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Temps de lecture estimé : 28 mn
11/09/11
Résumé:  Quelle peut être la vie d'une jeune villageoise africaine après avoir pris un mauvais départ ?
Critères:  #drame #nonérotique #historique #romantisme ff couleurs revede noculotte
Auteur : Annie-Aime      Envoi mini-message
Heur et malheur de la môme Zara

Préambule : Zara n’est pas tout à fait une inconnue sur Revebebe, elle est l’héroïne du récit « La Sauvageonne Kanouri » que j’ai publié en juillet 2009 (N° 13349). Elle n’était alors qu’une villageoise inculte et sauvage, dupée par un malin qui abusa longtemps de sa crédulité.




Heur et malheur de la môme Zara



Si Zara nourrissait encore des illusions, elle dut déchanter ; son ex-amant, ce salaud, l’ignorait ou refusait de la recevoir. Dès lors son ultime espoir s’évanouit, plus rien n’avait de sens, elle était anéantie, ne mangeait plus, ne sortait plus et restait sourde à la complainte que colportait une brise narquoise.


Dans le village, les femmes jasaient, s’effarant à qui mieux-mieux. Les gamins à l’affût s’ébaudissaient, vulgarisant des fredaines. Les hommes, le soir, sous l’arbre à palabre débattaient doctement. D’aucuns rajoutaient une touche, persuadés de connaître mieux que d’autres les mésaventures de la petite sauvageonne.


Même le remue-ménage aux États-Unis où la communauté noire affrontait d’importants bouleversements dont les échos arrivaient jusqu’au village, ne parvenait pas à chambouler l’ordre du jour. Du reste, qui se souciait de Malcom X, ce leader noir qu’on disait assassiné. Rien à voir avec le frisson qui les tenait tous en haleine, à l’écoute du récit sans cesse réécrit des déboires de la môme Zara.



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Zara savait que son père n’assistait pas aux réunions avec les autres. Elle le devinait prostré quelque part, ruminant sa honte, solitaire et désespéré. Un désespoir pétri d’humiliation, de chagrin et de rage.


Le chagrin l’emportait-il sur la rage ? Elle l’espérait. Une illusion car son père enrageait de son honneur perdu, plus encore que d’avoir dilapidé son bien pour rembourser la déperdition sur la dot et bien plus qu’il ne se chagrinait de la détresse de sa fille, autrefois adorée, si tant est qu’il avait même une pensée compatissante pour elle.


Et en vérité, seule la mère lui montrait un peu d’humanité, non pas que celle-ci ne mesurât pas l’ampleur de la catastrophe, mais elle savait qu’il y aurait forcément un lendemain dont elle se préoccupait déjà, plus que du présent que l’on ne pouvait plus changer.


C’était elle qui décida d’éloigner sa fille, l’envoyant accoucher chez la tante, sa sœur, mariée à un fonctionnaire de police et qui résidait dans une petite localité proche de Diffa, la préfecture du département.



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La tante, la plus jeune sœur de la mère de Zara, elle-même génitrice d’une nombreuse progéniture, était une femme généreuse, adorable et facile à vivre et tout aurait été pour le mieux pour la pensionnaire, n’eut été l’imbuvable mari.


Celui-ci, fier, arrogant, imbu de sa personne, jaloux de son autorité et volontiers donneur de leçon, n’appréciait pas du tout le tour de cochon que lui jouait la parentèle paysanne à laquelle il était affilié par sa femme.


L’expression porcine prend tout son sel quand on sait que le cochon n’est pas du tout prisé dans ces parages voués au Prophète Mohamed (Que le Salut du Seigneur Soit Sur Lui).



Il savait que son épouse avait raison mais il n’accueillait pas de bon cœur cette nièce engrossée par le « Saint Esprit », si l’on ose ce trait œcuménique. Á son sens, c’était présage de malheur, sans compter que la honte allait infailliblement flétrir sa maison.


Aussi se démena-il pour la caser au plus vite. La belle-famille avait donné carte blanche mais marier cette nièce trop tôt engrossée n’était pas chose facile car la marchandise était du coup passablement dévalorisée, quand bien même l’enveloppe fut-elle très présentable.


L’époux fit tant et si bien qu’il dégotta malgré tout un candidat. En vérité, il ne s’était pas trop foulé, prospectant surtout parmi ses collègues. Il se trouva que l’un d’eux, d’un genre un peu frustre, toujours célibataire malgré une quarantaine bien sonnée se montra intéressé.


Encore fallut-il convaincre l’intéressée. Celle-ci affichait un mutisme obstiné mais du moins ne refusait-elle pas carrément, ne serait-ce que par respect pour son hôte, envers lequel elle était redevable. Elle n’acquiesçait pas pour autant mais à l’usure, son silence pouvait s’interpréter comme une sorte d’accord, tacite sinon formel.


Et de fait, la situation échappait inexorablement au contrôle de l’obstinée et quand elle en eut conscience, il était trop tard, elle n’avait plus la force de se rebeller.


Le mariage fut célébré dans la plus stricte intimité.



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L’union ne fut pas même consommée.


