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Temps de lecture estimé : 32 mn
04/12/09
Résumé:  Un parcours pour le moins folklorique et pimenté, que je fis à pied, à cheval et en voiture...
Critères:  fh fhh grossexe plage bain voyage exhib fellation cunnilingu pénétratio journal -roadmovie -fhh
Auteur : Annie-Aime      Envoi mini-message
Mes aventures sur « Paris - Dakar »

Cette année-là je pris encore une bâche au bac, c’était il y a longtemps, du temps du franc. J’allais avoir 20 ans.



D’autres persiflèrent, bavant que j’aurais soi-disant plus de goût pour les garçons que pour les études. Des ragots bien sûr et puis j’avais des excuses, une enfance perturbée, une famille monoparentale et tout le toutim. Mes parents étaient séparés depuis des années. Je vivais chez ma mère dans une cité de la banlieue parisienne. Mon père venait de s’installer à Dakar où je devais le rejoindre pour le temps des vacances.


Quand le paternel me parla de son projet, je ne fus pas tout à fait enthousiaste, c’est le moins qu’on puisse dire. À cette époque je draguais Séba, le garçon de mes rêves, un nouveau dans le quartier, guigné par toutes les filles du coin. Les donzelles n’attendaient que la bonne occase pour me le chiper. Ce n’était pas le moment de lâcher le morceau, les chipies n’en auraient fait qu’une bouchée. Je fis des pieds et des mains pour que mon père accepte d’accueillir mon petit ami. En revanche, je ne parvins pas à le convaincre de cracher pour le billet d’avion. Il refusa obstinément de payer et les parents du garçon ne voulurent pas non plus.


Ma mère cassa sa tirelire, mais ça faisait pas bésef et il me gênait bougrement de la mettre sur la paille. Entre-temps une alternative prit corps dans ma caboche. Une idée bête, toute simple : faire notre « Paris Dakar » personnel parce qu’apparemment, il était parfaitement possible de nous carapater à pince, à cheval, à bicyclette, à moto et en voiture ou n’importe quoi pourvu que ce soit avantageux.


Insouciante, inconsciente, je l’étais assurément, beaucoup plus que Séba, casanier par nature et lequel n’envisageait pas sans crainte une telle aventure. Je récapitulai maintes fois nos atouts : n’avions-nous pas un peu d’argent, du temps et du courage ? La méthode Coué n’a plus à prouver son efficacité. Je sapai à l’usure les réticences de mon compagnon. Quant à l’itinéraire, qu’il voulut mieux connaître, je lui sortis ma mappemonde et traçai du doigt au plus droit : France, Espagne, Maroc, Mauritanie et Sénégal. Pas moyen de faire plus simple ni plus court.


Peu de gens dans notre entourage donnèrent des conseils pertinents. Si les avis au regard de notre projet furent souvent négatifs, les raisons invoquées n’étaient pas claires ou alors convenues, prudentes, timorées. Des arguments de vieux, du genre à vous faire rentrer dans le rang, qui offensèrent mon entendement et défièrent mon esprit d’aventure sans jamais l’entamer le moins du monde. Au contraire, mes intentions gagnèrent en force, en conviction.



Les rares personnes plus sensées ou mieux informées arguèrent les dangers pendant la traversée d’une région troublée au sud du Sahara occidental, à partir de Dakhla (ex Villa Cisneros). Mais les employés du consulat du Maroc à Paris démentirent un alarmisme excessif, si bien que j’avais beau jeu pour contrer la circonspection de mon compagnon. Pour les parents ce fut un peu plus difficile. Quant aux formalités administratives, j’vous dis pas la chienlit.


Nous partîmes un beau matin, trois jours avant la fête nationale. Il faisait beau, il faisait chaud. Nous marchâmes d’un bon pas, le ciboulot dans les étoiles et le cœur plein d’allégresse. La chance fut avec nous. Le stop marcha d’enfer. Dix jours plus tard, nous étions à Dakhla (prononcez Dark-la), une petite bourgade sans relief, sise au bord de l’océan et entourée de tous côtés par les sables du désert.


On dit que les caractères se dévoilent dans les grandes circonstances. Je découvris Séba durant ces dix jours. Ce que je prenais pour une timidité sympathique m’apparut de plus en plus comme une irritante apathie. Ce garçon manquait singulièrement de nerfs et de couilles aussi. Un vrai pleutre, difficile de trouver pire. Sans parler qu’il était fragile, toujours un pet de travers. Et question cul, c’était pas vraiment ça non plus. S’il pouvait tromper son monde en régime de croisière, il ne tenait plus la route quand on passait la surmultipliée. Il faisait des manières, avait des pudeurs, se voulait discret. Tous ces chichis me gonflèrent un max. À l’évidence, il n’était pas un bon coup. C’était un naze.


Dakhla s’avéra être un cul-de-sac, un mélange d’enfer et de paradis au bout du monde. Côté paradis, j’eus tout loisir d’étrenner mon petit bikini. Côté enfer, je rongeai mon frein. Les liaisons étaient inexistantes entre Dakhla et Nouadhibou (ex Port Étienne) en Mauritanie. Les rares véhicules autorisés refusèrent de nous charger. Nous languîmes trois jours durant, suppliant les nantis et priant notre bonne étoile, en pure perte. Au terme du troisième jour, nous eûmes vent d’une caravane en partance pour les chemins du désert, transportant des ors de pacotille et autres camelotes à Nouadhibou.



ooo000ooo



Du sable, des dunes, des crêtes serpentant ici et là et là aussi, à perte de vue. Combien de jours à ce régime ? J’en avais perdu le compte et me laissais porter par mes pensées.


Je rêvassais. La caravane chevaucha un moment la crête, longea le versant abrupt, puis se laissa glisser de guingois sur le versant à faible déclivité pour rejoindre le fond de la vallée. Par contraste, le sol y était plus ferme, latéritique, caillouteux même, avec de temps en temps une maigre végétation, sèche et dérisoire. Rêve ou réalité ?


Les dunes et les vallées alternèrent ainsi jour après jour devant mes yeux, devant mes pas. J’avançai, somnambule parmi les somnambules tandis que la caravane traçait son chemin de son allure paisible. Nous marchions au pied de nos montures plus souvent que sur elles. Des dromadaires, une vingtaine de têtes, la plupart lourdement chargés. Trois chameliers s’intercalaient à intervalles réguliers entre les bêtes tandis que leur chef ouvrait la marche.


