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Temps de lecture estimé : 17 mn
30/05/11
Résumé:  D'épouse à lesbienne, de lesbienne à solitaire.
Critères:  ff couple extracon fsoumise fdomine portrait -initff -fhomo
Auteur : Ortrud      Envoi mini-message
L'art de se perdre



Cette phrase, dans une logique de nouvelle érotique aurait dû me remplir d’excitation et justifier les ébats les plus invraisemblables, étalés à grand renfort de mots crus.

Elle me glaça, dans une avalanche ensevelissante de sentiments contradictoires. Je ressentais à la fois une porte se refermer sur moi, dans un bruit de sexe mouillé, le doute s’infiltrer, soupçonnant, au mépris de toute vraisemblance, un piège préparé par mon mari, et je me voyais, objet de plaisir, passant des bouches et des doigts au sexe masculin, assaillie sans cesse par les désirs ajoutés des unes et de l’autre.

J’en étais presque angoissée, et lorsqu’il s’est retiré de mon ventre, j’ai écouté avec un plaisir morbide les bruits indécents de ma chair écartelée.



Les jours suivants sont flous. Les gens devenus silhouettes, mes filles, des rayons dans l’ombre. Dans la conversation d’un groupe de jeunes femmes, simples et morales, je me répétais « tu es une salope » « tu baises avec n’importe qui », jusqu’à ce qu’une des femmes me regarde, presque inquiète :



J’ai fait oui de la tête, sans trop oser la regarder, redoutant qu’elle ne me fît envie.


Mon mari m’évitait, mais nous nous évitions, conscients du nouveau pacte, pas encore ratifié qui existait entre nous.


Notre vie sexuelle avait été simple et tranquille et, en un instant, le diable était rentré dans notre maison où il restait tapi depuis des années.


Dans les temps qui suivirent, de petits incidents m’assaillaient comme autant de provocations, faits auxquels je n’aurais jamais, avant, prêté attention. La vision d’une cuisse féminine dans l’envolée d’une jupe aiguisait ma perception. La trace d’une culotte sur le pantalon ou la jupe me faisait imaginer les fesses de l’innocente. Plusieurs fois, mon regard s’arrêta sur des seins, évaluant, malgré moi, leur volume, leur fermeté, leur pouvoir érotique. Cela devenait insupportable, ma fredaine devenait débauche virtuelle.


Dix fois, mon mari me sollicita ; je devais le masturber en lui racontant la bouche sur ma vulve, ma bouche sur la vulve, mon linge dépouillé, mes écartèlements. Après quelques jours, moi-même étant lasse de ressasser, le calme revint, avec son cortège de routines, la reprise du travail, et un certain effacement de mon écart de conduite.


Et le téléphone sonna, un mercredi, jour sans école. Le son de la voix fut comme un coup de tétanie.



Ce que je tentais comme déjà excuse était dérisoire. À l’autre bout, je sentais une force de conviction et comme une menace latente.



J’ai bredouillé quelque chose, consciente d’être incluse dans une collectivité, repérable par les « on » utilisés par Valérie. D’ailleurs, pourquoi elle ? Pourquoi pas Claire ? Je m’apercevais, curieusement, que le personnage de Claire s’effaçait, alors que, en femme normale, je m’imaginais avoir eu un coup de cœur aux conséquences inattendues. Non, j’étais bel et bien préoccupée par l’aspect sexuel de mon comportement, ma tentation n’était pas celle du rendez-vous amoureux, mais la nature des comportements engendrés par mon adhésion.


Mon mari remarqua vite, le soir même, ma préoccupation et, en homme intelligent, il la connota sur le champ.



Il ne m’avait, jusqu’alors, jamais posé cette ultime question.



Il a réfléchi longuement, avec une moue des lèvres témoignant de sa crispation interne.



Cette évocation me paniquait, mais je me sentais liée, ce qui, je m’en rends compte aujourd’hui, n’était qu’un commode prétexte pour poursuivre le plaisir de la chair.



Il me regardait fixement, le visage empourpré,



Aïe, la petite morsure, mais en même temps, le voile de nos frustrations qui se levait dans un bruit de chambre d’hôtel.



