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n° 13865Fiche technique29410 caractères29410
Temps de lecture estimé : 17 mn
16/05/10
Résumé:  Une femme seule noue une relation réelle et imaginaire...
Critères:  f voyage cérébral fmast jouet portrait -mastf
Auteur : Ortrud      Envoi mini-message
Danielle solo

Qui aurait pu dire que Danielle était une fille « sympa » ?


Efficace, oui, sans doute.


Intelligente ? Oui, je pense, oui, c’est sûr.


Aimable ? Hmmm, je ne sais pas trop, en tout cas, elle ne m’a rien fait, ça non, c’est sûr. Jolie ? Ah tiens, c’est vrai, je n’ai jamais fait attention, mais maintenant que vous me le dites, oui elle est, comment dire… ? Oui, elle est plutôt bien.


Et elle a un copain ?


Non, vous voulez rigoler, avec la tronche qu’elle se paie, enfin, je veux dire, avec la tête qu‘elle fait. Un glaçon. D’ailleurs on l’appelle bauknecht, ça vous dit tout.


Peut-être une copine ?


Oui, bon, peut-être, mais ça m’étonnerait quoique… Toujours en pantalon, enfin, ça veut rien dire, bien sûr, et puis je suis navré (e), j’ai du travail, ciao, quand vous voudrez.


Danielle a eu vingt ans, elle en a trente-cinq, elle est célibataire, oui, ce mot qu’on disait du temps du mariage, aujourd’hui ça veut dire qu’elle n’a personne dans sa vie, à part sa maman, ses deux sœurs et un frère très très lointain. Et elle n’a même pas quelqu’un pour l’hygiène sexuelle. Seule, quelques copains pas très proches, quelques sorties avec une association de randonnée, quelques voyages organisés, mais, c’est curieux, dès qu’elle est dans un groupe, elle magnétise les dondons et les vieux célibataires.


En vérité, bien plus tôt dans sa vie, ceux quelle aurait voulus ne l’ont pas voulue et elle ne voulait pas ceux qui la voulaient. Moralité : l’appartement confortable n’a pas besoin de deux fauteuils, et un lit en 120 suffit.


Elle reste élégante, pour les besoins de son travail, mais seulement à la surface et suivant un modèle unique. Pantalon vague ou jupe-culotte, veste tailleur ou redingote, chemisier col fermé, en soie, oui, mais fermé. Elle a abandonné les dessous en flocons de dentelles pour adopter le collant slipé et un stock de culottes Mark et Spencer outre des soutiens-gorge complets.


Ce matin, cependant, elle se regarde dans la glace, nue, elle vient de découvrir l’affaissement de ses seins, léger, sans doute, mais, là, à l’aisselle, l’attache fait un petit pli serré alors que, le mois dernier, c’était tout rond. C’est pareil à droite, et elle s’examine, tiens, là, sur le ventre, une petite rainure subombilicale. Elle n’a pas la sottise de découvrir aujourd’hui qu’elle s’achemine vers la quarantaine, mais elle est prise d’une forme de peur qui est celle des solitaires. Pourtant, elle n’a jamais eu envie de lier sa vie à une autre personne parce qu’elle n’imagine pas les ronflements, les odeurs, les habitudes divergentes, toutes choses qui prennent de l’importance quand on commence à vieillir alors qu’elles sont le charme des années tempétueuses. À quoi vont bientôt servir les heures de gymnastique, les marches interminables, les longueurs de piscine, si c’est pour m’affaisser comme une baudruche ?


Ces petits signes lui donnent l’impression qu’elle chiffonne sa vie, que les premiers froissements de sa peau sont aussi ceux de sa solitude grandissante…


Et elle se venge sur elle-même, en sollicitant son corps. Danielle n’a pas d’autre sexualité, elle se satisfait toute seule, elle se masturbe. Devant la glace, elle regarde son reflet, comme dans un film de Bergman, et passe ses mains croisées sur ses épaules, gauche/droite, elle flatte sa nuque en relevant les cheveux follets, masse son cou et suit le dessin de ses traits. Longuement, elle passe les doigts sur sa bouche en les suçotant.


Les yeux fermés, elle touche ses oreilles, si sensibles, qui vibrent si bien au piano. En rougissant, elle suit la courbe de ses seins, d’une main à peine frôleuse et passe très vite sur les mamelons déjà tendus, n’y tient plus, y revient, s’en éloigne, tourne autour, puis les pince, tour à tour, pour les punir et les agacer aussi.