Au soir des noces, l’élu rejoignit la couche formidablement ivre, il voulut néanmoins user de ses prérogatives maritales. Il s’ensuivit un pugilat duquel Zara sortit fortement rossée mais indomptée.


La rébellion ne pouvait pas rester impunie ; la colère nouait la tripaille de l’époux. Il était dans son droit et savait que nul ne lui ferait grief de corriger proprement l’épouse indocile, la laisserait-il même sur le carreau. Encore fallait-il qu’il n’use pas de moyens disproportionnés.


Pourquoi sortit-il son arme de service ? Il tira six balles, trois se perdirent, une traversa la main de la récalcitrante, une autre se logea dans son épaule droite et la dernière dans sa cuisse gauche.


À faire trop de bruit, l’idiot signait sa perte. Il fut muté au diable Vauvert.


À sa sortie de l’hôpital, Zara rejoignit le giron familial. L’oncle, chapitré par la tata, acceptait de l’héberger à nouveau. Il n’avait pas été trop difficile de le convaincre ; le dénouement tragique donnait du lustre à la cause de la nièce. La jeune femme pouvait en outre se prévaloir du statut de divorcée, ce qui à tout prendre, était sensiblement plus honorable pour peu qu’on emberlificote la répudiation. La vanité sourcilleuse du tonton y trouvait son compte.


Toujours est-il que dès lors que la tante la prit sous son aile, Zara connut la paix, presque le bonheur.



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Le temps s’écoulait, paisible et nonchalant. Zara aidait pour les repas et les soins à la marmaille. Son ventre s’arrondissait.


Au cours du cinquième mois la tante la conduisit à la PMI dépendante de la mission catholique ; les sœurs assuraient un suivi dont on rapportait grands éloges.


De fil en aiguille, Zara s’inscrivit également aux cours de français et d’arithmétique, dispensés dans le même établissement.



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Que dire de l’accouchement ? Un beau bébé, de sexe féminin, cinquante-deux centimètres, trois kilos cinq. Il n’y avait pas plus beau bébé à des lieues à la ronde. On lui avait donné le prénom de sa grand-mère : Zeinabou.


La maternité seyait bien à Zara. Ses hanches étaient plus larges et sa poitrine plus opulente, si bien que sa silhouette gagnait en sensualité tout en restant gracieuse.


Zeinabou ne la quittait jamais. Zara avait appris à nouer son pagne à la manière traditionnelle afin de porter le bébé dans son dos. L’habitude aidant, la pratique n’était pas même une gêne pendant qu’elle procédait aux tâches ménagères ou donnait les soins aux enfants de sa tante.


La petite l’accompagnait pareillement aux cours qu’elle fréquentait de nouveau. Il arrivait que le bébé réclame la tétée. Zara s’exécutait de bonne grâce sans même avoir conscience des regards incrédules du jeune diacre, professeur de français. Pour tout dire, Zara n’était pas consciente de ce magnétisme, de cette attirance qu’elle exerçait sur la gent masculine.


Elle ne voyait rien. Son horizon se limitait à sa fille, sa tante, ses cousins et cousines, sa famille au village et accessoirement au tonton détestable parce qu’elle ne pouvait faire moins.


Bien sûr, il y avait aussi Michaël, le jeune séminariste qui dispensait les cours. Lui aussi gravitait plus ou moins dans l’univers de Zara. Il ne pouvait pas en être autrement parce que le jeune homme était investi d’une parcelle d’autorité sans compter qu’il était doté d’une beauté exotique assez fascinante : blond, des traits fins et réguliers, des yeux clairs et lumineux, des manières raffinées, délicieuses et une peau si blanche, si lisse, si fine qu’elle n’en paraissait que plus délicate. Et de fait, Zara était fascinée mais tout à fait innocemment comme l’est un amateur éclairé face à la beauté d’un Degas.


Aucune mauvaise pensée ne polluait l’esprit de la jeune femme. Du reste, le sexe pour elle était désormais proscrit et elle n’imaginait pas s’y adonner à nouveau un jour. Et, tout bien considéré, Michaël n’était pas plus, pas moins qu’un dieu grec, trônant sur son Olympe, inaccessible au commun des mortels.


Aussi, la surprise de Zara fut-elle totale le soir où Michaël déclara sa flamme. Ce soir-là, le jeune homme la retint après le cours. Une fois seuls, l’attitude du diacre basculait au point que la jeune mère, aussi innocente qu’elle fût, ne pouvait pas se méprendre. Quoique sans brutalité, l’homme se faisait entreprenant.


Déconcertée, Zara ébaucha un mouvement de recul, un pur réflexe.



Le jeune séminariste ne renouvela pas sa tentative ni sur le moment ni au cours des jours suivants. Il quitta définitivement la mission trois semaines après cet incident, sans jamais chercher à revoir Zara, laquelle en fut fort marrie.


Des regrets mûrissaient en son âme troublée.


Quelques jours après le départ de Michaël et pour la première fois depuis de longs mois, seule sur sa couche, Zara osa toucher ce sexe par lequel elle avait fauté. Une larme solitaire roulait sur sa joue.



