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n° 13676Fiche technique70918 caractères70918
Temps de lecture estimé : 41 mn
28/01/10
Résumé:  "Tu... tu peux me redire ce que tu viens de m'annoncer, là, à l'instant, s'il te plait ?"
Critères:  fh
Auteur : Patrik  (Carpe Diem Diemque)            Envoi mini-message
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Mon vis-à-vis se tortille sur place, complètement rouge, les lèvres pincées. Moi j’écarquille les yeux, assez surpris, il y a de quoi. Se balançant d’un pied sur l’autre, la jeune femme tergiverse, se tordant démentiellement les mains à tel point que ses doigts sont blancs. Elle ouvre la bouche mais aucun son n’en sort. Elle détourne la tête, secoue ses cheveux mi-longs, prend une longue inspiration puis se lance dans la tourmente :



J’en ai déjà entendu des vertes et des pas mûres, mais c’est bien la première fois qu’on me fait une pareille offre. Je prends à mon tour une grande inspiration :



Elle se tortille toujours sur place, mais en me regardant quand même. Ce qui est un léger mieux depuis tout à l’heure où elle fuyait mon regard. Alors que j’étais dehors en train de prendre l’air sur le parking, juste après avoir mangé au restaurant d’entreprise, Nérine est venue droit sur moi et m’a assené qu’elle désirait sortir avec moi en compensation de ma rupture d’avec sa cousine. Ça faisait quelques mois que je sortais avec Béatrice, une collègue d’un autre service, quand cette dernière a rompu sans trop s’embarrasser de justificatifs. Des âmes charitables m’ont alors gentiment expliqué qu’un chef de service avait eu des vues sur mon ex-fiancée et que celle-ci avait décrété unilatéralement que j’étais devenu has-been.


J’avoue que j’ai assez mal digéré la chose, surtout que je me voyais déjà avec des enfants d’ici quelques mois. La veille de la rupture, nous étions en train de visiter une maison témoin, avec l’arrière idée très nette de faire construire.



Et hop, elle redevient plus rouge qu’une pivoine ! Je m’adosse à l’un des arbres qui ombragent le parking, je suis un peu abasourdi par ce qui arrive actuellement. Elle reprend :



Il est vrai que, n’étant pas trop mal de ma personne, j’ai un certain succès auprès de la gent féminine… Il est vrai aussi que Béatrice est très différente de Nérine. Mon ex était, sans contestation possible, une bombe anatomique et sexuelle. Physiquement, sa cousine, à bien y regarder, lui ressemble un peu, comme si… oui, comme une rose en bouton qui ne s’est pas encore déployée. Oui, c’est bien ça, Béatrice est une splendide rose épanouie au parfum enivrant, tandis que Nérine est un délicat bouton de rose en devenir. C’est étrange que ce soit juste maintenant que je m’en rende compte.


Lancée, elle continue, se vidant de ce qu’elle ressent :



Quand elle est lancée, elle est lancée. C’est étrange d’entendre ce genre de mot sur ses lèvres, elle d’habitude si posée et effacée… Mais je pense comprendre sa réaction.



Avant qu’elle ne s’effondre en larmes, je la prends par les épaules :



Elle me coupe sèchement la parole :



Là, je découvre une autre femme qui se dévoile petit à petit. Moi qui la croyais ultra timide, je constate que ce n’est pas vrai à cent pour cent… Nérine s’est jetée à l’eau, elle n’a plus grand-chose à perdre. Quelque part, je la comprends. Peut-être que j’aurais fait pareil, je ne sais pas le dire. Peut-être…



Je déglutis, mon front commence à perler de sueur :



Je soupire :



Je soupire à nouveau :



Elle me regarde intensément. Jamais une femme ne m’a regardé ainsi…



C’est, en effet, un argument assez désarmant… Je commence à avoir peur pour l’état mental de Nérine, elle doit être arrivée bien bas dans sa détresse pour oser offrir et accepter un tel marché.



Son regard est intense, brûlant, je me sens transpercé.



Je voudrais être à des milliers de kilomètres d’ici. J’aime bien cette fille, cette femme, mais je suis incapable de répondre à sa soif d’amour. Elle supplie :



Je me sens très mal à l’aise. Je voudrais fuir son regard ardent, mais je n’y arrive pas. Pourtant, il faut que je trouve une solution. Bien des hommes sauteraient sur l’occasion, mais je ne suis pas ainsi, ma propre éthique me le défend.