On était loin d’un échange verbal cru dans le cours de l’amour, mais le feu couvait. Il s’est levé, rapidement, en se déboutonnant, sortant son sexe raide comme un bâton et, sans un mot, me l’a fourré dans la bouche. J’ai obéi, sans tendresse, seulement en poupée de chair, et je l’ai sucé, rapidement, efficacement, tout en le manipulant d’une main. Il grognait d’excitation, se balançant pour sauter mes lèvres. Je finis par le laisser s’agiter, comme dans un vagin. Il m’a pris la tête dans ses mains et m’a fait aller et venir, docile. J’ai eu dans la tête l’image d’une putain soumise. Il m’étouffait en allant profondément, j’éructai puis, je ressentis son sexe durcir encore, se dilater en palpitant et il émit tout son sperme dans ma bouche, abondant, étouffant. J’imagine que les films pornos sont comme cela.


Il est resté stupide devant moi, haletant, je bavais son plaisir, mais je me sentais étrangement lointaine. Sans doute, je devais changer de culotte, mais par mécanique, pas par excitation partagée.

Par bonheur, il n’a pas pensé à me baiser.


Le vendredi, il n’a pas paru de la journée, par peur, par abandon, ou par préparation de longue main de son excitation cérébrale ?


J’ai quitté la maison, en début d’après-midi, en me justifiant par « le travail », bien évidemment et avant le retour des enfants de l’école. J’avais passé un coup de téléphone à Valérie, très joyeuse, folâtre, pleine de sous-entendus et cela me délivrait de l’angoisse. Cette méridienne devenait une hypothèse, perdait son aspect canaille.


Sur place, je suis restée un long moment dans ma voiture, comme un trapéziste avant de s’élancer. Jusqu’à ce que Claire tape à la vitre.



Au moins, il n’y avait pas d’ambiguïté, on était là pour baiser, point barre.


En marchant, d’un pas conjugué, je réfléchissais à l’image que nous pouvions donner. Deux jeunes femmes, dans un site touristique, faisant une excursion banale, alors qu’il s’agit de deux folâtres qui vont s’envoyer en l’air.


À l’hôtel, fermé pour les congés annuels, bisous, et des « ma chérie » « que tu es belle », et chuchoté « je suis sûre que tu as de jolis dessous. » À la vérité, je n’y avais pas trop pensé, mais d’instinct, j’avais écarté les froufrous destinés aux hommes et plutôt choisi des choses simples et élégantes. Une vraie culotte, un soutien-gorge de dentelle, le tout blanc, une chemisette assortie à peine soulignée d’une bordure sur les bonnets et des bas autofixants.


Sur la terrasse, trois dames, inconnues de moi. Présentations, je me sens tout à coup devenir autre, engluée dans une ambiance que je ne maîtrise pas et qui m’absorbe comme du sable mouvant, je ne pourrai survivre que si je reste immobile. Claire parle avec une des inconnues, on échange des coups d’œil. La dame qui est assise à côté de moi frise la cinquantaine sportive, mince et nerveuse, le visage marqué par les expositions au soleil, un casque de cheveux blancs étincelants, de ce blanc irlandais et le sourire ravageur. Elle parle, me trouve jolie, très sexy, elle se félicite de mon entrée dans le monde lesbien, escompte notre amitié.


Je suis venue dans l’idée de revoir Claire, mais je réalise, un peu tard, que je n’échapperai pas au libertinage. Quelque chose, cependant, se fissure à l’intérieur de moi. Je sens cette femme à l’affût, respirant déjà l’odeur de mes cuisses, je suis déjà sa putain car manifestement elle a l’habitude de ces réunions. Je me tourne vers elle, sans doute très pâle, je lâche que je n’ai pas envie de poursuivre la conversation et je me lève. Derrière moi, ça croasse un « sale petite garce » et une main m’agrippe. Elle est là, dressée, tout contre moi, me parlant à l’oreille.



Son bras entoure ma taille et sa bouche est à mon oreille pour siffler ses ordres. Et je sens, là, tout au fond de moi, se manifester l’envie de chair, je sens un liquide qui coule de moi dans ma culotte, je tremble presque, toute volonté annihilée, exorbitante de ma personne. Il n’y a pas plus de raison à ma docilité qu’il n’y en avait à ma froideur.



Tout le monde sourit d’un air complice et, toujours solidement tenue, mais sans résistance, nous gagnons une chambre. Dès rentrées, sans me lâcher, Corinne :



Je m’exécute, sans un mot. Quand je suis en culotte et soutien-gorge, elle me fait tourner, m’examine, passe une main entre mes cuisses.