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Sans en être certaine, Zara soupçonnait être cause du départ de Michaël. Sans doute se serait-elle peu à peu abandonnée à la nostalgie romantique d’un amour fantasmé, si le tonton n’avait apporté un dérivatif autrement préoccupant.



L’attaque était frontale. La famille Razack, un haut fonctionnaire en poste à Diffa, était tout ce qu’il y a d’honorable. L’opportunité ne pouvait pas être ignorée.



Zeinabou entrait dans son quinzième mois et quoique non sevrée, ce qui n’avait rien d’étrange dans ces parages, les sevrages tardifs étant la norme, il n’était pas inenvisageable, au prix d’un peu de délai, de séparer la mère et la fille.


Deux mois plus tard, la petite partit pour le village, convoyée par sa grand-tante, exceptionnellement mobilisée pour ce faire, tandis que Zara complètement démolie prenait son service.



La perverse cachait son jeu. Elle se révéla à l’usage une maîtresse irascible, tatillonne et tyrannique. Fort heureusement, le mari, un petit gros, bedonnant et chauve, intervenait pour tempérer les sautes d’humeur de sa femme. Encore qu’il fût souvent absent.


Du moins, la pauvre domestique comptait-elle une amie, la benjamine des trois enfants, mais celle-ci était jeunette, juste entrée au collège, ce n’était encore qu’une petite poupée, innocente et adorable. En revanche, sa sœur, la cadette, lycéenne depuis deux années, était une vraie peste, pire que sa mère.


Il y avait aussi l’aîné, un garçon, dont les maîtres parlaient souvent. Pas bien dérangeant toutefois, il était absent, au loin, à des années-lumière, poursuivant des études à l’étranger.



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En dehors des tâches ménagères où elle excellait, l’art de Zara consistait à se garer. Elle n’y parvenait pas toujours.



Pouvait-elle répondre : « Aminata les a mangés, Madame », non bien sûr et l’aurait-elle fait que la mère ne l’aurait pas crue, sans compter que la cadette aurait trouvé le moyen de se venger, à l’instar de ce jour où Zara avait osé la contrer. La réponse ne s’était pas fait attendre, fracassante. Et la suite…



Inutile de protester, cela mettait la vieille en fureur, mieux valait faire le dos rond.


L’enfer culminait pendant les vacances scolaires.



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Sur ces entrefaites, l’aîné débarqua un beau jour de juillet. Madame était dans tous ses états, Monsieur rayonnait, les frangines gambadaient dans tous les sens.


Abdallah était un beau jeune homme, grand, bien proportionné, des traits agréables, un peu plus âgé que Zara. D’emblée il lui fut sympathique.


Le sentiment instinctif de la jeune domestique pour le jeune homme trouva vite sa justification. Le lendemain de l’arrivée d’Abdallah, Zara était à nouveau prise à partie mais cette fois-là, le destin lui donnait un allié autrement plus efficace que ne l’était la benjamine.



Dès lors, Aminata y regarda à deux fois avant de faire une crasse à la jeune domestique.



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L’intervention d’Abdallah n’était pas fortuite. Il engageait ce faisant, les préliminaires en vue de se placer. Depuis le premier instant, quand il avait vu Zara, sa beauté l’avait frappé. Il s’était juré de la séduire. Un challenge qui distrairait son désœuvrement, pensait-il.


Au fil de sa correspondance avec sa mère, il avait appris à peu près tout de la jeune domestique, ce dont il se foutait royalement au moment, sauf qu’alors il ne la savait pas si belle. Le constat changeait tout, du tout au tout, d’autant qu’il la savait divorcée, autant dire disponible.


Ou en d’autres termes : une fille perdue, car dans les parages il ne fallait pas grand-chose pour ruiner la réputation des jeunes femmes. On ne dérogeait pas impunément à la règle et la beauté était plutôt une circonstance aggravante.


En dépit de son jugement implacable, le jeune homme n’était pas meilleur ni pire qu’un autre, il était tout bonnement imprégné de la culture de sa communauté, jusqu’à la moelle. Pour lui, comme pour ses pairs et ses aînés, femmes répudiées équivalait fatalement à femmes de petite vertu. C’était ainsi depuis la nuit des temps. Ces dames portaient une tare, indélébile, et sauf à se remarier rapidement, elles fournissaient le gros des bataillons plus ou moins tarifés, voués au repos des guerriers.


Putes ou demi-mondaines, c’était selon, mais n’allez pas croire que le statut de domestique préservait de ce destin inexorable. Pas du tout ! Sauf pour les cinglés et les mochetées dont, de toute façon, personne ne voulait.


En revanche, le jeune homme n’aurait pas pu avoir semblable dessein pour une jeune vierge ou une femme mariée car il avait de la morale. Et du respect aussi pour ces demoiselles et gentes dames tandis qu’il n’avait pas la moindre estime pour la gueuse, eût-elle malencontreusement trébuché. On comprend donc qu’il guignait sa proie sans vergogne, sans état d’âme, certain qu’il n’y avait pas grand péché à prendre ainsi son plaisir.



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Peu de temps après son intercession providentielle, Abdallah entreprit la jeune femme, poussant son avantage.