Elle se met alors à genoux dans l’herbe, enlaçant mes jambes, suppliante, implorante :



Je n’ai jamais connu pareille situation ! Je l’agrippe aux bras et la force à se relever. Je suis en colère, malgré moi, contre moi, contre elle :



Effrayée, elle se détache de moi, elle pleure :



Elle se détourne, le visage dans les mains, et aborde un mouvement de fuite, pour s’éloigner de moi, pour disparaître de ma vie, peut-être même de la vie elle-même… Sans que j’y réfléchisse, je tends la main pour la stopper dans son élan. Avec une certaine surprise envers moi-même, je me surprends à dire :



Je lui tends un mouchoir en papier, elle s’essuie les yeux, tout en me dévisageant de son regard incandescent. Durant ce répit, je me fabrique une contenance. Je m’étonne moi-même de ce que je vais dire. Je ne sais pas bien pourquoi j’agis ainsi.


Pitié ? Culpabilité ? Autre chose ?



Et c’est ainsi que quelques jours plus tard commença notre étrange semaine ensemble.



ooooo



J’avais des journées à poser, j’ai donc pris cinq jours, elle aussi. Je ne voulais pas que les collègues soient mêlés à cette pitoyable histoire. Autant se distancier du travail. D’un autre côté, j’aurais pu limiter la casse en continuant à travailler, plutôt que de rester toute la journée avec Nérine. Oui, j’aurais pu…


Mais voilà, je crois que j’avais besoin de croire à quelque chose comme une vie normale avec une femme, comme celle que j’aurais désirée avec Béatrice. Ma Béatrice, si belle, si sensuelle et si cruelle.


Face à moi, j’ai, en quelque sorte, un ersatz… On dirait, en effet, ma Béatrice, en plus candide, en moins charnelle… Une jeune fille plutôt, pas une jeune femme. Elle se tient face à moi, hésitante, indécise ; elle attend visiblement que je donne une directive.



Si elle met toujours cinq minutes à se décider pour la moindre chose, la semaine passera vite ! Ce qui en soi n’est pas un mal. Je soupire intérieurement. Pour me donner une contenance, je fais rapidement un rapide tour d’horizon de son appartement : un étrange mélange de bordel et de rangement. Indéfinissable ! Tout est à la fois propre, soigné, rangé et entassé dans tous les coins. Surtout les livres et les CD ! Sans parler des DVD.


C’est alors que je réalise que depuis des années elle vit seule, avec pour seule compagnie ces livres qui s’empilent partout dans les petites pièces de son appartement, le tout baigné dans une perpétuelle musique diffusée en sourdine : elle ne sait pas vivre sans un fond musical, c’est ce qu’elle m’a avoué il y a cinq minutes.


Aujourd’hui, lundi, c’est notre première journée, il est presque dix heures du matin. J’ai profité du week-end pour ranger un peu mon chez-moi et me préparer à mon étrange semaine. J’ai planifié des tas de choses, histoire de ne pas être pris au dépourvu, mais quelque chose me dit que ça ne se passera pas comme prévu.



J’obéis en m’installant posément dans le canapé tout vert. Il y a beaucoup de choses vertes dans le salon, on dirait presque qu’on se trouve dans un jardin ; les nombreuses plantes aident beaucoup à cette impression.


Elle s’assoit à son tour, mais juste au bord du canapé. Si je la poussais un peu, elle chuterait au sol sans effort, illustration parfaite de l’expression « s’asseoir du bout des fesses » ! Elle se tord les mains, puis me regarde avec son drôle de sourire. Alors, elle se décide à se caler à son tour contre le dossier, se blottit contre moi, posant sa tête sur mon épaule.



Je ne bouge pas. Les minutes s’égrènent. Étrangement, elles ne sont pas interminables. Juste un temps suspendu. Je ne bouge pas non plus quand elle pose sa main sur la mienne, se blottissant encore plus contre moi.



