n° 13643 | Fiche technique | 30888 caractères | 30888 5382 Temps de lecture estimé : 22 mn |
07/01/10 |
Résumé: Hautain du haut de ses presque deux mètres, il toise cette jeune femme. Il veut ces Portes, elle ne l'empêchera pas d'accomplir son but ultime. | ||||
Critères: #fantastique #initiatique #romantisme fh jeunes pénétratio | ||||
Auteur : Patrik (Carpe Diem Diemque) Envoi mini-message |
Récit assez austère…
Il la toise, hautain, du haut de ses presque deux mètres.
La petite chose d’à peine un mètre soixante le regarde bien droit dans les yeux. Tout dans son attitude démontre qu’elle est sûre de ce qu’elle avance. Les autres protagonistes en venaient presque à douter de la justesse de leur champion et adversaire, le grand Norit, le bretteur le plus confirmé de sa promotion, un virtuose doublé d’un danseur hors pair, qui chorégraphie chacun de ses combats en une danse mortelle.
Personne, de la promotion, n’aurait la moindre velléité de l’affronter, sauf la petite Liyita…
Moi, juché sur un grand rocher, je regarde de loin cette joute. Si je n’étais pas qui je suis, je pourrais penser que c’est Norit qui risque de remporter, haut la main, l’Ultime Combat, celui qui permet à son vainqueur de passer les Portes des Confins, la dernière tout au moins. Par contre, à prime vue, la lutte reste serrée en ce qui concerne les Gardiens des deux Portes du jardin qui mène aux Confins.
Comme tous les ans depuis presque quatre mains, j’accueille les prétendants dans la montagne sacrée, au bord de la grande falaise grise. Ils arrivent pleins d’espoir, de suffisance parfois. Ils n’ont qu’un seul mot : gagner. Et un seul but : les Confins. Passer ces Portes qui flottent par-dessus le précipice afin de passer de l’autre côté est l’honneur ultime de la caste nobiliaire. Seules certaines familles peuvent prétendre à cet égard.
Égard très mortel…
Malheureusement, depuis des générations, la matérialisation du chemin se fait dans le sang et la vie du vaincu. Petit à petit, le décor se concrétise jusqu’à la première Porte de granit. À ce stade, bon nombre de prétendants sont déjà blessés ou tués. L’ouverture de cette première Porte oppose les survivants en un gigantesque duel dans lequel meurt, dans l’écrasante majorité des cas, le perdant. Et quand il ne meurt pas tout de suite, je ne peux pas dire que son sort est enviable, vu son état…
Alors commence le « jeu » suivant : la montée vers la seconde Porte. C’est un antique rituel soigneusement codifié avec théoriquement trois gagnants, deux voies possibles, celle du vainqueur ultime et unique, et celle des deux Gardiens qui pourront éventuellement retenter leur chance par la suite… s’ils survivent. Il n’est pas déshonorant de perdre à ce stade, mais la pression familiale est telle, l’orgueil des protagonistes est si féroce, que bien souvent aucun gardien n’est désigné et que les finalistes se sont tous entre-tués.
Que gagne le vainqueur ultime ?
Pas grand-chose si ce n’est une gloire posthume, car souvent il est mortellement blessé et se fracasse au sol lorsque le chemin se volatilise, faute d’énergie vitale. La famille du vainqueur y gagne pour trois ans les honneurs les plus grands et le respect absolu…
Ce qui, somme toute, n’est pas une mauvaise affaire pour ceux qui vivent…
Je m’approche du couple qui se querelle :
Et les revoilà partis dans un vif échange. Je laisse passer le temps, c’est toujours ça de vécu pour eux. Moi, j’ai de l’expérience, j’ai été Gardien par trois fois, ce qui est assez exceptionnel. De ce fait, je le suis devenu à titre permanent. J’ai même pu regarder par delà la seconde porte, j’en porte la Marque indélébile sur le visage. Je n’ai certes pas gagné, mais ma famille, mon clan, ont acquis le respect pour de nombreuses années, jusqu’à ma mort, et je suis l’un des aristocrates les plus considérés.
Norit serre les dents, tandis que Liyita ricane doucement. Les filles sont souvent plus diplomates, mais certainement plus dangereuses… La force n’est pas tout, la volonté, la résistance et l’acharnement comptent beaucoup. La souplesse aussi.
