux de la jeune femme brillaient d’excitation. Elle était à Paris, enfin. Son émoi fut à son comble quand ils furent arrivés sur le parvis de Notre-Dame.
- — C’est ici qu’a vécu Quasimodo, n’est-ce pas ?
- — Oui, dans ces tours. Et ce sont les pavés que vous foulez actuellement qu’a arpentés Esmeralda. D’ailleurs, je pense qu’elle vous ressemblait, belle à faire tourner la tête de tous les hommes !
Lizzie rougit sous le compliment, et ne sut que répondre. L’émotion d’être dans ce lieu mythique, les avances d’un homme, la ville des amoureux, tout cela lui tournait la tête. Thomas constata son trouble et décida d’en profiter. La visite qu’il s’apprêtait à lui faire faire lui en donnerait l’occasion.
- — Mais revenons à nos moutons. Ou plutôt à nos vaches.
- — Pardon ? Je ne connais pas cette expression.
- — Je vous rassure, ce n’en est pas une. Entrons à l’hôpital.
Ils franchirent les quelques mètres qui les séparaient de l’entrée du centre de soins. Thomas exhiba sa carte du ministère devant le cerbère de service, qui immédiatement s’effaça pour les laisser passer.
- — J’ai évoqué au début de notre entretien les problèmes que rencontrait l’agriculture des années 2010. Nous étions confrontés à des surproductions dans tous les domaines, les céréales, les oléagineux et surtout le lait. La politique agricole de l’époque coutait des milliards aux finances publiques, car nous payions les agriculteurs pour qu’ils réduisent leur production. Le comble de l’absurde, vous en conviendrez !
- — Oui, quand l’État se substitue au marché, c’est toujours absurde !
- — C’est votre façon de voir les choses, très… américaine. Nous avons pour notre part essayé de trouver une solution globale à ces problèmes. Et le résultat a dépassé nos espérances ! Venez voir par ici.
Le fonctionnaire entraina l’étudiante vers un escalier qui descendait aux niveaux inférieurs. Ils le descendirent et se trouvèrent face à une lourde porte que Thomas ouvrit. D’un geste il invita son hôte à entrer, savourant par avance sa surprise. La jeune femme pénétra dans le sous-sol et s’arrêta brusquement, interloquée.
- — Des vaches ! Qu’est-ce que des vaches font ici ?
- — De la chaleur, Lizzie ! Vous avez devant vous la nouvelle génération de chaudière basse température !
L’Américaine se retourna vers lui, et plongea son regard dans celui du jeune homme.
- — Quand je vous ai demandé de me surprendre, je ne pensais pas que vous y arriveriez aussi bien ! Vous pouvez m’expliquer ?
- — Bien sûr, je suis là pour ça, non ? Le lait sort des pis de la vache à 39 degrés. Il passe dans un circuit de récupération sur lequel il y a un échangeur thermique. Les calories sont transférées par cet appareil vers le fluide caloriporteur qui circule dans les radiateurs de l’hôpital. Tous les bâtiments collectifs, et beaucoup de maisons individuelles, celles qui disposent d’un jardin notamment, sont équipés de la sorte. Plus besoin de pétrole pour se chauffer !
- — C’est très ingénieux ! Mais ça ne résout pas le problème des céréales et des oléagineux.
- — Si. Ces surfaces de culture ont été reconverties en prairie. Il faut bien alimenter en foin toutes ces vaches !
- — Vous m’impressionnez, Thomas !
- — Et ce n’est pas fini ! Les vaches produisent des bouses, des quantités énormes de bouse. Nous les récupérons, les mélangeons au lait et laissons fermenter l’ensemble. La fermentation produit de l’éthanol que nous utilisons comme carburant. Nos voitures roulent à la bouse de vache ! Le rendement de ce carburant un peu spécial est très faible en comparaison de celui de l’essence, mais cela n’a aucune importance puisque ce mélange est produit en quantité phénoménale. Aujourd’hui, chacun fabrique son propre carburant à volonté, avec ce que lui donnent sa ou ses vaches. Peu importe que la consommation soit le triple de celle du gasoil ! Là encore, plus besoin de pétrole !
Lizzie McCormick était désormais admirative. Elle n’imaginait pas que ces petits Français avaient pu être aussi ingénieux et imaginatifs. En même temps elle mesurait le chemin qu’il restait à parcourir à son pays pour appliquer le même type de mesures. Sa thèse n’allait pas être si facile à rédiger, et sa crédibilité de chercheuse risquait d’être mise à mal. Mais elle repoussa ces considérations à plus tard, il serait bien temps de s’en préoccuper à son retour.