Puis elle se lève pour aller dans la cuisine. Je suis perplexe, à la fois de son attitude, mais aussi de la mienne. C’est sa question qui m’arrache de ma songerie :



Je me lève. Sa cuisine ne diffère pas de son salon et de sa salle à manger : le même bordel rangé ! Son réfrigérateur est rempli de produits totalement inconnus. J’avise du lait de coco en boîte, ça va faire longtemps que je n’en ai pas bu ! A-t-il le même goût que celui des vacances, il y a cinq ans ?


Nérine me sourit curieusement quand j’ouvre le lait de coco. Elle me tend un grand verre que je refuse. Elle argumente alors :



Puis nous nous installons à nouveau dans le canapé vert. À nouveau, elle pose sa tête sur mon épaule, puis met sa main sur la mienne. Les minutes filent. Elle dit alors simplement :



Je ne sais pas trop quoi répondre. Elle me dispense de le faire en ajoutant :



Puis je bois mon verre. Pas tout à fait le même goût, mais bon quand même. On ne peut pas comparer quelque chose de frais directement issu d’une noix de coco avec une boîte importée d’on ne sait où.


Peu après, toujours dans cette même atmosphère retenue et ouatée, nous descendons nous promener. Elle me fait découvrir son quartier, ses magasins spécialisés, le petit square avec ses trois ou quatre arbres malingres et ses quelques buissons mal taillés.


De retour à son appartement, elle me chasse de la cuisine afin qu’elle prépare à manger. Quelque chose me dit que ce sera du bio dans toute sa splendeur. Bah, quelque part ça ne me fera pas de mal, moi qui suis plutôt adepte des cuisines pas très amincissantes !


En effet, je mange une salade composée de tas de choses indéfinissables mais bonnes à manger. L’après-midi est un peu identique à notre matinée, comme en suspens. Juste avant de nous quitter vers vingt heures, après une autre salade, elle me dit :



Puis, juste avant de refermer la porte, elle dépose furtivement un léger baiser sur mes lèvres. Avant que je ne réalise, la porte est déjà fermée. J’attends un peu, je suis prêt à parier qu’elle est toujours derrière la porte, qu’elle me regarde peut-être par l’œilleton, mais rien ne s’ouvre. Alors, tournant le dos, je descends lentement les escaliers. Arrivé à mi-palier, j’entends une porte qui s’ouvre. Je me retourne ; j’ai juste le temps d’entrevoir un morceau de son visage, un bref geste de la main avant que la porte soit à nouveau close. Dubitatif, je remonte dans ma voiture, l’esprit un peu ailleurs. Demain, c’est elle qui vient chez moi, et le décor ne sera pas du tout le même. Mais je ne vais certainement pas tout repeindre en vert pour ses beaux yeux, c’est certain !



ooooo



Elle écarquille grand les yeux. Comme je le pressentais, elle est assez étonnée de mon intérieur : je ne déteste pas l’Ethnico-High-tech ! Cette expression est de moi, elle décrit le mélange improbable du dernier cri technologique avec des objets venant de tous les coins du monde, surtout les bibelots équivoques dont j’ignore d’ailleurs l’utilisation exacte !



J’ai nettement moins de livres, de CD et de DVD qu’elle. Pour être précis, la musique et les vidéos sont sur mes disques durs externes, transformés en lecteurs, lesquels sont interconnectés avec divers périphériques, dont les haut-parleurs agencés aux quatre coins de ma plus grande pièce, un tout-en-un, je n’aime pas trop les portes…



Intriguée, elle fait le tour du propriétaire tandis que je cherche des boissons. Je lui tends un jus de tomates tandis que je m’offre un coca bien glacé. Avant de boire, le verre presque à ses lèvres, elle murmure :



Mais elle ne répond pas, occupée à boire.



Elle a du jus de tomates sur la lèvre supérieure. Étrangement, j’aurais bien aimé le lui ôter…



Elle pose son verre.



Elle continue, le regard au loin :



Je préfère ne pas intervenir, mon expérience des femmes me le dicte. Elle s’avance au milieu de la grande pièce, sans lâcher son verre.



Je me place face à elle :



Elle met ses mains derrière le dos, ce qui met particulièrement en valeur sa poitrine, elle sourit étrangement :




ooooo



Le reste de la semaine continue en demi-teinte, deux pas en avant, un sur le côté et un en arrière. Globalement, on dira que nous avançons quand même un peu. Cependant, j’avais une autre vision des choses, mais sans doute que c’est mieux ainsi, sur le fil du rasoir.