Interloquée, Zara balbutia une réponse larmoyante.



L’évocation de Zeinabou émouvait chaque fois Zara. Les larmes perlaient.


L’autre vit l’aubaine, il s’avança et l’enlaça : il se voulait secourable, se montra familier, chercha à la consoler, imaginant y gagner du crédit.


Et de fait, sa stratégie s’avéra payante, Zara se laissait aller contre le torse viril et pleurait sans retenue. Elle s’écarta toutefois lorsqu’elle comprit que son champion en profitait. Les lèvres masculines effleuraient sa pommette humide.


Le jeune coquin sentit les réticences, il n’insista pas et intelligemment, libéra la jeune femme. Une pensée fusa : son challenge n’allait-il pas être plus difficile que prévu ?


Si le fils de la maison avait pu lire dans celles de Zara, il aurait été rassuré. Non pas que la jeune femme fût prête à se donner, mais l’étreinte avait semé du trouble.


Certes, Zara n’avait pas d’illusion quant aux attentes du jeune homme mais cela ne la choquait pas. Au contraire, elle se sentait flattée, le prétendant n’était pas n’importe qui : cultivé, élégant, sympathique, il avait de quoi séduire. Elle se surprit à caresser le rêve d’une idylle.


Ce n’était qu’un rêve, un rêve de midinette. Il y a loin du rêve à la réalité.


Un mois tout au plus. C’est le temps qu’il fallut à Abdallah pour mettre Zara dans son lit.


Toutefois, l’affaire n’avait pas été sans mal, l’oiselle était farouche, bien plus qu’il n’avait pensé. Bien plus que les touches que, jeune étudiant, il ferrait habituellement à Paris.



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Zara s’en voulait d’être si faible, elle avait foulé aux pieds toutes ses bonnes résolutions. Elle était là, dans le lit d’Abdallah, nue, prête à faire l’amour et volontaire pour ce faire. Elle avait honte et envie tour à tour mais elle ne se sentait plus la force de repousser le jeune homme, si tant est qu’elle l’ait même eu à un moment donné.


Abdallah promena ses lèvres sur son ventre, contourna la toison, dirigea son tarin le long des plis de l’aine, inséra sa tête dans la fourche entre ses cuisses…


Jamais Abdul, le seul amant qu’elle ait connu, n’avait procédé de la sorte. Elle espérait et appréhendait à la fois mais ces tergiversations plus ou moins conscientes furent noyées dans la confusion quand la langue de son amant s’introduisit dans la fente. Le temps qu’elle revînt de sa surprise, un monde de sensations nouvelles l’emportait sous d’autres latitudes. Elle n’était plus qu’attente et félicité, pressentant que son plaisir de l’instant préludait un bonheur plus grand.


Quand le jeune homme la sentit suffisamment liquide, il fit le chemin inverse. Il glissait à nouveau sur son ventre, s’attardait sur les seins, goûtait la gorge à la naissance du cou puis il s’emparait à nouveau des lèvres de son amante.


Il avait à cœur qu’elle y trouve son compte.


En définitive, c’était un tendre, il lui fallait communion et partage sinon son propre plaisir était gâché.


Tout était nouveau pour Zara, la langue fouisseuse luttant contre la sienne, le contact des épidermes, perfusant une ivresse délicieuse, les attentions, la tendresse et plus encore, cette façon de faire, sans mesurer le temps, dans le confort d’une couche. Car en vérité, c’était la première fois qu’elle se donnait ainsi dans un lit. Jusqu’alors Zara n’avait connu que des levrettes vite faites dans l’arrière-boutique de l’épicier, couchée sur des sacs de mil ou de farine.


On ne peut pas dire qu’en l’occurrence, elle atteignit l’orgasme ou même s’en approcha, mais du moins eut-elle du plaisir et elle était heureuse de lui en donner davantage encore.


De ce jour mémorable, Abdallah intrigua pour renouveler, aussi souvent que possible, les conditions propices à des galipettes discrètes. Et chaque fois, Zara se montrait un peu moins passive, allant jusqu’à empaumer ce sexe qu’elle aimait sentir palpiter en elle. Elle alla même jusqu’à le sucer et l’emboucher tout entier à la manière des fellations qu’Abdul lui avait apprises.


Son plaisir croissait en proportion de son implication et il vint ce jour où son corps et son esprit ne lui obéirent plus. Il vint ce moment où elle connut l’orgasme, un orgasme foudroyant qui la ravagea toute entière.



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Tout le monde le sait, le bonheur c’est comme le beau temps, ça va, ça vient. Et comme un malheur n’arrive jamais seul…


Eh ben oui ! Tout a une fin. Au jour dit, Abdallah partit pour Niamey. La maman et les frangines l’accompagnèrent. Ce n’était pas une mince affaire, imaginez : mille cinq cents kilomètres de pistes le plus souvent défoncées, avant de rejoindre la capitale et le plus proche aéroport international du pays.


Zara n’eut droit qu’à des adieux subreptices. Elle n’avait pas imaginé que son chagrin et son humiliation pussent être aussi immenses. Il lui semblait que sa poitrine était sur le point d’être broyée, elle peinait à trouver son souffle et il y avait ce vide désespérant, l’impression que plus rien n’avait d’intérêt, pas même le souvenir de Zeinabou.


