n° 14228 | Fiche technique | 15474 caractères | 15474Temps de lecture estimé : 10 mn | 16/01/11 |
Résumé: Un jeune homme part en vacances en camping-car avec un couple rencontré plusieurs mois auparavant sur un forum de discussion. | ||||
Critères: fhh hplusag fplusag jeunes extraoffre inconnu init -internet | ||||
Auteur : Kurorolucifuru (Jeune homme plein de fantasmes à partager) Envoi mini-message |
Dans le train
Jean ne savait pas vraiment ce qu’il faisait. Depuis son départ de chez lui jusqu’au hall de gare et ensuite dans le compartiment de son train, le sac à la main, il s’efforçait de ne pas réfléchir à la situation dans laquelle il se trouvait. Pourtant, le choix vers lequel il s’était orienté ne lui semblait pas aussi déraisonnable sur le moment. Partir en vacances dix jours durant pendant ce mois d’août, à arpenter la France en camping-car, lui qui, depuis le divorce de ses parents cinq ans auparavant, n’était plus sorti de sa région, même durant son année passée à l’université. Non, il n’y avait en effet rien de mal à cela !
Sauf que ces vacances n’allaient pas se faire en compagnie d’une bande d’amis connus de longue date, mais en compagnie d’un couple marié rencontré, si l’on peut dire, six mois auparavant en dialoguant sur Caramail.
Le regard perdu dans le paysage, les écouteurs dans les oreilles, Jean prit le temps de se remémorer la façon dont les événements s’étaient enchaînés.
Retour six mois en arrière…
Comme souvent lorsqu’il s’ennuie le week-end, Jean va vagabonder sur internet et principalement sur Caramail.com. Ce site qu’un ami lui avait fait découvrir, un véritable fourre-tout où les sujets de conversation s’entremêlent, ce qui est en fait une aubaine pour lui, heureux de pouvoir ainsi aborder toute sorte de sujets, d’affiner ses points de vue, de comprendre les arguments et parfois d’aborder des filles, domaine dans lequel il n’a jamais excellé.
C’est donc sur un des nombreux forums qu’il a fait la rencontre qui l’avait amené dans ce compartiment. À la suite des nombreuses conversations devenues houleuses, conséquence directe de l’anonymat qu’offre internet et qui servait, sert et servira toujours d’écran aux grossiers, professionnels en insultes et autres implanteurs de désordre de tous poils, il s’était orienté vers des salons où il n’était jamais allé. Les salons manifestement réservés aux couples portaient toujours les mêmes noms : paradis des couples, et autres noms évoquant la dualité. À peine eut-il eu le temps de saluer la « salle » qu’un onglet s’était ouvert, signal qu’une personne désirait avoir une conversation privée.
Assez peu coutumier de se faire aborder ainsi, mais néanmoins ravi à l’idée d’une conversation, il cliqua sur l’onglet (un rapide sourire aux lèvres à la vue du pseudo annoncé « peve » qui soulignait la notion de pv).
Réponse qui le figea, étant donné que c’est de là qu’il était sorti vingt minutes avant.
La conversation avait été plaisante, amusante, tant sur le salon qu’en privé. À la suite, il les avait recontactés de nombreuses autres fois et avait ainsi pu faire plus ample connaissance. Ils s’appelaient Pierre et Ève, tous deux trente-huit ans, mariés depuis vingt ans et sans enfants. Vivant en Alsace, de profession libérale et relativement à l’aise. Jean apprit alors qu’ils affectionnaient de nombreux loisirs communs aux siens, notamment une fréquentation régulière des cinémas et des boîtes de nuits.
Au fur et à mesure de leurs conversations qui, au bout de quelques semaines, avaient pris un caractère quasi journalier, Jean se mit à oser se livrer un peu plus. Cette première année en université était en effet teintée d’angoisse suite au divorce qui avait entraîné moult ennuis familiaux.