Nous sommes sortis presque chaque soir, parfois main dans la main. Pour l’instant, elle est blottie contre mon corps, mon bras sur ses épaules. Le plus loin que nous ayons été fut un baiser un peu appuyé qu’elle me donna sur les lèvres. J’ai d’ailleurs failli chavirer, mais elle s’est aussitôt détachée de moi. A-t-elle su que j’avais été très tenté de pleinement l’embrasser ?


J’ai aussitôt mis cette faiblesse de ma part sur le fait que je suis célibataire depuis un certain temps, et que Nérine me fait toujours songer à Béatrice, ses yeux, sa bouche, son nez, son visage, ses cheveux, tout. C’est terriblement frustrant d’avoir à côté de soi une femme qui est à la fois celle qu’on aime, et en même temps une parfaite inconnue…


Et je ne parle même pas de toutes les fois où j’ai failli l’appeler Béa ou Béatrice…


Quelque part, je suis content de cette étrange semaine. Je me dis que, la voyant si différente, je fais ainsi mon deuil de Béatrice. Je sais que c’est un pis-aller, mais je prends, avec l’illusion que…


Que quoi, finalement ?


Je secoue la tête à cette fugace pensée ; je monte les escaliers qui mènent à son appartement. Ça me fait un peu d’exercice de grimper trois étages. Je constate que les ans qui passent n’arrangent rien à ma forme physique, même si je reste un jeune selon les statistiques. Les salades et tous ces produits bios qu’elle me fait manger me font finalement du bien. Dans cette étrange semaine que je vis, ce sera peut-être le réel point positif, dans cet univers en clair-obscur…


Je sonne à la porte, celle-ci s’ouvre, et là, je reste figé sur le seuil…


Face à moi, une autre Nérine, si loin, si éloignée de Béatrice, une Nérine à la fois effrayante et si attirante dans son ensemble échancré trop sexy, son maquillage léger mais provocant, ses yeux qui brillent étrangement ! Un collier massif orne son cou délicat. Ses petits tétons dardés qui impriment sensuellement le tissu trop léger de sa robe. Ses longues jambes gainées et perlées, perchées sur des talons aiguilles improbables ! Elle me toise, puis se retourne, m’invitant à la suivre. J’ai comme un coup au cœur en découvrant son dos nu, et la mini-jupe qui dessine si bien ses mignonnes fesses. Trop dangereux, ultra périlleux même, il faudrait que je fuie. Mais le papillon aime voltiger autour de la flamme de la bougie.


Elle se retourne quand nous arrivons au milieu du salon, elle me regarde alors :



Un bref silence, puis elle reprend avec un étrange sourire :



Je suis très dubitatif, tout en appréciant particulièrement la plastique très avantageuse qu’elle offre à mon regard. Je reconnais que ça valait le coup d’attendre une semaine, et même plus, pour l’admirer ainsi.



Je me recule pour mieux la contempler, ma réponse doit être écrite en grosses lettres sur mon visage car, avant que j’ouvre la bouche, elle dit simplement :



J’obéis, quelque chose dans sa voix a changé.


Je m’assieds tandis qu’elle disparaît dans la cuisine, comme pour me laisser seul face à l’écran sombre de l’ordinateur. À présent, au vu de la première page, je commence à mieux comprendre certaines choses : c’est indubitablement Nérine que je découvre sur le site, ou plutôt Norine, comme elle se fait appeler. Son visage reste masqué sur les diverses photos, souvent un simple loup, il y a même des vidéos, c’est incontestablement elle, une autre elle qui rayonne d’une étrange beauté, que je contemple.


Car contempler est bien le mot. Je connaissais quelque part l’anatomie de Nérine de par sa ressemblance frappante avec Béatrice dont j’ai partagé les nuits souvent agitées. La Norine de l’écran semble avoir des soirées nettement plus torrides ! Je ne consulte pas toutes les pages, car j’ai vite compris la chose. Je reste abasourdi de ce que je viens de découvrir : il existe en réalité deux femmes en elle, la Nérine timide, effacée et la Norine nettement plus… Je ne saurais dire quoi, les mots me manquent.