Pas trop, pas trop, ses mains descendent sur les flancs, son bassin généreux, elle passe sur ses fesses, trop larges, mais dures, et elle s’arrête pour rejoindre son lit et se couler sous les draps ; elle ne veut pas se voir dans les instants cruciaux. Allongée, elle lisse sa toison, et suit le creux des aines en remontant, puis en descendant, elle se réjouit du contact avec les poils, imagine qu’elle pourrait les épiler, ou les raser, et ne le fait jamais.

Son index stationne un long moment au sommet de la fente, en avant-garde, elle le bouge à peine, pendant que son autre main masse le ventre. Elle garde les cuisses serrées, elle résiste à sa main, et ne cède que lorsque le majeur, plus long, plus adroit, glisse dans la fente mouillée pour effleurer le clitoris. Première secousse, et retrait immédiat, elle porte le doigt à sa bouche, respire son odeur de sexe, elle pointe un petit bout de langue rose qui échantillonne sa mouille, puis, irrésistiblement, elle retourne vers la vulve, en écartant les cuisses. Elle se sent exposée, ne peut plus retenir son envie, fouille la fente, en lissant les lèvres, d’un doigt puis des deux mains, elle les écarte, présente son vagin à une pénétration improbable, introduit, un doigt, au chaud, dans l’humidité moite, puis deux, en crispant ses doigts retournés pour exciter l’entrée de son sexe. L’autre main tourne sur le bouton qui se dresse, forme un bourrelet qu’elle juge excessif, mais si pratique à torturer.


Abandonnant son vagin, elle se consacre à l’organe érectile, le fait vibrer d’un doigt léger, le pince et le lâche pour ressentir la demande qui palpite et la contraint à reprendre son geste jusqu’à ce qu’une onde la traverse, lui fasse fermer les cuisses sur sa main, en accentuant la pression sur la vulve, les ouvre à nouveau, libérant l’accès et elle laisse le plaisir monter, les crispations de son ventre se rapprocher pour se fondre en une vague unique qui, lentement, comme les rouleaux atlantiques, se replie et la replie sur elle-même en faisant foisonner ses rouleaux, ses doigts presque immobiles ne font que vibrer, ils accompagnent seulement la vague en glissant sur les chairs trempées jusqu’à ce que par pics successifs, le plaisir fasse jaillir d’elle des petites gouttes de rosée qui annoncent les secousses majeures, à la file, en rafale, qui tordent son corps, en arc, en boule, puis brusquement détendu dans un feulement désespéré. Elle a joui, longuement, une tache claire marque le drap. Lors, elle s’acharne, reprend son sexe, le tourmente pour lui retirer du plaisir, encore du plaisir, jusqu’à l’affolement des sens. Aujourd’hui, elle n’arrive plus qu’à se procurer des secousses brèves, son esprit est ailleurs, et la taraude, elle n’arrive pas à imaginer quelqu’un avec elle.


Elle essaie de penser à ce jeune homme qu’elle a trouvé charmant, hier, à la terrasse du restaurant sur le Cours Mirabeau, son image ne se fixe pas, s’efface. Ah oui, il était avec une très jolie jeune femme, bien sûr. Elle avait une poitrine de cinéma. C’est seulement un éclair dans sa tête, qui s’efface, la pluie arrive, le trouble de l’eau dans les yeux. Elle abandonne cette recherche instinctive pour se pelotonner dans ses draps et s’offrir un sommeil plein du parfum de son sexe apaisé.


Et la fatigue s’abat sur elle, elle s’est masturbée pendant une longue demi-heure.


Sa vie est jalonnée de ces moments qui la ramènent tous au même endroit. Pourtant, depuis quelque temps, elle ose d’autres choses. Elle n’est pas vierge, elle a perdu sa fleur en enfonçant dans son ventre un objet rond et long, quelconque.


Voici un mois, elle a failli rire d’elle-même en pelant quelques courgettes, ce n’est pas qu’elle voyait à la place un sexe masculin, mais elle s’est prise à penser que ce relief était fait pour son creux. Et elle n’a pas résisté, elle a enfoncé le légume dans son ventre, après maintes précautions hygiéniques, mais elle a eu peur de le casser, de l’écraser, son plaisir a instantanément régressé et elle a jeté la chose, vaguement écœurée.