Bientôt, Jean se mit à leur parler de sa vie plus intimement, rassuré par la complicité qui s’était installée durant les dialogues. Complicité réciproque, Pierre n’avait pas hésité à rassurer Jean de sa timidité en invoquant son propre passé. À dis-neuf ans, très timide, Jean avait évoqué son malaise vis-à-vis de son manque d’expérience et de son inhabileté à aborder celles de ses condisciples féminines qui ne le laissaient pas indifférent.
Un samedi soir, alors qu’il était en ligne avec Pierre, il se prit même à évoquer très brièvement la seule expérience sexuelle qu’il avait eue jusqu’alors. À la demande de Pierre qui s’était pourtant montré le moins pressant possible, il n’avait répondu qu’un vague « Ce n’était presque rien mais ça n’était pas terrible ».
Une brusque secousse sortit Jean de sa rêverie. Rien de bien grave, le train s’était arrêté mais le retard annoncé par le conducteur n’avait duré que quelques minutes. Une fois ce dernier reparti, Jean se rendit compte de la lumière faiblissante et consulta sa montre : 21 h 24. Il se souvint alors qu’il devait rappeler Pierre un quart d’heure avant son arrivée à Colmar… à 21 h 41. Il se saisit alors de son téléphone.
Un seul quart d’heure. Oui, dans une quinzaine de minutes, réalisa Jean, il arriverait à destination. Il se sentit soudain fébrile, stressé. Avait-il définitivement bien fait de se lancer dans ce train ? Il se rappela alors comment cette situation l’avait mené ici. Deux semaines auparavant, la conversation s’était amorcée comme à son habitude, racontant sa journée, commentant des informations glanées sur internet, etc.
Ève était au clavier et elle avait alors parlé d’un voyage qu’elle et Pierre avait prévu d’effectuer et qui allait donc les faire disparaître pendant une quinzaine de jours. Elle voulait en avertir Jean de façon à ce qu’il n’y ait pas de méprise (c’est si vite arrivé sur internet !).
À cette pensée, ce dernier avait alors évoqué une invitation dont une de ses amies lui avait fait part sur le ton de l’anecdote. Cette dernière venait de se faire inviter, elle et sa famille, en Autriche par des amis de ses parents et allait donc y passer tout le reste de ses vacances d’été. Heureux pour elle, et bien que dépourvu à ce moment de jalousie, cette nouvelle l’avait alors rappelé à sa propre réalité, lui qui n’était plus parti hors de sa région depuis maintenant plus de cinq ans. Et cela lui manquait. Mais, et selon les nombreux adages qu’il s’efforçait de se remémorer pour contrer l’amertume : « tout vient à point à qui sait attendre ». Oui, le temps viendrait où il savourerait à nouveau le plaisir des départs en vacances.
Pour leur part, Ève et Pierre n’ignoraient pas ce fait, (il leur en avait déjà parlé) et il ne fut pas très surpris lorsqu’Ève lui avait posé la question :
Quelques minutes plus tard, Pierre et Jean discutaient par téléphone des détails de leur éventuel voyage. Lui et Ève gagnant très confortablement leur vie, ils avaient fait l’acquisition, un an auparavant, d’un camping-car suffisamment vaste pour quatre ou cinq personnes. Ils avaient assuré Jean que, si ce voyage avait lieu, ils pourraient sans problème rembourser le prix du billet de train. Quant à l’inquiétude de Jean concernant ses parents, Pierre et sa femme se feraient passer pour ceux d’un ami de fac qui aurait donc lancé l’invitation.
Trois jours plus tard, tout était décidé, réglé, planifié. Jean prendrait le train dès le samedi matin pour se rendre à Paris. De là, il prendrait une correspondance à destination de Colmar où il arriverait en milieu de soirée. À son arrivée, Pierre et Ève l’attendraient et ils partiraient tous les trois dans leur camping-car à destination de Lyon, puis de Toulouse, Montpellier, Cannes et Nice en s’arrêtant sur les aires où ils le pourraient et en profitant allègrement de leur trajet qui les mènerait à déposer ainsi Jean dix jours plus tard chez lui.