Les autres prétendants se rapprochent. J’écarte les bras dans un geste théâtral :
Norit met sa main sur le fourreau sculpté de son épée d’obsidienne. Les autres prétendants grondent, certains s’effraient. Je me contente de sourire :
Un jeune prétendant s’approche alors.
Ulcéré, comme piqué au vif, Norit bondit et hurle, totalement déchaîné :
Je me retourne vers lui :
Un silence consterné plane sur les survivants. Je sais ce qu’ils pensent en eux-mêmes, qu’ils aimeraient ardemment que leurs parents, leur clan, pensent ainsi. Mais hélas…
Il est dur de vivre certaines situations. Je compatis à la leur, mais je n’aime pas beaucoup la mienne. Il est très pénible de voir à la fois le passé et le futur. Je reprends :
Sourire aux lèvres, Norit répond plein de suffisance :
Liyita s’insurge alors :
Norit est prêt à dégainer son épée, Liyita en fait de même. Prestement, je m’interpose entre les deux jeunes gens :
Puis le groupe se disloque.
--ooOoo--
Seul dans sa loge, Norit est plongé dans sa lecture. Après l’effort, les menus plaisirs. Il venait de faire quelques étirements ainsi que diverses passes d’arme. Il estimait avoir droit à quelques rouleaux de lecture.
Accaparé par ce qu’il lit, il ne voit pas la porte s’entrouvrir doucement et silencieusement. Il ne voit pas non plus un pied se poser sur le sol de sa loge.
Norit sursaute tellement qu’il en lâche son rouleau. Hébété, il regarde Liyita se pencher pour ramasser celui-ci. Elle siffle entre ses dents :
Elle s’assied posément sur le lit, face à lui. Elle regarde le rouleau déployé, puis le pose à l’envers entre eux. Elle le fixe, un air indéfinissable sur le visage. Il est tout chamboulé ; normalement, il aurait dû la mettre dehors, l’éjecter sans ménagement. Mais au lieu de cela, il se contente de la regarder, lui aussi.
Elle finit par prendre la parole :
Liyita recroqueville ses genoux sous son menton. Il songe alors qu’elle est décidément craquante ainsi. Dommage qu’elle ne soit pas de son bord, qu’elle soit en quelque sorte son ennemie, une rivale, plutôt. Norit se dit que, décidément, les choses sont mal faites, cette fille, cette femme en devenir, aurait pu être… oui, elle aurait pu être sa compagne. Liyita n’est pas une beauté à proprement parler, mais elle a du chien. Non, cette expression ne convient pas, elle a du cran, du caractère et aussi un je ne sais quoi… Elle est racée à sa façon, garçonne dans l’adversité mais si féminine, comme maintenant !
Décidément, les choses sont mal faites…
Alors il pense tout haut :
Elle prend une grande respiration :
Un grand silence s’abat dans la petite loge. Perdu dans ses pensées, il reprend alors :
La tournure de cette conversation l’amuse, il s’adosse au montant du lit rustique. Il croise les bras et lance alors :
Il lui sourit, sincèrement. Elle ouvre de grands yeux étonnés. Oui, décidément, c’est idiot qu’elle soit sa rivale… Il soupire :
Liyita a un sourire crispé, elle détourne un peu la tête. Norit continue à sa place :
Norit soupire une fois de plus. Assis en tailleur, il la dévisage :
Étonné, il hausse un sourcil, puis ouvre à moitié la bouche pour répondre mais Liyita se jette littéralement sur lui et lui cloue les mots sur les lèvres en l’embrassant férocement !
Bien que très surpris, Norit se laisse faire, il répond même à son baiser par un autre plus fougueux encore. Leurs corps se mêlent, les bras s’enlacent, serrant leurs poitrines l’une à l’autre. Une sorte de grand brasier les consume, une chute vertigineuse…
Il est le premier à se reprendre :
Elle le regarde fixement :
Il la regarde, il la découvre enfin avec d’autres yeux : elle est mignonne à croquer, un certain caractère, de la volonté mais aussi une certaine tendresse un peu bourrue mais de la tendresse. Et lui, sa vie n’a été qu’une longue série de batailles, de conflits vers cet Ultime Combat, le dernier sans doute.
