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09/08/10
Résumé:  On était pourtant bien, là, sur la plage, avec les filles... Je ne sais pas ce qui m'a pris de mettre Bazouk à contribution...
Critères:  neuneu vacances plage bain forêt campagne voyage collection hsoumis cérébral nonéro nostalgie délire humour fantastiqu merveilleu sorcelleri
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message
Bazouk contre-attaque



Les yeux exorbités de folie furieuse, je regardai partout autour de moi avec rage. Nous nous trouvions, mon très excellent génie et moi-même, dans une sorte de savane, au beau milieu d’un troupeau de diplodocus.



Bazouk avait l’air sincèrement désolé. Mais là, ça ne m’amusait plus du tout ! Autant les conneries répétées de mon apprenti-génie raté étaient en général sans trop lourdes conséquences, autant là, c’était le pur délire ! Cet emmanché était parvenu à nous transporter tous les deux au plus profond de la préhistoire !



Piteusement, il fit celui qui étudiait la situation en regardant à son tour tout autour de lui avec affectation. Nous entendîmes une sorte de profond barrissement et la terre trembla soudain. Un des immenses reptiles s’était remis en mouvement et avançait sans cesser de brouter les arbres géants qui nous entouraient.



L’un des gigantesques sauriens dut nous apercevoir soudain et, tordant son cou immense, suivit notre mouvement en nous reniflant vaguement de ses naseaux géants. Nous fûmes presque balayés par son souffle chaud. Je continuai de courir et Bazouk de voleter à mes côtés. La créature se désintéressa finalement de nous et retourna brouter. Nous nous cachâmes derrière le tronc monstrueux d’un des espèces de séquoias. J’étais essoufflé et pour tout dire, je flippais quand même sévèrement.



Mon bon génie ne saisit visiblement pas le ton railleur de ma réponse et observa savamment :



Il s’affubla d’un air contrarié, mais je n’eus pas le temps d’insister : une autre bestiole avec un air franchement moins herbivore s’approchait en nous scrutant de ses petits yeux cruels et du haut de ses quatre ou cinq mètres. Apercevant sans doute mon air réellement terrifié, Bazouk reprit confiance :



Et hop ! Il se mit à lancer toutes sortes de jets de foudre bleutés en direction de la créature, qui se mit, elle, aussitôt à hurler horriblement. Le premier éclair ajouta une grande barbe au vilain saurien, le second le fit changer de couleur, le troisième lui fit pousser une longue défense nasale, mais tout cela ne parut pas le déstabiliser outre mesure et il commença à nous charger en beuglant toujours plus. Il était encore à une bonne centaine de mètres, mais la terre tremblait déjà sous ses pas. Et moi j’étais au bord de l’évanouissement, et incapable du moindre geste, paralysé de peur.



Il lui lança encore un gros éclair, qui ne lui fit visiblement strictement aucun effet. Et la bestiole s’approchait toujours, apparemment déterminée à nous dévorer.



Si c’était possible, j’étais encore plus inquiet. Et mon djinn jeta encore une grosse traînée de foudre en direction du monstre. Celui-ci brama étrangement lorsqu’il fut atteint, et ralentit peu à peu, parcourant encore quelques pas dans notre direction avant de s’immobiliser à une dizaine de mètres. Il continua toutefois à pousser d’horribles cris, et se mit à se tordre bizarrement, secouant son corps en tous sens. Et soudain, dans un cri plus rauque que les autres, il se mit à dégueuler tout ce qu’il avait dans le bide. Un abominable flot jaunâtre lui sortait de la gueule et se répandait sur le sol en une grande mare répugnante et puissamment parfumée.