La semaine dernière, dans sa cuisine, seulement vêtue de sa blouse de ménage, elle laissé échapper quelques gouttes de pipi dans sa culotte qu’elle a aussitôt retirée pour la laver et le téléphone a sonné, la conversation s’est éternisée et en parlant, un diablotin murmurait à son oreille : « Tu parles à quelqu’un et tu as les fesses nues, on peut voir ta minette », la faisant sourire.


Elle est donc restée sans culotte, le petit linge abandonné sur un dossier de chaise, si bien, si longtemps qu’elle n’y a plus pensé. Lorsqu’on a sonné à la porte et qu’elle a ouvert, au dernier moment, elle a eu devant les yeux l’image de son slip exposé, mais trop tard, sa camarade Béatrice était dans la place.



Elle a jeté la culotte dans le panier à linge, mais ne pouvait pas faire autrement que de soutenir la conversation dans cet état. Elle sentait monter en elle une forme de plaisir pervers à penser qu’à la faveur d’un mouvement, d‘un déplacement, Béatrice pouvait voir quelque chose, et en même temps, elle en avait la terreur.


Béatrice est vraiment une commère qui semble prendre un malin plaisir à s’incruster en prétextant des affaires de quartier, des racontars, des récriminations sur les impôts locaux. Lorsqu’elle s’en va enfin, sur le pas de la porte, elle lance un : « Bonne lessive » tout à fait ambigu. De ce jour, Danielle tourne et retourne dans sa tête cette première intrusion dans son giron, le secret de son corps délaissé. Elle a été secrètement satisfaite mais sans se le dire, de sentir, dès le départ de la fâcheuse, sa fente humide. Elle a éprouvé le plaisir de se toucher tout de suite, directement, les doigts inondés, sans même s’allonger, cambrée, jambes fléchies et cuisses ouvertes.


Ces moments traversaient la vie de Danielle, sans peser sur elle. Jamais, aucune pensée vers un tiers n’a perturbé ses émois mais ce matin, son examen de corps et le soin mis à ses caresses éveillent chez elle des appétits qu’elle n’arrive pas à reconnaître.



C’est toujours l’instant de gloire, le « je compte sur vous. » C’est l’investiture, la délégation d’autorité qui vous fait marcher plus droit, faire sonner les talons et regarder les autres en disant avec les yeux et la démarche :



Tout cadre supérieur sait cela et aussi qu’à la faveur d’un rachat ou d’un changement de politique, il peut se retrouver à tamponner des factures ou jeté avec un chèque pour tout viatique.


Danielle a la force des solitaires ; elle n’a pas peur du chômage, vingt entreprises se l’arracheront, seule, disponible, jamais malade, non syndiquée, pas de peine de cœur, pas d’enfant et pas intoxiquée par le niveau de la paye toujours suffisante pour ses besoins personnels.


Nuremberg est une ville de charme, reconstruite, remodelée, toujours vivante, elle garde en elle le souvenir du drame de la Seconde Guerre Mondiale, mais propose toujours ses cours, ses jardins, musées, ses restaurants historiques.


La boîte n’a pas été pingre et lui a réservé une chambre dans un hôtel du centre-ville ; elle y prend ses quartiers avec indifférence, négligeant pour l’instant le charme un peu sévère des meubles modernes ou les proportions pharaoniques de la salle de bains, chose que la France, sale par nature, ne comprendra jamais.


Le lendemain, elle s’aperçoit que son trajet dans les rues piétonnes la fait passer devant un magasin d’articles érotiques.


Les premiers jours, elle ne l’a par vraiment remarqué, seulement vu, avec un petit froncement de sourcils devant ce point rouge qui venait déranger ses pensées d’entreprise. Au terme de son séjour, l’esprit détendu, les conversations achevées et les résultats engrangés, elle ralentit le pas, jette un regard furtif, un sentiment de peur et de tentation au ceux du ventre.



La veille de son départ, Danielle tourne en rond dans sa chambre, exaspérée. Ses rapports sont prêts, le patron tenu au courant, elle a du temps devant elle. Dix fois, elle met son manteau, dix fois elle l’enlève, elle se tord les doigts. On va se moquer d’elle, tout le monde la regardera, jamais je ne pourrais faire ça chez moi, oui, mais ici, je n’y suis pas. Et elle sent son sexe qui s’énerve. Pâle, déterminée, elle s’engouffre dans la rue, et, sans tourner les yeux, rentre dans la boutique comme on plonge après une longue hésitation.