Elle est face à moi, toujours aussi sexy. Et effrayante de sensualité, et de ce que j’ai pu voir et savoir d’elle sur le site, plus tout ce que je devine en arrière plan. Je me lève, une main derrière la tête, perplexe :



Je jette un coup d’œil à la fenêtre, son reflet sexy dessiné sur la vitre :



Elle me reprend, avec l’air d’une institutrice qui gronde un enfant fautif :



Elle sourit, elle est trop craquante…



À sa grande surprise, je capture doucement son visage aux joues si douces entre mes larges mains. Je souris faiblement :



Elle pose ses mains sur les miennes, plongeant son regard brillant dans le mien :



Je ne réponds rien, je ne sais plus quoi dire. Nous restons figés ainsi, l’un en face de l’autre, le visage si près, son souffle chaud sur mes lèvres. Je me décide enfin :



Dans un élan imprévu, elle plaque ses lèvres sur les miennes et m’embrasse fiévreusement. Je ne résiste pas, je réponds sur-le-champ à son baiser. Oui, advienne que pourra. Son corps se moule contre le mien, un flot de sensations m’envahit. Je connais pourtant les moindres recoins de son corps, le même que celui de mon ex, mais ici, c’est autrement que je le ressens. Non, pas un clone, pas un simple copier-coller, mais bien celui d’une femme que je ne connais finalement pas.


Nous nous détachons l’un de l’autre. J’essaye de la retenir, mais elle me glisse des doigts. Elle met la table à présent entre nous. Elle pose ses mains dessus.



Elle fronce les sourcils :



Elle serre les poings, le visage dur :



Je jette mon bras par-dessus la table pour lui agripper le bras :



Ses yeux traduisent son désarroi, les traits de son visage oscillent, comme s’il y avait une lutte entre les différentes femmes qu’elle porte en elle. Elle tremble de tout son corps, exacerbant l’obscur désir qui monte en moi. Je préfère la lâcher, elle se réfugie alors dans un coin du salon, dans l’angle le plus obscur. Resté au même endroit, je me calme petit à petit, les deux mains sur la table, tête baissée, tout en regardant de temps à autre dans sa direction. Les secondes, les minutes passent. Combien ? Je ne sais pas. C’est elle qui commence la première à parler :



Je contourne la table pour me rapprocher d’elle. Elle baisse la tête :



Elle relève d’un coup la tête, me fixant, une nouvelle lueur inconnue au fond de ses yeux brillants. Elle insiste :



Elle balaye ma remarque de la main :



Elle s’approche de moi, sinueusement, ses tétons lascivement pointés en avant sous le tissu, toujours cette lueur dans ses yeux, je reste comme rivé à son regard qui me magnétise. Elle est belle ainsi, une sorte de rayonnement émane d’elle. Je l’avais constaté sur les photos du site, mais en réel c’est encore plus marquant.


Face à moi, Norine, si loin, si éloignée de la Nérine que je connais, Norine si effrayante et si fascinante dans son ensemble échancré trop sexy, son maquillage léger mais aguichant, ses yeux qui brillent étrangement ! La naissance de ses seins si visible, son dos nu, la mini-jupe qui ne cache pas grand-chose de ses jambes gainées. Trop dangereux, ultra périlleux même, mais je me fiche totalement de m’y brûler les ailes, je le sais, je commence à peine à l’admettre.



Elle a un curieux sourire :



Je ne réponds rien, je ne sais pas si, dans quelques instants, je ferai la plus grosse connerie de mon existence ou le meilleur choix ! De la façon dont elle me regarde, à la fois victorieuse et inquiète, je pressens qu’elle aussi a deviné mon hésitation.


Sa voix devient encore plus douce et caressante :



Pris d’un brusque mouvement de rage, j’agrippe une bretelle de sa robe, sa robe trop légère. Surprise, elle crie. Je l’attire à moi. Elle résiste, se recule. Le tissu cède, dévoilant deux mignons seins frémissants. Contraste étonnant entre son long collier massif et cette si délicate poitrine frissonnante.


C’est alors qu’elle ouvre les bras, son sourire si lumineux. Elle refera souvent le même geste par la suite, cet incroyable abandon de soi. C’est alors que j’ai définitivement craqué.



ooooo



Le soleil me fait cligner des yeux. Les murs qui m’entourent irradient de lumière. Son bras sur mon torse, Nérine est endormie contre moi. Attendri, je la contemple. Dehors, les nuages passent lentement à travers la fenêtre.


