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n° 14294Fiche technique19247 caractères19247
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22/02/11
Résumé:  "Je vais quitter mon mari". Binky avait lancé ça d'un ton neutre mais décidé, un peu comme si elle avait dit : « Je vais acheter des cigarettes ».
Critères:  fh extracon fellation pénétratio fsodo -extraconj
Auteur : Sandro
Je vais quitter mon mari



Je gardai le silence, parce que je ne trouvais rien à répondre sur le moment. Binky avait lancé ça d’un ton neutre mais décidé, un peu comme si elle avait dit : « Je vais acheter des cigarettes ». La seule différence était qu’elle ne s’était pas levée, alors qu’elle l’aurait fait instantanément pour se rendre au bureau de tabac.


Sa voix ferme, son regard fixe, ses deux mains posées à plat sur la table et son corps légèrement penché dans ma direction donnaient pourtant l’impression qu’elle était prête à quitter la terrasse du bistrot, mais c’était juste une attitude destinée à appuyer sa phrase. Il n’empêche que je restai coi. Qu’elle ait soudain pris cette décision n’avait en soi rien de fâcheux : elle menait sa vie comme elle l’entendait. Avec ou sans mari, elle était semblable à elle-même, mais pour moi ça changeait tout.


Si au lieu de dire «Je vais quitter mon mari», elle avait annoncé : «Je vais te créer un tas d’emmerdements», c’eût été pareil. Dans mon esprit, du moins. J’étais certain que Binky ne songeait pas à ça, mais il m’apparaissait évident qu’elle y viendrait, même involontairement. Peut-être était-ce présomptueux de ma part. Peut-être étais-je occupé à penser erronément qu’elle donnait beaucoup d’importance à notre relation alors qu’il n’en était rien, mais j’étais convaincu d’avoir l’instinct de ces choses-là.


Je ne pouvais pas lui demander si elle avait bien réfléchi, ou si elle plaisantait, ou n’importe quoi d’autre : je savais qu’elle ne riait pas et peu m’importait que sa décision eût été mûrement réfléchie ou prise sur un coup de tête. Elle ne reviendrait pas là-dessus. Binky savait ce qu’elle voulait ; et ce qu’elle voulait, à cet instant, c’était me dire qu’elle avait décidé de quitter son mari, même si ce choix avait été opéré une minute plus tôt ! Et pour moi, c’était déjà un coup de canif dans notre contrat. Une sorte de promesse de rupture du pacte de non-agression.


Je n’étais pas libre, Binky ne l’était pas. Nous étions convenus de nous voir de temps en temps, pour pimenter notre vie affective, en toute discrétion, comme tant d’autres le font pour tromper la routine. Je n’avais pas l’impression de tromper ma femme, mais seulement la routine. Binky aussi. Elle m’apportait ce que Marine me refusait, je lui donnais ce que son mari ne lui offrait plus et qui se résumait en quatre lettres : sexe. Avec ma femme, ça marchait bien, mais au lit la messe était dite depuis belle lurette. Une fois par mois, pour me faire plaisir et pour se convaincre que ça suffirait à m’empêcher de chercher ailleurs, Marine se laissait aller à la gaudriole. C’était à peu près tout. Pendant les vacances, ça fonctionnait un peu mieux, mais c’est classique. Tous les hommes le diront. En dehors de cette période, la routine s’imposait et les hormones décidaient, comme dans beaucoup de ménages.


Binky était plus jeune que moi, mais son couple connaissait le problème inverse : c’était lui qui n’avait plus l’esprit à ça. « Depuis qu’on a la petite », m’avait-elle expliqué. Elle s’épanchait rarement sur le sujet, ne me racontait pas sa vie, ne me confiait ni noms ni prénoms ; mais elle se donnait de temps à autre l’absolution en marmonnant des «Je suis sûre qu’il me trompe ou «Il doit avoir quelqu’un ». C’était possible, mais ça m’importait peu. Peut-être ne voulait-il plus la toucher parce qu’elle avait enfanté, tout simplement ?


