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n° 14281Fiche technique97051 caractères97051
Temps de lecture estimé : 55 mn
15/02/11
Résumé:  Karine rencontre Bénédicte et elles filent rapidement le parfait amour. Quelques mois plus tard, Karine rencontre Alexia.
Critères:  ff extracon collègues caférestau amour jalousie fmast cunnilingu anulingus 69 -amourdura
Auteur : Adrien            Envoi mini-message
Les moulins de mon coeur

Première partie



J’ai rencontré Bénédicte il y a presque un an, au collège de banlieue où je suis prof d’anglais. Avec mes 31 ans et mes six années de présence, je faisais déjà presque figure d’ancienne. Elle y est arrivée à la rentrée pour occuper le poste d’assistante sociale. Elle avait 24 ans et encore peu d’expérience. C’était la première fois qu’elle allait travailler en milieu scolaire. Elle devait partager son temps entre deux établissements.


Peu de temps après, je remarquai que – dans cet environnement encore nouveau pour elle – elle mettait à profit toutes les occasions de se rapprocher de moi ; avec parfois une maladresse attendrissante.

Mon homosexualité était connue de mes collègues depuis longtemps. Dans le milieu du travail c’est le genre de choses que les nouveaux arrivants apprennent rapidement en général. Dans un CEG en zone d’éducation prioritaire, le personnel se renouvelle vite et j’ai vu toutes sortes de réactions à cette indiscrétion.

Celle de Bénédicte m’intriguait. Me trouvait-elle simplement sympathique ou avait-elle une autre idée en tête ?


Elle s’est tout de suite beaucoup investie pour dénouer les situations parfois très difficiles de certains élèves. Malgré tout, elle était en permanence de bonne humeur. Elle était plus petite que moi, un peu replète aussi. Elle avait les cheveux châtain avec des reflets tirant sur le roux, mi-longs, naturellement très bouclés. Elle les portait le plus souvent attachés en arrière. Ses yeux pétillants étaient gris-bleu. Sa bouche, aux lèvres naturellement brillantes, était toujours souriante. Avec sa peau blanche et ses pommettes souvent roses, elle ressemblait à une poupée de porcelaine. Elle avait une forte poitrine en harmonie avec ses formes. Au travail, je la voyais toujours vêtue dans le même style. Elle portait des jeans aux bas larges et des chaussures plates : tennis ou ballerines. Elle se maquillait très peu mais cela suffisait à lui garder un rien de coquetterie ; elle portait souvent de grands pulls fins à col en V très échancrés et – sans doute choisit-elle ses soutiens-gorge avec soin – elle savait mettre son opulente poitrine en valeur. Son parfum, discret, lui allait bien.


J’ai vite trouvé sa personnalité attachante. Sa joie de vivre, son humour, ses mimiques d’adolescente me plaisaient. Comme – visiblement – elle appréciait ma compagnie nous sommes devenues proches.

En tant qu’assistante sociale elle dispose d’un bureau. Quand j’avais des moments libres et que je savais qu’elle y était seule, j’allais souvent la retrouver. Elle m’offrait un thé et nous bavardions quelques minutes.

Les commérages commençaient dans notre dos. Je voulais éviter qu’elle en pâtisse. J’ai fini par lui demander si elle ne craignait pas que cette proximité fasse jaser dans l’établissement. Elle eut cette réponse simple et claire :





À cette époque je sortais d’une relation compliquée avec une femme mariée. Cette précédente histoire s’était achevée dans la peine et j’en avais été pas mal éprouvée. Il m’avait fallu un peu de temps pour m’en remettre et envisager de passer à autre chose.

Avec Bénédicte j’ai réalisé que ce moment était arrivé. Je suis entrée sans hésitation dans le jeu de séduction qu’elle me proposait.


Pendant un temps nous avons laissé agir le charme de la découverte et l’alchimie de l’attirance naissante. Cela se manifestait – pour elle comme pour moi – par des sourires, des regards, de petites attentions et des comportements très tactiles et réciproques.

Nous-nous comprenions. La suite était inéluctable.




C’est elle qui me tendit la perche, un matin d’octobre, à la veille d’une grève des transports. Elle me parla de ses parents, chez qui elle vit, et qui habitent en grande banlieue, du temps qu’elle allait perdre dans les transports, de la fatigue supplémentaire et de la chance que j’avais d’avoir un appartement si près du collège…

Bien sûr, cette perche, je l’ai saisie sans hésiter. Je l’ai invitée à passer la nuit chez moi. Précisant, pour sauver les apparences et lui laisser une échappatoire, que je disposais d’une pièce qui me servait surtout de lingerie et de débarras mais dans laquelle se trouvait un canapé convertible. Il serait facile d’en faire une chambre d’amis.

Elle accepta ma proposition. Le regard que nous avons échangé à ce moment-là était lourd de sens. Nous savions l’une et l’autre ce qui allait se passer.




En arrivant chez moi ce soir-là, j’ai tout de suite voulu qu’elle se sente à l’aise. J’ai commencé par lui faire visiter l’appartement en lui précisant qu’elle y était chez elle. Je lui ai montré la « chambre d’amis-lingerie-débarras ». Pour rendre la pièce plus accueillante, j’ai vite replié la table à repasser et l’étendoir, j’ai fait disparaître les paniers à linge puis j’ai déplié le canapé et jeté un oreiller et une couette dessus. Elle m’a assuré que ça lui convenait parfaitement.

J’ai sorti à son intention des draps et des serviettes. Je lui ai montré la salle de bain, lui précisant qu’elle pouvait tout utiliser à sa convenance. Elle s’est amusée à compter mes produits de beauté alignés sur une étagère. Je lui ai montré ma chambre où à nouveau elle a remarqué les parfums et les cosmétiques rassemblés sur la commode dans trois petites corbeilles sous un miroir ainsi que les nombreux bijoux fantaisie plus ou moins en désordre.


La soirée commençait. J’ai débouché une bouteille de bon vin en guise d’apéritif pour le petit dîner que je nous concoctais. Nous avons parlé un moment de banalités. Pendant le repas l’ambiance s’est très vite détendue. Nous sommes ensuite allées nous installer sur mon canapé.

J’ai toujours adoré le sillon entre ses seins. Au collège, je ne peux y jeter que de petits coups d’œil furtifs mais ce soir, là dans mon salon, j’ai pu le contempler à loisir ce qu’elle n’a pas manqué de remarquer.


– Ils te plaisent ? me demanda-t-elle.

– Oui, tu le sais bien.


Elle s’est approchée de moi et a placé ses bras sur mes épaules joignant les mains sur ma nuque. À cet instant, les peines de cœur qui avaient assombri ma vie quelque temps plus tôt étaient loin. Nous nous regardions intensément.

Le silence qui a suivi a été meublé par notre premier baiser, nos premières caresses. Avant d’aller plus loin, elle m’a demandé l’autorisation de prendre une douche ce que j’ai accepté à condition que nous la prenions ensemble.

Dans la salle de bains, j’ai branché le petit chauffage soufflant et je l’ai embrassée à nouveau puis j’ai commencé à quitter mes vêtements. Elle me regardait sans bouger, visiblement gênée et je me demandais pourquoi.



J’ai voulu être la plus rassurante possible.



Elle eut un sourire timide qui me fit fondre.



Elle est sortie de la salle de bains et j’ai pris ma douche seule. Je lui ai laissé la place. Quand nous nous sommes croisées, je lui ai dit que quand elle sortirait je serai dans ma chambre et que la lumière serait éteinte.


J’avais laissé la porte de ma chambre entrouverte et j’étais très attentive aux bruits et aux lumières. J’entendis Bénédicte sortir de la salle de bains. La lumière du couloir s’éteignit, puis celle de la pièce où elle devait dormir.


Plusieurs minutes passèrent et l’espoir que j’avais qu’elle vienne me retrouver se mua en déception de passer la nuit seule. Je trouvais dommage qu’elle ait réagi ainsi car, même si elle n’avait pas la taille mannequin, elle était très désirable.

Plus égoïstement, je m’étais préparée à l’idée de faire l’amour – ce qui ne m’était pas arrivé depuis plusieurs mois – et je me sentais un peu frustrée.


J’en étais là de mes réflexions quand j’entendis le bruit ténu de ma porte que Bénédicte poussait lentement.

Je n’osais rien dire, rien faire.



Je sentais qu’elle contournait le lit à tâtons, je levai le coin de la couette et je tendis le bras pour l’accueillir. Sa main trouva la mienne et elle s’allongea près de moi.


Nous étions nues toutes les deux. J’ai peu l’habitude de faire l’amour dans le noir mais finalement l’expérience me plut. Nous sommes parties chacune à la découverte – tactile – du corps de l’autre.

J’ai d’abord pris les initiatives mais Bénédicte s’est vite révélée une amante pleine d’initiative. Nous avons fait l’amour avec passion. Après nous être masturbées mutuellement, je me suis glissée entre ses jambes pour lui faire un cunnilingus qui la fit jouir rapidement puis elle me rendit la pareille. Nous nous sommes longuement cajolées avant de nous endormir.