Thomas affichait un sourire radieux. Il avait pu constater le changement dans l’attitude de Lizzie depuis son arrivée, les différents stades par lesquels elle était passée pour arriver à ce qui ressemblait maintenant à une admiration sans bornes. Le regard qu’elle portait sur lui, le messager, le professeur, avait suivi une évolution similaire. Le fruit avait mûri, il allait bientôt être bon à cueillir. Il fallait maintenant passer à la dernière étape.
- — Bien Lizzie, il nous reste un grand sujet à aborder, le principal, la véritable clé de la réussite française.
- — Qu’est-ce que c’est ?
- — Je vais vous montrer. Montons dans un service de soins.
Thomas invita Lizzie à le précéder dans l’escalier. Il put tout à loisir apprécier la rondeur ferme du fessier de l’Américaine qui se balançait voluptueusement devant ses yeux. L’excitation commença à le gagner.
- — Tenez Lizzie, prenez à droite, le service d’oncologie.
Lizzie s’exécuta. Ils pénétrèrent dans un long couloir de part et d’autre duquel s’ouvraient les chambres des malades du cancer. En passant devant une porte ouverte, elle écarquilla les yeux. Elle s’arrêta pour mieux voir, et instinctivement se recula un peu pour ne pas être vue.
La scène qui se déroulait devant ses yeux était tout simplement incroyable dans un tel lieu. Une femme nue debout à côté d’un lit était en train de pratiquer une fellation à un patient allongé. En regardant plus attentivement, Lizzie aperçut aux pieds de la femme une blouse. C’était une infirmière ou un médecin. Le patient gémissait de plaisir sous la caresse buccale. La femme s’arrêta de sucer et prit le membre dressé en main. Elle commença une vigoureuse masturbation, et s’adressa au patient.
- — Ça va mieux, monsieur ?
Celui-ci lui répondit par un signe de tête qui l’encourageait à continuer. L’infirmière varia la vitesse et l’intensité de son mouvement. Le patient hocha la tête en guise d’encouragement. Elle continua encore quelques instants, suivant les indications gestuelles de l’homme allongé. Enfin, une longue coulée de sperme jaillit, que le patient accompagna d’un borborygme.
Lizzie s’empressa de quitter son poste d’observation pour ne pas être découverte, et rattrapa Thomas qui ne s’était pas aperçu de son arrêt. Elle était très gênée d’avoir aperçu cette scène, et d’avoir violé l’intimité du couple en l’épiant. Elle n’osa pas en parler à son guide.
- — Bien, Lizzie, avant d’entrer dans cette salle, dit Thomas en désignant la porte devant eux, il faut que je vous explique deux ou trois choses.
- — Je vous écoute, répondit Lizzie, toujours troublée par ce qu’elle venait de voir.
- — Nous sommes dans le service d’oncologie. Même si le cancer est une maladie bénigne, il peut générer quelques douleurs persistantes. C’est un bon exemple de notre nouvelle politique en matière de santé. Cette politique tient en deux mots.
- — Qui sont ?
- — Sexe et placebo !
Les joues déjà rosies de Lizzie virèrent d’un coup au rouge.
- — Je… je demande votre pardon ? bégaya-t-elle, perdant un instant sa maîtrise de la langue.
- — Sexe et placebo. Vous savez ce qu’est l’effet placebo, n’est-ce pas ?
- — Oui… oui.
- — Le pouvoir de l’esprit sur le corps. Quand on pense que l’on va guérir, on guérit, même sans médicament. N’importe quel médecin vous dira, à l’inverse, que quand un malade a cessé de se battre, il est impossible de le soigner.
- — D’accord. Mais… pourquoi le… sexe ?
- — Connaissez-vous l’endorphine, Lizzie ?
- — Non.
- — C’est l’hormone du plaisir, sécrétée par l’hypophyse lors de l’effort physique, de l’excitation sexuelle et de l’orgasme. Elle est également produite naturellement en réaction à la douleur. Et savez-vous quelle est sa propriété la plus remarquable ?
- — Je n’en ai pas la moindre idée…
- — C’est un analgésique opiacé ! Exactement comme la morphine. Cela veut dire que le corps est capable de s’administrer lui-même un antidouleur comparable à la morphine.
- — Attendez, vous êtes en train de me dire…
- — Que nous avons érigé l’orgasme comme remède universel ! Et ça marche !
Lizzie comprit tout à coup la nature de la scène qu’elle avait surprise quelques instants plus tôt.
- — Tout à l’heure, j’ai vu dans une chambre une femme nue faire une… un… enfin, faire du bien à un malade.
