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Temps de lecture estimé : 26 mn
19/08/10
Résumé:  Thylis, Aroel et moi sommes coincés deux cents ans trop loin, où nous sommes visiblement, avec Filaë, les derniers êtres humains vivants. C'est dommage... juste au moment où nous avions peut-être de nouvelles pistes pour la mission...
Critères:  ffh piscine humour -sf
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : Le rédempteur

Chapitre 07 / 07
Filaë et les recherches

Résumé de l’épisode 1 : Le 19 juin 2010, lors d’une soirée en boîte, j’ai rencontré Thylis, une superbe brune avec qui j’ai misérablement baisé, à moitié bourré. Le 22 juin, Xara, une magnifique jeune femme rousse aux grands yeux verts, a débarqué chez moi, en se réclamant venir de mon futur, où Thylis aurait rapporté ma semence à des fins d’études. D’abord parfaitement dubitatif, je suis obligé de me rendre à l’évidence lorsque Xara m’emmène à bord de son temporeur, une machine à voyager dans le temps, jusqu’à son époque, plus de deux mille ans dans mon avenir.


Résumé de l’épisode 2 : Xara m’a tout de suite présenté trois de ses sœurs, Anya, Eloa et Jiris, qui ont limite insisté pour « s’accoupler » avec moi. Et puis ma compagne m’a conduit jusque devant le « Conseil », une assemblée de femmes âgées dirigée par la « Vénérable ». Celle-ci m’a expliqué qu’en l’an 3572, la Terre avait été frappée par un énorme astéroïde qui avait éradiqué presque toute vie. Seuls une poignée d’être humains avaient survécu, et le peuple de Xara était leurs descendants. Mais un problème les menaçait : peu à peu, leurs femmes n’avaient plus donné naissance qu’à des filles. Et c’est pourquoi j’avais été choisi : fertiliser les sœurs de Xara.


Résumé de l’épisode 3 : Ma compagne m’a fait visiter la vaste demeure qu’on occuperait : quatre niveaux souterrains d’un luxe et d’un niveau technologique incroyables. Elle m’a ensuite conduit à la grande salle où toutes ses « sœurs » ont l’habitude de partager leurs repas (à base d’insipides bouillons) ; j’ai été présenté à toute la population (moins de trois cents femmes), et j’y ai retrouvé Thylis. Sans savoir que Xara et cette dernière ne s’entendent pas très bien, j’annonce que je souhaite partager ma vie avec elles deux. Devant la lourde tâche de fertilisation qui m’est dévolue, les Conseillères acceptent de me fournir des substituts énergétiques qui m’aideront à être plus efficace. C’est Thylis qui, tandis que je dors en apesanteur aux côtés de Xara, m’apporte finalement la « graisse de ponge » destinée à me rendre plus « vigoureux ». Les deux jeunes femmes se disputent presque instantanément mais se réconcilient finalement et j’apprends qu’elles étaient autrefois « petites amies ».


Résumé de l’épisode 4 : La graisse de ponge a des effets parfaitement incroyables ; plusieurs jeunes femmes en ont fait l’expérience, à commencer par Anya, qui est venue de la part du Conseil m’apporter une solution d’endochlorates de tangue brune, censée me permettre de produire davantage de « semence ». Toutefois, le résultat se fait attendre, car mes deux partenaires suivantes se sont effondrées d’épuisement avant que j’aie pu justement les « ensemencer ». J’ai également rencontré Yolen, une femme sculpturale, qui joue le rôle de médecin pour la communauté, et qui devra me faire passer des examens de santé réguliers, pour vérifier que je m’adapte convenablement au changement d’époque. Les voyages temporels sont, paraît-il, potentiellement dangereux ; à tel point que la Vénérable s’est montrée assez réticente à ma demande de retourner « chez moi » chercher quelques affaires.