Je le regardai avec désolation, mais me mis aussitôt à courir vers un autre arbre où j’avais une petite chance de grimper avant que la bestiole se reprenne. M’aidant des bras et des jambes, m’agrippant à des lianes, je parvins rapidement à me hisser à pas loin de dix mètres de haut sur le tronc colossal de l’arbre géant. Bazouk me rejoignit bientôt, tout sourire. En bas, le dinosaure continuait de gerber et se vidait en même temps de l’autre côté, ajoutant à sa flaque immonde de dégueulis une autre non moins immonde de matières fécales plus ou moins liquides.


Pendant que Bazouk se délectait apparemment du spectacle et que je reprenais vaguement mon souffle avant de l’engueuler, une autre bestiole se radina, encore plus grande et plus effrayante que la précédente.



Mais l’espèce de tyrannosaure ne semblait pas s’intéresser à nous, ou bien simplement ne nous avait pas vus. Pourtant, un type en short de plage et un autre enturbanné à moitié bleu, ça devait assez bien se repérer. Mais la grosse créature avait apparemment été attirée par les cris de celle qui dégueulait. Le tyrannosaure, ou ce qui s’en rapprochait, s’avança en grognant et en reniflant à tout va vers l’autre, qui semblait toujours plutôt mal en point mais essayait de se redresser pour se défendre si besoin. Malgré son état déplorable et sa plus petite taille, sa grande barbe, son teint rose foncé et sa longue défense nasale lui conféraient sur le gros balaise un avantage psychologique indiscutable. Les deux poussèrent de grands cris, comme pour se défier. Le tyrannosaure tournoya un moment autour de l’autre, mais soudain, à son tour, il se mit à dégueuler de toutes ses forces, arrosant son congénère qui en profita pour remettre une petite galette.



Mais en voyant un diplodocus, à quelques dizaines de mètres de là, se mettre à gerber à son tour, je repris :



En beuglant atrocement, un autre diplodocus largua soudain au moins cinq tonnes de merde parfaitement liquide.



Mais Bazouk ne prêtait pas attention à mes paroles. Il était déjà en train de se concentrer vigoureusement.



Il y eut un grand éclair, comme une sorte de flash impressionnant, qui m’éblouit, et nous fûmes entourés de fumée. Et quand celle-ci se dissipa, je fus obligé de constater que la magie de Bazouk avait été efficace. Au moins partiellement. Nous n’étions plus dans le tronc de notre baobab, mais debout sur du sable sous un soleil de plomb.



Je regardai partout autour de moi.



Mais je relativisai assez vite en constatant que le Sphinx avait toujours son nez.



Je n’eus pas le temps d’achever ma phrase. Une troupe de ce qui devait être des soldats accouraient, visiblement hostiles. Ils portaient des espèces de tuniques en cuir et levaient bien haut des glaives en braillant.



Il avait l’air content, le bougre. En faisant la tronche, je lui désignai les types qui se pointaient.



Bazouk s’agita soudain, comme si je venais de le réveiller. Il se précipita pour adopter sa position de jeteur de sorts, tira un instant la langue et cria :



Il y eut de nouveau un grand flash et beaucoup de fumée, et la terre se mit soudain à trembler violemment dans un grondement assourdissant qui dura une bonne dizaine de secondes. Je fus projeté à terre par la fureur du séisme. Quand ce fut fini, je me relevai avec anxiété, et toussai ; la fumée se dissipa peu à peu.



Nous n’avions pas bougé d’un centimètre. Je zyeutai rapidement tout autour de moi. Les soldats étaient tous à terre, couchés, apparemment très apeurés. Et je soupirai soudain lourdement en invectivant Bazouk :



Il contempla ce que je lui indiquai.



Aux pieds du Sphinx désormais quelque peu défiguré reposait un gros tas de pierres.



Mais nous n’eûmes pas le loisir de discourir plus avant, les gardes s’étaient relevés et nous encerclaient en faisant vraiment une sale gueule. L’un d’entre eux pointa son glaive contre mon torse et baragouina sur un ton peu cordial un truc que je ne compris évidemment pas.