Je fais glisser ma culotte :



Bon, je le sais, maintenant, si on m’approche par les femmes, je fonds. Voilà, je suis nue.



Pourquoi ne parlé-je pas ? Détendre l’atmosphère, mais non, je suis fascinée et je m’applique, chemisier, chemise, pantalon élastique, de bonne coupe, des socquettes, pas de soutien-gorge, pour une poitrine à peine adolescente qui m’émeut et une culotte noire en boxer avec plastron devant et dentelles sur les cuisses et les fesses. La peau est rude, épaisse, une femme musclée, habituée à la marche, j’ai l’air d’une citadine languide, malgré mes exercices hebdomadaires.



Nous sommes de la même taille et je me laisse coller contre elle, nos bouches se cherchent par petits bécots, elle a une haleine fraîche, je dirais, clinique, une odeur de bain de bouche et d’alcool sucré.


Sa langue vient sur mes lèvres, les force, j’ouvre la bouche pendant que ses mains appuient sur mes fesses pour me coller mieux à elle. Je la prends aux épaules incline la tête et ouvre la bouche pour que le baiser soit profond. Les langues s’accrochent, mélangent les salives, vont chercher plus loin, reviennent pour lisser les lèvres, passer sur les dents, chatouiller le palais.


J’entends un bouillonnement qui s’exprime, venant d’en bas, un bruit vaginal qui m’excite. Je colle le plus fort possible mon ventre contre elle, mais elle est plus vigoureuse et elle me repousse sur le lit où je tombe à la renverse, les cuisses ouvertes.



Elle baisse sa culotte et m’enfourche, sans autre préliminaire et s’avance à cahots de genoux jusqu’à ce que sa vulve soit au-dessus de ma bouche. Elle ruisselle.



Pas de tendresse, pas de douceur, une envie brute.


Elle s’abaisse et colle sa vulve à mes lèvres. J’ai le nez dans son pubis, et je me mets à lécher, à explorer tous les plis, à redresser d’un coup sec le clitoris qui sort de son capuchon, puis à le lécher, à tournoyer sur lui, long, très long. Ma langue va à l’orée du vagin, s’y enfonce, ramène les sécrétions qui se gélifient le long de mes joues.


Enfin, elle bascule en me libérant, m’attire sur le lit et plonge tête-bêche entre mes jambes.

Je n’ai pas l’impression de faire l’amour avec une femme, mais avec un bloc d’érotisme, sans aucune de ces sucreries préliminaires qui, aux yeux de ces bons auteurs, sont la source de tout plaisir. Cela ne vaut que pour les rapports homme femme, entre femmes, tout est préliminaire, tout est caresse, tout est sensualité pure.


Le 69 n’est pas la meilleure façon de jouir car, à faire trop attention à l’autre, ou en se centrant sur son propre plaisir, on se décale toujours dans l’orgasme. Et y a-t-il deux femmes qui jouissent de la même façon ? Je me concentre sur cette vulve glabre, seulement terminée d’un petit sillon sur le pubis comme une moustache verticale. La chair est onctueuse, l’ouverture étroite, comme celle d’une jeune fille mais les muqueuses s’inondent, me faisant commettre des bruits de succion qui augmentent mon plaisir. Elle, de son côté, laboure ma vulve à grands coups de langue, je sens ses doigts entre mes fesses ; d’un mouvement involontaire j’avance et un doigt s’enfonce dans ma petite entrée.


À partir de là, je n’ai plus rien à relater jusqu’au moment où j’ai senti Corinne avoir des spasmes, serrer les cuisses pour amorcer une série de pics de plaisir qui résonnent en moi pour me déclencher. Rien ne nous retient, à plusieurs reprises nous nous agitons, collées maintenant l’une à l’autre, les mains dans le sexe de l’autre, lèvres collées, seins aboutés, cherchant dans la fusion des peaux l’échéance de nos désirs.


Combien de temps s’est écoulé ? Je n’en sais rien. La chambre doit sentir la femme de partout, les draps sont tachés et nous restons là, toujours collées, haletantes, le calme peinant à revenir.


Après, elle a caressé mes seins, sondé mes fesses, pénétré ma vulve provoquant des frissons, je suis ouverte, large, impudique.


Elle me regarde pour la première fois, sans sourire, m’examine, voit le blanc de l’alliance sur mon doigt.