Mon réveil sonna et sans réfléchir j’allumai aussitôt. Bénédicte était enfouie sous la couette qu’elle avait remontée jusqu’à son nez.



Je me suis levée, elle s’est assise sur le bord du lit, toujours cachée derrière la couette. Je ne voyais que ses pieds, ses mollets et tout ce qui se trouvait au-dessus de la ligne de ses épaules.

Je m’approchai, ôtai la couette et la pris par les mains pour qu’elle se lève et se montre à moi. C’est ainsi que j’ai découvert son corps dans la lumière pour la première fois. Je l’ai examinée attentivement.



La grève des transports se prolongeait et, bien sûr, Bénédicte est restée chez moi. Ce soir-là, nous sommes allées ensemble faire quelques courses au centre commercial du coin. Elle s’est acheté quelques affaires : brosse à dents, culottes… Ensuite elle a prévenu ses parents qu’elle restait chez une copine jusqu’au week-end.


Nous-nous sommes tout de suite bien entendues. Notre relation a vite évolué. Le vendredi la grève a pris fin mais Bénédicte est restée chez moi. Je lui ai prêté ma voiture pour aller chez ses parents. Le soir elle en a ramené deux sacs d’habits.


Nous étions devenues un couple.


Ceci a été « officialisé » la semaine suivante quand elle m’a présentée à ses parents comme sa « nouvelle amie ». C’étaient des gens charmants. Ils avaient eu Bénédicte sur le tard alors qu’ils avaient déjà deux grands fils. Le fait que leur petite dernière vive en couple avec une autre fille ne leur posait visiblement aucun problème. Ils me remerciaient souvent de l’héberger. J’ai eu beau essayer de leur faire comprendre que je « n’hébergeais » pas Bénédicte mais que je « vivais avec » Bénédicte, ils ne saisirent jamais la nuance. Son père, boucher en retraite, au teint rougeaud et à la voix forte, croyant sans doute me faire un compliment, disait de temps en temps sur un ton péremptoire qu’il était « bien content » parce que moi, « au moins » j’étais « quelqu’un de bien ». Cette remarque provoquait toujours de la gêne et Bénédicte me disait simplement de ne pas faire attention, qu’elle m’expliquerait ; ce qu’elle ne fit jamais vraiment, se contentant de me dire que son ex s’était mal comportée avec eux.


Il m’a fallu expliquer à Bénédicte que, ma famille étant nettement moins ouverte que la sienne, il n’était pas envisageable que je la présente à mon tour à mes parents.


Tout cela est arrivé, il y a un peu moins d’un an. Aujourd’hui je sais que je ne verrai plus ces gens charmants mais complètement gaga de leur fille. Je sais aussi qu’ils vont bientôt m’exclure de la catégorie des « gens biens ».




Deuxième partie




Le bouleversement se produit un jeudi matin de la fin du mois de mai.


J’ai mon premier cours à onze heures. Je dépose Bénédicte au collège vers huit heures puis je vais faire les courses. Après avoir chargé les cabas dans le coffre de ma voiture et rangé le caddy, je retourne faire un tour dans la galerie marchande où les clients sont encore rares.


Dans une vitrine je repère vite une très jolie robe d’été. Un coup d’œil à ma montre m’apprend que je n’ai plus le temps d’entrer l’essayer. « On verra ça plus tard », me dis-je.

Je jette un dernier coup d’œil à la robe et mon regard croise celui d’une femme qui est en train de ranger des vêtements sur des portants juste à proximité de la vitrine. Elle m’a repérée aussi et m’observe. Nous échangeons un sourire. De l’index elle me montre la robe qui m’intéresse puis elle pointe le même index vers moi avant de lever le pouce avec une mimique d’approbation.

Je lève à mon tour le pouce, avec la même mimique, pour lui montrer que j’ai bien compris qu’elle trouve la robe très jolie et que je pense aussi qu’elle m’irait bien. Je désigne ma montre avec une moue de dépit puis j’écarte les bras et les laisse retomber : je n’ai plus le temps, désolée. Elle prend une expression de déception exagérée et comique.

Cette conversation muette nous fait rire puis elle articule quelques mots de façon très prononcée, les accompagnant de gestes circulaires que je ne comprends plus.

J’ai les bras pliés, les paumes des mains vers le haut en signe d’incompréhension. Elle voit que je ne saisis pas son message.

Elle réitère en forçant encore d’avantage son articulation muette sans plus de succès. Elle me désigne alors l’entrée de la boutique ; nous-nous y dirigeons.



Je la quitte sans m’attarder, souriant encore de notre curieux dialogue. Je suis une habituée de la galerie mais je n’ai jamais vu cette femme ; je m’en souviendrais. Je me retourne vers le magasin et je suis surprise de voir qu’elle me regarde toujours. Je lui fais un sourire de connivence et un geste de la main. Elle me répond de même et l’instant d’après, tournant dans l’aile de la galerie qui mène vers la sortie et le parking, je la perds de vue.


Elle occupe mes pensées durant tout le trajet du retour vers chez moi.


J’ai vraiment flashé sur cette fille. Elle doit avoir à peu près mon âge. C’est une jolie brune aux cheveux longs aux yeux marron très sombres et au teint mat. Elle est élancée et élégante. Très féminine, maquillée avec recherche, elle était vêtue des vêtements hauts de gamme de la marque de son magasin dont j’ai reconnu le style : une jupe de tailleur courte et noire fendue à l’arrière et un chemisier blanc très cintré qui lui allait à la perfection et dont le col ouvert laissait entrevoir quelques petits festons de dentelle noire de son soutien-gorge. Elle était chaussée d’escarpins noirs dont la pointe, ouverte, laissait voir un orteil parfaitement verni. Elle me semble un peu plus grande que moi mais c’est peut-être une impression due au fait qu’elle était en talons et moi en chaussures plates.

Je pense aux ballerines noires à boucles, au jean un peu délavé et à la veste saharienne marron que je porte aujourd’hui, et je regrette qu’elle m’ait vue dans cette tenue passe-partout et asexuée de prof de banlieue.


De folles pensées s’emparent de moi. Je m’imagine avec cette belle femme, dans mon lit, faisant passionnément l’amour… lui donnant du plaisir… en recevant d’elle…


Je pense encore à elle pendant tout le temps que je passe à ranger mes courses. Pour chasser ces pensées, je décide de me rendre au collège à pied.




Avant de gagner ma salle de classe, je passe voir Bénédicte à son bureau. Une élève en sort quand j’arrive et me regarde comme si j’étais une bête curieuse. Auprès des profs, notre couple ne fait plus trop cancaner mais chez les élèves, c’est loin d’être le cas.

Bénédicte me demande si ça c’est bien passé et si j’ai acheté du chocolat. Je la rassure sur ces deux points et je commence à lui parler de la jolie robe. La sonnerie de onze heures m’empêche de finir ma description ; il est temps que j’aille en cours.


Le repas de midi me donne l’occasion de reparler de la robe. Bénédicte ne s’y intéresse pas beaucoup. Ni elle ni moi n’avons de réels points communs avec les filles des magazines mais ma taille, un peu plus haute que la sienne, et mon passé d’adolescente maigrichonne me permettent aujourd’hui d’avoir la ligne. J’ai les yeux marron, les cheveux châtains clairs qui arrivent à la hauteur de mes épaules et qui ondulent légèrement.

Quand je travaille, je choisis toujours mes tenues de façon à éviter tout ce qui pourrait être interprété comme provocant – même si peu que ce soit. En revanche, par goût et par réaction, en dehors du boulot, je mets toujours en valeur ma féminité. Je sais que Bénédicte apprécie.

Jusqu’à notre rencontre elle s’habillait toujours de façon à masquer ses hanches. C’est pour cette raison qu’elle cherchait à attirer les regards sur sa poitrine. En dehors de ses jeans, elle ne possédait que deux jupes, longues et amples. Elle n’avait jamais eu de minijupe. J’ai dû insister mais elle avait fini par en acheter, en jean d’abord, pour porter l’été en dehors du boulot, puis plus sophistiquées. Je lui ai expliqué ce que ça avait de sexy et j’ai insisté sur le fait que ça allait bien avec la façon dont elle met sa poitrine en valeur.

Je l’ai vue évoluer petit à petit vers plus de féminité. Cela me plaisait mais le plus important à mes yeux était que cela lui plaise à elle. Je fus ravie le jour où, se regardant dans une glace, elle a dit – spontanément – se trouver belle.

Au quotidien, elle avait fini par remplacer ses jeans banals et ses pulls informes par des pantalons plus féminins et de hauts plus stylés.

Elle se maquillait aussi d’avantage mais le changement le plus spectaculaire a concerné ses chaussures. À présent elle ne portait pratiquement plus que des talons. Elle avait été sensible à l’argument que j’avais employé un jour : « cela grandit ta silhouette ». Sans doute pour la même raison, elle relevait souvent ses cheveux qu’elle laissait à présent pousser.




Bizarrement, nous profitons souvent d’être seules pour acheter nos vêtements. Je suis donc un peu surprise quand elle me propose de m’accompagner. J’avais prévu de retourner seule au magasin pour aller essayer la jolie petite robe.