Ce jour qu’ils étaient partis, elle resta prostrée la journée entière sur sa natte.


Au soir, le maître de maison la sortit de sa torpeur, lui rappelant les devoirs de sa charge.


Son festin terminé Monsieur Razack éprouva de sombres désirs. Ce n’était point dans ses habitudes de se débaucher mais les circonstances étant propices, il crut loisible d’assouvir son envie sans délai. Il fit ce qu’il fallait et s’étonna de rencontrer plus de résistance qu’il n’escomptait.


De quel droit cette jeune péronnelle osait-elle le défier ? Rien n’y fit, elle ne voulait pas. Le bonhomme n’étant pas d’un naturel très pugnace, il renonça à la contraindre et n’eut plus que le choix de la chasser.


C’était ainsi que Zara se retrouva à la rue avec un maigre baluchon et un pécule encore plus modeste.



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Le désarroi et la honte accablaient Zara, elle n’avait plus qu’une pensée à l’esprit : fuir, fuir, fuir…


Elle rejoignit la gare routière avec l’intention de s’y terrer jusqu’au prochain départ. D’autres gens attendaient comme elle et parmi eux un Blanc ; il ressemblait étrangement à Michaël, même cheveux blonds, des yeux lumineux et une peau si claire…


Elle ne pouvait pas ne pas l’apercevoir, tâche saugrenue en pays de négritude. Lui aussi l’avait remarquée, elle sentait son regard peser sur elle. Il essayait de se dissimuler mais sa pantomime ne trompait pas Zara. Cela du moins la distrayait, une distraction bienvenue.


À l’aube, ils embarquèrent tous les deux dans le premier bus en partance. L’européen saisit l’opportunité pour concrétiser une manœuvre d’approche :



Il était heureux que Zara parle correctement français, ce n’était pas si courant à cette époque, dans ces parages.


L’homme remercia et prit place sur le siège libre à la droite de la fugitive, laquelle n’était pas dupe. La manigance l’amusait et tout compte fait elle était flattée et heureuse qu’il ait pris l’initiative.



Où pouvait-elle donc aller ? Diffa est quasiment un cul de sac, adossée à la frontière du Nigéria au sud, à celle du Tchad à l’est et à un immense désert au nord.


De toute façon, peu lui importait, Zinder ou ailleurs, c’était du pareil au même, pourvu qu’elle filât loin de Diffa, loin du village…


Qu’allait-elle devenir ? Elle se voyait déjà en marche vers ce destin inexorable qu’on lui prédisait. Devrait-elle se prostituer ? Elle n’envisageait pas cette solution sans terreur et ne parvenait pas pour autant à imaginer une alternative.



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L’homme se prénommait Hervé, il faisait du tourisme et résidait ordinairement à Zinder où il donnait des cours au lycée en tant que coopérant. Volontaire du Service National, qu’il disait, ce qui lui évitait de se farcir seize mois de service militaire en métropole.


Zara ne comprenait pas grand-chose à ces explications mais à vrai dire, elle s’en foutait. La voix du jeune homme, agréable et mélodieuse, la berçait mollement et cela lui suffisait.


Il l’avait bien sûr questionnée. Elle était restée concise, peu désireuse d’étaler sa vie avec un inconnu, tout juste avait-elle avoué par inadvertance ne pas avoir de point de chute.



L’homme paraissait sincère et elle le trouvait sympathique. La proposition était tentante. Malgré tout, la cohabitation effrayait la jeune femme. Elle n’avait dit ni oui ni non.


Une fois débarquée toutefois, Zara se trouva désemparée, le jeune homme comprit, il renouvela son offre qu’elle accepta avec reconnaissance.


Hervé occupait un petit appartement au premier étage d’un immeuble délabré du centre-ville. Et d’entrée de jeu, tenant parole, Il la mit à l’aise :



Au matin, Hervé était évidemment fourbu et pire encore le matin suivant.


Entre-temps, comme il était prévisible, Zara ne parvint pas à trouver d’alternative. Tout au plus dégotta-t-elle, au hasard de sa quête, un tenancier de cabaret dont les affinités ethniques étaient porteuses de promesses. Il voulait bien l’employer et la loger, à condition toutefois de pouvoir la sauter. Naturellement, elle refusa l’offre de son « pays » et revint, penaude, quémander du délai auprès de son logeur bienveillant, consciente qu’elle abusait.


Pauvre « nasara » ! Il se brisait l’échine sur ce lit de camp inconfortable. N’aurait-il pas mieux fait de coucher sur une natte posée à même le sol ? Zara avait l’habitude, elle aurait pu le lui dire mais elle n’en fit rien, taisant sa compassion et gardant les réflexions pour elle.


Au soir du troisième jour cependant, elle lui proposait de partager la couche moelleuse à souhait, en tout bien tout honneur, bien entendu.


