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n° 13945Fiche technique15908 caractères15908
Temps de lecture estimé : 11 mn
23/07/10
Résumé:  Un homme décide de faire une pause et retourne sur ses pas.
Critères:  hh voyage trans
Auteur : Anaclem      Envoi mini-message
Nouvelle chance

La personne qui partageait ma vie était morte depuis presque maintenant deux ans. Pourquoi elle et pas moi ? Pourquoi je n’ai pas eu la maladie ? J’ai passé un an à essayer de comprendre, de refaire notre histoire ; je me suis documenté sur le sida, j’ai rencontré d’autres malades, des professeurs et à ce jour, je n’ai toujours pas compris. Maintenant, je ne me pose plus la question, c’est comme ça. Je n’ai pas refait ma vie non plus ; c’est dur de retrouver quelqu’un non pas qui lui ressemblerait mais qui me redonnerait tout simplement le grand frisson.


Demain, je pars, j’ai besoin de respirer, de changer d’air. Destination : le Maroc, notre dernier voyage. À l’aéroport, la chaleur m’écrase. Le soleil me brûle les yeux ; première chose à faire, trouver des lunettes de soleil. Je récupère mes bagages et m’engouffre dans un taxi direction Midelt, quatre à cinq heures de route. Conduite rapide, brutale, à coup de klaxon. Astrid me manque, ma famille avait plus ou moins accepté cette relation. Ma mère me disait que je m’en lasserais, que c’était passager. Coup de volant, insultes du chauffeur envers une forme blanche au bord de la route.


Il s’arrête, descend et se dirige vers la femme. Je me tourne pour regarder par la vitre arrière ; il l’insulte, elle ne dit rien, baisse la tête. Juste au moment où il lui attrape le bras, je descends et m’approche. Elle lève la tête, me regarde et je devine un sourire sous son voile. Le chauffeur continue de crier, elle ne dit toujours rien. Il se tourne vers moi et m’explique qu’elle a voulu traverser. Elle est connue par ici, il ne faut pas la regarder car elle porte malheur, elle n’est pas comme les autres. La croix des divorcés orne son front. Je tente de calmer le chauffeur et lui demande de déposer cette femme où elle veut. J’insiste, il refuse, j’insiste encore. Il se dirige vers la voiture, sort mon sac, crache à mes pieds et s’en va. Je me retrouve sur le bord de la route, sans comprendre pourquoi cette femme lui inspire autant de mépris, de peur.


Elle me prend la main et m’entraîne à travers des chemins. Nous arrivons à une petite maison blanche, peu de fenêtres. Impression que la maison n’est pas finie avec ses barres de fer qui dépassent du toit. Elle me fait entrer et m’installe sur un canapé sommaire, deux matelas l’un sur l’autre. Elle garde son voile, part faire chauffer de l’eau et prépare du thé. Puis, elle s’assoit en face de moi et me regarde. Je suis troublé, surpris. Qui est-elle pour soutenir ainsi un regard ? Elle ne me quitte pas des yeux. Elle se lève, s’accroupit et, sans hésiter, dirige sa main vers mon sexe. Elle ouvre ma braguette, le sort, le regarde, le parcourt avec ses doigts. Je n’ose pas bouger, je sens mon sexe se durcir, elle approche alors sa bouche et commence à me lécher. Petits coups de langue sur le prépuce puis elle met mon pénis dans sa bouche, seule sa tête est en mouvement. Son corps m’est inaccessible, son regard me le dit. Son mouvement de va-et-vient avec sa bouche m’est doux. Sa main est délicate et glisse sur mon sexe en même temps que sa bouche. Je penche ma tête en arrière et malgré moi, je viens dans sa bouche.


Une femme vient de toucher ce qu’Astrid touchait, une autre personne vient de me faire prendre du plaisir. Je me sens vidé mais mal à l’aise. C’est son regard qui me met mal à l’aise. Je regarde alors son visage, il est fin malgré des mâchoires carrées. Elle a une bouche bien ourlée, sensuelle. Tout son visage en fait respire la sensualité, le désir. Elle remet son voile, se lève et nous sert le thé. Nous le buvons sans rien dire. Je ne sais quoi faire, je voulais passer deux jours à Midelt puis partir à Tinerhir. Mon arabe est trop limité pour que j’entame la conversation. J’ai l’impression d’être au bout du monde. Elle se lève, prend mon sac et sort. Je la suis et nous refaisons le trajet en sens inverse. Arrivés au bord de la route, elle pose le sac et repart. Je me retrouve alors comme un con.