Alors sans hésiter, pour la première fois et peut-être pour la dernière fois, il la veut à lui, il a une envie folle de lui faire l’amour, de goûter à sa chair, de la posséder. Délicatement, il pose ses larges mains sur ses joues rosées, puis l’embrasse de toute la douceur dont il est capable.
Ils se dévorent durant de longues minutes, leurs mains se caressant, se cherchant, s’agrippant. Peu à peu, leurs peaux se révèlent, leurs habits s’enlèvent. Ils peuvent ainsi apprécier les courbes de leurs corps, leurs jeunes muscles sous une peau délicate, la fraîcheur des jeunes adultes en devenir.
Leurs frôlements s’enhardissent, leurs câlineries deviennent plus précises. Il ose saisir ses seins, les soupeser, s’émerveiller de les avoir à lui, de jouer avec les frêles tétons dressés. Elle épouse de ses doigts son large et long torse à la musculature déjà évidente, un mélange de force et de gracilité, ce corps dont elle a si souvent apprécié la chorégraphie lors des duels.
Il descend imperceptiblement vers son ventre, puis ses hanches, sa chute de reins, à la découverte de ses courbes. D’un même accord, elle suit le même chemin, à travers ses formes plus anguleuses mais pleines de force latente. Mais elle s’enhardit plus que lui et saisit son sexe déjà bien raide et commence une douce mais savante masturbation, découvrant puis recouvrant dans une lenteur calculée son gland turgescent. Il commence à perdre petit à petit son contrôle, goûtant cette caresse très libertine.
Soudain, prestement, elle le plaque sur le lit, les épaules dans l’oreiller, puis, posément, le chevauche, ses genoux encadrant de part et d’autre son ventre déjà sculpté malgré qu’il sorte de l’adolescence. Elle esquisse un fin sourire, celui d’un félin qui savoure sa proie. Malgré lui, il éprouve un fin frisson.
Alors, sereinement, elle s’empare à pleine main de son sexe dur, puis, sans hésiter une seule fraction de seconde, elle le dirige vers sa grotte déjà humide. Le gland turgescent s’engouffre entre les délicates lèvres humectées qui l’enveloppent délicatement. Ce contact si suave le fait un peu sursauter, son cœur palpitant à tout va.
Elle le regarde sereinement, comme s’ils étaient amants depuis des temps immémoriaux, comme s’il en avait toujours été ainsi, puis, dans un petit cri, elle s’empale à fond sur lui, le pieu de chair bien calé en elle.
Il agrippe alors ses hanches, elle est à lui, il est en elle, puis, ensemble, ils ondulent du bassin pour mieux se trouver, pour mieux se souder l’un à l’autre, pour que leurs sexes exacerbés s’épousent parfaitement.
Sitôt dit, sitôt fait : il capture ses mignons petits seins à pleines mains, ses doigts s’agrippent aux chairs tendres et délicates, ses paumes raclent les tétons écarlates et raidis par le plaisir. Il joue avec ces seins qui lui appartiennent à présent, ces adorables seins si blancs, si doux. Une envie folle le saisit de les broyer.
Ces mains qui capturent ses seins, qui les soupèsent, qui les malaxent, font monter en elle un désir sauvage, primal, sans limite, sans retenue.
Empalée sur un pieu de chair qui la pénètre au plus profond, ses seins saisis avidement, leurs chairs intimes frottées l’une à l’autre, cette sensation étrange de dominer et d’être dominée, Liyita sent un long frisson la parcourir, la transpercer comme une épée ; une vague de chaleur monte insensiblement en elle, dévastatrice.
Soumis sous le poids de la jeune femme, Norit sent sa raison partir peu à peu. Son pieu enserré dans l’antre chaud et humide, ses mains avides, ses doigts voraces dans la chair tendre des seins blancs, il tressaille comme si une lame lui transperçait le ventre. Les yeux fermés, il goûte à cet océan de sensations fortes, à cette déferlante qui s’élève du plus profond de lui.