En dépit des réserves et conditions que la jeune femme avait formulées, ce fut elle qui prit l’initiative des travaux d’approche. Elle n’eut pas à fournir grands efforts, leurs corps, déjà, se touchaient presque. Un déplacement imperceptible suffit pour établir le contact mais il fallut qu’elle se lovât carrément sur le flanc du mâle, enroulant sa jambe repliée sur les siennes, pour qu’il comprît enfin l’invite.


Dès lors qu’il avait saisi, le mâle prit les commandes et peu après, le couple faisait comme des millions d’autres, communiant à la recherche de la félicité.


Les premiers élans d’enthousiasme satisfaits et tandis qu’ils reposaient dans les bras l’un de l’autre, Zara éprouva le besoin de découvrir, promenant nonchalamment l’index et le majeur sur le torse et l’abdomen imberbes de son amant. Les doigts de la jeune femme cheminaient lentement et de manière erratique sur la peau satinée et douce. Douce… douce, douce comme celle d’un bébé.


À un moment donné, mue par une pulsion, elle y posa ses lèvres et refit avec elles le parcours que ses doigts avaient repéré. Puis, de fil en aiguille, elle se laissa couler plus bas et plus bas encore, jouant un moment avec la toison soyeuse et claire avant de s’emparer de la tige à nouveau turgescente dont elle mignarda le gland. Puis, d’un coup volontaire et brusque, elle se décida à emboucher le tout jusqu’à la base de la hampe.


Quoique que la jeune femme ne fût pas particulièrement friande de comparatifs, les pensées de Zara recensaient les sexes qu’elle avait connus. C’était le troisième qu’elle goûtait ainsi et le seul sexe de Blanc de son inventaire, lequel sexe, soit dit en passant, était plutôt rouge ou cramoisi. Mais tout bien considéré, blanc, rouge ou noir, cela ne faisait pas grandes différences. Ses trois amants lui avaient donné du plaisir… et aussi, pour certains au moins, leur lot de déception…


Par un étrange cheminement, le constat l’amena à réfléchir au-delà de la jouissance qu’elle éprouvait à faire l’amour. Hors toute logique et en dépit de tous les augures, elle réalisa que l’espoir de dénicher un compagnon restait niché sous sa caboche. Un compagnon qui serait un père pour sa fille, un compagnon qu’elle pourrait aimer et chérir et auquel elle promettrait une éternelle fidélité en même temps que sa reconnaissance. Un rêve, un rêve éveillé…


Hervé pourrait-il être ce compagnon auquel Zara aspirait ? Elle y pensait, n’osant pas trop y croire et voulant malgré tout s’illusionner…



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La confession de Zara ne suscita pas l’émoi qu’elle attendait. Hervé ne réagit pratiquement pas en apprenant l’existence de Zeinabou. À croire que la nouvelle que sa compagne était mère le laissait indifférent. Et, à aucun moment, il n’entra dans le jeu de Zara, décevant le secret espoir que celle-ci nourrissait.


De quoi demain sera-t-il fait ? Question lancinante ; le demain de sa fille autant que le sien. Allo, allo… Personne en ligne !


Le temps passant, Zara était de moins en moins convaincue qu’Hervé pourrait être le compagnon qu’elle appelait de ses vœux. Quelques mois de vie commune l’avaient déniaisée, d’autant plus que le jeune homme était jaloux, inutilement jaloux, et de surcroît radin ou fauché, ce qui n’était pas mieux.


Il les faisait venir de loin, comme on dit, or Zara avait besoin d’argent, non pas tant pour elle que pour envoyer au village. Une habitude à laquelle elle ne voulait pas déroger plus longtemps, question de dignité. Une manière de montrer aux parents que, quoi qu’il arrive, elle restait la mère de Zeinabou.


En désespoir de cause, elle se résolut à chercher du boulot. Hervé ne voyait pas d’un très bon œil l’agitation de sa compagne mais il ne s’opposa pas pour autant, confiant que l’issue n’était pas gagnée.


Et de fait, outre que les emplois féminins étaient rares, personne ne voulait employer une inconnue sans bagage, fût-elle jolie. Cependant, le hasard des pérégrinations voulut que Zara croisât à nouveau la route du cabaretier qu’elle avait autrefois éconduit :



Zara en resta comme deux ronds de flan. Sa hargne juste ravivée s’éteignit d’un coup ; elle était ébranlée, n’attendant pas du tout que son ex-amant se souciât encore d’elle.


Sans compter que l’offre tombait à point nommé, Hervé se faisant de plus en plus sceptique et sarcastique, Zara entrevoyait sans déplaisir la perspective de lui damer le pion.



Du baume au cœur, quoiqu’elle ne l’eût pas avoué. Il ne lui était pas indifférent d’apprendre que son premier amant, le père de son enfant, avait encore des pensées pour elle.



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C’est peu de dire qu’Hervé était agacé. À cette époque et en ces lieux, le métier de barmaid n’avait pas bonne réputation, dans une boîte de nuit, suspecte par nature, qui plus est. Ajoutez à ça que les prétentions du cabaretier n’étaient pas du tout de nature à rassurer.