Résumé de l’épisode 5 : Les endochlorates ont enfin fait leur effet, et je continue d’« ensemencer » régulièrement tout un tas de jeunes femmes ; à tel point que ça devient presque lassant. Mais la Vénérable décrète soudain que je ne dois plus toucher à celles qui sont déjà fertilisées. Xara et Thylis sont plutôt contentes de cette décision, mais Yolen est scandalisée et propose de me cloner, pour que toutes ses sœurs puissent à loisir profiter de moi. D’abord fermement opposé à cette idée, je me laisse peu à peu convaincre, notamment pour échapper à Brena, l’ultime boudin insupportable que je ne veux absolument pas me taper. La bonne nouvelle vient de Xara, qui attend un garçon ; mais l’allégresse retombe vite : toutes les autres femmes enceintes attendent une fille. Le Conseil émet l’idée que le problème puisse être strictement environnemental et me demande d’aller désormais « ensemencer » à une autre époque en voyageant dans le temporeur en compagnie d’une ou deux donzelles. Mes clones parviennent enfin à maturité, pour le plus grand bonheur de Yolen, qui les a déjà dopés de substituts énergétiques. L’un d’entre eux, le numéro 3, est un peu raté et ressemble plutôt à un grand singe. Xara est furieuse lorsqu’elle apprend que j’ai été cloné, mais elle se laisse finalement séduire par les créatures. La Vénérable, en revanche, est loin d’être ravie.


Résumé de l’épisode 6 : Les lunaisons passent ; la vie continue. Les recherches sur le problème du sexe des fœtus n’aboutissent pas. Yolen a mené une expérience qui semble avoir mis en évidence une curieuse mutation sur le chromosome Y, aux premiers stades de la division cellulaire, identique à celle que provoque visiblement une exposition intensive à des rayons gamma et des rayons X simultanément. Xara donne finalement naissance à un fils, baptisé Sauveur. De nombreuses autres naissances suivent. Les lunaisons passent encore ; ma compagne, retombée enceinte, mais cette fois d’une fille, est élue au Conseil ; mes clones vieillissent curieusement trop vite ; les recherches ne donnent toujours rien. On décide de tenter simultanément deux expériences : après m’être gavé d’une solution destinée à me faire produire davantage de gamètes porteurs d’un Y, je retourne avec Thylis à mon époque pour essayer de la « fertiliser » là-bas, et nous emmenons Aroel, qui devra séduire mon ami Raoul, après que nous serons parvenus à le gaver de la même solution. Lorsque nous repartons de mon époque, dix jours plus tard, Aroel est effectivement enceinte, mais pas Thylis. Mais au cours du voyage de retour, le temporeur tombe en panne et nous dérivons dans le temps pour nous échouer finalement en l’an 728, près de deux cents ans « trop loin ». Nous retrouvons le village parfaitement désert, envahi par la végétation, sans apparemment la moindre âme qui y vive. Aroel et Thylis dépriment, constatant que cela signifie que leur peuple, et donc toute l’humanité, se sont éteints. Mais une vieille femme se montre soudain : il s’agit de Filaë, la mère de Xara, qui avait disparu de son époque plusieurs années auparavant, à bord d’un temporeur.








Seconde lunaison de l’an 728, sixième hexade, 23 h 27 :



Elle marqua un silence.



J’admirais Filaë, qui était parvenue à survivre parfaitement seule dans un monde globalement plutôt hostile.


Thylis avait donné à la vieille femme des nouvelles de tout leur peuple, lui avait longuement parlé de Xara, de moi, de notre fils… de notre mission… Et moi j’avais parlé de Yolen, et la vieille femme avait pleuré.


Aroel avait parcouru tous les anciens bâtiments, à la recherche de dieu savait quoi, mais revint finalement bredouille, et s’assit en soupirant au bord de la rivière où Filaë nous avait conduits.



Elle me regarda droit dans les yeux avant de reprendre :



Mais ça ne dérida personne.



Toutefois, une idée me trottait dans la tête depuis un moment :





***




Seconde lunaison de l’an 728, sixième hexade, 27 h 12 :



À l’intérieur du hangar d’entretien, sous la conduite de Thylis et la surveillance de Filaë, Aroel et moi nous affairions sur le temporeur de la vieille femme. Nous démontâmes aussi loin que nous le pouvions sans risquer de dommages.