Il y avait du danger disait-il, les mines, les brigands, les rebelles, mais fort heureusement nous ne vîmes rien de tout cela et j’aurais sans doute pu croire qu’il galéjait, n’eût été les carcasses de véhicules et les cratères. Il y avait aussi ce parfum de sincérité qu’exhalaient ses récits.


Il conta qu’une fois, le dromadaire qu’il montait sauta sur une mine. La bête s’écrasa le ventre au sol, blatérant à mort, les membres écartelés dans tous les sens. Elle agonisa des heures avant qu’il ne se décide à l’achever. Lui s’en tira indemne.


Parfois des ossements blanchis, des crânes d’animaux, d’humains aussi, à moitié avalés par le sable, témoignaient de quelques autres drames dont notre hôte nous narrait pareillement les horreurs.


Tayeb Ould Sneiba était son nom, plus communément appelé Si Tayeb, le Si marquant la note de respect, imparfaitement traduite en français par le titre Monsieur. Ce Monsieur ne nous accepta pas d’emblée. Il nous fallut vaincre ses réserves avant qu’il consente à nous prendre dans sa troupe. Je suis convaincue qu’il ne céda qu’à cause de moi, parce que j’étais une femme. Le Monsieur était sensible au charme féminin et je n’hésitai pas à user du mien, quitte à en rajouter une couche pour le séduire. La suite nous donna maintes opportunités de mieux nous connaître. Pour autant, l’homme se montra toujours d’une exquise correction. Jamais il ne tenta d’abuser même quand nos jeux flirtaient sur des musiques pas du tout innocentes.


Comment imaginer la promiscuité qui prévaut dans les campements du désert à la belle étoile ? Il y a tant d’espace. Ben non ! On dort les uns à côté des autres sinon les uns sur les autres autour du feu mourant, dans un cercle dont la surface est sans doute inférieure à celle de votre cuisine. Pas un pet, pas un rot, pas un soupir, et à plus forte raison une étreinte, rien n’échappe à la sagacité des uns et des autres. Séba en perdait tous ses moyens. Pas une fois il ne me toucha durant les onze jours que dura notre périple de Dakhla à Nouadhibou.


Pourtant, ce n’était pas faute de l’asticoter, mais rien n’y fit, son machin restait désespérément flasque et mon compagnon finissait par me repousser. Mes tentatives malheureuses n’échappèrent pas à Si Tayeb. Mille fois, pas moins, je surpris son regard de braise quand je refaisais surface, pointant le périscope hors de la couverture. Jamais il ne détourna les yeux. Sa pupille brillait, j’y puisai un regain d’énergie et pour le narguer, replongeai à l’ouvrage.


Une fois, en pleine nuit, je le surpris reluquant mon cul découvert parce que la couverture avait glissé. Je réprimai mon réflexe et me figeai, immobile, cédant à l’envie d’aguicher le bonhomme. En bonne hypocrite, je le fis sournoisement, le surveillant en douce, mimant la môme endormie. J’étais passablement émoustillée. Plus excitée même que le jour où je ferrai Séba. Je mouillai ma culotte et regrettai presque de l’avoir gardée pour dormir. J’aurais voulu être nue, offerte à la convoitise de ce pirate du désert. L’homme n’était certes plus de prime jeunesse, mais il gardait une belle prestance, plus que mon poltron de compagnon. Je ne pense pas néanmoins que cela fut suffisant pour déclencher l’alchimie de ces instants magiques. Il y avait autre chose, il y avait forcément autre chose.


La nuit elle-même était magique et le pouvoir des elfes sans limites. Je les savais à l’œuvre depuis ce moment étrange quand le disque rouge dissout la ligne d’horizon. Dès lors, c’était eux qui prenaient possession des lieux, de mon esprit et de mon corps tout entier.


Si Tayeb s’approcha, droit, souple et silencieux, auréolé par la lumière des étoiles. Je l’aurais suivi s’il me l’avait demandé, mais il ne fit rien de ce genre. Son but était plus noble. Il se saisit de la couverture et m’en recouvrit, masquant ces atours que je brûlais de lui offrir.


Séba un poltron, difficile à croire, n’est-ce pas ? En France, je le pressentais déjà, mais cela m’attendrissait plutôt et à dire vrai je m’aveuglais quant à la portée de ses faiblesses. J’avais tort, à l’usage c’est horrible. Ce couard ne voulait pas même m’escorter pour pisser. Il avait encore plus peur que moi de l’obscurité, des scorpions, des vipères à cornes, des mines et tutti quanti. Il m’eut bien vu m’exhiber à la vue de tous pour s’éviter la corvée et ne point trop s’éloigner. Je suis persuadée qu’il fut plutôt soulagé et en tout cas il ne regimba pas quand Si Tayeb proposa de me chaperonner, clamant à la cantonade qu’il n’en faisait pas moins pour sa fille.


Me voyait-il comme sa fille ? Je n’y crus pas trop. Du reste, les lueurs de convoitise qu’il me sembla déceler malgré l’obscurité me rassurèrent tout à fait quant à ma féminité. Nos écarts ne durèrent jamais plus que nécessaire, mais parfois l’émotion me tétanisait tant que je n’arrivais plus à pisser. À force de concentration, je parvenais à faire le vide dans ma tête pour me détendre et oublier la présence masculine autant que les lasers infrarouges probablement pointés sur la partie dénudée de mon anatomie. Il m’en coûtait d’éteindre mon fantasme alors qu’il prenait du piment, mais c’était le prix à payer pour vider ma vessie.


Une fois, alors que j’en avais fini avec mon petit pissou, et que je m’apprêtais à revenir vers le camp, je surpris mon cerbère accroupi dans une pose assez comparable à celle que nous prenons pour uriner. C’est la coutume chez les hommes de ce pays. Je le savais et ne m’en étonnais plus, mais au moment ma curiosité était tout autre.