Un bus arrive, je lui fais signe. Je monte, plus de sièges, je m’installe alors sur le moteur à côté du chauffeur. Une main me secoue, nous sommes arrivés et je dois descendre. Tout de suite après la gare, je remonte la rue et me dirige vers l’hôtel sur la gauche. Cinq dinars la terrasse, je prends. J’ai envie de sentir de l’air sur ma peau et de dormir sous une couverture d’étoiles. Je pose mon sac, pars prendre une douche. Puis je m’installe sur mon matelas, il est 21 h, je n’ai pas faim. Je ferme les yeux et vois deux yeux noirs qui m’observent. Je bande, je sens sa bouche, je sens ses mains et j’éjacule dans mon sac de couchage. Je me lève, retourne prendre une douche, nettoie mon sac de couchage et descends dîner. Pourquoi cette femme-là me hante ? Je ne sais pas, plutôt que de descendre vers le sud, je me dis que je vais peut-être essayer de la retrouver. J’ai envie de la pénétrer, de la lécher, de l’embrasser. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je repense alors à ma mère et à ses propos.


Je commande un tajine aux légumes puis demande au patron s’il la connaît. Je relate l’incident avec le taxi, je la lui décris et comprends immédiatement mon erreur. Elle a levé son voile devant moi. Il me regarde et crache. Un signe de mépris envers elle ? Envers moi ? Les femmes divorcées dans ce pays n’ont-elles pas droit à une deuxième chance ? J’ai encore plus envie de la revoir. Impression de trahir Astrid mais l’envie passe au-dessus. Quelque chose m’attire chez elle. Je me retourne vers la salle et je vois le patron qui discute avec d’autres clients. Je sens aux regards que la conversation porte sur moi. Un vieux se lève et se dirige droit sur moi. Sans rien me demander, il s’assoit à ma table. Suit un discours où il me conseille d’oublier cette femme. C’est une traînée, une catin. Elle est mauvaise, elle n’est pas comme les autres. Il ne répond à aucune de mes questions. C’est typique, on écrase quelqu’un mais on le protège contre les étrangers car il fait quand même partie de la communauté. Les autres ne peuvent pas critiquer ni juger. Le vieux est chauffeur de taxi et me propose demain de me conduire où je veux. Rendez-vous à neuf heures en bas de l’hôtel. Je finis mon plat et sors. Je déambule dans les rues pour finalement m’enfoncer dans la vieille ville. Je traverse le terrain vague et me retrouve en bas des remparts. Plus de lumières, rien n’a changé depuis mon dernier voyage. Je prends la porte latérale et m’enfonce dans les ruelles sombres. Ma seule compagnie, ce sont les chats errants. Les gens prennent le frais dans les cours des maisons. Je les entends mais je ne les vois pas.