Certains hommes nourrissent ce genre de complexe complètement tordu une fois que leur femme devient mère : on ne baise pas maman. Quitte à s’en aller se soulager ailleurs. Chez une femme sans enfant, bien entendu.


J’étais sûr que Marine n’allait pas voir ailleurs. Sans doute était-ce prétentieux de ma part, mais je n’imaginais pas qu’elle pût faire ça. C’était une femme admirable, douce, courageuse, attentionnée ; une mère de famille très compétente et une compagne agréable. Pourquoi aurait-elle simulé le bonheur de vivre avec moi ? Je ne simulais pas davantage celui d’être son mari. Simplement, il me manquait quelque chose qui, apparemment, ne lui manquait pas : un plaisir sexuel fréquent.


J’aurais pu « aller aux putes », mais ce n’était pas dans mon tempérament. Ni dans mon éducation. Je voulais une relation sans histoires, mais pas du business. Binky répondait au profil. Nous nous étions connus comme ça, parce qu’il y a des sites Web conçus à cet usage. C’était simple, direct, sans fioritures : on se voyait pour le cul. Binky avait une tête agréable, mais c’était son cul qui m’intéressait. Elle ne faisait pas de commentaires sur la mienne parce qu’elle s’intéressait à autre chose elle aussi. C’était notre contrat de discrétion absolue, notre pacte de non-ingérence dans la vie d’autrui, et ça marchait bien comme ça depuis près de deux ans.


Et voilà qu’elle m’annonçait qu’elle quittait son mari. J’avais envie de lui répondre par une question, mais aucune question intelligente ne me venait à l’esprit. Je ne pouvais pas lui demander si elle était sûre de ce qu’elle faisait, si elle avait réfléchi, si sa décision était irrévocable… Ce n’était pas mon problème. C’était son choix. C’était sa vie. Mais pour moi, ça changeait tout.



C’est tout ce que je trouvai à dire après ces quelques instants de profonde méditation. Savoir pourquoi ne me concernait pas davantage, théoriquement, parce qu’en dépit de l’une ou l’autre menue confidence, nous étions toujours restés discrets quant à nos existences respectives. Je n’attendais pas de Binky qu’elle se justifie.


Elle avait simplement continué à me regarder, guettant ma réaction. Elle ne fut pas surprise. À coup sûr, aucune des questions que j’aurais pu lui poser ne l’aurait surprise. Pour ce faire, j’aurais dû me lever sans un mot et partir, lui retourner une gifle ou commencer à gueuler. Un truc idiot auquel elle ne se serait pas attendue.



Je souris : elle ne s’était pas montrée plus inventive que moi. C’était même mesquin, quelque part, de me répondre ça.



Effectivement, il y avait une nuance. Pour elle, certainement. Je me souvins que Marine m’avait dit un jour qu’elle trouverait plus insultant que je la trompe avec un mec plutôt qu’avec une femme. C’était il y a longtemps déjà. Ça n’avait rien à voir avec de quelconques soupçons sur la situation actuelle. Mais j’étais conscient qu’une femme pouvait avoir ce genre de pensée. Pour moi, femme ou homme, ça n’aurait rien changé. Que ma femme me trompe, peu importe avec qui, ça n’aurait rien changé.



Je souris.



Voilà, nous y étions ! C’est du moins ce que je pensai à ce moment-là, mais je n’envisageai aucunement de lui demander ce qui l’avait fait changer d’avis. Je ne tenais surtout pas à l’entendre dire qu’elle avait comparé, que je lui avais ouvert les yeux…


Je pressentais les emmerdements, la grave complication : Binky s’accrochant à moi et s’imaginant que j’allais quitter ma femme pour partir vivre avec elle. Et ça, je ne le voulais pas. Je ne voulais pas la voir mettre le boxon dans mon ménage, dans ma petite vie bien rodée. Je souhaitais qu’elle reste ce qu’elle était pour moi : une relation sexuelle. Mais à présent qu’elle avait décidé de quitter son mari, peu m’en importait la raison, ça changeait tout. Je n’avais qu’une envie : foutre le camp avant que ça ne parte en vrille. Il était indispensable de mettre les choses au point sans tarder, mais le tout était de trouver la bonne méthode pour y parvenir, et je n’arrivais pas à lancer la conversation sur cette voie-là.

