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n° 13543Fiche technique8492 caractères8492
Temps de lecture estimé : 6 mn
27/10/09
corrigé 31/05/21
Résumé:  Comment l'informatique complique nos relations.
Critères:  fh telnet humilié(e) jeu humour -internet
Auteur : Samuel            Envoi mini-message
Quoimagueule.com

Ils s’étaient rencontrés sur le site Quoimagueule.com. Une fraîcheur juvénile avait teinté leurs premiers dialogues :



  • — Moi sait Roland et toi ?
  • — Moi ses Roberte. Ses incroillable comme coinsidance !
  • — Quoi ?
  • — On commanche tout les 2 par Ro si je comprand bien.
  • — Ah oui, j’avais pas remarké.


Puis Roland s’était fait plus pressant :



  • — Alors ?
  • — Alors quoi ?
  • — Ben, quantesqu’on…
  • — Con quoi ? Con se voie ?
  • — Ben oui, faut commenser par se voir. Sa fé déjà 3 mois kon est un peu comme des cons devant un ordinateur.
  • — Oui, mé on peut pas non plu…
  • — Quoi je ne té pas plu ?
  • — Si, non, j’ai pas di sa. Je disé qu’il faut pas se préssipiter. Envoi-moi une foto de toi fraiche.
  • — Tu ve dire que je sui pas frais ?!
  • — Non, la foto que je voudrai qu’elle soye fraiche. Ressente si tu préfair.


Et Roland avait envoyé une superbe photographie qu’avait prise de lui sa belle-sœur alors qu’il était en plein travail pendant un barbecue. On le voyait saisir à pleines mains les saucisses et les chipolatas, un torchon sur l’épaule, sous le regard admiratif d’un gamin en trottinette rouge et d’un chien toute salive dehors. On sentait combien Roland avait du charme et une virilité qui ne demandait qu’à s’exprimer si les circonstances s’y prêtaient. Quelques jours plus tard, le dialogue reprit :



  • — La foto est shouette, mais je trouve que t’a un peu de vantre. Bon, c’est pas les sentiels.
  • — Mais non, sait la foto qui déconne. Moi, j’ai pas un grammme de bide!
  • — Si, un peu kand m’aime.
  • — Sur ta foto à toi, je pe en dire moi aussi si je ve. Parske on voi pas trot si tas de la poitrine.
  • — Je te redi que c’est pas les sentiels. Les sentiels pour moi, ses un omme qui même.
  • — Oui, mé alor on commenche kan ?
  • — À quoi ?
  • — À s’aimer !
  • — Si tu as pa aimer la foto, je sest pas quoi panser.
  • — J’ai pas di chat. J’ai dit que on croirreait que tu n’as pas trot de poitrine.


Il faut dire que Roberte avait envoyé une photographie décorative où elle était bien mise en valeur. Elle s’était prise elle-même dans sa chambre devant sa coiffeuse. Elle avait soigneusement bouclé sa chevelure léonine, mais c’est vrai qu’elle n’avait pas pensé à gonfler un peu les poumons. Mais le couvre-lit d’un rose vif et superbe, sur lequel étaient précautionneusement posées des poupées en véritable porcelaine auraient dû attirer l’œil de son amoureux et lui montrer qu’il avait affaire à une future femme de goût. De fait, Roberte se demandait s’il avait reconnu en arrière plan le poster de Mike Brant ou s’il était complètement inculte.


Un jour, devant son écran, Roland fut surpris par une initiative de la jeune femme :



  • — Si, par example, je di bien par example, on se trouves par example dans la m’aime chembre, questceque tu ferez par example? Répon-moi sinserrement.
  • — Je demanderez dabord combien coutte la chembre, parske si sait un hotel 7 étoiles par example, je pourrai pas payer,
  • — Non, mais admeton que ses gratuit, par example.
  • — Si sait gratuit, je dirai merci dabord.
  • — Ses bien, tu es poil.
  • — Je sui à poil ?
  • — Non, j’ai male écrit tu es poli, je ve dire.
  • — Toi aussi, tu es à poil ?
  • — Non, je ve dire POLI. Je m’ai trompé de laittre.
  • — Bon, ben, on fait l’amour et on range bien tout, surtout qu’on a pas péyé. Faut rendre la chembre propre kand m’aime.