Je retrouve la maison de Mohand, passe le porche, contourne les vaches et je le trouve installé sur le tapis devant la porte de la maison. Il me voit, se lève, me reconnaît, m’embrasse et cherche Astrid. Ça fait mal. On s’installe sur le tapis, sa sœur nous sert le thé. Je lui raconte ma vie depuis deux ans, la maladie, la mort, la solitude, je ne peux rien lui cacher. Il a le droit de savoir. Il se lève et revient avec un sac d’herbe, de la bonne qui fait tout oublier. Quant à la femme, il sait qui c’est mais n’a rien à me dire. Pour la revoir, je dois aller à Todra, à l’auberge « étoiles des gorges ». Après, inch Allah, à moi de voir. Il m’étonne par sa réaction mais je ne dis rien, je sens l’effet de l’herbe, je me sens bien. Ça fait du bien d’être là. Mon corps me lâche et ma tête s’embrume. Mohand se rapproche de moi et me touche le bras, il m’embrasse, me caresse la tête. Je ne sais pas s’il veut me consoler du passé ou s’il a envie de moi. Je m’en fous, je n’ai pas la force de réagir. Il m’embrasse les seins, me retourne, baisse mon pantalon et commence à me doigter tout en faisant rouler sa langue sur mon dos. C’est Astrid qui me l’avait présenté, je l’imagine dans ma position et ça ne fait que m’exciter davantage. Je sens sa langue descendre le long de ma colonne, il écarte mes fesses et commence à me lécher l’anus. Je bande pour la troisième fois de la journée, j’aurai dû revenir ici plus tôt. Il se met sous moi et commence à me tailler une pipe, je suis toujours à quatre pattes et sa langue passe de mes couilles à ma bite, un de ses doigts toujours vers mon cul. Je le sens mouillé, qui se dilate. Lui aussi le sent, il se redresse et m’encule. Je décharge en même temps que lui. Moi sur le tapis, Mohand dans mon cul. Il se rhabille, refait un pétard et me le tend. Sa sœur nous observe de la porte, elle a l’air plus que surprise, ne dit rien et rentre. Sans doute pour se toucher dans sa chambre. C’est le jour qui me réveille et je n’ai qu’un vague souvenir de la veille. Mohand est déjà parti pour traquer le touriste. Guide d’un jour, de deux en attendant la personne qui lui obtiendra un visa pour ailleurs. Je me souviens de Todra et décide de m’y rendre. Je retraverse la vieille ville, elle commence à peine à s’animer, les boutiques s’ouvrent, les toiles se tendent pour casser la chaleur. Je rentre à l’hôtel, prends une douche, fais mon sac et descends déjeuner.


Le vieux est là et m’attend. Embarquement, départ immédiat, chassons le mal de la ville. Direction Tinherir, il tique. Je lui dis qu’après j’irai à Merzouga pour me reposer. Six heures de voiture. Après Tinehrir, je prendrai un autre taxi pour Todra. Ce serait plus simple de changer à Er Rachidia mais bon… Midelt, Er Rachidia, Goulmina, Tinerihr. La dernière fois, nous étions passés par Erfoud. Le paysage est varié, du désert aux oasis. Les maisons souvent en terre, aux pieds des falaises. Il fait chaud. Malgré son français parfait, le vieux ne me parle pas. Regard fuyant dans le rétro. Il trace. J’ai soif. Je lui demande de s’arrêter à Er Rachidia. J’ai faim. Il me tend un sac pris sur le siège avant. Boissons, sandwiches. Il ne prend personne d’autre dans le taxi. Je me sens pestiféré, ne pas mélanger les locaux à un homme tel que moi, telle doit être sa pensée. On trace encore, il double à la limite de la folie, coup de klaxon, rabat brutal. J’ai la nausée, je m’allonge et m’endors. Je me réveille après Tinedja. Encore une heure et demie. Même pas d’arrêt pipi. Arrivé à Tinerihr, il me laisse sur la grande place, près du parc. Je le paie et me dirige chez Ayoub, derrière le parc, entre le parking des bus et celui des taxis. Je pisse pendant cinq bonnes minutes, puis m’attable et prends un café. Je me dirige ensuite vers les taxis.


Un chauve aux yeux verts, le visage bien fait, attend pour Todra. Il faut attendre quatre personnes de plus et on part. Il me désigne un café où il viendra me chercher. Par chance, le vieux est déjà reparti. Sans doute à vide pour Midelt. Je lui ai donné pour une semaine de travail. Pestiféré mais généreux. Au bout de trois quarts d’heure, le chauffeur de taxi vient enfin me chercher, il se prénomme Djamel et me regarde à la dérobade avec de grands sourires. Je me retrouve avec quatre hommes et une femme. Dès que Djamel prend un virage, le petit vieux sur ma droite me regarde d’un air résigné et se cramponne à la poignée de la portière. La route de Tinerhir à Todra est étroite et sinueuse. Djamel conduit son taxi comme une voiture de course. Accélération, décélération et virages à la corde. Je me surprends à me demander comment il baise. S’il est aussi brutal à ces moments-là. Il me jette des petits regards furtifs par l’intermédiaire du rétroviseur. Grand sourire. Quand il me parle, il se tourne pour me regarder, tout en me disant de ne pas m’inquiéter car il connaît la route. Il me dépose directement devant l’auberge, la seule de la vallée. Sur le devant, des grands canapés, des poufs et des tables basses. Des touristes allongés prennent du thé, des enfants jouent sur le bord de la route et en contrebas, la palmeraie. Je prends une chambre avec douche et descends voir le patron. Wahbi est un ami de Mohand. Il m’offre à boire, nous discutons de la vie en France, de la politique à voix basse. Journée tranquille.