- — C’était une infirmière qui administrait son traitement à un patient. Avait-il l’air de souffrir ?
- — Non, pas du tout, au contraire !
- — Eh bien vous voyez, c’est efficace. Aujourd’hui le paracétamol, l’ibuprofène et la morphine ont pratiquement disparu des rayons des pharmacies. Les patients se soignent eux-mêmes en se faisant un petit plaisir. La formation des médecins et infirmières a été légèrement modifiée pour intégrer cette nouvelle forme de prise en charge de la douleur. L’effet secondaire de tout cela, c’est que comme nos concitoyens sont désormais épanouis sexuellement, ils ont le moral au beau fixe et ils sont moins malades, ils ont moins d’arrêts de travail et l’économie se porte mieux. Le cercle vertueux, en quelque sorte. Nous avons économisé des milliards d’euros de dépenses de santé, dont nous avons pu réaffecter une partie au financement des retraites.
- — Donc, plus on fait l’amour, mieux le pays se porte ! Je sens que j’aime de plus en plus la France !
- — Je ne peux que vous y encourager, chère Lizzie ! Je pense que vous êtes prête maintenant à entrer aux « Soins intensifs ».
Il poussa la porte devant laquelle ils s’étaient arrêtés, et fit signe à Lizzie d’entrer. Cette dernière, déjà émue par sa vision précédente, était désormais excitée à l’idée de ce qu’elle pourrait découvrir dans cette salle. Thomas l’avait très bien ressenti, il espérait avec cette ultime étape porter le coup de grâce à ses défenses. Elle entra.
Huit lits étaient disposés dans la grande salle. Tous étaient occupés, par cinq femmes et trois hommes. À côté ou sur chacun des lits se tenaient une ou deux infirmières qui s’occupaient d’apporter intensivement des soins à leur patient. Des râles de plaisir se faisaient entendre de tous côtés.
- — Avancez, Lizzie. Tenez, venez par ici, venez voir ce cas intéressant.
Thomas posa sa main sur les reins de la jeune femme et la dirigea vers le deuxième lit. Une patiente était allongée, nue, dans une position très indécente. Une infirmière, nue également, avait la tête enfouie entre les jambes largement écartées. Une autre, dans la même tenue, caressait les seins. Thomas entreprit d’expliquer, sans retirer sa main.
- — L’intensité des soins dépend de l’intensité de la douleur. Il est parfois nécessaire d’être à deux professionnels pour apporter le réconfort nécessaire. Cela dépend aussi de la sensibilité et des préférences sexuelles du patient. Cette femme, par exemple, doit aimer par-dessus tout le cunnilingus. Mais c’est le cas de beaucoup de femmes, je crois…
- — En effet, Thomas, cette pratique est particulièrement agréable, répondit Lizzie dont le bas-ventre commençait à sérieusement chauffer.
- — D’autres préfèrent la stimulation des doigts, comme cette femme là-bas.
En disant cela, il fit glisser sa main sur les fesses de l’Américaine, qui presque aussitôt se cambra pour mieux profiter du contact. Thomas avait maintenant une érection qui commençait à devenir douloureuse, comprimée comme elle l’était dans son pantalon de costume.
- — Vous sentez, Lizzie, l’effet de l’endorphine commencer à se faire sentir ?
- — Un peu… Vous parliez de formation médicale pour la libérer plus facilement…
- — En effet, j’ai moi-même suivi un cours de secourisme élémentaire où j’ai appris les techniques de bases. La première chose est d’identifier les zones déclencheuses chez le sujet atteint.
- — Et comment faites-vous cela ? dit-elle en se penchant en avant et en écartant les jambes.
- — Soit par tâtonnement, soit sur indication du patient, répondit-il en glissant sa main dans l’entrejambe de la jeune femme.
- — Et quand vous procédez par tâtonnement, comment savez-vous que vous avez trouvé le bon endroit ?
- — Par les réactions du patient, Lizzie. Mais très souvent les vêtements sont un obstacle à cette identification.
- — Il est donc préférable de les ôter, pour le bien du malade, déduisit-elle en déboutonnant son pantalon.
- — Certes, la réponse aux stimuli est bien meilleure de la sorte, confirma-t-il en faisant de même.
L’infirmière qui léchait avec application le sexe de sa patiente releva la tête. En bonne professionnelle de l’aide aux personnes, elle identifia tout de suite que le couple à côté d’elle avait besoin de ses services. Elle se releva et aida ses voisins à se débarrasser de leur pantalon et sous-vêtements respectifs. Elle fut immédiatement remplacée par sa consœur qui vint prendre place entre les jambes abandonnées.
