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Temps de lecture estimé : 14 mn
20/05/11
corrigé 12/06/21
Résumé:  Judith excellait à s'occuper d'affaires sordides dont personne ne voulait. Et pourtant, depuis le cataclysme, plus rien n'était comme avant... Surtout de ce côté du mur.
Critères:  mélo sf -policier
Auteur : Sarah      Envoi mini-message

Série : Un futur grisâtre

Chapitre 01 / 02
Un futur grisâtre

– I –



La jeune fille quitta la boîte de nuit, passablement éméchée. Après s’être assuré qu’elle ne partait pas en voiture, le videur la regarda s’éloigner, titubante. Il voulut la rattraper, inquiet de la voir s’en aller seule, mais des cris venant de l’intérieur l’obligèrent à rentrer et il l’oublia.


Elle progressait lentement, à petits pas, les mains à la recherche du moindre appui pour la soutenir. C’était la première fois qu’elle était aussi soûle et elle ne trouvait pas cela si désagréable. Elle errait depuis quelques minutes lorsqu’elle leva la tête et se rendit compte qu’elle s’était perdue.


Les immeubles qui l’entouraient ne ressemblaient aucunement à ceux de son quartier. L’éclairage était inexistant et les rues désertes. Elle bifurqua sur sa droite, s’engagea dans une ruelle étroite. Elle s’aperçut rapidement que c’était une voie sans issue. Elle fit demi-tour et en arrivant au carrefour, tomba nez à nez avec un homme qui semblait attendre, adossé au mur d’un bâtiment couvert de graffiti.



Elle s’écroula à moitié dans ses bras et il la rattrapa de justesse. Il la porta plus qu’elle ne marcha et ils retournèrent dans la petite rue qu’elle avait empruntée précédemment.



Mais l’homme ne s’arrêta pas. Ils arrivèrent devant un mur de béton, au pied duquel un tas d’ordures et une épave de voiture dormaient. Quand elle se rendit compte qu’elle ne marchait plus mais que l’homme la portait, elle sortit de sa torpeur. Ses pieds cherchèrent un appui pour résister, mais ils battirent l’air. Elle hurla, mais personne ne l’entendit. Ou ne voulut l’entendre.


Elle reprit son souffle, prête à appeler à nouveau à l’aide, mais il la frappa et la jeta sur le capot de la voiture. À moitié assommée, elle le vit s’approcher, telle une ombre gigantesque. Sa tête la faisait atrocement souffrir et le sang lui remplissait la bouche.


Elle essaya de crier, mais elle avait le souffle coupé par le choc. Elle ne sentait plus ses jambes, ni ses bras. Elle regarda l’homme, sans pouvoir bouger, ni hurler, déchirer ses habits avec un couteau. Puis elle s’évanouit.




– II –



C’est la sonnerie du téléphone qui la délivra de son cauchemar. D’habitude, cela durait bien plus longtemps. Elle remercia intérieurement son futur interlocuteur, quel qu’il soit. Bonne ou mauvaise nouvelle. Elle craignait la nuit ces derniers temps, elle craignait de s’endormir.


Elle regarda son réveil qui affichait cinq heures cinquante-sept en chiffres de sang. Finalement, ce coup de fil, qu’elle classait désormais dans la catégorie mauvaise nouvelle étant donné l’heure, n’avait écourté sa nuit et sa souffrance que de trois minutes. Elle décrocha après être passée par-dessus la bosse que faisait celui dont elle ne se remémorait plus le nom pour le moment, mais cela lui reviendrait.



Elle raccrocha et se tourna vers les cheveux blonds qui dépassaient de la couette. Elle fouilla dans sa mémoire, à la recherche du nom de celui qui partageait son lit, celui qui avait repoussé l’heure où les ténèbres l’enveloppaient et la tourmentaient. Elle le remercia également, même s’il avait été un piètre amant.


Bon ou mauvais coup, encore un souvenir qui lui échappait. Ce dont elle se souvenait le mieux s’était déroulé pendant son sommeil et n’était pas réellement arrivé. N’est-ce pas ?