Dès que je vis l’ombre ainsi tassée sur elle-même, mes pensées partirent en vrille dans mon cerveau. Tous mes neurones prirent l’affût, appâtés qu’ils étaient par une espérance lubrique autant que loufoque. Je brûlais d’apercevoir cet appendice typiquement masculin, qui parait-il distingue les mâles entre eux aussi bien qu’une empreinte digitale. Disons, pour faire digne, que j’attendais un phénomène qui pouvait ne pas être ordinaire. Pour mon dépit, je fis à peu près chou blanc ou tout comme, parce que je ne pus que supputer. La vision fut plus que fugace bien que j’écarquillai tout grand les yeux. La nébuleuse informe était trop massive pour ne pas m’impressionner et trop indistincte pour me satisfaire. Je revins au camp, quelque peu hallucinée, la tête bourrée d’images débridées.


Au retour de ces apartés plus coquins que coupables, l’homme qui avait de la verve, du verbe et du talent, nous émerveillait de quelques récits. Ses histoires racontaient la vie d’une époque révolue quand la paix régnait et que le commerce florissait.


Il lui arriva un jour, commença-t-il ce soir-là, de croiser une autre caravane avec laquelle il dressa campement commun. L’autre chef avait une fille, jeune et jolie, de laquelle il tomba follement amoureux. Le mariage fut scellé sur-le-champ, et consommé dans la nuit. Le lendemain chacun reprit sa route. Il n’entendit plus parler de l’épousée du désert pendant vingt ans. Puis un jour, il reçut une dame.



Le chef Si Tayeb prétendit qu’il donna droit à ladite requête. Son fils fit de brillantes études dans une école prestigieuse à Madrid.


Histoire vraie ou fausse ? Il se récria quand on douta. Mais il y avait plus, quelque chose que je ne pouvais étayer autrement que par l’intuition, je pressentis la déclaration subliminale derrière le propos. Déclaration redondante, car le regard brûlant du chef dénonçait déjà son désir tout autant que le message codé. Je devinai qu’il aurait volontiers célébré une autre union de ce genre. La vanité gonfla ma poitrine. Ce soir-là, je l’aurais suivi au bout du monde s’il avait seulement pris ma main.


Après quelque temps, je ne comptais plus les jours ni le temps. Je n’en avais plus la force. Du reste, à quoi bon ? Mon esprit avait commuté sur pilotage automatique, programme économie d’énergie, en vue de survivre une heure de plus, un pas de plus, une dune de plus, une crête de plus, une vallée de plus. Le soir venu, je m’affalais sur le sable à côté de Séba, laissant égoïstement les autres préparer seuls le campement. Il n’y avait plus guère que le chef pour être capable de secouer ma morne morosité et cette sorte de flemme qui m’amollissait tout entière.


Ou bien quelque vision nouvelle qui tranche fondamentalement dans cet horizon certes grandiose, mais foncièrement monotone.


Ce que j’aperçus l’après-midi du lendemain était de cette nature. Le soleil était haut. L’horizon disparaissait derrière un halo luminescent au travers duquel j’entraperçus la silhouette d’un village. Celui-ci m’apparut d’abord un peu à la manière d’un mirage puis de plus en plus précis au fur et à mesure que nous approchions. Bientôt je discernai les cases, de formes circulaires, bâties en pierres sèches sur plus d’un mètre de hauteur. Les toitures avaient disparu. Le chef m’apprit que nous traversions des ruines Almoravides datant du XIe ou XIIe siècle. Les vestiges s’étendaient sur un espace considérable. Ces traces, témoignages d’une humanité passée, soulevèrent chez moi une émotion indicible.


Mais que dire de ma stupéfaction quand je vis à mes pieds cet océan de verdure niché dans les profondeurs mystérieuses et que rien jusqu’alors ne permettait de soupçonner ? En contrebas des ruines du village, une faille profonde et large abritait cette oasis, laquelle étalait une canopée immense, uniformément verte, riche, lumineuse, pleine de vie, contrastant avec l’univers minéral qui était notre quotidien depuis une éternité. Le contraste était si radical que j’en restais bouche bée. À tant côtoyer le sable et la pierre, je ne savais plus ce qu’était la vie. J’avais le paradis sous les yeux, pas moins ! Mais je n’en croyais simplement pas mes yeux.


D’un seul coup, je ressentis la vie, la vigueur et la force qui se réappropriaient mon corps.


Le chef raconta l’histoire, l’épopée et les prouesses. Ces gens en bas étaient sa famille. Nos pas foulaient son domaine. Il nous guida le long d’une passe pentue, étroite, dangereuse et après une bonne heure d’efforts nous évoluâmes enfin à l’ombre des palmiers, parmi les jardins, le long d’un chemin bordé d’un ruisseau. Les gamins nous faisaient fête. Les vieillards et les femmes rappliquaient nombreux ainsi que deux ou trois hommes valides, lesquels comme les autres nous accueillirent d’une manière presque exubérante qui m’étourdissait un peu.


En lisière de la palmeraie, une dizaine de bâtisses construites en dur, non loin de la source. Celle-ci dévalait en cascade se déversant dans un petit lac adossé à une immense falaise verticale, laquelle imposait de lever très haut la tête si on voulait apercevoir son extrémité.



Il n’eut pas à me le dire deux fois. L’eau était fraîche et incroyablement agréable. Je retrouvais avec délice les réflexes d’hygiène qu’on finit par oublier après quelques jours de galère dans le désert.


Galère ? Ben oui, imaginez-vous plusieurs jours sans eau pour vous laver. C’est affreux, intolérable, insupportable. Au début, on se grattouille partout avant de se gratter, d’abord de manière frénétique, puis à s’arracher la peau. Ça se calme après un jour ou deux quand les odeurs commencent à incommoder grave et pour finir on fait avec.


Une jeune femme ramena une espèce de savon pâteux et noir avec lequel j’enduisis mon corps. Elle me parut avoir mon âge ou peu s’en fallait. Ses yeux rieurs disaient son plaisir de notre complicité tandis qu’elle m’aidait dans mon décrassage. L’eau l’éclaboussait parfois. Sa tunique mouillée ne cachait qu’imparfaitement sa nudité sous le tissu léger, mais elle ne s’en souciait pas. Cette attitude si peu conforme aux mœurs rigoureuses du pays m’étonnait. Je le fus plus encore quand elle entreprit de dénouer les liens de mon bikini. En dehors de nous deux, il n’y avait alentour que Séba et le chef, mais c’était assez pour attester la singulière liberté dont la jeune femme faisait preuve. Je plongeai et nageai ainsi dans mon habit originel moins pour me rincer que pour mieux goûter le plaisir de ma nudité. Ma compagne en fit autant avec une aisance qui me sidéra et me ravit tout à la fois.