Rendues dans la galerie marchande, je la lui montre dans la vitrine du magasin. Elle la trouve très bien et aussitôt me plante là me disant qu’elle a « un truc à voir » dans le grand magasin multimédia du centre. Je comprends mieux pourquoi elle a tenu à m’accompagner. Un petit baiser sur les lèvres, elle part dans la galerie et j’entre dans le magasin. Finalement je suis seule et j’en suis contente.


La femme avec qui j’ai échangé quelques gestes et quelques mots ce matin est là. Elle est toujours aussi belle et peut-être plus élégante encore. Elle porte à présent la veste de son tailleur noir et a relevé ses cheveux en un élégant chignon banane.

Elle est en grande discussion avec une cliente mais remarque ma présence. Elle me fait un petit signe de tête accompagné d’un sourire et d’un clin d’œil de connivence que je m’empresse de lui rendre. Pour me donner une contenance, je fais mine de m’intéresser aux vêtements sur les portants mais je passe plus de temps à la détailler qu’à chercher la robe qui m’intéresse.


Je retrouve chez elle tout ce que j’aime chez une femme à commencer par la féminité. Je remarque qu’elle a des jambes superbes, sans bas ni collant, halées, et mises en valeur par les hauts talons de ses escarpins. Elle est maquillée avec soin, ses lèvres brillantes attirent particulièrement mon attention.


Tout en conversant, elle et la cliente s’approchent de la porte du magasin. Je me suis placée pour pouvoir la regarder discrètement ce qui me permet d’apprécier son élégance.

Je vois qu’elle aussi m’observe à la dérobée. Nos regards se croisent souvent. À ces moments-là, je m’empresse de saisir le premier cintre qui me tombe sous la main et je fais semblant de m’intéresser à la pièce qui s’y trouve.

Je sens que quelque chose est en train de se passer. J’ignore encore ce que c’est. Presque par hasard, je tombe sur la robe pour laquelle je suis venue.



Mon cœur fait un bond. Je l’avais vue près de la porte saluer la cliente mais pas venir vers moi. Maintenant elle est là, tout près. J’ai peur de bafouiller mais j’arrive à parler sans que mon trouble soit trop perceptible ; du moins j’espère.



Elle m’accompagne vers une cabine où j’entre. Un fois le rideau tiré l’image de moi que je vois dans le grand miroir qui en couvre le fond me semble étrange ; comme si ce n’était pas tout à fait moi. Je quitte rapidement mes habits et je passe la robe. J’ouvre le rideau, comme pour me regarder avec un peu de recul mais c’est surtout la vendeuse que je souhaite voir… et c’est Bénédicte que je vois.



Elle rit mais sa question me trouble. Depuis quelques minutes mes émotions prennent le pas sur ma raison. Je dois faire un effort pour me ressaisir.



Je regarde autour de nous, cherchant à voir où se trouve la femme du magasin. Bénédicte se méprend ; elle pense que c’est parce que je suis gênée par ses propos.



Elle s’approche de moi, avec une attitude caricaturalement provocante, m’enlace et dépose un baiser appuyé sur mes lèvres. C’est à ce moment que je repère la vendeuse. Elle nous observe de loin, son visage ne trahit aucune émotion. Une idée folle me traverse l’esprit ; à mon tour, j’étreins brusquement Bénédicte et l’embrasse fougueusement tout en plantant mes yeux dans ceux de cette femme qui décidément me fascine de plus en plus. Son visage impassible s’illumine alors d’un sourire complice.



Je retourne dans la cabine, je tire le rideau et je me regarde dans la glace. L’impression étrange n’a pas disparu. Au contraire.


Je passe en caisse. Ma vendeuse arrive au même moment et envoie la fille qui se trouvait là vers une cliente afin de s’occuper elle-même de mon payement. Nous n’échangeons que peu de mots mais, de façon indéfinissable, je sens une complicité entre nous.

Elle me rend ma carte bancaire avec le reçu et le ticket, puis le sac contenant la robe. Les salutations sont anodines mais souriantes. Au moment où nous quittons la boutique Bénédicte me prend le bras. Je m’arrête devant la vitrine.



Ce petit intermède m’a permis d’échanger un dernier regard avec cette femme si belle avec qui le courant passe si bien. Je me dis que jeudi prochain, je m’arrangerai pour faire vite les courses, revenir dans ce magasin avec plus de temps devant moi.




De retour à la maison Bénédicte se met immédiatement à la préparation du repas. J’essaye vainement de ne pas penser à ce qui s’est passé. Avant de mettre la table, je sors la robe pour la mettre dans ma penderie. Une carte du magasin tombe par terre. Au dos je découvre les dix chiffres d’un numéro de téléphone portable et un prénom : Alexia. Une émotion intense me saisit. Je dois m’asseoir un moment sur le lit pour retrouver mon calme. Les idées se bousculent dans ma tête. Il est clair qu’elle a compris ma sexualité. Si cette carte et dans le sac c’est qu’elle désire me revoir.


Bénédicte me tire de mes conjectures.



La soirée est banale, très banale. Après le dîner nous regardons une émission de reportages tout en vaquant aux taches habituelles, un coup de balai, le repassage d’une tenue pour le lendemain…



Pendant quelques minutes je me demande pourquoi elle m’a posé cette question : a-t-elle remarqué quelque chose ? Je dévie la conversation vers un autre sujet et mes inquiétudes se dissipent.


Je me couche la première et je prends mon livre. Il m’est difficile de me concentrer sur ma lecture car les événements de la journée hantent mon esprit. Bénédicte entre dans la chambre. Au lieu de passer de son côté du lit, elle vient se planter à côté de moi.

C’est une des façons qu’elle a de me faire comprendre qu’elle a envie qu’on fasse l’amour. Je suis contente qu’elle me sollicite. Ce rituel des soirs de semaines, bien rôdé entre nous, va me permettre de penser à autre chose.

Sans quitter mon livre des yeux et sans rien dire je caresse l’arrière de ses genoux du bout des doigts de la main droite. Je sais qu’elle est très sensible à cet endroit. C’est elle qui, rapidement, me retire mon bouquin des mains et m’embrasse voluptueusement.

Nos bouches se déparent et je profite qu’elle soit encore debout pour lui ôter son tee-shirt. Ses seins lourds devant moi me font envie, je prends un de ses mamelons en bouche. Je sens sa main se glisser sous la couette vers mon entrejambe. J’écarte largement les cuisses pour lui faciliter l’accès à mon sexe ; la nuit je ne porte rien d’autre qu’un débardeur en coton.

Sa position, penchée au-dessus de moi, est inconfortable. Je me glisse vers le milieu du lit pour lui laisser la place d’y entrer.



Je me coule vers le bas du lit, bien à plat. Sa cuisse gauche passe au-dessus de mon visage, son sexe vient se plaquer sur ma bouche, je me concentre sur le plaisir que j’ai envie de lui donner.

Le soixante-neuf que nous ne cherchons pas à faire durer nous conduit vite vers l’orgasme. Elle jouit la première. Son plaisir s’écoule en abondance dans ma bouche et je fais en sorte de ne pas en perdre un goutte. Dans ces moments-là, il m’excite beaucoup de nettoyer soigneusement son sexe avec ma langue. Nous nous retournons de manière à ce que ce soit elle qui soit sous moi. Ainsi je peux mieux contrôler le rythme et la pression et déclencher ma jouissance au moment que je choisis. C’est dans cette position que l’orgasme me submerge. À cet instant, fermant les yeux, mes pensées s’envolent et ce que je vois, ce sont les jambes, les lèvres, les yeux de celle dont je ne connais que le prénom : Alexia.

Je reste immobile un moment avant de me lover contre Bénédicte pour l’embrasser longuement. Le bas de son visage est luisant de mon plaisir.



Elle rit aux éclats avant de poursuivre :



C’est elle qui change de conversation et je suis soulagée de m’en tirer à si bon compte. Je viens de lui mentir pour la première fois. Je sens que ce ne sera pas la dernière.


Bénédicte s’endort. Cela m’est impossible tant mon esprit est accaparé par Alexia. J’ai du mal à faire le point sur ce qui m’attire chez elle ; son physique, bien sûr, mais il y a plus que ça. Le mot « sentiment » me fait peur mais je n’en trouve pas d’autres pour décrire ce que je ressens pour elle et que j’espère réciproque.


J’ai déjà été confrontée à l’infidélité ; la mienne et celle de mes compagnes. Au bout, il n’y a toujours eu que de la souffrance. Je n’ai pas envie de faire souffrir Bénédicte mais une question me vient pour la première fois : Me comble-t-elle ? La réponse me fait peur mais poser la question n’est-ce pas déjà y répondre ?

D’un autre côté je ne connais rien d’Alexia. Elle me plaît certes, et après ? Que cherche-t-elle ? Est-elle en couple – mariée peut-être – et ne veut-elle qu’une aventure ? Ou, au contraire, est-elle célibataire à la recherche du grand amour ?


Ces questions tournent dans ma tête et je pense à une vieille chanson que j’avais envisagé de faire étudier à mes élèves : The Windmills Of Your Mind. J’y avais renoncé car certaines tournures, très poétiques, sont vraiment trop éloignées de ce que doit être un bon support pédagogique pour des collégiens.