Une longue jeune femme l’interroge du regard, entend l’objet de la recherche et l’accompagne au rayon. Danielle est écarlate.



Danielle balbutie des remerciements, le cadre sûr de lui est dans les oubliettes, il ne reste que la femme perdue qui n’arrive pas à se prendre en mains. La jeune hôtesse reste là, elle guette un signe :



Et elle désigne une rangée d’objets en silicone, aux couleurs fluo, très désincarnés, quoique réalistes, puis s’en va, après une petite pression amicale sur le bras. Danielle reste plantée, dans un monde qu’elle ne connaît pas. Elle a besoin de ne plus envisager ses gestes immédiats, comme revenir à la caisse avec un godemiché dans les mains.


Elle tourne un peu, croise quelques hommes gênés ou rigolards, quelques femmes impavides qui farfouillent dans les culottes fendues et les martinets de soie.


Elle revient au rayon des godemichés et commence à chercher, le ventre crispé. Absorbée, évitant de regarder autour d’elle, elle ressent une présence qu’elle aimerait aux cent mille diables, et s’entend questionner :



La voix sort du joli visage d’une femme proche de la cinquantaine, souriante, la peau brune des Allemandes qui voyagent au soleil.


Elle se détend, brusquement, avec la même sensation qu’elle avait éprouvée lors de l’épisode de sa culotte exposée.



Et les deux femmes engagent la conversation, tout en pelotant les sexes de latex. Danielle se décide, Martha aussi et elles font un tour de magasin avant de payer. Danielle a hâte de rentrer dans sa chambre, mais, dernière concession et suprême plaisir, elle admet de retarder le moment décisif.



On pourrait imaginer qu’une gomme magique effaçât les circonstances de la rencontre, que les deux femmes, rassurées sur l’opinion qu’elles peuvent avoir l’une de l’autre, s’orientassent vers des sujets qui feraient honneur à leurs compétences, mais non, l’empreinte de la confidence écarte les idées importunes, quand on nage dans la confiance des secrets, on n’a pas envie de s’en départir.



Ces choses intimes paraissent tout à coup si naturelles qu’elles en perdent leur caractère gênant.



C’est une complicité qui s’établit dont il faut imaginer l’étrangeté : deux femmes, ayant chacune dans son sac un godemiché, sachant l’une et l’autre que, tout à l’heure, elles vont s’écarteler, nues, pour le faire pénétrer dans leur sexe échangent des confidences alors qu’elles ne se connaissaient pas une heure auparavant. Elles distillent leur désir dans la banalité du discours, émues d’évoquer sans le dire leur agitation intime.



Elles se quittent avec ces petits gestes, comme laisser traîner la main sur l’avant-bras de l‘interlocutrice, on s’éloigne sans en avoir envie, en tournant la tête, avant de se séparer, un retard que Saint-Simon aurait dit « forlongé ».


Danielle se retourne une dernière fois pour rencontrer encore le regard lointain de Martha qui a fait la même chose au même moment. Un geste de la main, chacune va au déduit pour son propre compte.


Dans sa chambre, Danielle accomplit le rite du plaisir avec lenteur ; elle a posé l’objet sur son lit, enlève ses vêtements en les pliant avec soin. Elle retire sa culotte en jetant un regard sur le fond, ah oui, taché, ben sûr, elle a coulé, est-ce que Martha a mouillé elle aussi ? Déjà, elle se projette sur sa partenaire virtuelle. Nue, elle hésite, va vers la salle de bains, mais non, inutile de faire une toilette, elle est seule, et sent, en marchant, que ses chairs sont visqueuses, accueillantes. Elle retarde tant qu’elle peut le moment de se coucher ; la peur de la déception ou de l’excès, la crainte que la chose finisse trop vite, et l’anonymat froid de la chambre qui ne l’invite pas à autre chose qu’à une pensée mécanique. En elle, reflue son désir, l’objet-sexe redevient un bloc de silicone, et la pointe de ses seins, qui durcissait, redevient souple et neutre.


Elle porte une main, elle avance la main vers sa poitrine, en rampant le long de son corps, et pointe un doigt sur le bout de son téton, tout juste pour le faire rouler. La vibration se déclenche tout de suite, mais sans l’affoler, elle a froid, puis elle n’a pas pensé à mettre une serviette dans le lit pour parer aux épanchements espérés.


Rien ne va, tout est de travers, et pendant ce temps, Martha doit s’éclater. Il faut que je fasse quelque chose, pour pouvoir en parler.