Ce dernier exigea que son employée s’habillât selon les canons de l’établissement :



L’uniforme était minimaliste : un top à bretelle vert fluo à l’encolure exagérément dégagée et une jupe noire ultra courte. La première soirée, Zara se rencogna derrière le bar puis ses inhibitions s’atténuèrent peu à peu au fil des jours suivants. Elle mit un peu plus longtemps pour s’habituer aux escarpins à talons.


N’empêche qu’elle avait fière allure ainsi attifée. Les longues jambes, délicieusement galbées et nues, mises en valeur par les échasses, allongeaient la silhouette et donnaient cette touche d’élégance qui attire immanquablement le regard. Son petit cul, étroitement moulé dans le tissu de la micro-jupe, prêchait le même appel à la luxure mais, privilège de la jeunesse, nul n’y voyait malice parce qu’il était pour Zara comme il en est pour ces gamines qu’un rien habille, elle était princesse alors que d’autres pareillement accoutrée mais moins loties ne récoltent que du mépris.


La poitrine libre, un peu moins volumineuse depuis qu’elle n’allaitait plus, marquait à l’abri de l’étoffe, tel la baguette d’un chef d’orchestre, les tempos et mesures aussi bien que les progressions harmoniques d’une symphonie silencieuse. Un régal !


Hervé était bien le seul à ne pas apprécier. Il ne vint bientôt plus au cabaret. Il ne supportait pas les regards concupiscents, à commencer par ceux de ses amis, lesquels fréquentaient le bar beaucoup plus assidûment depuis que Zara y travaillait.


On venait pour la voir. Naturellement, le nombre des propositions croissait de concert, elle répondait d’un sourire sans y donner plus de suite et s’il arrivait que l’un ou l’autre profitât de circonstances pour oser des attouchements, elle ne s’offensait pas davantage et s’esquivait sans esclandre comme il se devait.


Le cabaretier avait tout lieu d’être satisfait et le lui dit.



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De son côté, Hervé n’était pas du tout satisfait et le dit aussi.


Tu veux que je parte, demanda Zara.


Elle n’en fit rien parce qu’il supplia, en pleurs, mais de ce moment elle sut que son départ devenait inéluctable.



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Un beau soir, Abdul débarqua impromptu accompagné du tenancier et d’Amar, un pote à lui que Zara ne connaissait pas. De prime abord, les retrouvailles furent plutôt fraîches mais l’ex-amant avait de l’expérience et du bagout, il sut dérider Zara.


Ils bavardèrent assez longtemps. À un moment donné, qu’il jugea propice, Abdul remit à Zara une enveloppe épaisse contenant des billets de banque.



Des mots, des intentions… Zara ne s’illusionnait pas outre mesure. Pourtant le son de ces paroles était doux à son oreille.


En d’autres circonstances le geste aurait pu l’offenser mais en l’occurrence elle était plutôt satisfaite qu’Abdul reconnût publiquement sa responsabilité. Sans compter que la somme était coquette.


Ce soir-là, ils se séparèrent bons amis.



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Abdul revint le surlendemain, seul, en début de soirée, une heure creuse. Les affronts du passé étant pardonnés, Zara se montra cordiale, allant même jusqu’à tolérer son intrusion derrière le bar.


On devine que la manœuvre masculine n’allait pas sans arrière-pensée et Zara elle-même était bien trop futée pour ne pas soupçonner.


Chose impensable quelques jours auparavant, elle accepta sans réticence les privautés que son ex-amant s’octroyait : l’exploration des courbes et rondeurs aussi bien que les bécots dans le cou. Tout au plus minauda-t-elle :



Le ton sinon le propos portait l’invitation, l’autre ne s’y trompa pas. La réserve n’était pas loin et à défaut de sacs de mil ou de farine, les caisses de bière firent très bien l’affaire.


Question affaire, celle-ci fut vite conclue et baveuse à souhait comme il est coutume. Le galant se montra attentionné, écrémant de son mieux les excès de son enthousiasme, à l’aide du linge que Zara avait ôté.


Le bougre y prenait goût et s’apprêtait à replonger dans la daube :



Et ce disant, Zara se redressa et réajusta la jupe, négligeant le linge qu’Abdul avait souillé.


L’épicier frustré tenait encore en main son sexe bandé tandis que Zara s’éloignait, décidée à rejoindre son poste.



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Amar, le pote à Abdul, attendait accoudé au bar. Le monsieur se montrait amical, les salutations d’usage terminées :



Zara tiqua. Elle n’avait pas connaissance qu’Abdul ait eu le moindre beau-père, le père de sa femme étant décédé depuis longtemps.



Zara connaissait Karim, le père d’Adia, une gamine un peu plus jeune qu’elle. Son sang ne fit qu’un tour. Elle cracha son dépit :



La jeune femme n’en entendit pas davantage. Pour la seconde fois de sa carrière de barmaid, elle abandonna son poste, fuyant ce monde misérable.



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Dans sa fuite, Zara tombait sur Jean-François et Richard, deux amis d’Hervé.



La réponse n’était pas vraiment intelligible, les sanglots en accentuaient l’incohérence, les garçons comprirent cependant que Zara fuyait.



Vogue la galère ! Direction la maison.