Je me sens à la fois vide et rempli. C’est une étrange sensation. Notre nuit a été démente, hallucinée, deux corps qui se donnent sans se contrôler, sans tabou, sans autre limite que donner du plaisir et en prendre. Quelle femme ai-je aimée cette nuit ? L’une et l’autre, sans doute !



Des grands yeux me fixent, je souris tout en lui caressant les cheveux. Elle se blottit encore plus contre moi, je suis si bien. Puis, doucement, sa bouche me cherche, je me laisse faire…



ooooo



J’ai déposé les armes à ses pieds, je ne sais pas où nous irons, mais avec elle j’ai un but, un soleil. Je ne suis pourtant pas perdant : deux femmes en une. Mais ça me déstabilise toujours un peu au quotidien, sans parler de ces brutales volte-face en l’espace de quelques secondes. Avec qui serai-je dans une heure ou une minute ? Nérine ou Norine ?


Même si nous faisons chambre commune tous les soirs et les nuits, nous conservons nos appartements respectifs, il est trop tôt pour aller plus loin. Ça va faire seulement un peu plus d’un mois que nous avons fusionné nos vies. Je me suis remis au sport, ceux d’endurance, il me faut à présent un certain entraînement pour résister à nos nuits torrides ! De plus, avec ce que je mange chez elle, ça ne peut me faire que du bien. C’est à tout ça que je songe tandis que je prépare notre salade quotidienne.



Elle se blottit contre moi, toute câline et sensuelle :



Et nous restons ainsi, dans les bras l’un de l’autre, simplement à savourer notre présence respective, elle tout contre moi, son odeur, sa chaleur, son cœur qui bat…


À présent, nous mangeons, elle semble absente, ailleurs. Je lui demande directement :



Elle pique du nez dans sa salade. Je sens que ça ne va pas être triste. J’attends calmement, ce qui ne m’empêche aucunement de continuer à manger ma part. On ne sait jamais : et si ce qu’elle avait à m’annoncer devait me couper l’appétit ?



Je soupire, je pose ma fourchette. Elle me regarde, inquiète. Je la regarde bien dans les yeux :



Je pose les coudes sur la table, le menton sur mes poings fermés.



Elle se calme aussitôt. Elle reprend timidement :



Elle se lève d’un bond, posant les mains sur la table, tentant de me dominer de toute sa hauteur :



Je me lève à mon tour, les bras aussi sur la table, le visage à quelques centimètres du sien. Je suis faussement calme :



Je souris cyniquement :



Elle serre les dents, les yeux brillants, ses poings aux jointures blanches. Tout ça, c’est stupide, mais c’est ainsi. N’empêche qu’elle est terriblement belle en colère ! Je conclus :



Et je l’embrasse par-dessus la table.



ooooo



Tout s’est très bien passé. J’ai passé la soirée dans mon petit coin à admirer la femme que j’aime se mouvoir comme un poisson dans l’eau parmi tous ses invités costumés de latex et de cuir. Malgré l’ambiance équivoque, tout ça me semblait très bon enfant. Le contraste était d’ailleurs terriblement fort entre ces fouets, ces chaînes, ces seins nus, ces sexes dévoilés dans des lueurs crépusculaires, et ces propos totalement badins !


Je commence à comprendre certaines choses.


Au début, elle revenait sans cesse vers moi, puis elle a compris. Alors, je l’ai vue s’épanouir dans cette atmosphère particulière, ma sexy Norine tout enveloppée de résille… Je me disais alors que j’avais cette grande chance que cette femme soit à moi.


De plus, comment pouvait-elle batifoler avec d’autres, sachant qu’en parfaite maîtresse de maison elle était partout à la fois ? Elle riait, s’amusait, plaisantait. Mais, en même temps, elle songeait à tout, le moindre détail, la moindre chose, le moindre agrément, tout pour que ses invités soient pleinement satisfaits. Elle virevoltait de table en canapé, de sofa en bar, telle une danseuse. Par quatre fois, nous avons été sur la piste, elle ondulait voluptueusement, sensuelle, torride, incroyable. Moi, tous mes sens étaient en émoi. Elle était heureuse, dans son élément, elle vivait…


C’est alors que j’ai songé à quelque chose… Pour elle, et aussi pour moi…



ooooo



La soirée finie, je suis venu vers elle, assise, affalée sur une chaise, exténuée. Je me suis accroupi derrière elle, et je l’ai enlacée dans mes bras câlins. Elle s’est laissé aller, sa tête contre mon cou. De longues minutes se sont écoulées. Puis je l’ai aidée à faire le ménage. Elle n’a rien dit, me lançant ci et là de rapides coups d’œil.