Ainsi fut fait. Mais cela ne donna rien. On aurait dit que la machine manquait d’énergie, un peu comme une voiture qui ne serait pas arrivée à démarrer. Mais on ne se découragea pas. Cela nous prit plusieurs jours, mais on bricola une sorte de surcoque qui nous permit de monter les deux sous-coques en série. Sans plus de réussite.


Les heures s’écoulaient, à toute allure, tandis que notre espoir s’amenuisait. Nous avions encore tenté de suppléer le défaut d’énergie anti-solaire en relayant l’énergie solaire qu’utilisaient la plupart des machines. Mais encore sans succès. Les filles commençaient à désespérer. Et moi je pensais à Xara, à nos enfants, à toute l’espèce humaine… et puis, plus basiquement, je pensais à ma famille, à mes copains, à Raoul…


Je m’étais installé avec Thylis dans la demeure que je partageais déjà avec elle deux cents années plus tôt ; Aroel avait d’abord souhaité vivre seule, mais nous avait bientôt rejoints, ne supportant pas la solitude pendant nos heures de détente. Filaë avait insisté pour continuer à demeurer seule, quelque peu à l’écart ; elle disait qu’elle s’était habituée à l’isolement.




***




Quatrième lunaison de l’an 728, seconde hexade, 45 h 03 :



Thylis s’était finalement inquiétée de son absence de menstruations et avait passé des tests sur l’endothermoanalyseur que nous étions parvenus à rebrancher.



Mais aux cris de joie avaient succédé les larmes lorsque Thylis avait presque aussitôt pensé à sa fille Elya qu’elle avait laissée dans les bras de Xara.


Il s’avérait toutefois que Thylis était enceinte depuis un bon moment ; il était même probable qu’elle avait été en fait « fertilisée » alors que nous étions encore à mon époque. Ce qui aurait pu expliquer qu’elle attendait un garçon.



Aroel attendait en effet elle aussi un garçon. Mais il était de plus en plus probable que ces deux garçons ne connaîtraient jamais le monde où les sœurs de Xara les attendaient pourtant avec impatience.


On avait encore tenté l’impossible : capter la foudre là où elle tombait fréquemment, de l’autre côté de la Terre. Mais ce fut un échec grossier où nous perdîmes beaucoup de temps et une navette de transport aérien.


On commençait, Aroel, Thylis et moi, à se faire à l’idée que notre vie était désormais ici, à cette époque. Filaë, d’un côté, était optimiste :





***




Septième lunaison de l’an 739, quatrième hexade, 72 h 56 :



Je me tenais assis sur un rocher, au bord de la mer, les pieds dans l’eau. À côté de moi, deux enfants, mes fils, regardaient le soleil qui se couchait à l’horizon en se serrant contre moi.



J’essuyai une larme en essayant de me montrer fort, de ne pas me laisser envahir par le désespoir devant mes enfants.




***




Quatrième lunaison de l’an 728, seconde hexade, 54 h 10 :



Mon cri m’éveilla. J’avais rêvé. Je soupirai en essuyant la sueur qui coulait le long de mes tempes. Quel cauchemar horrible ! Seul à la fin du monde… le dernier homme…



J’avais éveillé Thylis. Je la rassurai d’un baiser. Aroel, de l’autre côté, se serra contre moi. Je l’embrassai aussi.


J’essayai de me rendormir, mais sans y parvenir. Il y avait quelque chose qui me turlupinait. Je passai et repassai le film de mon rêve. Il y avait une chose qui n’allait pas : j’étais assis au bord de la mer, en train de regarder le soleil se coucher.



Le soleil ne se couchait pas, ici. Ça faisait plus de sept cents ans que le soleil ne se couchait plus. Elle était là, la solution ! J’en étais sûr ! C’était le rayonnement solaire permanent qui affectait le sexe des fœtus ! L’expérience de Yolen avait révélé qu’une surexposition à des doubles rayonnements gamma et X produisait les mêmes effets. Là c’était certainement d’autres rayonnements, plus inoffensifs, mais tout aussi dévastateurs sur les chromosomes Y. Comment n’y avions-nous pas songé ? C’était presque évident !