Elle le prit par l’épaule et le secoua sans ménagement. Tant pis s’il n’aimait pas être réveillé de la sorte. De toute façon, il y avait peu de chance pour qu’ils se retrouvent tous les deux ensemble au même endroit la nuit suivante. Ce n’était plus arrivé depuis longtemps.



Elle détestait ces petits noms que se donnaient les amoureux à longueur de journée, mais cela lui avait échappé. Elle se leva et partit s’habiller dans la salle de bains. Elle enfila les habits qu’elle portait la veille, l’avant-veille et certainement toute la semaine précédente. Elle ne se rappelait plus depuis combien de temps elle n’avait pas fait de lessive. Beaucoup de trous de mémoire décidément.


Elle ouvrit la porte et contempla le désordre qui régnait dans la pièce. Son appartement n’était composé que d’une unique pièce qu’elle avait aménagée avec le plus mauvais goût possible, mais sans en avoir l’intention. Elle vit l’homme assis au bord du lit, les yeux hagards, ébahi devant un tel spectacle.


Elle savait qu’il se demandait comment il avait pu entrer ici. Elle savait aussi qu’il le regrettait et qu’il n’y remettrait plus les pieds. Peu importe, les types qui atterrissaient ici ne venaient pas admirer la décoration, ni la superbe vue sur les immeubles gris et bruyants. Elle le regarda s’habiller sans dire un mot et quand il eut mis son uniforme, elle s’arrangea pour y trouver son nom.



Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de ce que son patron avait qualifié de scène atroce et difficilement supportable, merci de ne pas m’avoir donné tous les détails au réveil, se dit-elle, ses sens s’éveillèrent. Elle était au mieux de sa forme lorsqu’il s’agissait de résoudre des énigmes, de s’occuper d’affaires sordides dont personne ne voulait.


Elle ne craignait pas la vue du sang, ni les multiples horreurs dont étaient capables les détraqués de cette ville, de plus en plus imaginatifs d’ailleurs. Pas plus que les regards de ses collègues lorsqu’ils la voyaient se pointer à l’aube, un nouveau type à ses côtés, alors que ses vêtements restaient invariablement les mêmes et que son visage subissait de plus en plus les affres du temps et des nuits agitées.


Par contre, son coéquipier n’était pas aussi endurci qu’elle et il baissa la tête pour éviter les regards moqueurs et les gestes équivoques. Ça ne durerait guère plus d’une semaine, le temps qu’un autre prenne sa place.


Sans saluer personne, elle se dirigea vers son patron, la seule personne pour qui elle avait de l’estime et qu’elle écoutait réellement quand il lui adressait la parole. Elle se demandait à chaque fois comment il pouvait être si bien habillé, si propre sur lui alors qu’il venait à peine de se lever.


Puis, elle pensa à sa femme, qui devait certainement laver son uniforme tous les soirs et le repasser avant de le plier soigneusement et de le ranger à sa place, en haut à droite dans l’armoire de la chambre.


Il était en train de discuter avec un homme en blouse blanche, près d’un tas de ferraille qui avait dû être une voiture un bon nombre d’années auparavant. Le capot était couvert de sang encore frais qui avait coulé jusqu’au sol et avait formé une flaque dans la terre humide et noire. Elle n’avait jamais vu autant de sang pour une seule victime. Elle se retourna vers le commissaire et coupa la parole du médecin.



Le médecin avait été plus prompt à répondre que le policier. Elle posa les yeux sur lui pour la première fois et lui fit signe de continuer.



Il l’agaçait avec ce tic de langage, ainsi que sa façon de parler. Il prenait les flics de haut, parce qu’il leur donnait des informations sans lesquelles ils ne pourraient pas faire progresser leur enquête.


Il devait CERTAINEMENT les distiller au compte-gouttes pour faire durer le plaisir. Elle éprouverait CERTAINEMENT beaucoup de bien à lui faire sauter sa cervelle. Elle s’approcha de l’ambulance qui attendait que ce petit con arrogant ait fini de discuter pour démarrer.