Trop tard ! Bazouk lança un éclair qui toucha le glaive du soldat ; l’arme parut prendre vie, se déforma, se courba, s’agita. Le garde la lâcha dans un réflexe de peur et l’épée tombée à terre continua à soubresauter pour se changer sous mes yeux ébahis en un serpent qui se mit à ramper à toute allure vers le tas de pierre en bas du Sphinx.



Mon bon génie se mit presque à clignoter, mais les gardes n’avaient pas l’air de vouloir en rester là et, passée leur stupeur, se montrèrent de nouveau menaçants. Mais Bazouk se prépara à lancer un nouveau puissant sortilège.



Avant que je puisse l’engueuler, il déclencha un nouvel éclair qui provoqua une fois de plus de grosses volutes de fumée, accompagnées d’un assourdissant brouhaha croissant. Et derrière nous, nous entendîmes soudain une nuée de coassements bruyants tandis que s’avançait une armée de grenouilles qui nous dépassa peu à peu, provoquant l’hilarité des gardes devant nous. Bazouk parut un instant soucieux et se gratta la tête d’un air perplexe, puis lança un nouveau sortilège, qui nous apporta cette fois-ci un nuage d’insectes vrombissants qui s’abattit bientôt sur nous et sur les gardes. Je me jetai à terre, me protégeant le visage. Les insectes tournoyèrent un court instant avant de s’éloigner.



Bazouk m’adressa un regard froissé. Les soldats nous observaient, mon génie et moi, avec inquiétude. Mais ils ne baissaient pas leurs armes pour autant.



Mais il s’en foutait complètement, et dans un nouveau flash et de nouvelles volutes de fumée, alors qu’en soupirant j’essayai désespérément de chercher un endroit où me mettre en sécurité, il se mit soudain à grêler violemment. Bazouk, dubitatif, observa curieusement le ciel, tandis que les soldats et moi protégions nos visages des lourds grêlons. Et hop ! il lança encore un de ses sortilèges, et quand la fumée se dissipa, je pus constater avec amusement qu’il faisait nuit noire. Mon génie s’énervait en râlant.



Les gardes hésitaient visiblement entre la crainte et la franche rigolade.



Et il balança une flopée d’éclairs en direction de tous les soldats. Ceux-ci sursautèrent, mais il ne se passa rien. Bazouk se gratta encore un moment la tête d’un air soucieux, puis reprit sa position menaçante de grand magicien pour balancer une autre série de foudres sans plus d’effet que la précédente. Les gardes, voyant qu’il ne se passait apparemment pas grand chose, reprenaient confiance et s’avançaient, de nouveau menaçants. Une troisième tournée d’éclairs leur fit toutefois soudain apparaître de vilaines pustules sur tout le corps, et ce fut cette fois suffisant pour les pauvres hommes qui jetèrent leurs épées et observèrent avec effroi leurs mains, leurs bras et leurs jambes, avant de prendre celles-ci à leur cou et de détaler sans en demander davantage.



J’écarquillai les yeux, pris d’un mélange de désarroi et d’anxiété. Mais je n’eus pas le temps de pousser plus avant le débat, car Bazouk observa :



Pourquoi m’associait-il à ses catastrophes ?!



Je fermai les yeux en crispant les poings. Il y eut une sorte de déflagration. Et lorsque j’ouvris de nouveau les paupières, je pus contempler autour de moi le joli paysage d’une prairie quelque peu vallonnée, agrémentée ici et là de quelques pins qui pliaient sous un vent assez fort. Des genêts et l’air presque salé me firent penser qu’on n’était pas très loin de la mer. Ça ressemblait vaguement aux souvenirs que j’avais de la lande bretonne. Bazouk regardait lui aussi tout autour de lui, en cherchant probablement à déceler où nous nous trouvions, et surtout, à quelle époque.


Mais nous fûmes tirés de notre contemplation par les cris inquiets de quelques gamins qui s’approchaient de nous avec hésitation en criant dans une langue rocailleuse. Ils paraissaient crasseux et pauvrement vêtus de vagues peaux de bêtes plus ou moins cousues.