Deux corps, une seule lame de fond, une seule lame d’obsidienne et de plaisir les transperçant, un désir primal, une communion inouïe, irrésistible, abandonner ce bas monde, s’élever, franchir la Porte vers un autre univers de bonheur pur et jouir, jouir encore, toujours et encore, jouir ensemble, jouir ne faisant plus qu’un, un seul corps, une seule âme, à l’unisson…
--ooOoo--
Aujourd’hui est le grand jour. Je regarde le soleil qui brille au-dessus de nos têtes. Le combat final a déjà commencé. La voie se trace peu à peu, les prétendants combattent avec l’énergie du désespoir. Ils savent, pour la plupart d’entre eux, qu’ils ont peu de chance face à Norit, ils espèrent un faux pas. En attendant, par tirage au sort, ils combattent, l’un contre l’autre, férocement, le sang gicle, la fureur domine.
Le jeune prétendant d’hier fait son possible face à Norit. Il arrive à parer bon nombre de coups par son agilité, mais il s’essouffle dangereusement. Norit, de son côté, ne cherche pas à gaspiller ses forces, il sait qu’il en aura besoin pour la suite car il reste d’autres prétendants sur sa route.
Liyita, elle aussi, joue la carte de la sécurité. Elle vient de mettre hors service son adversaire qui avait trop misé sur la force brute. Résultat, au bout de trois minutes à peine de combat, celui-ci gisait au sol, une jambe transpercée et une épaule qui n’était guère mieux. Plus loin, le chemin vers la seconde Porte se dessinait.
Un autre duel fascine les spectateurs, les deux rivaux se concurrencent férocement, pleins d’ardeur et de fureur. Les passes d’arme sont spectaculaires, et pour ma part, j’avoue que c’est très prenant, mais devant un tel acharnement, je me doute bien de l’issue du combat : il y aura au moins un mort sur le carreau…
Bientôt une heure de passé et déjà trois morts exsangues, poitrine largement ouverte, la Porte sera contente. Parfois, je me demande si je fais bien de cautionner toute cette mascarade, ce massacre codifié. Mais voilà, moi, je sais ce qu’il y a derrière la seconde Porte, et même si je n’approuve pas entièrement, je comprends la raison profonde de tout ceci.
D’un œil distrait, je regarde les différents combats. Vous ne pouvez pas savoir à quel point la prescience est quelque chose de difficile à vivre au quotidien, cette sinistre impression d’être dans un théâtre de marionnettes. Vous savez, mais vous n’y pouvez rien. Le prix à payer d’avoir sur soi, sur son visage, la Marque.
Quelques pas de danse, quelques arabesques, des lames qui sifflent et le rideau tombe. Ç’en est fini pour l’adversaire de Norit : il est à genoux, il regarde, hébété, sa poitrine écarlate, cette tache qui grandit tandis que sa vie s’enfuit. Un dernier regard, une dernière parole qui n’arrive pas à sortir de ses lèvres déjà exsangues…
Son destin aurait pu être nettement plus grandiose. Sa vie n’a servi qu’à dessiner trois marches vers la seconde Porte. Tant d’années à se créer soi-même, à se forger, à devenir quelqu’un… Je sais, c’est pitoyable, mais, lui, il aura son nom sur la grande stèle de tous ceux qui sont venus combattre pour les Portes. Avec sincérité et pour la plus grande gloire de sa famille, je pourrai graver demain qu’il aura eu une fin digne. Oui, il aurait mérité de devenir quelqu’un. Son sang en a décidé autrement.
Ah, j’avais oublié le combat de Liyita. Son adversaire s’est fait surprendre par une belle feinte. Les yeux écarquillés, il contemple son ventre déchiré. Il serre les dents, son épée tremble dans ses mains. Sa bouche est pleine d’insultes mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Fou furieux, il plaque sa main sur son ventre ensanglanté, pousse un cri sauvage et fonce sur la jeune fille. Peine perdue, sa vie est déjà tranchée. Je vous épargne les détails de la mise à mort, sachez qu’elle fut rapide mais pas très esthétique…
Je m’affale sur le banc de pierre sculpté et je laisse passer le temps, je sais ce qui va arriver dans quelques minutes. Alors j’attends calmement, sereinement car il n’y a rien d’autre à faire. Je sais que tout est écrit sur un long rouleau en glyphes rouges, et que celui-ci défile inlassablement depuis la nuit des temps…
Comme prévu, comme écrit, les deux seuls survivants sont Liyita et Norit. Ils sont fatigués, ils sont un peu blessés ici et là. Mais aucun d’entre eux ne cédera ! Toujours cette folie du pouvoir alors que la vie peut être si douce ! Alors que visiblement, ils sont faits l’un pour l’autre, qu’ils pourraient fonder leur propre famille. Oui, la clé de la Porte est là… Mais peuvent-ils la voir ?