Les portes étaient encore ouvertes, les ambulanciers patientaient devant en fumant une cigarette. Elle monta dans le fourgon et s’approcha du brancard. Le drap qui recouvrait le corps avait viré au rouge. Elle le souleva pour regarder le visage de la victime. Une jeune femme d’une vingtaine d’années. Elle contemplait cette figure pâle et morte et pensa qu’elle semblait plus sereine qu’elle-même.



C’était le plus jeune des deux qui lui avait adressé la parole et elle se dit qu’après quelques années dans le métier, ce gamin ne lui parlerait plus aussi poliment. Elle lui rendit son sourire et lui prit sa cigarette. Elle tira une bouffée et cracha la fumée à la figure du plus vieil ambulancier.



Elle rendit la cigarette au jeune et retourna à la voiture où l’attendait Pete.





– III –



Ils traversèrent la ville sans la voir. Depuis plusieurs années, la situation s’était dégradée et le quartier où elle vivait était devenu un immense camp retranché. Le maire avait fait construire des murs autour des immenses tours pour protéger, disait-il, les honnêtes gens de la menace que représentaient les dealers de drogue et les assassins.


Il fallait payer une taxe, très élevée et en constante augmentation, pour pouvoir vivre du bon côté. Ainsi, toutes les semaines de nouveaux pauvres franchissaient la frontière et venaient grossir la masse des miséreux. Dans ce sens-là, le voyage était possible et même organisé.


Mais le retour était un rêve qui disparaissait aussi rapidement que la dignité de ces anciens biens lotis. Une poignée d’hommes et de femmes courageux ou inconscients avaient formé une police, mais les moyens étaient tellement réduits et les crimes tellement nombreux que leur champ d’action était très limité.


Ils n’avaient aucun moyen d’améliorer leur condition de travail, l’argent dont il aurait fallu disposer n’était pas disponible de ce côté du mur. Il n’y avait pas d’impôts, les gens étaient trop pauvres pour les payer. Ceux qui avaient de l’argent étaient les dealers et les macs. Leur clientèle étaient les bourgeois d’en face, ceux qui étaient trop en manque ou avides de sensations fortes et qui se risquaient à traverser la frontière de béton dans la nuit noire.


Souvent, ils ne revenaient pas de leur séjour en enfer. On les retrouvait morts au petit matin, égorgés ou drogués. Overdose ou meurtre crapuleux, voilà l’ordinaire des flics de cette cité. Mais depuis quelque temps, un maniaque s’attaquait aux femmes. La fille de ce matin était la vingt-quatrième victime depuis le début de l’année. Il ne chômait pas.


Malgré leur volonté, les enquêteurs n’avaient aucun moyen de l’identifier. Pas de fichier génétique, aucun suivi judiciaire des criminels. En face, ils avaient tout ça. Mais pas d’assassins. La seule façon de lui mettre la main dessus était le flagrant délit.


Mais comment surveiller vingt-cinq kilomètres carrés de béton et d’acier, presque perpétuellement plongés dans l’obscurité, même en plein été ? Le nuage qui recouvrait le ciel était si opaque que le soleil ne pouvait le traverser. Au moins une chose que les deux côtés du mur avaient en commun. Cela faisait douze ans que l’explosion avait eu lieu et la poussière ne retombait toujours pas.


Ils arrivèrent devant ce qui avait été pompeusement baptisé commissariat, mais qui n’était en fait qu’un immeuble sale aux vitres brisées comme les autres. Ce qui faisait réellement la différence avec les autres taudis, c’était les véhicules de police, pas toujours en état de marche, garés devant.


Elle sortit de la voiture, grimpa les trois marches du perron et franchit le seuil. Pour se rendre à son bureau, elle traversa un couloir, s’arrêta devant un distributeur cassé où elle prit un café. Elle croisa quelques collègues qui stoppèrent leurs conversations à son arrivée, s’empara du paquet de cigarettes de l’un d’eux qui ne protesta pas, en alluma une et le remercia en lui soufflant dessus.


Elle les regarda s’éloigner, les méprisant pour leur lâcheté. Elle écrasa la cigarette à peine entamée par terre et jeta la boîte par la fenêtre. Elle entra dans son bureau, lança son imperméable sur le portemanteau qu’elle manqua et s’assit sur la chaise en bois.