Il me plut que le chef reluque mon corps. Je sortis brandissant le téton, ondulant du bassin et balançant le popotin de cette façon que je voulais aguicheuse. Lui continua à me zieuter sans bouger, sans ciller. Sur ces entrefaites, une femme âgée arriva avec diverses affaires. Elle nous aida, Leïla et moi-même, à nous sécher puis pour nous vêtir d’une sorte de tunique écrue, taillée dans un tissu opaque et léger. La mienne était un peu plus courte, coupée juste au niveau des genoux tandis que celle de Leila couvrait les chevilles. Nonobstant la longueur, ces tenues étaient quasi identiques et sans doute pareillement confortables, mais pas vraiment sexy. Je m’abstins de tout commentaire, je ne voulais pas offenser et préférai étancher ma curiosité.



Les deux femmes partirent à rire.



Je tombai de haut. L’hypothèse ne m’avait pas même effleurée. Que Leïla soit mariée à Si Tayeb ? Diable. Quatrième épouse ? Diable, diable.



Ben oui ! Tant qu’à faire. Je perdis le compte des concubines, mais compris que le Monsieur était un sacré chaud lapin. Mais avant tout, c’était la porte entrouverte sur ce monde polygame qui suscita le plus ma perplexité.


Aïcha ne me laissa pas le loisir de l’interroger. Elle n’avait pas fini de parler qu’elle nous invita à la suivre, Séba et moi.


Les couverts étaient dressés sur des nattes posées à même le sol d’un terre-plein sableux et plat, situé à l’abri sous un renfoncement creusé dans la falaise. Depuis les hauteurs suintait une humidité abondante qui ruisselait et gouttait à l’aplomb de la paroi verticale. Les filets d’eau courraient et s’entremêlaient avec les lianes et la verdure dévalant la muraille. Le tout formait un étrange rideau naturel et vivant dont le pied baignait dans l’eau d’un ruisseau que l’on franchissait sur un petit pont pour rejoindre cette salle à manger pour le moins extraordinaire. Quatre lampes à pétrole harmonieusement disposées dispensaient une lumière parcimonieuse, qui donnait naissance à tout un univers de feux follets ondoyants parmi lesquels on s’immisçait timidement, craignant presque de déranger.


Divers plats étaient sur les nattes. Des salades, mélange de verdure, de tomates, de pommes de terres cuites à l’eau et de carottes râpées, sur lequel étaient posés des œufs durs et des radis. D’autres contenant des olives, des pommes, des figues séchées, des dattes fraîches ainsi que divers autres condiments et mets que je n’identifiai pas.


Des coussins étaient placés devant chaque couvert pour le confort des convives. Je comptai trois couverts, et de fait seuls Si Tayeb, Séba et moi prîmes place autour de l’autel somptueux. Je m’enquis quant à Aïcha, Leïla et nos autres compagnons, mais notre hôte éluda habilement mes interrogations.



Comment insister la bouche pleine ? Je mastiquai consciencieusement mes lamelles de viande de chameau séchée, un peu surie, marinée dans de la graisse, mais pas n’importe quelle graisse, rien que de la graisse spécialement choisie, extraite de la bosse. J’accommodai mes friandises comme il m’était recommandé, avec une noix de beurre. À croire que ce mets n’était pas assez gras, mais à cette époque la diète ne me souciait guère. Cette nourriture était tout à fait particulière. Un délice. Du moins pour mon goût, car je crus comprendre que Séba ne partageait pas mon avis.



La suite fut plus classique, méchoui, légumes et fruits avec le traditionnel thé servi dans des petits verres, à la façon mauritanienne. Ce soir-là, j’en appris un peu plus sur le rituel des trois verres.



J’étais assise sur un coussin un peu à la façon des amazones, buste droit, jambes jointes, genoux repliés. Mon hôte en revanche relâchait à l’horizontale dans la position des rois fainéants, à l’instar de ces Romains festoyant avachis sur leur couche.


C’était la première fois qu’il osait ce genre de familiarité. Jamais auparavant il ne m’avait touchée. J’en fus surprise, agréablement surprise. Mon cœur se mit à battre la breloque. Je retins ma respiration.


La main baladeuse s’incrusta, caressa mon articulation, remonta imperceptiblement vers la cuisse et gagna du terrain repoussant la lisière de la tunique. Ni Tayeb, ni moi ne parlâmes, pas plus que Séba que je n’osai pas regarder.


Peut-être était-il comme moi, subjugué ? Peut-être souffrait-il ? Quoi qu’il en soit, j’étais bien incapable de réagir et de toute façon n’en avais aucune envie. Possible aussi que Séba s’en foutait. Était-il encore amoureux de moi ? N’empêche, mon plaisir était pollué d’un filet de culpabilité. Je m’en voulus de tourmenter mon ex, ou mon futur ex, si vous voulez. Quoi qu’il en soit, nous n’étions plus dans les meilleurs termes.


La main audacieuse refoula le tissu toujours plus haut, bifurqua légèrement pour gagner l’intérieur de la cuisse, là où l’épiderme est plus doux, plus tendre. Elle força le passage, s’immisça, se fit plus pressante, plus caressante, plus déterminée.


J’avais trop à faire avec mes propres émotions pour être en mesure de prendre la moindre initiative. Ma poitrine était oppressée. Mon ventre me faisait mal. Tous mes muscles étaient bandés. J’avais une terrible envie de pisser. Je retenais mon souffle. Tayeb poursuivit imperturbable, calme, tranquille, assuré de ma reddition sans condition. Tous mes sens se focalisèrent sur le compte à rebours mental, décomptant millimètre par millimètre le temps qui restait avant qu’il n’appose son sceau sur mon sexe, preuve irréfutable de sa gloire.


C’est à ce moment que Leïla s’amena pour desservir. Elle se glissa parmi nous, humble et silencieuse, belle comme un ange. Je vis son regard et crus lire de l’incompréhension, peut-être la réprobation. Un revirement inimaginable se produisit dans mon esprit. Des scrupules ? Pourquoi Bon Dieu ! Une honte inexplicable autant qu’inconcevable m’étreignit. Le sortilège était rompu. La magie n’opéra plus. Je dégageai ma jambe et m’éloignai hors de portée de la main prédatrice.


