Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 14441Fiche technique7610 caractères7610
Temps de lecture estimé : 6 mn
18/06/11
Résumé:  Un étrange personnage nous conte son installation à Paris...
Critères:  fh jeunes bizarre jardin pénétratio confession portrait -occasion -lieuxpubl
Auteur : Just  (Just.)
Le parc, dans la ville

Le train arrive en gare, il prend son temps ; gare du Nord, pour être précis. Cela fait deux heures que j’attends dans ce grand serpent, et le temps commençait à s’y faire long. Un jeune homme me propose de porter mes affaires ; j’accepte. Il a l’air honnête.


Le jeune homme m’a volé. Après réflexion, je me suis rendu compte que le même personnage m’avait déjà dépouillé de mes papiers, dans le train. Je ne suis pas doué pour reconnaître les gens au premier coup d’œil, pas physionomiste, comme on dit. J’ai même fait rater mon mariage à cause de ça : la veille, je me suis endormi avec la mauvaise fille. Ça a fait scandale, et le mariage a été annulé. Quand je pense que je n’avais même pas touché à cette fille, je regrette un peu de ne pas avoir profité de la situation.


J’ai récupéré mes papiers, et mes affaires. Le voleur s’est fait attraper à la sortie de la gare. C’était une voleuse, d’ailleurs ; cette fois je l’ai reconnue. Elle avait un joli bandeau blanc, et je me rappelle toujours des vêtements des gens. Jamais leur tête, mais toujours leurs vêtements, c’est un peu étrange en fait. Et pour le coup, le policier a dit que la voleuse se changeait plusieurs fois par jour, pour brouiller les pistes. C’est normal que je ne me sois rendu compte de rien, finalement. J’ai rendez-vous avec un promoteur immobilier, tout à l’heure, je suis rassuré d’avoir retrouvé mes papiers.


L’appartement est petit, mais il est agréable. Une grande mezzanine, une cuisinière… C’est coquet, c’est chic. C’est à Paris, mais je ne sais plus dans quel arrondissement ; je n’ai jamais eu un très bon sens de l’orientation, je ne me rappelle jamais des lieux. Je l’ai acheté, cet appartement. Maintenant j’y vis. Il n’était pas donné, mais tant pis, j’en ai les moyens. J’ai beaucoup d’argent, même si je n’ai pas d’emploi.


Ça fait maintenant un mois que je suis monté à Paris. Avant, je vivais en province, dans un petit village, peu importe son nom. Mais il n’y avait pas assez de monde pour moi. J’aime les gens, au fond. Pas pour les voir, s’en faire des amis, se marier, tout ça. Juste pour les observer.


Tous les jours, je marche un peu. Je croise des passants, je pleure un peu sur leur sort, parfois je me moque d’eux ; ils ne savent pas ce que c’est que d’être libre. Ceci dit, je ne sais pas ce que c’est que d’être enfermé. En fait, ce qui me pèse, en ce moment, c’est la solitude. Ne vous méprenez pas, j’aime être seul ; seulement, c’est comme pour la liberté : si on n’a pas un peu de compagnie, on apprécie mal les bienfaits de la solitude.


Parfois, je regarde les gens avec encore plus d’attention ; les jours ou je me sens seul, surtout. Je ressens parfois un besoin charnel, uniquement charnel. C’est pour ça que je voudrais de la compagnie. Mais je n’aime pas les prostituées. Ce n’est pas mon idée de la compagnie, on ne paie pas quelqu’un pour s’en faire un partenaire. C’est Mal.


La solitude est encore moins tenable quand il fait chaud. Paris est le genre de ville dans laquelle le moindre changement de température peut faire changer l’ambiance du tout au tout ; et il faisait terriblement chaud. Une chaleur torride, pour ainsi dire. En temps normal, je n’aime pas la chaleur ; on se sent obligé de sortir, et, dans le fond, je crois que je suis quelqu’un d’assez sédentaire. D’ailleurs, s’il n’avait pas fait si chaud, je ne serais jamais sorti de chez moi aujourd’hui.