Et le téléphone sonne :



Un long silence s’installe, qui aide aux premiers frissons de la communication du plaisir.



Un petit rire les secoue.


Danielle met le haut-parleur pour avoir les mains libres et s’allonge, le combiné à côté d’elle. D’un seul coup, la chaleur l’habite, lui rend ses gestes confisqués par la solitude.



Danielle prend toute la mesure de sa dérive physique ; depuis que, petite fille, elle partageait des jeux presque innocents, jamais elle n’avait eu de partenaire, enfouissant sa sexualité dans les tiroirs du bas de sa personne. Elle découvre les tremblements du partage.



Les phrases deviennent courtes, la parole hachée.



Danielle sent son corps trembler, plus de frustration que de désir encore. Même enfouie sous sa couette, elle évacue son froid interne, se maudit de cet exercice de conversation indécente. Presque, elle appuierait sur off pour se dégager.


Un silence s’établit, chacune hésite avant de se livrer à soi-même. Les mots se font hésitants, la demande plus timide. Martha n’ose pas, le bout arrondi n’allant pas au-delà de l’écartement des chairs superficielles, Danielle fait aller et venir l’objet de haut en bas, comme un gros doigt. Elles retardent l’une et l’autre l’extrême de la confidence, reculent le temps du viol dernier de leur intimité.



En espérant que le seul silence lui répondrait.



Danielle se tétanise, le temps d’une révolte interne, puis, doucement, elle appuie, sent sa chair s’ouvrir, son ventre se remplir.



Les petits cris se ressemblent, les soupirs, même les lèvres mordues ont un bruit, puis les halètements quand les sexes pénétrés guident le corps tout entier, quand les bruits mouillés se font moins secrets. Chacune adopte un rythme, mais elles vont ensemble le même chemin, en poussant le ventre vers l’avant, écoutant les vagissements de l’autre et les faisant siens comme si elles étaient à se toucher.


Les mots se bousculent, incohérents, faits de stridences et de feulements pour culminer dans des « oui » prolongés, mourant sur une main qui s’apaise.



D’un commun accord, elles se quittent, et le froid retombe, elles imaginaient se livrer avec plus de fougue encore, seules, à leur amant synthétique, être plus violentes, plus indécentes, dire des insanités de vieilles filles frustrées, elles se retrouvent dans un désert, une grande froidure, réalisant, sans l’admettre encore, qu’elles ont fait l’amour ensemble, avec le même amant, avec la même amante.



Touche bis, frénétiquement.



Elle court, s’habille sans se laver, dévale le couloir, se rue à l’extérieur, sans hésitation, sans réfléchir vers n’importe quoi. Pas grave, seulement, une présence, pas ce froid, plus jamais, jamais de cet ensablement mouvant, de cet entraînement vers le fond des angoisses assommées au lexomil. Plus de ce regard vide vers la fenêtre après le plaisir, pour que le temps d’après s’en aille bon gré mal gré vers l’infini de la petite mort. Ce n’est que devant l’immeuble désigné que l’incongruité dessille les paupières.



Troisième étage, un rai de clarté sur un chambranle, une porte qui attend et laisse rentrer la chaleur. Martha, blême, nue, ventre rond, seins lourds, épaules grasses. Affolée, comme Danielle par une audace proche de la déraison. Pourquoi nue ? Une robe de chambre était plus vraisemblable. La fébrilité fige les deux femmes. Danielle se défait, presque avec rage, et après ? Après… elles sont face à face, nues l’une et l’autre, ne se quittant pas des yeux, incertaines, seulement sûres de la charge électrique qui les fait vibrer.

N’importe celle qui s’est abattue sur l’autre. Leurs peaux se sont soudées, elles ont ressenti, sans le détailler le contact des seins, l’appui du ventre et des cuisses. Tête dans le creux du cou, elles sont aux marches du sanglot, enlacées, une, éperdues et ignorantes de ce qu’elles devraient faire. Elles ne se touchent pas, elles s’épousent de la tête aux pieds tant et tant que leurs forces leur permettent de s’étreindre.



Danielle est nue devant la fenêtre de sa chambre, le godemiché pend au bout de ses doigts, elle le laisse échapper, il heurte le sol avec un bruit de balle en mousse et brinqueballe un peu. Elle n’en a plus envie, c’était bien dans sa tête, seulement dans sa tête. Elle éteint son mobile et s’en va sous la douche. Demain, son train est à sept heures.