N’ai-je pas regretté ? Si fait, maintes et maintes fois, mais le destin ne resservit pas l’opportunité et j’étais moi-même encore trop jeune, encore trop gourde pour prendre une initiative hardie.


Le surlendemain dans l’après-midi nous étions en vue du cap Blanc. On commençait à apercevoir les premiers immeubles de la ville de Nouadhibou.



ooo000ooo



Nouadhibou, ou le peu que j’en vis, n’était qu’un immense cloaque. Une ville laide et sale. La misère contaminait toutes choses à terre et en mer. Les dizaines de navires qui avaient jeté l’ancre dans le coin étaient si mal entretenus que c’était à peine si on les distinguait des épaves innombrables rongées par la rouille, éparpillées ici et là dans la baie. En ville, l’indigence était pire, des taudis abritaient des putes sans âge et des ivrognes immondes. Le vent sifflait en permanence une rengaine irritante, propre à vous rendre fou. Un souffle erratique et pervers balayait les ruelles soulevant les volutes de poussières et éparpillant au gré de son humeur les papiers gras et autres ordures aussi peu ragoûtantes.


Plus sordide, tu meurs. L’étape augurait la suite de mes aventures.


Pour la première fois depuis longtemps nous fîmes l’amour Séba et moi lors de cette nuit que nous passâmes à Nouadhibou. Une tentative dérisoire pour sauver notre couple. Ce ne fut pas même agréable. Il se montra brutal, vindicatif, méchant. Et comble du culot, ce con ne fut pas même foutu de me faire une lichette.



Le refus me resta en travers de la gorge. En France, je l’aurais laissé tomber sur le champ, « comme une vieille chaussette » pour employer l’expression, sauf qu’ici nous étions dans le trou du cul du monde. Je serrai les dents et fermai ma gueule, mais je n’avais plus le cœur ni l’envie de recoller les morceaux.


Au matin, je me réveillai d’humeur maussade. J’avais mal dormi. Séba ronflait encore. Il dormait nu sur le lit. Une érection matinale inconsciente tendait son sexe mi-bandé. Cette réaction banale qui m’aurait attendrie en temps ordinaire m’irrita. La colère de la nuit me revint en mémoire plus vivace que jamais. Ma rancune renaissait, je le réveillai perfidement alors que j’aurais pu le laisser dormir encore un peu. La perspective de le supporter encore tout un mois me mettait dans tous mes états.


Les recommandations de Si Tayeb furent un sésame efficace. Nous dégotâmes un transport pour presque rien quasiment sans délai. La raison sociale du transporteur était reproduite sur le véhicule en lettres malhabiles.


« Les transporteurs réunis »


Enseigne trompeuse. « Les transporteurs réunis » n’employait qu’un seul chauffeur, ce qui du reste était amplement suffisant pour conduire l’unique véhicule propriété de l’entreprise. C’était une antique camionnette Land Rover, probablement contemporaine de Livingstone, peut-être même avait-elle participé aux campagnes de ce dernier pour sa quête des sources du Nil. Enfin ça, j’suis pas trop sûre.


Ahmed, le chauffeur, était un harratin (ex-esclave) d’une trentaine d’années, au teint sombre, assez grand, plutôt bel homme et l’allure athlétique. Il me faisait penser à ces coureurs que l’on croise sur les pistes. Moi-même, je me défendais pas mal sur 400 mètres. Renseignement pris, Ahmed ne courrait pas. En revanche, il prétendait être un bon mécanicien et se targuait de pouvoir réparer sa torpédo en toutes circonstances, en un rien de temps, avec moins que rien.


Le patron de cette florissante multinationale faisait aussi la navigation. C’était un Maure prénommé Abdallah dont le teint très pâle détonnait quelque peu par ici, au moins autant que ses yeux couleur de lagon. Le reste du corps tenait pareillement du paradoxe. La carrure était colossale. Il me faisait songer à mon oncle, le frère de ma mère, qui avait comme lui ce look impressionnant de sumo japonais sauf que le sumo mauritanien était plus grand, plus gros, plus âgé, plus autoritaire et plus tout, en tous points, que mon tonton adoré.


Deux autres passagers voyageaient avec nous. Des pêcheurs sénégalais intempestivement débarqués à Nouadhibou, qui rentraient au pays. Ceux-ci grimpèrent sur le chargement et s’arrimèrent comme ils purent. Il me fallut convaincre Séba de faire de même. Ce ne fut pas chose aisée, ni pour lui ni pour moi. Je comprenais ses réticences. Inexplicablement, je culpabilisais, mais n’étais pas pour autant prête à prendre sa place.


Quant à moi, je m’installai sur la banquette dans la cabine entre le chauffeur et le navigateur. Mon espace vital était chichement compté. Des heures et des heures que j’allais vivre dans cette boite de conserve, confinée comme une sardine. Avant ce jour-là, je ne savais pas vraiment ce qu’était la promiscuité. Là, il me fallut tout tolérer, le coude ravageur et la main baladeuse autant que la sueur, les odeurs et les humeurs.


On roulait en bord de mer aussi souvent que possible si la configuration et la marée le permettaient. À marée descendante, la bande de sable humide et dur, parfaitement nivelé, valait toutes les autoroutes et la brise marine apportait fraîcheur et confort.


En revanche, c’était galère quand on rentrait dans les terres si la montée des eaux ou le relief l’imposait. Le chauffeur cherchait sa route à travers le bush, avalant un trou, écrasant un monticule, contournant une termitière, une fondrière, un marigot, un marécage, évitant un arbuste, se glissant entre deux autres. La voiture tanguait. Moi j’oscillais au rythme de mes voisins, mais soubresautais plus qu’eux quand le véhicule rebondissait brutalement sur un obstacle imprévu.


L’air du large ne pénétrait pas dans les terres. Le confort dans la cabine chutait dans les mêmes proportions que la performance du véhicule. Nous n’allions plus qu’au pas. L’habitacle se transformait en sauna. Tous transpiraient ; moi aussi. Mon tee-shirt trempé collait à la moleskine du dossier. Mes cuisses nues barbotaient sur la banquette humide. La sueur dévalait ma colonne et ruisselait sur mes reins, trempant mon short et ma culotte. Le soutien-gorge neuf, tout juste acheté à Nouadhibou, me blessait au niveau des armatures. Je défis l’attache pour donner du mou et soulager mon tourment.