Par une bizarrerie dont les traducteurs sont coutumiers, le titre français est Les moulins de mon cœur. Je me dis qu’après tout, c’est bien de mon cœur qu’il s’agit.

Le sommeil commence à me gagner ; enfin.




Troisième partie




Le lendemain je suis tiraillée entre l’envie de jeter la carte et la tentation de composer le numéro qui y est inscrit.


Ai-je le droit d’être égoïste ?


Le vendredi, j’ai quatre heures de cours le matin. Je n’ai pas une minute à moi et je me force à me concentrer sur mon travail. Le midi, ma journée est finie. Je retrouve Bénédicte pour que nous déjeunions ensemble à la cantine. Elle remarque que je suis soucieuse. Je mets cela sur le compte d’une contrariété avec un élève. Elle me rassure et trouve que vraiment j’ai tort de m’en faire autant pour si peu. Une nouvelle fois, je me rends compte qu’il faut que je fasse très attention à ne pas changer ma façon d’être.


J’accompagne Bénédicte à son bureau. Une élève l’attend devant la porte. Je comprends que le cas est sérieux, je m’éclipse. Je me rends dans la salle des profs pour y prendre mes affaires. Mes collègues en sortent les uns après les autres et je me retrouve seule avec mon dilemme ; la carte avec le numéro d’Alexia dans une main, mon téléphone dans l’autre. Je compose les dix chiffres, j’hésite encore, j’appuie sur le bouton vert.

Ceux qui sautent à l’élastique – au moment où ils se laissent tomber en avant – doivent ressentir un peu la même chose que moi à cet instant.

Un petit combiné stylisé clignote sur l’écran de mon portable et les mots « appel en cours » s’inscrivent au-dessus du numéro. Je peux encore tout annuler ; mon pouce se place sur le bouton rouge. Non ! J’ai une boule au creux du ventre mais je porte l’appareil à mon oreille.

J’entends une voix féminine :



Un silence s’installe, je suis à la fois excitée et mal à l’aise. C’est elle qui reprend.



Je suis désarçonnée par sa question mais je bredouille :



Elle m’indique l’adresse – à quelques rues du centre commercial – et nous raccrochons. Je ressens une joie indicible mais cela ne dure que quelques secondes très vite supplantée par l’angoisse de ce que je m’apprête à faire. Je suis à la fois folle d’exaltation et pleine de culpabilité.

Je n’avais pas prévu d’aller à un tel rendez-vous. Je porte un jean, un chemisier blanc et une veste en toile légère, heureusement, cintrée. Rien de bien terrible en somme. J’ai envie de rappeler pour dire que je ne viens pas mais mes gestes contredisent encore ma pensée : je suis déjà en train de rehausser mon maquillage. Je relève mes cheveux. Avant de partir, je passe rapidement aux lavabos où je peux me regarder un peu mieux que dans mon miroir de sac : pour un rendez-vous impromptu ce n’est pas trop mal. Une petite touche de parfum et je me dirige vers la sortie. Je ne croise personne, seule la concierge, qui doit actionner la gâche électrique du portail qu’elle surveille depuis sa fenêtre, me voit sortir. Je lui fais un petit signe et je suis dehors.


Je suis grisée. Sur la route je retrouve un peu de la délicieuse angoisse de mes premiers émois amoureux. Il ne me faut qu’un peu plus de vingt minutes pour arriver à l’adresse indiquée par Alexia : un immeuble résidentiel devant lequel je trouve facilement une place de parking. Je m’annonce à l’interphone, elle répond simplement :



Je tire la porte en verre, je traverse le large hall dont le sol est recouvert de marbre et, sur les côtés, le sol est creusé en longues jardinières pleines de grandes plantes très bien entretenues. J’appelle l’ascenseur. Un son élégant se fait entendre et les portes s’ouvrent avec un bruit feutré. L’un des côtés est occupé par un grand miroir. J’ai encore cette impression étrange en m’y regardant ; comme si ce n’était pas tout à fait moi. En sortant, je remonte le couloir et j’arrive devant une porte entre-ouverte. Je frappe, la boule que j’avais au creux de l’estomac disparaît :



Je pousse timidement la porte et je vois Alexia qui arrive en finissant de fermer un joli cache-cœur gris clair à manches courtes et très échancré qu’elle porte sur une minijupe noire. Je remarque que la petite boucle de ses chaussures à bride n’est pas fermée, ce qui ne l’empêche pas de marcher vers moi avec élégance.



Elle me fait deux bises. Elle est resplendissante. Son tutoiement me surprend mais me plaît.



Elle me précède dans salon où nous nous installons toutes les deux sur un canapé de cuir fauve. La pièce est d’un style mal défini. La tapisserie est classique alors que les meubles sont contemporains. Elle ne doit pas habiter là depuis longtemps.

Alexia boucle ses chaussures ; la bride, toute fine, ne doit pas être aisée à manipuler ce qui me permet de la détailler encore un peu. Je regarde ses jambes, ses bras, sa nuque, elle aussi a relevé ses cheveux ; j’ai une envie folle de l’enlacer mais je n’ose pas bouger. Je suis à la fois terriblement excitée et totalement inhibée.

Quand elle a fini, elle appuie ses coudes sur ses genoux joints, tournée vers moi et elle me détaille quelques secondes en souriant. Je suis troublée ; je fais tout pour que cela ne se voie pas mais je suis sûre qu’elle le sent.



Un léger silence s’installe. C’est elle qui le rompt :



Je cherche une question très pertinente. La seule qui me vient à l’esprit est :



Je me trouve idiote de demander ça.



J’ignore ce que cela signifie précisément. Tout ce que je sais c’est qu’elle en est la patronne. J’ai peur qu’elle me prenne pour une mijaurée ; je m’enhardis à poser des questions plus personnelles :



Je lui ai expliqué que mon père non plus n’acceptait pas d’avoir une fille ouvertement homosexuelle. Dans son milieu de notables de province, pour lui qui a des activités politiques, et même quelques ambitions en ce domaine, cela passait mal. C’est le genre de chose qu’il vaut mieux passer sous silence. Je comprenais donc parfaitement ce qu’elle ressentait.


Ma gêne du début s’étant vite dissipée nous parlons ainsi un long moment en buvant un thé que je trouve délicieux.


En fait nos situations sont comparables. Toutes deux issues d’un milieu aisé : elle d’une famille de commerçants et moi d’une famille de médecins. Toutes deux mal acceptées en raison de notre sexualité et isolées de nos familles. Pas totalement rejetées mais pas totalement intégrées non plus. Elle comme moi avons voulu notre indépendance, ce qui nous a permis de ne pas le vivre trop mal. Ensuite, les années passant, chacune aimerait se rapprocher un peu, surtout de ses parents, et se heurter à cette incompréhension fait mal.


Ce que je découvre d’Alexia me plaît. Je m’étais imaginée qu’elle pouvait n’être qu’une épouse délaissée à la recherche d’une relation facile pour s’encanailler un peu et me voilà devant une femme sensée, sensible et solitaire avec certainement quelques bleus encore douloureux à l’âme. Nous évoquons à peine nos expériences passées. Je sens dans ses paroles qu’un souvenir la fait souffrir. Il ne s’agit pas de son divorce – qui s’est apparemment bien passé – mais d’une rupture plus récente dont elle ne souhaite pas parler. Je respecte sa discrétion.


Je me rends soudain compte que le temps a passé très vite et qu’il est presque cinq heures. L’après-midi n’a en rien ressemblé à ce que j’avais imaginé.



Je n’ose rien répondre tant ce qu’elle dit me touche. J’ai envie de rester mais je dois partir. Je la prends dans mes bras.



Nos bras se dénouent. Elle et moi nous nous regardons quelques secondes. J’ai les yeux un peu embués et je vois qu’elle aussi est émue.


Je quitte son appartement sans un mot de plus.


Le retour à la réalité de ma vie est brutal. Je profite des encombrements qui allongent la durée du parcours pour reprendre mes esprits. Un bip de mon portable annonce l’arrivée d’un message ; j’attends d’être arrivée dans le garage de mon immeuble pour le lire. C’est Alexia : « J’aimerai te revoir, si tu le veux aussi ».

Je réponds aussitôt : « Oui, bien sûr que je le veux. »




Quatrième partie




Le week-end avec Bénédicte est banal, comme toujours. Le samedi, la chaleur qui commence à s’installer nous donne l’idée, pour la première fois de la saison, d’aller passer l’après-midi à la piscine.

Nous passons, comme souvent, le dimanche chez ses parents.


Le lundi matin, je mets à profit mon premier moment de solitude pour téléphoner à Alexia. Au ton de sa voix je sens qu’elle est contente de m’entendre.



La conversation s’étire ainsi en longueur, meublée de banalités mais pleine de non-dits. Je sens bien qu’elle a envie d’aller plus loin mais qu’elle hésite à me le proposer. Je le comprends d’autant mieux qu’il en est de même pour moi. On se quitte sur la promesse de rester en contact. Quand je raccroche, je m’en veux d’avoir été aussi bête. Je me dis qu’elle aussi doit s’en vouloir. En fait, je l’espère.