Le soir, Djamel passe et repasse devant la terrasse. C’est un cul-de-sac. Après l’auberge, les gorges et un hôtel de luxe, derrière un sentier. Il n’est pas vêtu pour le sentier et il commence à faire nuit. À son quatrième passage, je lui fais signe. Il arrive en souriant et s’installe à mes côtés. Nous commandons du thé. Plus tard, Wahbi nous rejoint avec un copain à lui. On discute de tout, ils sont curieux, moi aussi. Vers trois du matin, Wahbi donne le signal du départ aux deux autres, fermeture de l’auberge. Djamel me sourit et me dit à demain. Après demain, il passera son jour de congé avec moi. Il me propose le marché de Tinerihr puis la vallée des roses. Rendez-vous pris à huit heures. Je monte et me couche nu comme un ver, écrasé par la chaleur.


Le lendemain, après un petit déjeuner copieux, je déambule dans la vallée. Des enfants pataugent dans le petit cours d’eau sur la droite. Sur ma gauche, des vendeurs à la sauvette guettent l’éventuel policier à qui ils donneront de l’argent pour être tranquilles. Au bout, le petit sentier qui grimpe sur les falaises. Je commence l’ascension, peut-être pas jusqu’au sommet mais juste assez pour avoir une jolie vue sur la vallée. Arrivé sur un terre-plein je regarde vers le bas. Les enfants et les vendeurs sont toujours là. Les gens commencent à arriver, en famille pour le pique-nique. Une forme blanche attire mon attention. Cette démarche, cette façon de se tenir, c’est elle, j’en suis sûr. J’appelle, je fais des grands signes, personne ne lève la tête. Je redescends alors en courant, je glisse, me rattrape. J’arrive en bas comme un fou, une famille s’écarte pour me laisser passer. Je cours sur le chemin, elle ne doit pas être loin. Je la retrouve entourée par trois hommes, ils sont en grande discussion. Le vieux de Midelt a parlé de catin, peut-être qu’elle négocie un prix ? Je m’approche pour écouter mais bien sûr, je ne comprends rien. Ils se sourient, semblent bien se connaître. Elle se tourne et après les saluts d’usages, reprend sa marche. Je suis juste derrière et lui attrape le bras. Elle se retourne et, me reconnaissant, me sourit. Nous marchons côte à côte en silence. Juste avant d’arriver à l’auberge, nous prenons un chemin sur la droite. Nous nous enfonçons dans la palmeraie, Elle paraît dans son élément et salue la plupart des gens que nous rencontrons. C’est un vrai labyrinthe dans lequel nous sommes. Droite, gauche, gauche droite, je n’arrive déjà plus à situer l’auberge. Je ne sais plus quoi penser. Par rapport à Midelt, les gens ne semblent pas avoir mauvaise opinion sur elle. À moins qu’ici, elle ne fasse pas les mêmes choses que là-bas.


Nous entrons dans une petite maison, nous montons sur la terrasse et elle me montre la mosquée, son village ; elle me raconte son enfance dans ce village. Elle paraît ravie de me revoir, en fait, elle parle assez bien le français, elle aimerait visiter Paris et puis, elle est sûre qu’elle sera mieux acceptée là-bas qu’ici et devant mon air étonné, elle me parle de ses différences, de son corps d’homme dans une tête de femme…


Ma mère s’est trompée, j’ai toujours aimé les hommes, Astrid n’était pas une passade et cette femme à mes côtés sera LE prochain.