Le premier soir, nous arrivâmes au refuge à la nuit. La construction, bâtie en pisé, apparut dans la lumière des phares. L’intérieur formait une grande pièce qui était vide, totalement vide. À l’extérieur, il y avait un puits. De l’eau potable selon Ahmed. En fait de l’eau saumâtre, trouble, équivoque. Après avoir grignoté, je m’allongeai et m’endormis comme une masse sans même m’être lavée, sans même me changer, tellement j’étais épuisée.



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Le deuxième jour fut à peu près de la même veine. Je ne me rendis pas même compte que nous avions pénétré le parc du banc d’Arguin, cette région mythique où s’échoua la célèbre frégate, dont le nom autant que le naufrage furent immortalisés par le tableau « Le radeau de la Méduse » accroché au Musée du Louvre à Paris.


Les populations d’oiseaux étaient plus nombreuses et plus denses, mais à vrai dire je m’extasiais sans faire le lien. Au demeurant, la concentration n’était pas telle qu’on le dit. La saison sans doute ? Nous traversions le parc hors période de migration. L’endroit peut-être ? Ou bien étais-je distraite ? Plus attentive aux attentions de mon voisin qu’aux beautés de ces lieux sauvages.


Nous dressâmes le campement plus tôt que la veille, le soleil brillait encore. Les Sénégalais partirent pêcher des bars et des dorades pour le dîner. Séba les accompagna. Le sumo entreprit la collecte des crabes violonistes. En fait, il les relâchait après avoir arraché la pince hypertrophiée. La technique est sans doute barbare, mais c’est le prix pour un mets délicieux.


En ce qui me concerne, je mis à profit l’opportunité pour me baigner. Ahmed me rejoignit presque de suite, comblant mes vœux. Je l’espérais. Ce type me faisait craquer. J’ai toujours eu un faible pour les barrettes de chocolat. De ce point de vue, ce gars faisait impression avec sa musculature sans un poil de graisse et sa silhouette de dieu grec. Sans même parler de ce minois d’enfer dont je ne me lassais pas d’admirer l’harmonie. Je dois cependant reconnaître que, le physique mis à part, le beau gosse n’était pas aidé, il n’avait vraiment pas inventé la poudre. Ça gâchait sans doute, mais sur le moment cet aspect ne me sembla pas handicapant. Du reste, moi-même je n’étais pas plus brillante.



L’offre me parut pour le moins saugrenue. Pourquoi payer ce que j’étais prête à offrir pour rien ? Je crus d’abord qu’il plaisantait. Puis le malentendu m’amusa, m’excita même. Je pris un plaisir insensé à jouer la pute.



Tope là ! Le Noir m’entraîna à sa suite, hors de vue des autres. Quand l’emplacement lui convint, il me prit dans ses bras et m’embrassa. Sa langue força le chemin et dénicha la mienne, la crochetant, s’enroulant autour d’elle, jouant avec elle, m’acculant à réagir sauf à le laisser m’étouffer. Dans le même temps, ce démon dénoua les liens du bikini et libéra mon soutif et ma culotte. Le facétieux empauma mon sein tandis que son autre main empoigna ma fesse. Et toujours tripotant ses prises, mon soupirant pressait son pubis contre le mien. Son sexe palpitait, vibrant, nerveux et chaud, contre mon ventre.


Nos deux corps emmêlés roulèrent un moment sur le sable. Ahmed m’embrassait encore sans se lasser, variant à peine sa façon et œuvrant avec toujours plus de fougue. Après une apnée interminable, je cherchais frénétiquement mon souffle, soucieuse de remplir mes poumons avant de replonger pour la suivante.


Lui avait plus de coffre. À un moment donné, alors que je n’avais déjà plus toute ma tête pendant que j’inspirais les goulées salvatrices, sa main droite emprisonna mon sexe. D’un doigt habile, il farfouilla dans ma fente, tantôt titillant le clito, tantôt agaçant l’orifice de l’urètre ou massant les parois vaginales aussi loin que le majeur pouvait pénétrer.


Mon désir grimpa à l’unisson. Je ne pensai plus à rien d’autre qu’à cette envie que j’avais de lui. Mon ventre était délicieusement dur du besoin d’être rempli. Je pressai furieusement mon corps contre le sien, obéissant à une pulsion fusionnelle dans l’espoir fou de mêler nos humeurs et nos chairs autant que nos épidermes sans rassasier pour autant ce désir que j’avais de me fondre en lui et ne plus faire qu’un seul corps.


Une tension douloureuse perfusait depuis mon pubis vers mon ventre, mes seins et tous mes muscles faisant que tout mon être n’était plus qu’une boule de nerfs gardant l’affût. Des ondes délicieuses fulguraient, arquant mon bassin, envahissant mes reins et contractant tous mes muscles. L’addiction était totale. Je m’enivrais de l’effet à la fois euphorisant et vivifiant et ne pouvais plus me défendre d’espérer l’onde suivante qui me rendrait encore plus folle, folle de désir pour ce type.


Il était doux et tendre alors que je mourais d’envie d’être bousculée, violentée et baisée comme la pute que je voulais être. Mon impatience prit le pas. Je le chevauchai, l’habillai vite fait et m’empalai avec cette précipitation, signe de l’ardeur irrépressible qui consumait mes entrailles. Mon ventre avala la bite, presque d’un seul coup, tout entière et je me sentis remplie, engrossée, presque apaisée et pourtant ma soif n’en était que plus vivace. Je voulais plus. Je voulais aussi sentir cette queue raide et dure rudoyer mes tripes. Et j’y parvins, tortillant du cul et me déhanchant au rythme de ses gémissements tandis que mon clito écrasé frottait son pubis. L’orgasme pointait assez vite. Je le sentis monter et ramai comme une forcenée durant cette phase délicieuse à nulle autre pareille. Un peu comme si la pression dans ma bulle grimpait sans fin et finissait malgré tout par exploser en une déflagration jubilatoire. La jouissance me submergea. Je m’affalai extatique, euphorique, épuisée, sur le torse viril. Lui se cambra une ultime fois avant de jouir à son tour. Je sentis ses muscles se raidir et la chaleur de son éjaculat dans mon ventre.