J’ai hâte d’être au jeudi suivant ; jeudi : le jour des courses.


Comme d’habitude, je dépose Bénédicte au collège avant d’aller au centre commercial. Cette fois, je n’y vais pas directement ; je repasse par l’appartement pour me changer. Ma tenue, fruit d’une longue réflexion, est toute choisie : une robe courte et des escarpins. Par discrétion je n’ai rien sorti ; j’ai juste repéré mes affaires dans les placards pour ne pas avoir à chercher. Il ne me faut pas plus de dix minutes pour me changer, me coiffer, me maquiller.

Arrivée au centre commercial, j’expédie les courses le plus vite possible et je me rends au magasin d’Alexia. Je ressens en moi cet exquis mélange d’impatience et de crainte, d’excitation et de d’inhibition qu’on ressent à l’approche d’un rendez-vous secret.


Je ne la vois pas à travers la vitrine, qu’importe, j’entre. Terrible déception : elle n’est pas là. Je ne comprends pas, elle savait pourtant que j’allais passer ce matin. Pour ne rien laisser paraître Je fais mine de m’intéresser aux habits mais j’ai envie de pleurer.

Quelle conne je fais.

Un bip sur mon portable : c’est elle : « J’ai été retenue, je suis là dans 5 min »

Je suis folle de joie. Elle arrive pour moi.

Lorsqu’elle entre, je la trouve toujours aussi belle. Cette fois, elle est vêtue d’une jupe évasée noire, d’une veste pied-de-poule grise sur un chemisier blanc. Elle porte des escarpins rouges. Ses cheveux sont retenus en arrière par une paire de lunettes de soleil qu’elle porte en serre-tête. Elle dit quelques mots à la fille qui se trouve à la caisse en me cherchant du regard. Le resplendissant sourire qu’elle a en me voyant me touche. Elle me fait la bise et me propose d’aller dans un bar de la galerie pour parler à notre aise. J’accepte avec joie.

C’est bras dessus, bras dessous que nous parcourons les quelques dizaines de mètres qui nous séparent de la brasserie. Nous choisissions une table vers le fond et commandons des thés. Nous sommes installées dans un angle de l’établissement et assises sur une banquette qui suit cet angle. Nous ne sommes ni vraiment face à face ni tout à fait l’une à côté de l’autre.

Elle me détaille ouvertement, je remarque que son regard s’attarde sur ma poitrine.



L’irruption de Bénédicte dans la conversation me déstabilise un peu.



Alexia prend ma main dans les siennes et caresse l’intérieur de mon avant-bras, ce qui déclenche immédiatement en moi une vague d’excitation que je dois lutter pour cacher. Je saisis sa main et la porte à mes lèvres pour y déposer un baiser.



Je laisse passer quelques secondes avant de poursuivre :



Notre conversation s’oriente alors vers la façon dont chacune voit ce qui est en train de se passer. Alexia est très lucide. Je suis en couple, elle le sait, elle est prête à assumer une liaison secrète mais cela cadre mal avec l’idée qu’elle se fait de notre relation.

Je lui réponds que ma situation est compliquée et qu’il me faut un peu de temps pour y mettre de l’ordre ; que j’ai envie d’aller plus loin avec elle… d’aller aussi loin que possible avec elle.


L’heure de nous séparer arrive. Elle m’accompagne jusqu’à ma voiture.



L’instant est intense ; c’est un de ceux qui changent le cours d’une vie. L’importance de ce que je vais dire m’apparaît de façon fulgurante.

Je m’entends répondre :



On se fait deux bises, chacune la main droite sur l’épaule de l’autre, puis, ses yeux dans mes yeux, elle passe sa main sur ma joue, sur ma nuque, nos visages s’approchent, s’inclinent, nous souffles se mêlent, nos lèvres se frôlent, se pressent, nos langues se cherchent, se trouvent et jouent ensemble pendant un de ces moments intenses et délicieux où l’écoulement du temps semble se dérégler.




Dans la voiture je tente de repasser dans ma tête les différentes choses que je dois faire à présent. Vu l’heure, je n’ai vraiment pas une seconde à perdre. De retour à l’appartement, je dois me changer à nouveau afin d’être dans la même tenue que quand j’ai quitté Bénédicte ce matin. Replacer ce que je porte aux endroits où je l’ai pris, me démaquiller.

Cette urgence m’évite de penser à ce qui vient de se passer entre Alexia et moi.

J’arrive au collège avec juste assez de temps pour passer un moment avec Bénédicte dans son bureau avant d’aller assurer mon cours de onze heures.

Elle est désolée qu’il y ait eu tant de monde au supermarché mais contente que j’ai acheté du chocolat.

Moi je pense surtout à la façon dont je dois organiser mon après-midi de demain.




Ce vendredi, Bénédicte doit passer la journée dans l’autre collège dont elle a la charge ce qui m’évite d’avoir à lui mentir. Elle doit y être de bonne heure et part avant moi par les transports en commun. Elle ne voit pas la deuxième tenue que je prépare : une jupe blanche, légère et évasée qui s’arrête au-dessus du genou, un petit haut jaune décolleté en U et à manches courtes, une paire de ballerines blanches et un serre-tête assorti à l’ensemble. Je choisis ma culotte avec soin et je décide de ne pas sortir de soutien-gorge.


À la fin de mes cours, je ne perds pas une minute pour retourner chez moi prendre une douche éclair et enfiler les vêtements qui m’attendent sur mon lit. Avant de partir, je dispose un tas de copies sur la table du salon. Je place également ma trousse et quelques autres affaires que je tire de mon sac de cours.


Il est à peine treize heures quand j’arrive au pied de l’immeuble d’Alexia ; interphone, hall, ascenseur ; j’ai les jambes en coton, j’ai peur, je suis excitée. Je me regarde dans la glace et j’ai une nouvelle fois l’impression de voir quelqu’un qui n’est pas tout à fait moi. La porte s’ouvre, j’entre. Elle est là. Je me jette dans ses bras pour un fougueux baiser qui me fait plonger instantanément dans un tourbillon de sensations et d’émotions.


Je m’abandonne à elle et elle s’abandonne à moi. J’ôte des vêtements dont je ne peux dire si ce sont les miens ou les siens. Fiévreusement nos mains prennent possession du corps de l’autre allant directement aux endroits les plus intimes, sans retenue, sans pudeur.

C’est à peine si je me rends compte qu’elle m’entraîne vers sa chambre difficilement d’ailleurs ; je réalise que je porte encore ma culotte mais à mi-cuisses. Elle est entièrement nue, elle ne devait pas en porter.

Les mains de chacune s’activent sur le sexe de l’autre sans que je puisse dire laquelle a commencé.

Je bascule sur son lit. Elle finit d’ôter ma culotte qui m’entravait ; j’écarte largement les cuisses et sa bouche se plaque sur mon sexe. À cet instant je ne peux réprimer un râle de plaisir.

Je n’ai pas envie de rester passive.



Sans interrompre son cunnilingus, elle vient se placer sur moi et je peux goûter son sexe.

Combien de fois l’ai-je vécu en rêve, ce moment, depuis une semaine ? Cette fois c’est la réalité et c’est bien mieux que dans mes fantasmes.

Nous jouissons au même moment.

Il n’y a pas vingt minutes que je suis là.

Dans ces circonstances, l’éternité semble trop brève.


La tornade de désir et de plaisir qui s’était emparée de nous s’éloigne peu à peu. Essoufflée, je reprends conscience de mon environnement. Alexia est sur moi, tête-bêche. Nous sommes immobiles. J’ai une vue magnifique sur son entrecuisse.

Je caresse le creux de ses reins pendant une minute ou deux puis elle se relève et vient vers moi. Je l’ai toujours trouvée belle mais là, elle est magnifique. Nous nous embrassons à nouveau ; moins passionnément et plus tendrement que la première fois.


Nous remontons vers le haut du lit et nous nous installons côte à côte sans presque nous quitter du regard. Chacune caresse les corps de l’autre du bout des doigts pendant un long moment.

C’est moi qui romps le silence :



Nos caresses et nos baisers ravivent vite notre désir mutuel. Il ne faut pas longtemps pour que chacune se livre sur le sexe de l’autre à des attouchements très précis. J’ai envie d’être plus près encore et je passe une jambe au-dessus de la sienne, mon sexe bien plaqué sur sa cuisse. Dans cette position, je me mets à onduler. Elle écarte les cuisses et je place ma jambe de manière à ce que mes mouvements lui procurent le même plaisir qu’à moi.

Elle se relève soudainement et je me retrouve sur le dos, jambes écartées. Elle se place au-dessus de moi, à genoux de manière à ce que nos sexes soient en contact étroit. C’est elle, à présent, qui ondule. Elle ne me quitte des yeux que pour regarder nos vulves glabres pressées l’une contre l’autre. Elle s’interrompt brièvement pour écarter nos lèvres intimes afin que ses mouvements soient encore plus excitants. Nos clitoris s’effleurent.