Et quand les gosses furent suffisamment proches de nous, ils se mirent carrément à nous lancer des cailloux qu’ils ramassaient au fur et à mesure. Sans doute avaient-ils peur de nous ou nous considéraient-ils comme des ennemis.



Mais les jets de pierres des gamins se faisaient tout de même de plus en plus menaçants. Ils avaient visiblement très envie de nous chasser.



Je me couchai aussitôt à terre, alarmé. Mon bon génie produisit une violente déflagration et il se mit soudain à pleuvoir de gigantesques pierres oblongues d’au moins trois ou quatre mètres chacune qui se plantèrent violemment dans le sol tout autour de nous et jusqu’aux pauvres gosses. Je me recroquevillai, apeuré, en attendant que cesse la pluie de menhirs. Et quand enfin je relevai la tête, je pus découvrir presque à perte de vue de grandes pierres plantées partout à intervalles réguliers. Je zyeutai rapidement vers les mômes, qui décampaient en hurlant.



Je le regardai avec animosité en répétant :



Il fit un instant semblant d’être contrarié.



Il soupira de nouveau et parut se concentrer. Une nouvelle explosion escortée de fumée nous déposa au beau milieu d’un magnifique petit village de maisons tout en pierre, au bord d’un lac qui s’étirait au fond d’une vallée bordée de plusieurs collines. Même si le cadre était superbe, l’ensemble faisait encore assez moyenâgeux. À quelques mètres de nous, plusieurs personnes étaient rassemblées, au bord du l’eau, et paraissaient se lamenter. Je tentai de reconnaître leur langue ; c’était incertain, on aurait vaguement dit un mélange de breton et d’anglais.



Oh merde ! Si en plus il se mêlait des affaires des autres, on n’était pas près d’en sortir. Je le suivis tandis qu’il se précipitait vers le groupe d’hommes et de femmes. On aurait dit des pêcheurs ; ils regardaient le lac en maugréant plus ou moins. Quand on s’approcha, ils nous considérèrent un moment avec suspicion et curiosité, mais me semblèrent finalement plutôt amicaux. Je tentai vaguement de communiquer, mais la langue m’était strictement inconnue, et monseigneur Bazouk m’informa que lui-même ne la connaissait pas. Mais un des types se mit bientôt à me parler dans une sorte d’anglais plus ou moins caillouteux.



En m’aidant de grands gestes, je papotai encore petit nègre avec le gars.



Et avant même que je puisse dire au type de se mettre à l’abri avec tous ses collègues, Bazouk lança un grand éclair tonitruant en direction de l’étendue d’eau où apparut instantanément une énorme créature, à mi-chemin entre une otarie et un brontosaure, qui beugla un instant avant de s’enfoncer peu à peu dans les profondeurs du lac. Une fois remis de leur stupeur, les villageois se tournèrent vers nous pour nous lancer leurs regards les plus sombres. Bazouk, contrarié, s’affola, et lança en hâte un nouveau sortilège. Des dizaines de poissons tombèrent soudain partout autour de nous et s’agitèrent un moment sur le sol sous les yeux inquiets des pêcheurs. Le type qui parlait plus ou moins anglais tenta de m’adresser de nouveau la parole mais se prit un calmar en pleine tête. Dans un réflexe, j’engueulai Bazouk. Celui-ci, sur sa lancée, m’informa :



Et hop ! Une déflagration et un gros tas de fumée plus tard, nous nous retrouvâmes enfin dans un endroit familier. Étendues sur une plage, à l’ombre d’un cocotier, Azura, Pandore, Aurélie et Estelle nous observaient tranquillement, mon bon génie et moi. Je soupirai de soulagement en retrouvant notre petit coin paradisiaque et les visages qui m’étaient chers.



Je soupirai de nouveau.



Voyant que Bazouk avait presque l’air mélancolique, je demandai machinalement :