Dans la voiture, Zara retrouvait peu à peu son calme. Le choix de rejoindre si tôt ses pénates ne lui parut plus si pertinent : retrouver Hervé, supporter ses jérémiades, cela lui semblait au-dessus de ses forces. D’autant plus qu’elle prêtait le flanc à la critique car, dans la précipitation, elle avait oublié combien elle était vulnérable, s’enfuyant en petite tenue sans même penser à se changer, ce qu’elle faisait d’ordinaire.



Les autres flairèrent une ouverture.



Pourquoi pas ! Tout valait mieux que la pétaudière où elle vivait.


Sur l’instant, Zara n’imagina pas le traquenard mais le comportement les deux mâles l’alerta. Ils se retournaient à tout propos et lorgnaient de manière suspecte si bien que… les questions s’accumulaient sous la jolie caboche. Pouvaient-ils voir ? La savaient-ils nue sous sa jupe ? Qu’imaginaient-ils ? Avaient-ils des intentions pas catholiques ? L’hypothèse lui parut cocasse, elle les connaissait… Combien de fois ne les avait-elle pas éconduits !


Cette fois cependant un émoi malsain prenait forme dans ses tripes, dans sa poitrine et jusque dans sa tête. Elle avait conscience du plaisir qu’elle éprouvait à allumer ces types. Des idées pernicieuses germaient sous son crâne.


Juste des pensées, rien d’autres. Et de fait, Zara n’osa rien susceptible de les aguicher davantage mais a contrario, elle ne fit rien non plus pour se garer, jouant l’innocente et s’échauffant elle-même un peu plus au feu de son inconvenance.


Elle était comme une enfant s’amusant avec des allumettes, ignorant les risques. Le jeu la divertissait et incidemment la distrayait de ses obsessions du moment. Elle oubliait Hervé l’acariâtre, aussi bien que le perfide Abdul.


À destination, Jean-François s’empressa pour lui ouvrir la portière. Galanterie oblige ou excellent poste d’observation ? Qu’importe ! Zara hésita, pas très sûre de vouloir encore faire le spectacle. Pouvait-elle l’éviter ? Sans doute en étant prudente. Voulait-elle l’éviter ? Instant décisif s’il en est, car il fallait trancher. Serait-elle prude ou effrontée ? Ou en termes triviaux : avait-elle envie de baiser ? Peut-être ! Mais au choix, elle aurait préféré Richard qu’elle trouvait mignon.


Il y avait en outre que la décision n’était pas seulement une question d’hormones, c’était aussi une question d’hygiène, d’hygiène mentale parce que Zara y voyait un moyen de laver l’affront qu’avait gravé sur son corps l’autre salaud qui l’avait baisée dans la réserve.


Pile ou face ? C’était presque ça, le destin allait bientôt basculer dans un sens ou dans l’autre. Qu’elle choisisse de réajuster sa jupe avant de sortir et on n’en parlait plus. Elle n’en fit rien, négligence révélatrice, surtout pour Jean-François dont le sourire carnassier disait combien il augurait l’avenir avec ravissement.


Quant à Zara, que dire ? Sinon que l’expérience la plongeait dans un état de surexcitation intense.


Ce qui devait arriver, arriva, Zara fit l’amour avec Jean-François, puis avec Richard. Ne vous trompez pas, le bonus n’était pas du tout prémédité, elle se laissait emporter par l’enthousiasme, le feu de l’action.


Cette nuit-là, Zara découcha. Le lendemain matin, elle prit une chambre en ville, après avoir rompu sa relation avec Hervé.



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Les jours suivants furent difficiles, non pas en raison du tenancier, lequel avait pourtant des motifs de sévir, qu’à cause des autres : les deux pingouins d’une nuit s’imaginaient la lune, revenant sans cesse à la charge, Hervé refusait de lâcher prise et Abdul rodait toujours dans les parages.


Les accrochages verbaux et autres échauffourées étaient fréquents. L’idée de fuir mûrissait sur le terreau de son exaspération. Un soir au terme d’une énième altercation :



Un homme, européen, solitaire, la cinquantaine bien assise, entendit et comprit le bougonnement malgré qu’il fût presque indistinct. En retour, il s’exprima dans la même langue d’une voix forte :



Surprise, Zara le regarda sans cacher son ébahissement. Le type ne lui était pas tout à fait inconnu, elle l’avait déjà remarqué, professionnellement s’entend, comme on le fait tous dès qu’un client reparaît plusieurs fois



La détermination du bonhomme déconcerta Zara. Elle était troublée : était-ce du lard ou du cochon ?


Que le Prophète Mohamed (QSSSSL) pardonne l’auteur pour ces lignes impies.



Elle murmura dans sa propre langue, articulant à peine comme si ces quelques mots étaient arrachés contre son gré.


Quoiqu’il n’y parût pas, l’esprit de Zara bruissait à l’instar d’une termitière, ses réflexions partaient dans tous les sens. Et si elle formulait l’aveu, c’était plus pour tester l’homme que pour le dissuader.


L’autre pas décontenancé, répliqua du tac au tac en français :



Des mots magiques : une flopée de neurones s’allumait, composant un inconcevable feu d’artifice sous le crâne de Zara…