Alors ils s’affrontent. Je vois bien que leurs coups sont retenus, ils oscillent entre deux pôles antagonistes : la fureur de vaincre et la tendresse d’un amour naissant.
Un moment d’inattention et Norit se fait zébrer le bras. La douleur est cinglante, assez pour qu’il veuille se venger. Il attaque de plus belle, Liyita a du mal à contenir ses coups, elle faiblit dangereusement, elle se fait acculer de plus en plus.
Norit s’est calmé, il essuie son front. Le moment attendu approche. Il se recule un peu, contemple la Porte qui s’est légèrement entrouverte. Liyita s’effondre à genoux, épée plantée au sol. Je me lève et je fais quelques pas vers eux. Les rouages sont en place.
Le jeune homme, haletant, m’apostrophe :
Tout est déjà dit, au moindre mot, à la moindre virgule. Je continue alors :
Toujours droit comme une stèle calendaire, Norit s’absorbe dans la contemplation de la Porte flottante, le regard au lointain, comme absent. Liyita se relève doucement. Elle saisit son épée et s’approche insensiblement de lui. Sa rage de vaincre lui est revenue. Norit est toujours absent, l’épée au bout de son bras ballant. Liyita s’avance encore et encore. Elle est très proche de lui, très proche, trop proche.
Pourquoi est-ce que je regarde cette scène alors que j’en connais déjà la suite ? C’est comme au théâtre pour une tragédie ou une comédie, vous connaissez déjà la fin, la moindre réplique, surtout si vous avez le texte devant les yeux mais pourtant, vous contemplez, vous admirez le jeu des acteurs, l’intonation des dialogues, la fougue de l’interprétation.
Tout comme moi !
Oui, tout comme moi…
Un preste mouvement, une réaction immédiate. Peu importe qui a commencé, le résultat est là : ils se sont mutuellement embrochés, les épées sanguinolentes émergent dans leur dos. Ils se fixent l’un l’autre, étonnés, stupéfaits. Ils contemplent réciproquement, les yeux dans les yeux, un sourd désir montant en eux. Ils réalisent petit à petit…
La porte est grande ouverte, une douce lumière par derrière, quelque chose de suave irradie. Poitrine contre poitrine, leurs vies s’égouttant peu à peu, ils contemplent ce qui avait été leur but Ultime, toute leur courte existence.
Ils tombent à genoux dans les bras l’un de l’autre, joue contre joue dans la contemplation de la Porte complètement ouverte. Je m’approche d’eux. Au passage, je saisis l’épée de l’un de ces multiples combattants qui n’ont rien compris. Rien.
Sans effort, avec délicatesse, je les soulève, toujours embrochés, enlacés l’un l’autre ; retirer les épées de leurs corps serait les tuer tout de suite. Je les porte littéralement en haut des marches, pas à pas, face à la Porte, cette Porte qu’ils ont si longtemps convoitée. Cette Porte tellement désirée depuis tant d’années, de siècles même. Si lointaine, si inaccessible et pourtant si proche.
Allongés sur les dernières marches rouges, toujours épinglés l’un à l’autre, leurs yeux tournés vers cette autre réalité, ils sont là comme pétrifiés, n’osant pas comprendre, leur raison s’y refuse. Non, ils ne peuvent admettre, impossible pour eux, pour tout ce qu’ils ont été. Un dernier souvenir, cette nuit folle d’amour, la dernière, la plus belle, ils le lisent dans les yeux l’un de l’autre. Cette nuit folle d’amour et de désir, de renouveau, la toute dernière, la plus belle…
Alors je lève mon épée, un seul coup et tout est fini.
Je regarde la Porte une dernière fois, puis je pivote sur moi-même, laissant les deux corps sans vie sur les marches. Deux noms que j’irai graver dans le double cartouche de la stèle, ils l’ont largement mérité. Accablé, je descends les marches, lentement, péniblement. Et je me souviens d’une femme, il y a si longtemps… Une femme comme cette Liyita, un homme comme ce Norit, ce que j’étais avant, avant que je comprenne, hélas trop tard… une seconde trop tard…
Puis la Porte se referme…