Oui, se dit Jean au rappel de ces circonstances, il n’y a rien de bizarre. C’est même une chance de pouvoir bénéficier de dix jours, loin de toute ma vie et de ne plus penser qu’à la détente.
Cette fois, ce fut la voix du conducteur qui brisa sa réflexion, pour annoncer l’arrivée imminente du train à destination. Tout en prenant ses deux sacs, lourds des livres et des vêtements embarqués (la plupart légers mais aussi parfois plus habillés, pour être sûr de ne manquer de rien et d’être présentable en cas de sortie) et en vérifiant, comme le soulignent les recommandations toujours éclairées de la SNCF, de n’avoir rien oublié dans son compartiment, il se souvint qu’il n’avait jamais vu ni les visages, ni les silhouettes de ses hôtes.
Tandis qu’il posait le pied sur le quai de gare, il fut pris d’une brève angoisse à l’idée de n’être pas capable de les reconnaître, qui fût balayée par le fait qu’il avait le téléphone et que de toute façon, ils seraient les seuls ou presque à être stationnés en camping-car. En effet, il ne lui fut pas difficile de les localiser. Le jour était presque tombé sur le parking de la gare et la majorité des voitures qui y étaient stationnées, bien que nombreuses, ne dépassaient pas le volume d’un monospace et étaient surtout vierges de passagers. Les camping-cars étaient au nombre de sept mais un seul arborait un plafonnier et des phares allumés.
Jean se dirigea vers le véhicule, avec cependant la nervosité d’un jeune postulant se dirigeant vers le bureau du patron de l’entreprise qu’il envisage d’intégrer. Le véhicule allait être sur sa droite et lui faire face et il distingua les visages de ses occupants. Il eut le temps de noter que Pierre et Ève avaient une allure très jeune, vive. Deux silhouettes aux chevelures brunes, l’une coupée assez court et coiffée manifestement à la brosse et l’autre longue et ondulée. Tandis qu’il n’était plus qu’à une dizaine de mètres, ils tournèrent tous deux le visage dans sa direction, ce dont il ne s’étonna pas, étant donné qu’il était le seul à en venir.
Pierre, qui était du côté conducteur, l’invita à entrer. Il eut le temps d’apprécier la taille du véhicule et le confort de son intérieur. Ève le reçut la première. Sa voix était vive, douce et rieuse. Elle arborait un sourire convivial et chaleureux souligné par un maquillage dont les tons rosés donnaient à ses lèvres une élégance certaine. Ses yeux d’une teinte brune étaient également soulignés par une couleur chair subtile. Le chauffage lui avait fait ôter un foulard ample, posé sur le dossier de son siège et elle se présenta ainsi dans un pantalon de sport en corsaire et un tee-shirt épousant les formes d’un corps à n’en pas douter habitué à une pratique sportive régulière.
Pierre était par ailleurs à la hauteur de son épouse, ce dont Jean se sentit gêné (pensant comme toujours qu’il n’était pas suffisamment sportif, malgré ses pratiques de nombre de disciplines). Pierre arborait un short de toile ample et un débardeur noir tout aussi ample qui laissait voir une carrure sans prétention mais à la musculature mince et entretenue. Sa voix était plus rassurante et ferme qu’au téléphone, mais son sourire aimable et ses yeux sombres et attentifs ne pouvait qu’attirer l’amitié et la sympathie.
Un instant, Jean se sentit honteux de venir s’introduire pour quelque temps dans la vie de ce couple qu’il ne connaissait que par correspondance. Mais les paroles de Pierre vinrent étouffer ses craintes.
Et, après un rapide appel à sa mère lui confirmant son arrivée à destination et lui promettant un appel dans les deux jours, Jean partit vers un inconnu qu’il soupçonnait réjouissant, convivial et plein de complicité.