Plus tard, alors que nous récupérions nos forces et nos esprits.



Le Maure rappliqua sur ces entrefaites tandis que je prenais place, à genoux face à l’ouvrage, le museau prêt à la besogne et le cul en l’air. Je ne le vis ni ne le sentis venir. Je devinai l’homme quand il fut près de nous et le reconnus alors qu’il apostrophait mon amant. Les deux hommes s’entretinrent un moment dans une langue que je ne compris pas. Dès lors, la situation et les dialogues prirent un tournant surréaliste.



L’effet fut instantané, je cambrai les reins et frissonnai tout entière, croassant mon inconfort.



J’ai toujours été horriblement chatouilleuse et ce jour ne fit pas exception.


De son côté, Ahmed s’impatientait.



Je contractai mes muscles et résistai parce qu’il ne me disait rien d’emboucher le membre gluant de sperme. Mais Ahmed était fort, je ne pus y échapper, le gland baveux s’insinua entre mes lèvres. Pendant ce temps, Abdallah n’était pas en reste, son index franchit le coccyx, puis glissa encore et fureta bientôt dans ma raie. Je tentai de m’y soustraire en frétillant du cul, mais j’étais plus ridicule qu’efficace.



Mes cours d’éducation sexuelle étaient encore très frais dans ma mémoire.



Il n’avait manifestement aucune intention de donner suite à ma requête.



Les réactions furent pour le moins spectaculaires, instantanées et simultanées. Le sumo retira sa main avec une vivacité révélatrice et le mécano desserra derechef son étau tandis que sa verge perdit d’un coup de sa superbe.



La réplique annonçait mon destin autant qu’elle dénonçait la connivence, mais paradoxalement je ne fus pas vraiment offusquée ni effrayée. Je m’y attendais et de manière plus ou moins consciente j’en avais pris mon parti.


Il y avait au moins deux raisons pour lesquelles je me satisfis de mon sort. La tendresse que je portais au sumo était la plus anodine. L’autre était plus obscure, mais pas la moins puissante.


Mon sentiment pour le colosse était de nature instinctive, irraisonnée. La ressemblance avec mon oncle y était sans doute pour quelque chose. Les similitudes n’étaient pas seulement physiques, nombre de traits de caractère étaient également semblables. Dans le véhicule, j’abusais sans vergogne du confort de son embonpoint parce que je me sentais en confiance. Il aurait pu profiter de la promiscuité mieux que le Noir, lequel du reste ne s’en priva point, mais lui n’en fit rien. J’en conçus du respect et du dépit aussi, imaginant un moment lui être indifférente. Le chapiteau me détrompa. Je n’osai vérifier, mais la cause n’était pas douteuse malgré le vêtement ample. Dès lors, je fus vigilante. La manifestation se reproduisit plusieurs fois et durait assez chaque fois.


Ça, c’était tout moi. Cette manière de faire une fixation sur une manifestation qui me flattait. Je crois avoir dit que je n’étais pas fute-fute. Je le répète et le réécrirai encore s’il le faut. Je n’étais qu’une fille simple, un peu niaise, un peu naïve avec un côté fleur bleue. Je ne sais pourquoi je conjugue à l’imparfait, car de ce point de vue, je n’ai pas changé. Maintenant comme il y a quelques années, je suis toujours un peu niaise. Comme la plupart des filles, j’espère le grand Amour avec un grand A. Je suis convaincue que je saurai reconnaître l’élu quand je tomberai dessus. Certes le Maure n’avait pas le profil, pas plus que le Noir d’ailleurs, mais ceux-là rentraient dans une autre case, car entre-temps, rien n’interdit d’alterner un plan cul, quand les hormones démangent.


Ce soir-là, au banc d’Arguin, je ne sais ce qui me prit. J’avais le feu au cul. Le climat peut-être, l’atmosphère électrique sans doute ou bien les senteurs iodées et aphrodisiaques. Je ne sais ! Mais je dois avouer que je n’étais pas autant rétive que je voulais le laisser croire. Probable que le démon réactivait ce besoin que j’avais de m’avilir. De fait, le désir latent que j’avais d’être une pute renaissait plus puissant, plus pressant au regard de l’opportunité. Bonjour la dépravation.


Les deux hommes m’immobilisaient, mais ne l’auraient-ils pas fait que je n’aurais probablement pas plus tenté de fuir. Je me saisis machinalement du tromblon d’Ahmed dont je mâchouillai le gland tout en postant mes radars et tous mes sens à l’affût des entreprises du Maure.



Je me rebiffai mollement, histoire de le bluffer encore un peu pendant qu’il m’ouvrait les cuisses. Sa langue se fit démoniaque. Quand ma résistance symbolique ne fit plus illusion, le colosse prit ses aises, bascula sur le dos, glissa la tête entre mes cuisses. À l’invite, j’aplatis mon bassin à la manière d’une grenouille et encastrai mon sexe sur son nez. Le bonhomme ne fit ni une ni deux, il saisit d’emblée mon clito qu’il emprisonna entre ses lèvres et aspira comme s’il eût voulu l’arracher. Je sentis mon sang affluer vers la turgescence enflammée, qui me sembla gonfler et gonfler encore. J’avais l’impression que mon appendice prenait une ampleur extraordinaire dans la bouche du satyre. La sensibilité du clito était singulièrement exacerbée à la mesure de son volume. L’homme le mordillait parfois, produisant des décharges qui se répandaient alentour et parcouraient ma colonne vertébrale, livrant un peu partout dans mon corps une série d’ondes jouissives. Je n’en montrai que plus d’ardeur à besogner le phallus de mon amant en titre tout en malaxant ses bourses.