Je veux mentir, impossible, je suis obligée de me soumettre à la vérité, oui, je suis mariée, oui, j’ai des enfants, oui, je fais ça parce que j’ai le feu dans le corps dès qu’on me parle de vulve et de seins. Elle se lève du lit, étire son corps rompu et :



Accoudée à l’oreiller je ne réponds rien, elle va vouloir continuer à parler.



Je ne pose aucune question, je ne sais pas encore si elle me considère comme une putain ou comme une amante, bien que son attitude ait changé depuis l’incident sur la terrasse.


Elle est à la fenêtre, regarde au dehors sans écarter le rideau de voile. Je m’approche, et me colle contre ses fesses en lui entourant le torse, les mains sur ses embryons de seins.


Elle renverse la tête en arrière, et je mordille son oreille. Ça y est, je prends l’initiative, j’aime ça. Je me laisse glisser contre elle, en gardant la langue sortie et j’arrive à ses fesses, que j’écarte pour chercher le petit orifice plissé que je titille tout en couvrant la vulve de la paume de ma main. Elle se penche un peu avec des « oui, oui » à peine chuchotés et, petit à petit, j’assouplis son anus pour la guider vers un autre plaisir que j’ignore d’ailleurs moi-même, ne faisant que le deviner, par l’inspiration que me procure cet autre corps de femme.


Je l’ai conduite au plaisir en la masturbant de deux doigts, comme une prise électrique, son petit derrière accueillant un doigt.

Le soleil se couchait, de l’or rentrait par la vitre entrouverte, illuminant les poussières et exhaussant les odeurs.


Quand on a tapé à la porte, et que celle-ci s’est ouverte avant notre réponse, j’ai eu un moment de panique, voyant se renouveler la pluralité de mon initiation. Claire est entrée, en culotte, décoiffée, la peau vernissée de plaisir épanché.



Je passe ma robe directement sur la peau. Corinne s’enroule dans un peignoir de bain. J’ai perdu à cet instant le sens des réalités, une seconde nature s’était éveillée en moi, que seul le contact féminin pouvait révéler. Lorsque mon beau-frère m’avait sautée, j’avais accepté ça comme un incident, pas désagréable, mais sans portée. Quand Claire m’a baisée, j’ai littéralement éclos à l’érotisme débridé.


Il a bien fallu se séparer après un apéritif polisson où plusieurs mains sont venues, explorer mon entrejambe, où j’ai touché plusieurs seins.


Valérie et Odile, les deux sœurs, ont communiqué les coordonnées de cet étrange club, chaque participante restant, à son gré, anonyme. Lorsque nous sommes remontées dans la chambre, pour faire un peu de toilette, j’ai hésité sur ce que je devais faire. Me laver ou garder toutes les traces de mes ébats, mais Corinne m’a entraînée pour me faire la toilette et j’ai bien senti que le seul souvenir de ses gestes suffirait à me tacher de nouveau.


Nous avons échangé un long baiser, superficiel, fait de dizaines de petits bécots. Elle m’a regardée, longuement.



Nous nous sommes séparées avec un petit grincement. Je ne me reconnaissais plus. Passer de femme rangée à quasi courtisane à femmes n’est pas sans conséquences. Banaliser mon homosexualité, parler comme une vieille habituée des coucheries me surprenait.


J’ai dû dépouiller cette peau entre le lieu de mes ébats et la maison. L’angoisse me reprenait, vis-à-vis de mes filles, mais pas envers mon mari, dont je savais la complicité passive, le consentement.


Il ne m’a guère laissé le temps de réfléchir, m’enfilant dès mon arrivée, en écartant la culotte, sur le canapé du salon.



J’ai dit ce que j’ai bien voulu dire, pendant qu’il allait à longues poussées lentes. Il ne me produisait qu’un effet mécanique, à des années-lumière de mon embrasement avec Corinne.



Je tentai de parler d’une voix hachée comme s’il m’affolait, pour hâter son orgasme. Je devais le sauver de moi, lui donner ce qu’il voulait, moi, je prenais ailleurs ce dont j’avais besoin.

Il est resté immobile un long moment, tendu rentré au fond puis tout d’un coup, il a explosé en lâchant un cri.


Nous sommes restés longtemps assis, son plaisir ruisselant dans ma culotte.