Bah, de toute façon, même si c’était effectivement la solution, personne n’en saurait jamais rien, et surtout pas Xara et ses sœurs… Et quand bien même elles l’auraient su ? Comment aller contre ? De l’autre côté de la Terre, la vie était impossible. Ce qu’il fallait sans doute, c’était l’alternance des jours et des nuits.


Oui mais alors pourquoi le peuple de Xara était-il tout de même parvenu à survivre pendant près de deux cent cinquante années ? J’essayai de me remémorer les paroles de la Vénérable lorsqu’elle m’avait accueilli :



Mais celles de Filaë me revinrent aussi en mémoire :



Et je me voyais sortir du temporeur abîmé pour poser les pieds sur un sol desséché…



Mes cris firent sursauter mes compagnes. Je les embrassai encore et me glissai aussi silencieusement que possible jusqu’en dehors de notre couche, puis allai trouver Filaë. Je devais absolument lui parler de mon idée, et c’était elle la plus objective sur ce monde, et sans doute la plus savante des trois femmes.


En me rendant jusqu’à sa demeure, je pensai encore à la chaleur immense qui embrasait ce monde plus encore que celui où j’avais vécu avec Xara. Le rayonnement solaire était la cause des mutations chromosomiques, c’était sûr. Nous étions trop près du soleil. De plus en plus près. Et pourtant, ce soleil ne nous apportait pas l’énergie nécessaire à repartir d’ici. Je maudis l’astre qui luisait toujours aussi fort au-dessus de moi.


Mais une autre idée s’imposa soudain, également évidente. « C’est la sous-coque de cristal allurique qui est probablement défaillante et n’absorbe plus la quantité d’énergie nécessaire. » Et s’il suffisait de nous approcher encore du soleil ?




***




Quatrième lunaison de l’an 728, seconde hexade, 55 h 15 :



J’avais exposé mes idées à Filaë. Elle confirma qu’elle avait également découvert que la Terre s’approchait du Soleil, à une vitesse importante. Trop importante probablement pour permettre d’envisager la vie sur la planète à une échelle supérieure à un millénaire. Elle convint également qu’en rapprochant le temporeur d’une source de fusion type solaire, il y avait une petite chance pour qu’il emmagasine suffisamment d’énergie pour repartir.



Je soupirai en la maudissant presque du regard. Elle sourit avant de reprendre :



Je la dévisageai avec étonnement.





***




Quatrième lunaison de l’an 728, troisième hexade, 5 h 08 :



Filaë avais pris place dans le temporeur boosté grâce aux deux sous-coques de cristal. Elle nous souriait. Thylis, Aroel et moi n’étions pas fiers ; inquiets de la voir tenter l’impossible, mais aussi quelque part déçus de ne pas tenter notre seule chance d’évasion avec elle.



Il y eut un long silence.



Nous nous éloignâmes pour la regarder partir ; l’œuf géant décolla et tournoya simultanément, en s’élevant à toute allure vers le soleil. Nous le perdîmes rapidement de vue, ne parvenant pas à regarder en direction de l’astre.





***




Quatrième lunaison de l’an 728, troisième hexade, 11 h 35 :



Prier… elle en avait de bonnes, Thylis ! Pour lui faire plaisir, je m’étais assis à ses côtés pour « me concentrer et espérer les bienfaits du Temps » pendant une heure ou deux. Mais ça m’avait quand même solidement gavé. Et puis de toute façon, je ne savais pas prier. Mes seules prières allaient vers Filaë ; j’espérais qu’elle allait réussir.


Et puis j’avais dit aux filles que j’allais leur montrer comment je priais, moi… Je les avais entraînées l’une et l’autre jusque dans une des piscines qui demeuraient dans un sous-sol d’une des baraques encore habitables. Et j’avais prié avec ma queue… Et à les entendre beugler, ma prière était bonne.


Ici, plus de graisse de ponge, et plus d’endochlorates. Il nous fallait savourer chaque instant ; le faire durer ; en profiter. Et c’est ce qu’on faisait.