En face d’elle, clouées au mur, les photos de toutes les victimes recensées. Elle les photographiait à la morgue, où elle se rendrait tout à l’heure et les accrochait là, bien en évidence. Un moyen comme un autre de repousser les éventuels visiteurs. Elle ne les gardait pas là pour trouver un indice ou un point commun entre toutes. C’était peine perdue.


Elle attendit que les heures passent, une habitude quotidienne partagée par tous les membres de la police. De temps en temps, un appel au secours réveillait le commissariat et quelques hommes se précipitaient dehors. Le plus souvent, il s’agissait d’un anonyme excédé par les agissements d’une bande au pied de son immeuble.


Les policiers se rendaient sur place et tentaient de ramener l’homme à la raison, sans chercher à arrêter les voyous qui regardaient la scène en ricanant. Il ne fallait guère plus d’une journée pour que le corps de l’imprudent soit retrouvé criblé de balles ou pendu à un lampadaire.

C’était devenu la principale utilité de ces pylônes depuis que l’éclairage public avait été supprimé.


À midi, engourdie et somnolente, elle se leva et sortit fumer dans la rue. Elle tomba sur le médecin, qui était CERTAINEMENT rentré avec le commissaire.



Elle hocha la tête en guise de réponse et monta dans sa voiture. Il parla pendant le trajet, mais elle ne l’entendait pas. Elle regardait en l’air, tentait d’apercevoir un coin de ciel. Ce gris suffocant l’oppressait, les couleurs lui manquaient. Elle aurait donné cher pour revoir le soleil.


Ils arrivèrent rapidement sur place, la circulation s’étant fluidifiée au cours des années qui avaient suivi le cataclysme, personne n’ayant les moyens d’entretenir une voiture. Ceux qui en avaient, toujours les mêmes, dépensaient une fortune en carburant.


Ils s’arrêtèrent devant l’hôpital qui n’avait pas trop souffert de dégradations. Les vandales avaient sans doute envie de garder cet endroit en bon état en sachant qu’ils y séjourneraient à un moment ou à un autre de leur vie.



Elle ouvrit les portes battantes de cette pièce qu’elle avait si souvent franchies ces derniers temps. Elle avait vomi la première fois. La deuxième fois, elle n’avait pas mangé afin de ne rien rejeter. Puis, les fois suivantes, cela ne lui avait plus rien fait. Elle regarda le corps nu, allongé sur une table en fer. La pièce était baignée de lumière blanche, presque aveuglante, qui faisait paraître le cadavre encore plus pâle qu’il ne l’était déjà.


Elle prit une photo du corps, puis une autre du visage qu’elle mit immédiatement dans sa poche. Elle toucha son front glacé et ses joues. Elle était moins maigre que les autres, sans doute la copine d’un chef de bande qui la nourrissait assez bien.


L’atmosphère aseptisée de la pièce lui montait à la tête et elle préféra quitter les lieux. Elle voulait aussi éviter le retour du médecin. Elle sortit de l’hôpital et marcha longtemps sans but précis. Il commença à neiger, des flocons noirs et lourds. Elle accéléra pour se protéger sous les vestiges d’un ancien abribus.


On ne savait pas ce qu’on risquait réellement en étant en contact avec cette poudre, mais mieux valait être prudent. Très vite, les rues se vidèrent, les gens rentraient chez eux. Elle alluma une cigarette et leva les yeux. Les flocons tombaient, de plus en plus épais, de plus en plus nombreux. Il y en avait pour un moment et elle s’assit en attendant que cela se calme.


Douze ans après le cataclysme nucléaire, le nuage radioactif qui étouffait la ville ne s’était pas estompé. Il asphyxiait la cité et avait déréglé le climat. En été, la chaleur était suffocante et irrespirable, les gens mouraient par centaines.


Les hivers n’étaient pas particulièrement froids, mais très humides et ce qui tombait du ciel était probablement nocif pour la santé des survivants. Plus rien ne poussait et pour nourrir la population, les autorités se fournissaient de l’autre côté du mur.