Ses mouvements sont de plus en plus amples. Elle doit se cramponner à mon genou relevé pour garder l’équilibre tandis que je me tiens à ses jambes.

Je vois qu’elle se laisse emporter par l’orgasme qui monte en elle. Je fais tout ce que je peux pour qu’elle éprouve le maximum de plaisir, écartant les cuisses et suivant, de mon bassin, ses mouvements devenus désordonnés. Je crois que je réussis plutôt bien et je suis heureuse de la voir ainsi. Elle semble tétanisée quelques secondes puis elle jette littéralement sur moi et m’embrasse goulûment en frottant encore un peu son sexe sur ma cuisse.



Nous nous embrassons une nouvelle fois puis elle se glisse entre mes jambes.



Ce que je lui dis semble l’émouvoir et la suite se passe comme je le souhaite. Elle sait admirablement y faire. Le plaisir qu’elle me donne ainsi est des plus intenses.


Quand mon excitation est retombée nous nous cajolons un long moment. Elle se relève soudain et dit :



Elle quitte la chambre. Je ne peux m’empêcher de l’admirer. En fait, c’est la première fois que je la vois entièrement dévêtue. Elle est superbe. Ses cheveux longs et soyeux ondulent sur son dos. Sa taille est fine, ses jambes parfaitement galbées.

Elle revient quelques instants plus tard avec une bouteille de champagne et deux flûtes. Nous trinquons toutes les deux nues dans son lit. J’apprécie le mélange de romantisme et d’impudeur de la situation.


Le temps passe et il est presque seize heures, je me décide à me préparer. Je n’ai pas envie de partir mais je dois m’y résoudre. Je récupère mes affaires disséminées ça et là entre l’entrée et le lit. Ma culotte est déchirée. Elle le remarque.



Je prends une culotte de dentelle blanche dans le style de celle que j’avais en arrivant.



Elle rit, prend ma main et m’entraîne dans sa salle de bains. Sa cabine de douche est spacieuse. Les ablutions dégénèrent vite en une masturbation mutuelle. Cette fois c’est moi qui jouis la première puis c’est son tour, pendant un long baiser.



Nous nous séparons à la porte de l’ascenseur sur la promesse de rester en contact et de nous revoir très rapidement.




Cinquième partie




Le trajet en voiture jusque chez moi me permet de repasser de l’autre côté du miroir, là où Alexia n’existe pas.

Je fais mentalement ma check–list : en arrivant il me faut remettre les mêmes vêtements que ce matin. Même si Bénédicte ne m’a pas vue habillée, elle sait bien qu’il n’est pas dans mes habitudes de porter une jupe pour aller au boulot.


J’ai à peine fini de me changer quand elle arrive à son tour. Elle me raconte sa journée qui a été dure. Pour finir elle me demande ce que j’ai fait de mon après-midi :



Disant cela, elle se love contre moi et nous nous embrassons.




Ce soir-là, je traîne seule devant la télévision en sourdine un livre à la main. J’attends d’être sûre que Bénédicte soit endormie pour aller me coucher. Quand j’estime le moment propice, j’entre dans la chambre à pas de loup et dans le noir.



Elle allume la lumière, ce qui lui fait plisser les yeux. Elle est nue sous la couette. Elle trouverait bizarre que je ne la désire pas.



Je me déshabille et me glisse vers le fond du lit. Je me place entre ses cuisses – qu’elle ouvre largement – pour lui faire un cunnilingus. J’ai envie que ça ne dure pas trop longtemps mais je ne veux pas qu’elle s’aperçoive d’un quelconque manque d’entrain de ma part. Je m’applique du mieux que je peux pour qu’elle jouisse rapidement mais elle fait durer. Soudain, elle me tire vers le haut du lit et se place sur moi pour un soixante-neuf. Je sens à nouveau qu’elle prend son temps.

J’ai hâte d’en finir. Mon esprit vagabonde et évidement c’est à Alexia et à l’après-midi passé avec elle que je pense.

Les ondulations du bassin de Bénédicte qui se font de plus en plus rapides et amples me tirent de mes rêveries. Sa bouche quitte mon sexe et elle se relève, en appui sur les bras. Sentant que l’orgasme monte en elle, j’intensifie ma succion de son clitoris et, profitant de sa position, je lui caresse les mamelons. Elle jouit en ahanant.

J’en resterais bien là de nos ébats mais cela n’est pas dans mes habitudes de ne pas prendre mon plaisir après en avoir donné. Cela pourrait lui paraître étrange.

Une fois assouvie, elle me demande :



Je n’ai aucune envie d’elle. Elle rallume sa lampe de chevet et cherche dans son chevet un petit sextoy qu’elle m’a offert au début de notre relation. C’est un faux tube de rouge à lèvres vibrant. Je ne suis pas spécialement amatrice de ce genre d’article mais au fond, vu les circonstances, l’idée n’est pas si mauvaise.

Avec un sourire complice et un regard vicieux elle s’installe entre mes jambes. Ses doigts cherchent les points sensibles de mon intimité.



Elle plaque sa bouche sur ma vulve et je sens immédiatement sa langue en investir tous les replis. Elle alterne succion et vibrations mais cela ne m’excite pas. J’éteins la lampe et je cherche à me concentrer sur mes fantasmes. Implacablement, c’est l’après-midi passé avec Alexia qui me vient à l’esprit.

Mes doigts s’insinuent dans ses cheveux. Je pense aux cheveux lourds et soyeux d’Alexia et ce sont les cheveux fins et très bouclés de Bénédicte que je sens. L’impression que j’éprouve ressemble fort à de la déception. Je cale mes mains sous mes fesses, la vibration sur mon clitoris m’est désagréable. Je veux en finir et, pour la première fois de ma vie, je simule l’orgasme.


Bénédicte s’endort vite mais pour ma part, j’ai encore du mal à trouver le sommeil. Seule avec mes pensées, dans l’obscurité, je fais le bilan de la journée. Avec Bénédicte j’ai été infidèle, j’ai menti, j’ai simulé. Je ne veux pas la faire souffrir, me dis-je, mais n’est-ce pas là qu’un prétexte ? Un prétexte pour quoi ?

À côté de cette triste réalité, il y a Alexia avec qui tout n’était que complicité, excitation et plaisir partagé. Ma pusillanimité ne risque-t-elle pas de la faire souffrir elle aussi ? La situation dans laquelle je me trouve m’angoisse.




Entre certaines lames du volet roulant, je vois que le jour commence à poindre. J’en suis soulagée. La mauvaise nuit que je passais est enfin finie. Je sais que je ne me dormirai plus. Je me lève le plus doucement possible pour ne pas réveiller mon amie. Je ramasse mon peignoir qui traîne à terre et je quitte la chambre sans faire de bruit. Alors que je tire précautionneusement la porte, j’entends un froissement de draps. Bénédicte, qui était en chien de fusil sur le côté gauche, s’est replacée sur le dos, bras et jambes écartés, prenant presque toute la largeur du lit. Elle est nue et presque totalement découverte. Il y a quelques mois, quelques semaines, j’aurais sans doute tout fait pour qu’elle se réveille. Ce matin je suis contente qu’elle ait le sommeil lourd : j’ai envie d’être seule.


J’ai l’impression d’être plus fatiguée qu’hier soir. Je n’ai pas le moral. Je me fais un thé et je vais le boire sur le balcon. L’air – à peine frais – de ce petit matin de fin de printemps me fait du bien. Je pense à ma situation et elle me semble très compliquée. Je pense surtout à Bénédicte qui dort à quelques mètres et qui ne se doute de rien.

L’idée de lui faire de la peine m’est insupportable mais c’est devenu inévitable.


Pendant l’interminable insomnie de la nuit passée j’ai retourné tous les événements de ces derniers mois, de ces dernières semaines. Lorsque je pense à ce qui va se produire j’ai l’estomac qui se noue.



J’entends la baie vitrée coulisser. Bénédicte s’approche derrière moi, m’enlace et se serre contre mon dos.

Elle reste ainsi quelques instants sans parler, appuyée contre moi. Le rythme de sa respiration et sa façon de fuir la lumière montrent qu’elle est mal réveillée. Sa main gauche s’insinue à l’intérieur de mon peignoir mais sans plus. Pour répondre à son geste, je cherche sa hanche de ma main gauche et la caresse du bout des doigts.



Je ne réponds rien. La petite étagère où je cultive quelques plantes est à portée de main, j’y dépose ma tasse autant pour m’en débarrasser que pour meubler ce silence. Cette mesquinerie fonctionne, Bénédicte change de sujet :



Elle approche sa bouche de mon oreille et murmure :



Je ne bouge pas et elle insiste. Elle commence sa phrase avec des intonations capricieuses et la termine en chuchotant à mon oreille d’une voix lascive.



Elle saisit ma main et m’entraîne jusqu’à la chambre.


Aussitôt la porte refermée, elle ôte le grand tee-shirt qui lui sert de chemise de nuit et se laisse tomber sur le lit. L’obscurité et la chaleur qui règnent dans la chambre lui conviennent mieux, elle me regarde. Je reste debout, au pied du lit, les mains dans les poches de mon ample peignoir blanc.