La queue enfin libérée de Thomas se dressa fièrement sous les yeux de l’infirmière. Celle-ci, n’écoutant que son devoir, la prit goulûment en bouche. Thomas insinua ses doigts dans la fente abondamment lubrifiée de Lizzie.
- — Certaines femmes n’aiment que la stimulation du clitoris, continua-t-il en joignant le geste à la parole.
- — Ouiii, beaucoup sont très sensibles à ce niveau-là.
- — D’autres préfèrent la pénétration d’un ou plusieurs doigts, dit-il en en enfonçant vigoureusement deux dans le vagin largement ouvert.
- — Et certaines aiment les deux en même temps…
Lizzie se rapprocha doucement du lit voisin où une infirmière embrassait l’homme qui y était allongé. Le sexe de celui-ci était insolemment tendu vers le visage de l’Américaine. Cela lui fit l’effet d’une glace qui ne demande qu’à être léchée, ce qu’elle fit sans plus attendre. Le patient poussa un gémissement qu’on ne pouvait pas prendre pour de la douleur.
L’infirmière suçait toujours la queue bien raide de Thomas, qui se félicita de l’excellence de la formation du corps médical français. Cette petite pompait divinement bien. À ce rythme-là il ne tiendrait pas longtemps. Le cul de Lizzie devant ses yeux lui faisait terriblement envie. L’étudiante américaine mouillait comme une fontaine et il avait une furieuse envie de la pénétrer. D’un geste de la main, il intima l’ordre à l’infirmière d’arrêter la délicieuse fellation qu’elle lui prodiguait avec application. Celle-ci obéit sans dire un mot et s’en alla aider un autre patient.
- — Attention Lizzie, vous allez bien sentir l’endorphine ! la prévint-il.
Thomas saisit Lizzie par les hanches et s’enfonça brutalement en elle. Elle laissa échapper un petit cri de surprise puis reprit bien vite en bouche le membre avide de succion.
Un long cri masculin, synonyme d’éjaculation, se fit entendre dans la salle. L’infirmière qui avait mené à bien sa distillation d’endorphine se redressa à la recherche de nouvelles douleurs à soulager. Elle vit la femme se faisant prendre en levrette tout en suçant la bite d’un patient. Elle se dit que sa douleur devait être bien grande pour nécessiter autant de soins et résolut de lui apporter un complément de soulagement. D’un mouvement très professionnel, fruit d’une longue pratique en milieu hospitalier, elle vint se placer entre les jambes de Lizzie et entreprit de lui apporter du réconfort à coups de langue sur le clitoris, comme on lui avait enseigné à l’école d’infirmière.
Thomas était surexcité par la vision plongeante qu’il avait derrière lui sur le sexe de la soignante, allongée les jambes écartées entre les siennes. D’une pression des mains sur les hanches de Lizzie, il la fit se baisser un peu, facilitant par là même les soins linguaux, et lui donnant accès à l’entrejambe de la consciencieuse. Tout en continuant à labourer l’Américaine à grands coups de queue, il plongea deux doigts dans le vagin de l’allongée et se mit à la branler frénétiquement.
Lizzie fut contrainte de libérer le sexe du patient de sa prison buccale pour exprimer tout à loisir sa prise de conscience de la montée de son taux d’endorphine. Elle continua néanmoins à prodiguer ses soins à l’aide de sa main droite. La queue de Thomas en elle, la langue de l’infirmière sur son bouton et le sexe vibrant de plaisir dans sa main provoquèrent bientôt un tsunami d’analgésique opiacé que ses neurotransmetteurs, par le biais de ses cordes vocales, accueillirent avec un puissant cri rauque.
La stimulation auditive de l’orgasme de l’Américaine provoqua l’éjaculation simultanée du fonctionnaire et du patient. Les trois corps se retrouvèrent noyés d’endorphine et celui de Lizzie, accessoirement, de sperme.
Satisfaite du résultat obtenu, l’infirmière se releva et demanda doucement à l’oreille de l’étudiante.
- — Vous vous sentez mieux, Madame ?
Lizzie lui répondit par un soupir. Après avoir repris ses esprits, Thomas remit son caleçon et son pantalon de costume, en digne représentant d’une administration sérieuse. Il s’adressa à Lizzie, toujours affalée tête sur le lit et cul en l’air.
- — Alors Lizzie, que pensez-vous de la nouvelle France ?
L’Américaine se redressa, sembla réfléchir quelques instants et déclara :
- — Hmmm… je crois que je vais m’y installer !