Quand le colosse en eut marre du clito, il entreprit d’explorer mon vagin, utilisant alternativement sa langue ou ses doigts. Il en massait les parois aussi loin qu’il pouvait, entretenant la tension vertigineuse qui me donnait l’impression de plonger vers quelques nirvanas inatteignables. Quant à ma pauvre turgescence délaissée, je la gâtai à ma manière, l’astiquant sur l’arête du nez du Maure à la moindre occasion. Je frottai et refrottai, aussi longtemps que je pouvais, allant et venant telle une folle pressée de trouver son plaisir. À un moment donné, Abdallah en eut assez de mon manège, il pinça le clito entre ses dents et l’étira sans égard pour mes hurlements. La douleur fulgurait, insupportable et en même temps délicieuse. Je ne fis rien qui pouvait adoucir mon supplice. Au contraire. Je lui en aurais voulu à mort s’il avait lâché. L’orgasme survint à l’improviste. Il me terrassa sur place. J’abandonnai la lutte et m’appesantis sur la face de mon tortionnaire, sexe grand ouvert, giclant la cyprine autant que l’urine. Je hurlais toujours. Il grogna.



De son côté, le Noir apprécia moindrement, non pas que je l’aie mouillé le moins du monde, mais parce que mon relâchement avait des répercussions collatérales dommageables.



Pauvre queue ! Pauvres testicules ! Ahmed ne m’en tint pas rigueur, recommandant toutefois de ménager ma vigueur autant que l’équipement.


Il pouvait bien parler, tout ça me passait par-dessus la tête. Et à tout prendre, vu ma position, ce n’était pas qu’une façon de parler. Quoi qu’il en soit, j’étais totalement liquéfiée, il me fallait du solide. Le colosse le pressentit-il ? Sans doute, parce qu’il prit ses dispositions. Son gland frappa à l’entrée de ma fente.



Bazooka ! Je ne vois pas d’autres mots. J’étais engrossée. J’enfantais. Je n’ai pas connu la joie de l’enfantement, mais si j’en crois ma mère, cela ne devrait pas être très différent de ce que je ressentis à cet instant. C’était à la fois divin et horrible. Divin, parce que je frôlais d’un seul coup la plénitude, l’euphorie, la félicité. Horrible, parce que j’entrevoyais l’enfer, l’éventration, la mort. Horreur et volupté cohabitaient. Ce mélange impensable existait bel et bien.



L’enjeu grimpait d’un cran. La mort rôdait dans les parages. Je sentais son odeur et en même temps ce destin terrible ne m’effraya pas. Je jouai mon sort à la roulette russe, mais l’excitation était plus forte que ma trouille et la souffrance réunies. L’euphorie prit le dessus. Une alchimie démoniaque fit que mon tourment aiguisait mon plaisir et l’exacerbait à tel point que je baignais dans une sorte de litanie d’orgasmes charnels autant que cérébraux, qui ne finissaient plus et anesthésiaient totalement mon sens commun.



Cela ne changea rien. Du reste, je n’en crus pas un traître mot et au moment je m’en foutais, mais inexplicablement mes pleurs redoublèrent.



Il entama une opération de repli que je contrai, cambrant les reins, ruant du cul et délaissant un instant la bite d’Ahmed.



Sens commun ? Vous voyez, je n’en avais plus. Quant aux dimensions de l’engin qui m’éventrait, sans doute ai-je forcé le trait sous le coup de l’émotion. Du baratin, né de mon imagination. D’ailleurs après coup je fus un peu déçue, son machin me parut moins impressionnant que je n’imaginai, quoique le chibre prit rang parmi la classe monumentale, d’un genre qu’on ne voit guère qu’une ou deux fois par siècle selon les revues scientifiques que je compulsai par après.


Les publications auxquelles je fais référence relataient des études dont le champ était cependant circonscrit au « vieux continent ». Mais la rumeur rapporte que ce genre de phénomène est plus courant en Afrique. Impossible d’être formelle, car la documentation fait défaut, mais cela corrobore assez mon expérience personnelle. Du reste, c’est tout à fait compréhensible si l’on prend en compte l’importance des sorciers en négritude, dont c’est la spécialité d’assister les géniteurs, et qui par ricochet gonflent l’armada des mâles suréquipés. Quelle est l’influence de ces faiseurs de gris-gris ? Quelle est la part d’une hérédité avantageuse ? Mystère.


J’ai entendu dire qu’en France on avait aussi un faiseur de miracles, un certain Bazouk, je crois. J’ai branché quelques copains sur la piste. Sait-on jamais ? Foin des espoirs illusoires, je reprends le fil de mon récit.


Le colosse encouragé par mon invite revint à la charge. Il poussa et poussa encore. Je pleurai de plus belle et gueulai ma souffrance et pourtant j’en voulais encore davantage et fis tant et plus jusqu’à ce que son zob monstrueux fut entièrement remisé. Mes fesses s’incrustaient dans le bide du sumo et mes cuisses contournaient bizarrement les siennes en une sorte de prise absolument opportuniste et quelque peu improbable vu la différence des gabarits.


Jamais je n’aurais cru que mon con puisse engloutir tant de barbaque. Et de la raide, pas faisandée du tout, dure comme de la pierre. Je la sentis frayer et faire son nid parmi mes tripes, distendant la paroi du vagin, bousculant l’utérus, pressant ma vessie. Quand le sumo fut satisfait, il posa, le temps que je m’habitue, puis il lança la musique dans le style refrain, mais on n’entendit rien, rien que mes glapissements. L’hercule œuvra d’abord lentement puis de plus en plus vite. Je fus emportée dans un tourbillon irrésistible et déboulai dans l’Olympe, côtoyant les dieux et braillant de plus belle.


J’en oubliais Ahmed et fus totalement prise au dépourvu quand ce dernier lâcha ses bordées. J’en bavai, laissant filtrer aux commissures le trop-plein de laitance. Abdallah choisit ce moment pour éjaculer à son tour, des giclées interminables, puissantes, chaudes et grasses, qui frappèrent le fond de mon vagin. L’apothéose m’emporta à mon tour. Je râlai, bavant de partout et lâchant des flots d’amour qui dévalèrent avec le surplus de foutre et refluèrent vers l’entrée, suintant tout autour du phallus enchâssé et dégoulinant le long de mes cuisses.



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Séba réussit à embobiner mon père. Le faux jeton colporta mes frasques et troqua mes coordonnées contre un billet retour vers Paris. Lequel billet soit dit en passant coûta un max et bien plus cher qu’un billet aller et retour.


Le paternel rappliqua à Nouakchott une semaine plus tard. Il ne me trouva pas tout de suite. Entre-temps j’avais déménagé parce que Ahmed et Abdallah avaient repris la piste de Nouadhibou. Un pote au sumo m’hébergeait.