Elle se place sur le dos et ses doigts commencent immédiatement à aller et venir sur sa vulve.



Pendant une fraction de seconde l’idée me vient de lui parler. J’ouvre la bouche ; j’hésite une seconde… une seconde de trop.

Je suis en train de laisser passer une occasion de tout lui dire.



Je me sens lâche. Ce n’est pas du tout ce que j’avais en tête. Pourquoi ai-je dit ça ? Le moment était propice, je l’ai laissé filer.



« Non, tu ne sais rien du tout » me dis-je, intérieurement.


Elle ouvre un peu plus largement les cuisses et ses mouvements se font plus précis. Elle ne me quitte pas des yeux, son regard est provocant, elle guette ma réaction. Je ne perds pas une miette du spectacle qui m’est offert ; ses rondeurs suggestives, sa peau d’albâtre, sa main caressant ses seins, ses doigts allant et venant dans les replis de son sexe épilé par mes soins il y a quelques jours. Ils deviennent vite luisants. Elle alterne avec maîtrise les caresses légères et appuyées, lentes et rapides, superficielles et profondes. Une boule de chaleur exquise monte malgré moi au creux de mon ventre.



Elle s’interrompt, se relève et vient se frotter à moi. Je reste de marbre, mes yeux à présent plantés dans les siens. Sa main se glisse dans l’échancrure de mon peignoir. Elle trouve mon sexe, tout aussi épilé que le sien et, évidemment, la moiteur qu’elle y découvre contredit mes paroles.



Je ne réponds rien. Elle suce ses doigts, que je n’ai pas regardés, avec une mimique de délectation exagérée. Elle dénoue la ceinture et ouvre largement les pans de mon peignoir puis elle glisse sa cuisse entre les miennes pour me forcer à faciliter un peu plus l’accès à mon intimité. Ceci fait, elle commence à me masturber avec tout l’art dont elle est capable. Sa main libre, glissée, elle aussi, sous l’éponge épaisse, me caresse les fesses tout en maintenant mon corps serré contre le sien qui ondule lascivement.



J’ai de plus en plus de mal à rester impassible. Je mêle mes doigts à ses cheveux pour y mettre un semblant d’ordre, les replaçant, dégageant ses oreilles et sa nuque.



Elle me débarrasse de mon peignoir et elle nous fait basculer sur le lit. Nous-nous embrassons fougueusement avant qu’elle poursuive :



Elle se glisse vers mon bas-ventre en donnant des coups de langues un peu partout sur mon corps ; s’attardant un petit moment sur mon nombril. Sa bouche parvient à hauteur de mon sexe. Ma position, allongée sur le dos mais les pieds presque au sol, est peu confortable car je suis très cambrée. Elle relève mes jambes et les tient ainsi repliées et écartées. Elle s’installe à genoux au pied du lit s’arrangeant pour pouvoir tenir commodément la posture. Je connais ses habitudes. Son intention est de me faire un long, très long, cunnilingus. Je cherche un oreiller derrière ma tête et le place sous ma nuque de façon à pouvoir la regarder.


Sa succion de mon sexe ; puissante ou légère, les mouvements de sa langue, larges ou précis, rapides ou lents, les bruits de sa bouche, sonores ou discrets durent de longues minutes. Elle place mes pieds sur ses épaules. Ses mains libérées me caressent principalement les seins mais aussi le ventre et l’intérieur des avant-bras. Mes doigts jouent avec ses cheveux et titillent l’arrière de ses oreilles ; je sais qu’elle aime ça. Nos yeux ne se quittent que rarement et c’est ainsi que l’orgasme monte en moi. Profond et long, me faisant gémir et onduler d’une façon impudique que je ne cherche pas à maîtriser.

Je l’attire vers moi et nous nous embrassons.



Un éclair de joie et de désir traverse son regard. Elle rampe vers le haut du lit. Toujours à plat ventre, elle étreint le traversin et le deuxième oreiller ce qui surélève le haut de son corps. Elle ramène ses jambes sous elle et écarte largement les genoux offrant ainsi à ma vue l’intégralité de son intimité.

Je sais ce qu’elle attend dans cette position.

Je lui caresse le dos, les fesses, l’intérieur des cuisses, la raie. Mes mains descendent jusqu’à ses pieds avant de remonter jusqu’à sa nuque sans faire plus qu’effleurer ses zones les plus sensibles. J’ai toujours été admirative du soyeux de sa peau blanche.

L’espace d’un instant, je me dis que c’est la dernière fois que nous faisons l’amour.



Mes gestes me contredisent car je n’attends pas davantage. Je place ma bouche sur le bas de son dos tandis que de la main droite glissée entre ses cuisses je caresse son bas-ventre. Elle pousse un soupir d’aise, elle sait que son attente est finie.


Ma langue glisse dans sa raie jusqu’à son anus qu’elle investit le plus profondément possible, jusqu’à l’endroit si lisse, si agréable à lécher. Dans le même temps, ma main investit son sexe.

Tout comme elle, je sais ce qu’il faut de variété dans ces pratiques pour renforcer le plaisir de ma partenaire.

Je ne l’en prive pas.

Quelques minutes plus tard, je sens aux mouvements de son bassin et à ses gémissements que l’orgasme monte en elle. Je ralentis mes attouchements et ma langue quitte son petit trou pour faire des va-et-vient plus larges dans sa raie.

La jouissance s’éloigne d’elle.

Quelques minutes plus tard, je la conduis une nouvelle fois à la limite de l’orgasme avant de m’interrompre.

Ce n’est qu’à la troisième fois que je continue – crescendo – à lécher son anus de plus en plus profondément et à la masturber de plus en intimement jusqu’à ce que les mouvements de ses jambes et ses gémissements me fassent comprendre que son plaisir est intense et complet.

Un long baiser sert d’épilogue à cet échange de plaisirs.



Je l’embrasse. Pour ne pas avoir à lui répondre ; pour ne pas avoir à lui mentir.

Dans les minutes qui suivent, elle se rendort dans mes bras.

J’aimerais aussi trouver le sommeil mais ça m’est impossible.

J’ai en permanence à l’esprit que je vis avec elle mais que je viens de rencontrer une autre fille dont je suis tombée éperdument, totalement, follement amoureuse.




Le week-end qui suit ressemble au précédent avec l’interminable dimanche chez les parents de Bénédicte. Je prends le risque de m’éclipser un moment pour téléphoner à Alexia, juste quelques minutes, juste pour entendre le son de sa voix.




Le jeudi arrive enfin. Nous avons convenu de nous retrouver dans la même brasserie que la première fois. Les courses expédiées, je remonte rapidement la galerie marchande directement vers la brasserie et je retrouve Alexia installée à la même table d’angle que la semaine dernière. Elle me guettait, elle se lève en me voyant, nous nous étreignons.

Le sentiment de plénitude et de soulagement que j’éprouve à ce moment-là est indescriptible. Tout, mes scrupules, mes remords, mes contradictions s’évanouissent quand j’enfouis mon visage dans son cou. J’ai envie de l’embrasser mais je n’ose pas le faire ici, à deux pas de son magasin. C’est elle qui en prend l’initiative.



Elle ne répond rien, nous nous installons sur la banquette, toujours dans l’angle mais beaucoup plus proches l’une de l’autre. La semaine dernière il n’y a eu que quelques frôlements, réputés involontaires, cette fois nos jambes sont presque entremêlées.



Nous nous dévorons silencieusement des yeux mains jointes sur la table. Elle me caresse l’intérieur de l’avant-bras du bout des doigts, faisant instantanément naître une vague de désir en moi. Je dépose un baiser sur le dos de sa main.

Ni l’une ni l’autre ne sait comment engager la conversation. C’est elle qui se lance de la façon la plus banale qui soit :



Ma réponse n’est pas plus originale :



Elle me sourit, silencieuse. Je sens que le moment est venu de parler sérieusement, Je me lance :



Les mots ne sortent plus, Alexia attend la suite. Je la sens à la fois émue par la révélation que je m’apprête à lui faire et amusée par mon embarras. Son regard et ses caresses m’encouragent.



D’un doigt sous le menton, elle me relève le visage et s’approche :



Je me souviendrai toute ma vie du baiser qui suivit.


Ma décision est prise, mais passer à l’acte, c’est autre chose.




Sixième partie




Samedi matin. J’ai encore passé une mauvaise nuit. Il fait un peu gris dehors. Je ne sors pas sur le balcon pour boire mon thé. Je suis assise à la table de la cuisine, les yeux dans le vague. J’angoisse à l’idée de ce qui va se passer. Il est prévu que nous allions demain chez les parents de Bénédicte. Je sais déjà que ça ne se fera pas.

Je prépare des phrases dans ma tête mais la difficulté n’est pas dans ce que je vais dire mais de me décider à le dire.


Je sens que Bénédicte arrive derrière moi. Elle m’enlace.



Elle glisse sa main entre mes cuisses, vers mon sexe. Je ne la laisse pas faire.



Dans son regard interrogateur je discerne encore une étincelle d’amusement. Ce sera la dernière que j’y verrai. Je prononce les mots cruciaux :



C’est bien la peine de penser par avance à de jolies phrases pour finalement être d’une telle brutalité.