Binky se leva.



Elle souriait. J’acquiesçai, heureux qu’elle eût pris l’initiative de changer de sujet. Je réglai rapidement les consommations et la rejoignis d’un pas allègre. Tandis que nous marchions vers l’appartement, la vie me semblait reprendre son cours, comme si rien de nouveau ne s’était produit. Nous étions un peu comme un coureur venant de faire un bref sprint et récupérant calmement son souffle. Je compris qu’il valait mieux remettre à plus tard la douloureuse explication : après l’amour, nous serions plus sereins.


Lorsque nous retrouvâmes la chambre, je ressentis néanmoins comme une sorte de fièvre, un accroissement du rythme de nos échanges. Les vêtements volèrent plus rapidement qu’à l’accoutumée, nos baisers étaient plus violents, plus gourmands, presque désespérés.


Je promenai les mains sur le corps souple et mince de Binky, le savourai de la langue, le humai avec fougue. Elle remuait nerveusement, allait au-devant des caresses, m’encourageait du geste et de la voix. Pressentait-elle quelque chose en s’offrant avec tant d’enthousiasme ?


Quand je glissai la langue dans son entrejambe, lorsque je goûtai la liqueur épicée de son sexe brûlant, elle s’agita sous ma bouche en gémissant. Ses cuisses s’écrasèrent contre ma tête au moment de la montée de son plaisir, et je sentis ses talons frapper mon dos. Elle m’attira ensuite contre elle et m’embrassa à pleine bouche. À l’instant où elle murmura « Prends-moi ! », il y avait comme de la fièvre dans ses yeux.


Je m’activai sans retenue, pilonnant son ventre au gré de mon énergie, en changeant de rythme, puis de position. Nous étions couverts de sueur, ahanant, râlant, et Binky marquait son plaisir par des petits cris sans équivoque. Je finis par rouler de côté, le souffle court, les abdos et les cuisses endoloris, sans avoir encore joui. Je n’y parvenais pas. Je ne cessais de gamberger. Et plus Binky s’excitait, plus je gambergeais. Elle se jeta sur mon sexe et se mit à le branler, lentement, en le prenant régulièrement en bouche. Elle salivait abondamment, léchait, suçait, variant le geste et la cadence.


De temps à autre, elle levait la tête vers moi, me lançait un regard provocateur et gourmand en continuant de me branler, puis entourait de nouveau mon gland de ses lèvres humides. Je ne pus m’empêcher de deviner qu’elle se surpassait pour me montrer à quel point nous étions bien ensemble, à quel point elle me convenait. Et puis je cessai de songer, parce que l’orgasme libérateur s’annonçait enfin.


Binky me regarda en souriant lorsque je le lui fis comprendre. Elle prit à nouveau mon sexe en bouche, presque tendrement, en continuant à me branler, et je déchargeai comme ça, par longues saccades, tandis qu’elle poursuivait ses caresses pour que je me vide, que j’évacue mon trop-plein de foutre.


Lorsque je me détendis, elle vint allonger son corps nu contre le mien, m’embrassa en souriant. Elle avait en bouche le goût de mon sperme. Nous restâmes ensuite immobiles plusieurs minutes, silencieux, et je lui taquinai le dos du bout des doigts alors que sa joue reposait sur ma poitrine. Nous étions bien, apaisés mais pas encore rassasiés. Je ne l’étais pas. Pas ce jour-là. J’en voulais davantage, parce que je songeais que c’était peut-être la dernière fois. Binky y pensait-elle aussi ? Elle répondit instantanément à mes sollicitations. Sa poitrine était plutôt menue, mais elle aimait que je la touche, que je la malaxe, que je la lèche…