Ça faisait largement plus d’une heure que nous étions dans l’eau ; je baisais les filles l’une après l’autre, tandis qu’elles se caressaient plus ou moins mutuellement jusqu’à l’orgasme ; après quoi elles échangeaient leurs places. Thylis était accoudée au bord, Aroel dans ses bras, que je défonçais à toute allure, lorsque nous entendîmes :



Elle s’extirpa d’un bond de l’étreinte de notre partenaire et sauta sur le bord de la piscine. Aroel et moi nous retournâmes presque en même temps, interrompant sans y réfléchir ce que nous étions en train de faire. La vue de Xara me remplit d’une indescriptible joie, mélange du bonheur de la retrouver et de celui de nous savoir probablement sauvés.



Je la regardai avec des larmes de bonheur au coin des yeux. Elle n’avait pas changé. Tandis que Thylis courait vers elle, je traversai en hâte la piscine.



Et elle se précipita dans ses bras. Les deux jeunes femmes s’embrassèrent un long moment, sous les yeux presque gênés mais quand même ravis d’Aroel, qui s’approchait derrière moi en répétant :



Thylis lâcha finalement Xara qui me sauta littéralement dans les bras au moment où je sortais de la piscine, nous y faisant retomber tous deux enlacés.



Je la serrai fort contre moi, heureux. Elle me couvrait de baisers.



Je l’embrassai encore. Aroel s’approcha et se jeta aussi à son tour dans les bras de Xara en pleurant presque de joie.




***




Quatrième lunaison de l’an 728, troisième hexade, 12 h 01 :



Aroel et Thylis soupirèrent.



Et elles s’éloignèrent, nous laissant finir de faire l’amour tendrement. Je me crispai bientôt dans une ultime plainte de plaisir en même temps que Xara hurlait une dernière fois sa jouissance. Et puis nous restâmes, un moment, enlacés, flottant doucement dans l’eau de la piscine. On s’embrassait, encore, toujours.




***




Quatrième lunaison de l’an 728, troisième hexade, 13 h 24 :



Les filles nous attendaient dehors, près du temporeur de Xara. Elles avaient rassemblé les deux ou trois affaires que nous souhaitions emporter.



On sourit, Xara et moi. On était effectivement restés enlacés plus d’une heure dans la piscine, après avoir fait l’amour, à parler tout simplement, à réellement nous retrouver.


Il allait y avoir un problème de places, toutefois. L’habitacle était conçu pour deux ; au mieux, on y tiendrait à trois, en se serrant bien. On avait beau n’être qu’à une ou deux minutes de « voyage » de notre époque, aucun d’entre nous n’avait envie d’attendre le deuxième tour.



À l’intérieur du temporeur, en effet, il semblait y avoir quelques appareils en moins. Et ça gagnait l’équivalent d’une place plus ou moins sous le tableau de contrôle.



Et elle grimpa s’installer à cette place peu agréable.



Aroel et moi embarquâmes ensuite, peu rassurés à l’idée d’un nouveau voyage.




***




Sixième lunaison de l’an 541, première hexade, 32 h 50 :



Aaaaah ! ça faisait du bien de se retrouver là ! Même si ce n’était pas vraiment chez moi… de retrouver les visages qui m’étaient familiers, ceux de Yolen, d’Anya, de Jiris, ceux de mes enfants, et même celui de la Vénérable. Et même mes clones étaient là ! Tout le monde nous attendait, et tous nous regardèrent, souriants, descendre l’un après l’autre de l’habitacle du temporeur. Et Filaë était là aussi ; elle vint nous serrer dans ses bras. Les retrouvailles furent émouvantes et chaleureuses, même si nous n’avions finalement été absents pour eux qu’un peu plus de deux lunaisons. Mais le bonheur était d’autant plus fort que nous nous étions crus perdus autant qu’eux nous avaient crus disparus.