Or donc, j’erre maintenant dans les rues. J’aime particulièrement les rues. Je ne pourrais pas vivre à la campagne. J’ai un côté un peu voyeur, vous savez : tous ces gens qui déambulent, qui semblent si pressés, qui s’épongent le front d’un air soucieux… De les regarder comme ça, ça me donnerait presque envie d’être plus actif. Mais bon, les regarder suffit à mon bonheur. Je vis par procuration. Pourquoi se fatiguer à vivre, alors qu’il suffit d’observer ce que vivent les autres ? Depuis quelques années, c’est ce que je me dis sans cesse. Ça rend la vie plus vivable.


Je parlais tout à l’heure d’ambiance ; eh bien, il régnait dans la ville un genre d’immense torpeur. Les parcs et les pelouses étaient surchargés, bondés, comme si le simple fait de toucher au naturel dans une grande ville allait faire disparaître sa complexité. Il s’est alors imposé à moi le besoin de suivre ces gens, de faire comme cette masse, et, moi aussi, je me suis mis en quête d’un coin de verdure. Il y avait près de chez moi une petite cour ombragée, très appréciée des couples pour son éloignement et sa fraîcheur. En voyant ces jeunes gens, beaux, accomplis, aimants, je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir profondément seul ; je me suis cherché une partenaire.


Je l’ai attendue. Il n’est pas dans ma nature de provoquer les choses, alors j’ai patienté. Au bout de trois heures, une jeune femme est arrivée. À première vue, je lui aurais donné une vingtaine d’années. Menue, pas très grande, de beaux cheveux châtains qui tombaient sur ses épaules, retenus par un petit foulard blanc, et des lèvres pulpeuses. Elle est venue avec un livre, et une nappe à carreaux ; elle s’est mise à lire le premier en s’asseyant sur la seconde. Elle portait un joli chemisier assorti au foulard, ainsi qu’une jupe à fleurs, de celles qui reviennent à la mode. Je me suis décidé : c’était bien elle que j’attendais. Et il est probable qu’elle soit venue pour moi.


Je me suis installé à côté d’elle, et nous nous sommes regardés. D’un geste discret, elle a ouvert un bouton de son chemisier. Un bon choix : sans ce bouton, elle eût semblé prude. En en ouvrant un second, elle aurait eu l’air vulgaire. Certaines femmes sont particulièrement douées à ce petit jeu. Je l’ai serrée dans mes bras, elle s’est blottie tout contre moi, et, ensemble, nous nous sommes sentis bien.


Nous sommes restés ainsi longtemps ; j’aurais voulu profiter de son corps si frais, tout contre moi, pour l’éternité. Autour de nous, les couples commençaient à s’agiter : il se faisait tard, et il ne resta bientôt plus dans le parc que ceux qui devaient y passer la nuit. Les nuits aussi sont chaudes dans ce parc.


J’ai saisi la main de ma compagne, et je l’ai doucement entraînée derrière un buisson ; nous nous y sommes aimés. Je suis passé derrière elle, et j’ai caressé ses petits seins ronds, parfaits, que j’ai pris soin de dénuder. J’ai pris possession de ses hanches, j’ai remonté sa jolie jupe à fleurs, écarté la dentelle de sa petite culotte, et, baissant mon pantalon, je suis rentré en elle comme un touriste dans Paris. C’est beau à visiter, mais je n’y vivrais pas. Elle a poussé un petit cri quand mes mains sont descendues sur l’échancrure de ses reins ; il y a là un creux qui semble avoir été fait pour y poser des mains. Je crois qu’elle a joui. Puis elle a crié à nouveau. Là, c’est moi qui ai joui.


Nous nous sommes rhabillés, juste avant qu’un curieux ne cherche derrière le buisson la cause de ce remue-ménage. Il n’a pas eu l’air étonné ; le lieu est propice à ce genre de rencontres. Nous sommes partis, chacun dans un sens.


J’ai gardé son foulard. Je le mettrai avec les autres.