Nous sommes à présent dans la voiture qui nous reconduit vers la ville. Elle n’a toujours pas ouvert la bouche, elle attend…



Elle se tourne vers moi. Souriant, je lui jette un rapide coup d’œil avant de regarder droit devant la route sombre :



J’arrête la voiture sur le bas-côté. Elle écarquille les yeux, surprise :



Je m’approche d’elle, elle me regarde, intriguée.



Elle me regarde, les yeux brillants :



Elle rit, je l’embrasse fougueusement. Il nous faudra un certain temps avant de reprendre la route…


ooooo



Incitée par mes bons soins et par le biais de ses… « contacts » du samedi, Nérine a fini par dénicher une ancienne ferme au carré, pas trop loin de la ville. Il y avait du boulot en perspective, mais le prix était au ras des pâquerettes des pâtures avoisinantes. Ça a pris six mois pour avoir quelque chose d’acceptable, six mois durant lesquels nous ne nous sommes plus quittés. Nérine, qui avait pris un congé sabbatique, s’est révélée être d’une efficacité redoutable, en parfaite chef d’entreprise ! Nérine ou Norine ?


Norine est comme un oisillon, il lui faut prendre son envol, faire en sorte qu’elle plane par-dessus les cimes, qu’elle s’accomplisse. L’entreprise n’est pas très aisée, mais je sens, je sens que nous pouvons y arriver. Bien qu’elle ne m’en ait pas parlé, j’avais vite deviné son rêve secret, et sans détour j’avais abordé le sujet, à peine une bonne semaine après notre première nuit. D’abord stupéfaite, elle était devenue très vite rayonnante, ce fut sans doute ma plus belle récompense…


J’ai aidé du mieux que j’ai pu. Je n’y connais rien en bâtiment, mais l’électricité c’est mon dada. Avec un peu d’astuce et de récupération ci et là, j’ai même réussi à lui mettre en place une solution domotique dans toute sa splendeur ! De son côté, avec son sens inné de la déco, Nérine a très bien réussi l’aménagement de la ferme. Comme quoi les choses les plus belles ne sont pas forcément les plus onéreuses… J’étais indiscutablement très fier d’elle et elle le savait ; elle en a même profité…


Puis, un beau samedi, ce fut l’inauguration. Ce samedi.


Ce fut aussi le week-end le plus étrange de ma vie. Je connaissais un peu le monde de Norine, mais ce fut très surprenant d’y être plongé totalement. Ma compagne était comme un poisson dans l’eau, radieuse, légitimement fière d’elle, félicitée de toutes parts ; moi, j’étais littéralement le « prince qu’on sort »…


Un tourbillon… tant de visages, de musiques, d’odeurs, de désirs…


Tant de lumière et d’ombre…


Enfin, ce dimanche soir, il n’y a plus personne autour de nous, les salles sont vides, tout le monde est reparti chez soi, loin des chaînes du donjon. Adossé au long comptoir, je pousse un grand soupir de soulagement. Norine vient vers moi. Non, c’est Nérine qui s’approche de moi avec une coupe dans chaque main. Elle est totalement torride dans son costume de Domina, toute de noir vêtue, illustration parfaite du fétichisme du cuir. Elle me tend l’un des verres, puis s’assied sur le haut tabouret, juste à côté de moi.



Elle désigne la grande salle où nous sommes.



Elle me regarde d’une étrange façon, très sensuelle, je suis considérablement troublé. Elle boit une gorgée de son verre, le pose sur le comptoir :



J’esquisse un sourire moqueur :



Elle se lève pour aller au centre de la grande salle :



Elle s’apprête à quitter la vaste pièce. Arrivée à la porte, elle se retourne et me lance, avec un large sourire :



Ni plus, ni moins. Pas un ordre, pas une demande. Non, une simple certitude.