Elle s’offrit à nouveau entièrement ; et dès qu’elle se fut assurée que j’étais prêt, elle exprima son désir sans détour en me tendant la croupe. « Baise-moi ! » s’exclama-t-elle d’une voix rendue rauque par l’excitation. Alors je la pris comme elle le demandait. Presque sauvagement. Elle gémissait, soufflait bruyamment, m’encourageait par des mots crus qu’elle n’utilisait que très rarement. Elle exigeait que je la pénètre à fond, que je la bourre, que je la fasse jouir, gueuler…


Nos peaux luisaient de sueur, nos cheveux nous collaient au front, la mouille coulait partout, maculant les draps. Binky en demandait toujours plus, et c’est elle-même qui dirigea mon gland vers une entrée qu’elle ne m’avait qu’exceptionnellement offerte lors de nos précédents ébats. « Prends-moi là », fit-elle. « Encule-moi ».



Je procédai néanmoins sans brutalité, laissant Binky mener la pénétration au rythme qu’elle souhaitait. Nous roulâmes sur le lit, moi derrière, elle devant, et par petits mouvements mon sexe disparut entièrement dans son fondement. Lorsque ses muscles se relâchèrent petit à petit, Binky leva la jambe et je lui saisis la cuisse pendant qu’elle amorçait les va-et-vient. Je ne voulais pas lui faire de mal, mais elle m’encourageait :



Elle marqua la cadence et je suivis. Elle devait souffrir, sans doute, mais n’en laissait rien paraître. Lorsque je me vidai en elle, elle tourna la tête, radieuse, pour m’offrir son sourire et ses lèvres.


Un peu plus tard, apaisés, nous nous serrâmes sous la douche, nous embrassant et nous savonnant dans de grands éclats de rire. Pendant que je lui séchais le dos, je songeai que je n’avais pas encore abordé le sujet le plus préoccupant. Il était pourtant urgent de le faire. Je percevais le danger de garder pour maîtresse une femme à présent libre. Notre accouplement avait été long, sauvage, brûlant et presque désespéré. Il avait comme un goût d’adieu, mais je savais que pour mon amante il n’en était rien. Binky devait avoir compris mes intentions. Elle s’était offerte comme jamais, souriante, heureuse. Elle voulait s’accrocher à notre relation. Me convaincre que la vie sans elle ne serait pas possible.


Nous nous habillâmes pendant que passait le café, puis nous assîmes l’un près de l’autre, dans la petite cuisine, en grillant une cigarette. Le jus était noir, fort, brûlant lorsque j’y trempai les lèvres.


Binky me sourit.



Elle fronça les sourcils.



Elle sourit une nouvelle fois, tira sur sa cigarette puis me regarda, l’air plus grave. Un nuage de fumée s’élevait lentement de ses lèvres.



Je ne pus en dire plus, car quelque chose venait soudain de se tordre dans mon ventre.



Quand elle écrasa sa cigarette dans le cendrier, je ressentis comme une menace. Une seconde plus tard tomba la sentence :



Elle me dévisagea d’un air grave.



Je ne trouvai rien à répondre. J’étais là, comme un con, alors que ma maîtresse m’annonçait que c’était fini entre nous. J’aurais dû être soulagé qu’elle se charge elle-même du sale boulot. N’avais-je pas l’intention de mettre moi-même un terme à notre relation ? Pourquoi étais-je soudain si contrarié, presque malheureux ?


Nous nous levâmes à peu près en même temps. Je ne voulais pas qu’elle s’en aille, mais c’était inéluctable. Sa décision était prise. Exactement comme au moment où elle m’avait dit : Je vais quitter mon mari. Je la suivis dans l’escalier, puis nous parvînmes sur le seuil.



Son baiser fut une caresse brûlante, mais j’en gardais un goût amer en la regardant s’en aller et, un peu plus loin, grimper dans un taxi. Elle était partie et je n’avais rien pu faire pour la retenir. Tout ce que j’avais été capable de dire, à plusieurs reprises et d’une voix brisée, c’était « Binky ».


Et ce n’était même pas son vrai prénom.