La Vénérable nous convia à un banquet de bouillons, où la liesse fut bientôt à son comble lorsque Thylis et Aroel annoncèrent qu’elles attendaient chacune un garçon. Filaë expliqua que nous avions peut-être une nouvelle piste à explorer pour le problème du sexe des bébés, déclenchant une nouvelle salve d’optimisme et de commentaires enjoués. Les deux seules nouvelles qui m’attristèrent furent d’une part la disparition de « Numéro 3 », qui était finalement mort d’une vieillesse extrêmement prématurée, mais d’autre part – et surtout – la perte du bébé qu’attendait Xara avant mon départ ; elle avait fait une fausse couche quelques jours seulement après qu’on fut partis.


On me laissa souffler quelques heures, que je passais presque tout entières avec Thylis dans les bras de Xara – quand nos enfants nous en laissaient le temps… Mais dès la douzième heure après notre retour, Filaë et moi étions conviés au temple où siégeaient les Conseillères. Xara et sa mère discutaient avec un évident bonheur lorsque je rejoignis le Conseil en compagnie de Thylis. Yolen nous y attendait déjà.


J’expliquai longuement ma théorie selon laquelle la Terre, se rapprochant peu à peu du Soleil, était soumise à un rayonnement de plus en plus puissant, d’une nature sans doute inconnue, qui avait sur nos embryons le même effet que les rayonnements combinés gamma-X lors de l’expérience qu’avait autrefois tentée Yolen.


Convaincre toutes les femmes ne fut pas difficile, d’autant que c’était la seule piste plausible dont nous disposions. Mais ce n’était pas le tout : il restait à mettre à l’épreuve cette théorie, et surtout à trouver une parade. Et nous avions un nouveau problème qui se greffait par-dessus le premier : stopper la course inéluctable de la Terre vers le Soleil. Il nous parut évident que si nous parvenions résoudre le second, nous n’aurions plus à chercher de solution au premier. Mais comment faire pour dévier la course d’une planète ? C’était impensable. La seule chose qui était parvenue à le faire était le Grand Cataclysme, dont les effets avaient été suffisamment dévastateurs pour ne plus jamais avoir à envisager quelque chose d’une ampleur ne serait-ce que dix fois inférieure.



Dans les jours qui suivirent, une équipe dirigée par Filaë et Xara mena une série d’observations et de calculs pour déterminer l’ampleur du second problème : à quelle vitesse la Terre se rapprochait-elle du Soleil et dans quelle mesure la vie, notre vie, était-elle menacée ? Et une seconde équipe, conduite par Yolen et Thylis, s’organisa autour du premier problème : comment mettre en évidence un éventuel rayonnement solaire inconnu, et surtout comment s’en protéger ?


S’inspirant des connaissances dont elles disposaient sur les rayonnements radioactifs et électromagnétiques, Yolen et Thylis imaginèrent qu’une épaisse barrière d’un métal très dense pourrait sans doute stopper en grande partie le rayonnement inconnu. L’expérience « de l’œuf », qu’avait menée Yolen dans son laboratoire pourtant souterrain, plus d’un an auparavant, suffisait à montrer qu’il faudrait sans doute une protection très impressionnante. L’équipe de « physique de la génétique » décida de renouveler cette expérience dans diverses conditions. Aussi me fut-il demandé d’éjaculer de nouvelles fois dans des tubes à essais – mais j’avais retrouvé la graisse de ponge et les endochlorates… – afin qu’on puisse prélever mes gamètes, et plus précisément ceux porteurs d’un Y, pour féconder des ovules que des dizaines de volontaires se pressaient pour donner. Et pendant ce temps, on fabriquait d’épaisses plaques d’alliages tous plus denses et lourds les uns que les autres.