Bref, nos tourtereaux s’entendent assez bien, mais cette communication par clavier interposé commence à leur peser. Pourtant Roberte ne se résigne pas et elle veut en savoir plus sur son chevalier servant avant de le rencontrer physiquement. Elle insiste et le dialogue devient plus intime.



  • — Décrit moi ta tenu.
  • — Un joli corp sage bleu, une jupe originale avec des motifs de plage : cokiyages, mouets, crevets et toiles de mer.
  • — Et dessous ?
  • — Tu es un vilun obsaidai. Jai des dessous normo et blanc ;
  • — Aujour d’aujour d’hui, on va fair un jeu.
  • — Da kor.
  • — Je te donne desordre et tu va mobéir.
  • — Da kor. Pour moi, ses plu simple.
  • — Alor enlaives tes dessous.
  • — Mais j’ai rien sous mes dessous !
  • — Justemant.
  • — Bon da kor, mai seulemant si ses un je.
  • — Ouais, jt’ai dit que oui. Tu la fait ?
  • — Oui, mais si kelkun sans doute ?
  • — Prend un craillon et écrit sur ta po, juste au-dessus de ta foufounette : trou à prendre.
  • — Ses sur que ses toujour un je ?
  • — Oui, bien sur.
  • — J’arrive pas à écrir à lanver. C’est impossible, s-truc la !
  • — Tu veux que j’arrive le fer ?
  • — Oui, ca sra plus facile.
  • — Donne ton adress.


Et c’est avec ce simple stratagème que Roland réussit à savoir où se trouvait la maison de sa promise. Il arriva avec un gros stylo à encre noire. Et il prit un immense plaisir à écrire sur la peau satinée de sa bien-aimée : TROU À PRENDRE. Il hésita même à mettre le pluriel à trou, mais il ne se souvenait plus très bien des règles de grammaire. (Ne fallait-il pas un x à trou ?) Puis il dit à Roberte qu’il fallait donc s’employer puisque c’était écrit : à prendre. Elle demanda s’il s’agissait toujours du même jeu et il la rassura. Je passe sur les détails d’une scène d’amour romantique à souhait. Et quelques jours plus tard, la conversation électronique reprit :



  • — Di don, je mé lavé et impossible sa ne part pas! Ses de l’ancre un des débiles !
  • — Ses pas grave. Ses pas une rézon pour me tréter de débile.
  • — Si parske j’ai un vizite médicinale demain.
  • — Merde, il faudrait écrire : Trou plus a prendre.
  • — Tu rigoles ou koi? Qu’estke j’fais ?
  • — Tu explike que sait un jeu.


Effectivement, Roberte devait passer une visite médicale pour commencer un nouveau travail. Elle y alla, rouge comme une tomate. Le jeune médecin examina d’abord la poitrine avec un certain plaisir. Puis il lui demanda de se déshabiller. Roberte resta inerte, comme un mannequin de cire. Il insista, et elle se résolut à se dévêtir en faisant entendre d’immenses soupirs. Le médecin resta interloqué à son tour quand il découvrit l’inscription et il se persuada que cela avait été fait à son intention. Elle essaya bien de lui expliquer, mais elle s’embrouilla. Autant elle était à l’aise à l’écrit, autant elle avait toujours été calamiteuse à l’oral. Elle était trop timide. Et ce qui devait arriver arriva… Le pire, c’est que cela se reproduisit dans la même journée à la piscine avec un nageur un peu curieux et à la plage avec un nudiste culotté. À peine rentrée chez elle, Roberte fit chauffer le clavier :



  • — PAR TA FÔTE, jé été bézée par un toubid, un nageur, et même par un nudist. Tu t’rend conte : un tipe tout nu !!! Kelle indéchance !
  • — LES SALOPS ! Je vé leur kasser la guueule, moi ! Et toi, tu pouvez pas expliker le k ??!! Le mieu est décrire à la suite : AVANT LE 5 OUT. Voilà comme ça on resolut tout : TROU A PRENDRE AVANT LE 5 OUT. Comme on est déjà le 10 out, rien à péter.
  • — Mé il y plus la place !
  • — Mé si tu te rase, il y a la place.
  • — Me rasais là !
  • — Ben quoi, sait moderne. Demande autour de toi.
  • — Da kor, mé il faudrait peutaitre mettre l’année, parske lan prochun, ca va recommencait.