Elle a un petit rire nerveux mais je vois les larmes monter dans ses yeux.



J’ai envie de fuir son regard, je me force à le soutenir. Je lui dois bien ça. À elle, à moi, à Alexia aussi. J’ai pris une décision, je dois l’assumer.

Les larmes commencent à rouler sur ses joues.



L’argument me convainc.



J’ai essayé de masquer mes émotions mais à cette question si simple et pourtant si évidente, je ne peux résister. Les larmes me montent aux yeux à moi aussi. Je me fais l’effet d’être la reine des salopes. Si on fait abstraction des sentiments, je vire la fille avec qui je vis depuis neuf mois parce que j’en ai rencontré une autre.

Bénédicte reste d’une dignité admirable. J’ai vraiment le mauvais rôle.



Elle finit sa phrase en criant. Les larmes coulent sur ses joues.

Elle sort de la cuisine.

J’entends les portes des placards, les tiroirs, les fermetures des sacs.

Elle revient, déjà habillée, chercher un sac poubelle qu’elle ramène rempli quelques minutes après.



Elle rassemble ses sacs dans l’entrée. Les derniers mots qu’elle m’adresse sont :



Elle est en larmes, moi aussi.

La porte claque.

Une page de ma vie vient de se tourner.




J’erre dans l’appartement, un peu sonnée. Certaines piles de mes vêtements sont tombées au sol, un tiroir de la commode est posé sur le lit, son contenu étalé en vrac. Je remets tout en ordre, ce qui me donne l’occasion de voir le vide qu’elle laisse.

Le sac poubelle qu’elle a rempli est toujours dans la cuisine. Par curiosité je l’ouvre ; il contient surtout des vêtements qu’elle portait avant de vivre avec moi. C’est bête mais ça me fait plaisir. Je vais pour le mettre au bas du placard qu’elle occupait. Je verrai plus tard ce que j’en ferai.


Je quitte le débardeur et la culotte que je portais cette nuit pour prendre une douche, une très longue douche, très chaude.


La sonnerie du téléphone me sort de salle de bains. C’est le père de Bénédicte. Il veut savoir ce qui se passe : sa fille est rentrée bouleversée, en pleurs avec toutes ses affaires ; elle s’est enfermée dans sa chambre et ne veut rien dire.



Il se met à hurler. Ce qu’il peut dire ne intéresse pas ; je lui raccroche au nez.


Au fond, bien que désagréable, ce coup de fil m’a rassurée. Savoir que Bénédicte souffre à cause moi est terrible mais, égoïstement, la savoir chez ses parents me déculpabilise un peu. Je sais qu’ils s’occuperont bien d’elle. Ils ne demandent que ça.

Quel lâche soulagement.


Je me sens vidée par toutes ces émotions. Je décide de me recoucher mais mue par un instinct bizarre, je décide de changer les draps. Au moment de les glisser dans la machine à laver, je les hume profondément. Je ne trouve pas l’odeur si familière de Bénédicte. Tant mieux.


Je me couche et je fonds en larmes, la tête enfouie dans l’oreiller. Ces larmes, ces gémissements, ces sanglots me font un bien fou. Je finis par m’endormir.




À ma grande surprise, je me réveille reposée. Dire que je suis en pleine forme serait exagéré mais mon sommeil a été réparateur et je me sens sereine. Ça ne m’est pas arrivé depuis trois semaines.


Je n’ai qu’une envie, entendre la voix d’Alexia. Elle décroche tout de suite.



Bien que ce soit la première fois qu’elle vienne chez moi, elle arrive effectivement quelques minutes après. Je la découvre dans une robe de satin aux motifs compliqués dans les tons ivoire et noir. Elle porte des bottes et un petit blouson de cuir gris foncé. Ses cheveux sont tirés en arrière en une queue de cheval qui lui va très bien.


Je me jette dans ses bras dès qu’elle a passé la porte.



Nous nous embrassons



Je n’avais pas envie de ça, d’ailleurs je n’avais envie de rien. Je ne veux pas la décevoir. J’accepte et je file me préparer. Je sors la robe de notre rencontre. Je choisis des chaussures à brides blanches. Je me coiffe, me maquille, m’habille et je reviens dans le salon où elle m’attend.



Dans la rue, elle se dirige vers une vieille Jaguar de collection. Je ne suis pas sensible aux voitures mais je trouve cela très original. Je pensais qu’elle aurait eu une petite voiture de ville luxueuse et à la mode. Elle roule en fait dans une voiture ancienne pleine de cuir et de bois.



Nous prenons la direction de Paris, puis le périphérique, puis les bords de la Seine jusque dans le 5e arrondissement. Elle trouve une place relativement rapidement puis nous nous dirigeons vers un restaurant, petit mais bien placé et avec beaucoup de charme.

Alexia prend les choses en main. On nous installe à une table ayant une vue superbe sur les quais et le chevet de Notre-Dame. Le serveur nous donne les cartes et allume la bougie du photophore posé sur la table avant de s’éclipser Il demande si nous prendrons un apéritif.



Ces mots me rassurent, ce sont ceux que j’avais besoin d’entendre. Nos mains se cherchent, nos doigts se mêlent. Le serveur – qui arrive avec le champagne et nous sert deux coupes – rompt le charme de l’instant.



Le repas est excellent dans une ambiance feutrée très agréable. Alexia m’écoute patiemment et parfois, quand je lui en laisse le temps, me rassure. C’est de cette façon que mon malaise finit de se dissiper.




Sur la route du retour vers chez moi, je me laisse aller en écoutant la musique de jazz qui sort des hauts parleurs de la voiture. Je regarde Alexia et, de la main gauche, je lui caresse légèrement la nuque. Elle me regarde brièvement, l’œil espiègle et, à la faveur du changement de vitesse suivant, sa main droite vient se poser sur l’intérieur de ma cuisse. Je me prête à sa caresse en écartant les jambes et en relevant ma robe mais les nécessités de la conduite font qu’elle doit cesser.

Profitant de quelques kilomètres d’autoroute, je replace sa main mais, cette fois-ci plus haut sur ma cuisse, plus près de mon sexe. Elle caresse la peau douce de cet endroit et son auriculaire vient se glisser sous ma culotte.

Nous quittons l’autoroute et elle doit à nouveau changer les vitesses. Au premier feu, ma pudeur reprend le dessus ; je resserre les jambes et je replace ma robe. Il y a pourtant bien peu de chance que les rares piétons s’aperçoivent de quoi que ce soit dans la semi-obscurité de ce crépuscule naissant.

Encore quelques centaines de mètres et Alexia arrête sa voiture devant le porte de mon immeuble. Il donne sur une intersection, le stationnement est interdit à cet endroit.





Notre étreinte commence dans l’ascenseur par un langoureux baiser qui se poursuit dans l’entrée de mon appartement, plus fougueusement. J’ai le dos contre ma porte palière et la main d’Alexia dans ma culotte. Elle me besogne avec application et me fait jouir, ainsi, en quelques minutes.

Nous passons sur mon lit. Je suis allongée sur le ventre la bouche sur son clitoris, le majeur dans son vagin, en train de lui donner tout le plaisir dont je suis capable.

L’orgasme rapide que j’ai connu en arrivant ne m’a pas assouvie et je glisse ma main droite sous mon corps pour me masturber. Alexia le remarque et cela l’incite à changer de position. C’est sexe contre sexe, dans des ondulations impudiques accompagnées d’un baiser furieux que nous jouissons en même temps.


Blottie dans les bras d’Alexia je pense à Bénédicte. La nuit dernière, dans ce même lit, c’est elle qui était blottie contre moi dans la même position. L’enchaînement des événements de cette journée me donne presque le vertige. The Windmills Of Your Mind me revient en tête.




Le lundi matin j’angoisse un peu en arrivant au collège. Il faut gérer cette situation nouvelle et j’ignore encore comment je vais m’y prendre.

J’apprends rapidement que Bénédicte a fait savoir à l’administration que, contrairement à son habitude, elle passera cette journée dans l’autre établissement dont elle a la charge. J’en suis soulagée.

Cette semaine est la dernière de l’année scolaire. Je ne donne que quelques heures de cours.

Le mercredi matin, je croise Bénédicte dans un couloir. Elle soutient mon regard sans rien dire.




Septième partie




Les semaines ont passé.


Alexia doit rendre les clefs de son appartement la semaine prochaine. Elle s’est installée avec moi. Elle tient à payer la moitié du loyer. J’ai tenu à ce qu’elle figure sur le bail. Nous sommes donc officiellement colocataires.

Demain, un déménageur ira chercher son mobilier pour l’entreposer.

Petit à petit elle a ramené le plus gros de ses affaires chez nous. Aujourd’hui, elle fait le dernier voyage. Principalement des vêtements et des chaussures d’hiver qu’elle n’a pas l’occasion de mettre en ce moment.



À cet instant je pense à Bénédicte. J’espère sincèrement qu’elle va bien et qu’elle a vite surmonté le chagrin que je lui ai causé.

J’espère que, comme moi, elle trouvera le bonheur.