L’autre équipe parvint assez vite à un premier résultat : la Terre se rapprochait effectivement globalement du Soleil ; mais la précision était difficile à obtenir à cause de l’orbite légèrement torique de la planète. Toutefois, on était parvenu à un encadrement : il faudrait probablement entre un et deux millions d’années pour que la Terre s’écrase sur le Soleil. Ça nous laissait voir venir… mais ce n’était pas l’anéantissement de la planète qui était à craindre, bien sûr, mais plutôt les conditions de vie à sa surface. De ce que j’avais constaté au cours de mon voyage vers l’avenir, en moins de deux cents ans, la température en un même lieu avait considérablement augmenté et ce qui était auparavant une verte prairie était devenu une zone presque aride. Mais Filaë tempéra quelque peu mes observations en témoignant que sur les dix années qu’elle avait passées là-bas, seule la dernière avait été aussi chaude et aussi sèche. Et les calculs reprirent de plus belle.


Les travaux de Yolen et Thylis, en revanche, n’avançaient pas franchement. Quelle que fût la barrière de protection qu’on établissait autour de l’œuf, à peine quelques minutes après la fécondation, il ne restait plus le moindre Y nulle part. Une avancée fut toutefois de constater que la mutation chromosomique avait lieu presque immédiatement, avant même la première division cellulaire. Du coup, l’hypothèse fut émise qu’il suffirait sans doute de protéger l’œuf seulement le temps de dépasser le cap de cette première division. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire…


Xara et sa mère obtinrent bientôt de nouveaux résultats : selon leurs observations et leurs mesures, la température moyenne à un endroit donné de la planète allait se réchauffer globalement d’un degré tous les cent vingt ans. La vie serait donc encore possible un moment là où nous nous trouvions. Et ensuite, l’espèce humaine pourrait toujours se déplacer un peu plus loin vers l’équateur, un peu plus loin du pôle nord toujours exposé au soleil.




***




Huitième lunaison de l’an 541, sixième hexade, 1 h 17 :



J’émergeai avec peine de mon demi-sommeil ; j’étais en train de flottiller dans la chambre d’apesanteur et Thylis dormait toujours à mes côtés. Elle n’allait plus dormir longtemps avec les grands cris que poussait Xara en entrant dans la pièce et en nageant vers moi.



Que pouvait-il bien y avoir qui l’agite comme ça ? Une avancée inattendue dans les travaux de l’équipe de physique de la génétique ?



En me frottant les yeux, je la regardai s’approcher tout contre moi. Thylis s’éveilla en grommelant.



Je la regardai avec suspicion. Ah bon ! Donc elle s’était tapé mes clones pendant mon absence…



Ça méritait qu’on y réfléchisse, ça, quand même.



Elle m’embrassa passionnément.



Je me traînai jusqu’en dehors de la chambre d’apesanteur. Les filles me suivirent.



Je réfléchis rapidement. Ça correspondait, à une cinquantaine d’heures près, à la date de nos « retrouvailles ». Thylis dut faire les mêmes calculs car elle hurla soudain :





***




Neuvième lunaison de l’an 541, seconde hexade, 48 h 32 :



Ma théorie du rayonnement était temporairement écartée. On décida que les recherches en ce sens devaient être momentanément interrompues. Le temps de comprendre ce qui se passait. On commença par refaire passer un examen complet à Xara, pour vérifier qu’elle était bien enceinte et attendait effectivement un garçon. Ensuite, on lui demanda de décrire précisément tous les accouplements qu’elle avait commis. La belle se prêta volontiers au jeu, bien que se montrant un peu hésitante à décrire les quelques coups où elle s’était tapé deux ou trois de mes clones à la fois. On disséqua ensuite son alimentation, ses voyages, toute sa vie au quotidien des trois dernières lunaisons. Mais effectivement, la seule particularité significative qui sortait du lot, c’était notre accouplement dans la piscine.



Et du coup, en quelques dizaines d’heures, on nous fabriqua bientôt un grand aquarium géant, qui abritait une sorte de grosse bulle où je fus enfermé avec Yolen, un tube à essai, un micromanipulateurs assisté, un ovule, et une machine d’observation du développement de la vie. Une bonne dizaine de femmes assistèrent à travers les grosses vitres remplies d’eau à la branlette que me fit Yolen pour extraire quelques gamètes. Puis, à l’intérieur de la bulle, à l’aide de son micromanipulateur, la généticienne isola un de mes spermatozoïdes bien membré d’un gros Y et féconda l’ovule, avant de placer rapidement l’œuf fraîchement conçu dans l’utérus artificiel, pour l’observer et l’étudier.