Je devenais l’ordonnatrice des plaisirs de mon époux et c’est de ce sentiment de puissance sur lui que naquit mon insensibilité à la besogne masculine. Je mouillais par politesse, mais mon plaisir était de profiter du pouvoir que je détenais sur ses érections par la seule évocation de ce qui m’avait fait réellement jouir : une autre femme. J’étais presque ailleurs tandis qu’il s’agitait en multipliant les invocations obscènes. On pourrait penser qu’il se serait vite lassé, mais lorsqu’il comprit mon état d’esprit, il augmenta son plaisir en imaginant qu’il me violait, que je ne faisais que me plier à sa volonté et il prit du plaisir à « baiser de la viande froide ».


Souvent, je ne me lavais pas après mes amours féminines, je sentais la femme, il s’en repaissait en ajoutant des injures qui le clouaient dans son rôle mâle.


En dehors de nos dérives fantasmatiques, nos rapports restaient bons, mais insensiblement, tout se transformait. Nos amis me trouvaient rayonnante, mes filles pensaient que j’étais un peu folle, mon mari devenait sombre, je croissais dans l’illusion puérile que j’avais de la puissance.


Nous avons essayé de regarder des films pornographiques. Le résultat, pour moi, fut l’inverse de ce que mon mari espérait : ces grotesques bimbos, aux ongles inaptes à l’amour féminin, leurs gémissements ridicules et toujours identiques, assenés pendant des minutes entières sur un ton monocorde, ces regards voulus langoureux ne faisant que refléter le vide sidéral de leurs caboches, excitaient ma compassion ou mon hilarité.


Je refusai les DVD lesbiens, comme j’ai toujours écarté les bonnes femmes à godemiché. La fois où une amante a voulu utiliser ce jouet, j’ai tellement ri en la voyant balancer grotesquement cet appendice noir collé à son ventre par un harnais digne d’un cheval de course que notre relation s’est arrêtée là. Elle était horriblement vexée, comme un mâle qui ne bande pas.


Ce qui tenait notre convention debout, mon mari et moi, c’est qu’il avait compris que je ne tombais pas amoureuse, que je vivais seulement un parcours sexuel où il n’avait qu’une place limitée.


Vint la débâcle du couple : la banalité de la bougrerie, l’usure de la débauche, l’exécration de la chose sexuelle. Nous ne nous parlions plus, nous nous fâchions pour des raisons puériles ou, mieux, sans raison, le verbe montait, puis s’affadissait, et se limitait au pain et au sel. Les filles ne pouvaient plus supporter nos silences hostiles, nous nous sommes séparés, à l’amiable, sans toutefois divorcer.


J’ai eu des amantes, des passades, j’ai fréquenté des cercles lesbiens, j’ai été la maîtresse d’une vieille dame qui me faisait des cochonneries difficiles à raconter, et, petit à petit, mon état d’esprit envers la sexualité se dégradait. Une régression s’installait, prenant des formes variées : oralité, analité, dont je n’arrivais pas à définir les contours tant je me prenais au jeu de mes errements. Dans ma profession, la réputation de lesbienne s’installait et mes relations amicales changeaient de tournure, certaines me fuirent, d’autres firent semblant de ne rien savoir. Quelque rares ont partagé des confidences, aucune mon lit.


Au fond, j’étais une déviante dont les goûts avaient été révélés par les femmes ; il ne me restait plus qu’à fermer le cercle en jouant les professionnelles.


Dans mes sorties, j’avais fait la connaissance d’exploitantes de bars à filles, et j’ai joué le rôle d’entraîneuse, faisant danser les novices, les vieilles dames en mal de chair fraîche, me laissant peloter en souriant, rien de bien différent, en somme, de la vie glauque des boîtes de nuit.


Fallait-il s’arrêter là, ou faire comme ces femmes de fonctionnaires qui, petit à petit, arrondissent leur salaire en se faisant un peu, puis beaucoup payer, pour des prestations minables et font la pute. Lorsqu’on est connue dans ce milieu, on devient vite l’objet de sollicitations à la voix rauque de fumée, d’alcool et de nuits mal digérées.


J’ai compris la menace de dégringolade, mais juste à temps, lorsque j’ai accepté de suivre chez elle une cinquantaine un peu adipeuse. Après ? Après, hé bien, je ne sais pas, j’écris ces lignes au sortir d’un lit, je n’ai pas joui, j’ai été une « bonne », comme on dit aujourd’hui et il ne me vient même pas le réflexe de m’en fâcher. Une lumière vient tout de même de s’allumer dans mon noir immoral : si je reprenais la lecture de Balzac ? La fille aux yeux d’or, par exemple ?