Au début, elle s’était demandée avec quoi ils payaient, puis elle préféra l’ignorer. Elle savait simplement que de l’autre côté, ils avaient l’électricité en permanence, de l’argent et qu’ils possédaient des techniques élaborées qui leur permettaient de faire des cultures malgré le manque de soleil.


La neige avait cessé de tomber et elle profita de l’accalmie pour rentrer chez elle. Elle dormirait seule cette nuit. Cela ne la gênait pas. Ce qui lui faisait peur, c’était ce cauchemar récurrent contre lequel elle ne pouvait pas lutter et qu’elle vivait jusqu’à la fin, incapable de se réveiller avant son terme. Elle décida qu’elle regarderait la télé, si le courant ne sautait pas.


Au pied de son immeuble, les détritus s’amoncelaient, royaume des rats et des chiens, plus nombreux que les hommes. Des débris de verres constellaient le bitume troué par les impacts de balles.


Quelquefois, elle trouvait un cadavre allongé sur les marches de l’escalier, meurtre ou suicide, les causes de décès les plus fréquentes ces derniers temps. Ce soir, la neige avait fait un tapis noir presque propre et les gens étaient cloîtrés chez eux.

Le quartier était calme, serein.

Les ascenseurs n’étant pas en état de marche, il lui fallait un quart d’heure pour atteindre le trentième étage. Le souffle lui manquait et, comme d’habitude, elle eut besoin de plusieurs minutes pour que son cœur reprenne un rythme normal. Comme tout le monde, elle avait les poumons si encrassés qu’ils lui interdisaient d’espérer atteindre les soixante ans.


Elle jeta son manteau et s’affala sur son fauteuil qui avait été blanc autrefois. La télévision fonctionnait, mais aucun programme ne la captiva. Elle s’endormit devant un documentaire animalier qui évoquait des animaux disparus comme les chevaux ou les oiseaux.




Le soleil brillait, le ciel était d’un bleu immaculé. Elle regardait son fils courir dans le sable, taper dans un ballon, monter à l’échelle et glisser sur le toboggan. Elle avait pris un livre, mais avait du mal à se concentrer, préférant suivre les exploits de son garçon, fier d’avoir grimpé sur le cheval à bascule tout seul.


Bien que ce parc soit situé en plein cœur de la ville, aucun bruit urbain n’arrivait aux oreilles des adultes et de leur progéniture. C’était comme la campagne de nos parents, avait-elle lu sur le panneau à l’entrée.


Il y avait bien longtemps que le béton avait dévoré la verdure et les arbres du jardin d’enfants avaient tous été plantés par la main de l’homme.


Elle appela son fils pour lui donner son goûter. Il s’assit sur ses genoux et posa sa tête dans le creux de son épaule, fatigué, la sueur collant ses cheveux sur son front brillant. Elle le serra très fort contre elle et tout semblait beau.


Soudain, des cris se firent entendre, suivis de coups de feu. Elle vit des gens courir en hurlant, certains en sang. La lumière faiblissait, le ciel se couvrait de nuages noirs menaçants. Un homme surgit, une arme à la main, tirant dans tous les sens.

D’instinct, elle se blottit contre son fils pour le protéger. L’homme faisait feu tout autour de lui, sans viser. Paralysée par la peur, elle ne parvint pas à se lever et vit l’agresseur passer devant elle en courant sans la regarder.


Puis, il disparut derrière les arbres et les crépitements de son arme s’estompèrent. Elle sentit quelque chose de chaud couler sur son ventre et pensa d’abord que son fils, terrorisé, avait uriné sous lui.


Elle baissa les yeux et vit une tache rouge sombre sur son chemisier qui s’agrandissait encore et encore. Elle regarda son fils, ses yeux grands ouverts sans vie, sa tête molle contre son épaule. Sa petite poitrine ensanglantée qui ne se soulevait plus.


Elle hurla et son cri couvrit tous ceux des autres blessés. Maintenant, le ciel était noir, les arbres perdaient leurs feuilles et son fils était mort. Elle hurlait sans s’arrêter, à genoux sur le sol froid, son enfant inerte contre elle.

Elle hurlait et ses cheveux blonds devenaient blancs, son visage se couvrait de rides et de cernes, sa peau bronzée pâlissait. Et elle hurlait.