Et au bout d’une bonne dizaine de minutes, Yolen poussa un grand cri de victoire en abandonnant tout son matériel de haute précision. Il y avait déjà eu plusieurs divisions cellulaires, et la mutation chromosomique n’avait pas eu lieu !




***




Neuvième lunaison de l’an 541, seconde hexade, 51 h 06 :



Ah ! ça me manquait, qu’on m’appelle comme ça…



Et elle se tourna vers moi.



Xara fit une drôle de tronche. Et la Vénérable, bien que parfaitement aveugle, dut le sentir d’une manière ou d’une autre, car elle se tourna ensuite vers elle et lui demanda :



Ma belle compagne me dévisagea de ses grands yeux verts en soupirant longuement, avant d’acquiescer vaguement.



Xara soupira encore une fois, pesamment, de toutes ses forces, de sorte que tout le monde l’entende franchement.




***




Neuvième lunaison de l’an 541, sixième hexade, 89 h 47 :



À force de passer tout mon temps dans l’eau, j’étais quasiment flétri de partout. Sauf de la queue, qui était tendue en permanence, noyée sous la graisse de ponge. Et j’enquillais les flacons d’endochlorates les uns derrière les autres. Les culs défilaient dans la piscine ; ça en devenait franchement lassant. Je baisais presque en continu. J’espérais au moins que ça allait marcher…




***




Douzième lunaison de l’an 541, troisième hexade, 45 h 26 :



Mais ça marcha. De nombreuses femmes étaient déjà enceintes, et une petite moitié d’entre elles portaient un garçon. On avait bel et bien trouvé la solution. La Vénérable était enchantée, Yolen était enchantée, la vieille Filaë était enchantée, la plupart des femmes étaient enchantées. Il n’y avait que Xara qui faisait un peu la gueule, parce que quand je m’étendais à ses côtés le soir, j’avais plus franchement envie de lui faire l’amour… Heureusement que Thylis était là.


Thylis, justement, accoucha bientôt. Et Aroël presque en même temps. Elles donnèrent naissance à deux beaux garçons en pleine santé. C’étaient pour l’instant avec Sauveur – le premier-né de Xara – les seuls enfants mâles parmi une bonne cinquantaine de bébés filles. Mais ce déséquilibre touchait à sa fin.


Aroel appela son fils Raoul… Ça me rendit presque nostalgique, de longues heures durant ; je repensai à ma famille, à mes amis, à ma vie d’avant. La Vénérable, pour me remercier, m’autorisa à retourner épisodiquement à mon époque, où je pouvais rendre visite à ceux qui me manquaient. J’appris même à piloter un temporeur et pus ramener une fois Raoul parmi nous. Il avait été un moment sceptique, mais en découvrant le monde dans lequel je vivais désormais, en retrouvant Aroel, en rencontrant Raoul Junior… il avait absolument voulu rester avec nous, et la Vénérable avait cédé.




***




Dixième lunaison de l’an 542, première hexade, 15 h 13 :



Une flopée de nouvelles naissances avaient eu lieu ; une trentaine de petits garçons et autant de petites filles babillaient dans tous les coins du village, entourés de leurs sœurs aînées. L’espèce humaine était sauvée, et moi, j’étais déjà père d’environ cent trente gamins…


Le Conseil avait décidé de laisser aux générations futures le problème du réchauffement de la planète. On serait de toute façon tranquilles au moins quelques bonnes centaines d’années.


Mes clones étaient morts de vieillesse, mais Yolen, appuyée par presque toutes ses sœurs, était parvenue à me décider à me prêter à un nouveau clonage, et douze nouveaux Guftis détendaient régulièrement toutes nos concitoyennes – ainsi que deux ou trois Raouls, mais allez savoir pourquoi, ceux-ci étaient moins prisés par toutes les femmes…


J’étais heureux. Xara, Thylis et moi vivions ensemble, entourés de nos quatre enfants, dans la plus grande joie.




FIN