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n° 14690Fiche technique13111 caractères13111
Temps de lecture estimé : 8 mn
12/12/11
corrigé 12/06/21
Résumé:  Son corps dit oui, mais sa bouche dit non. Il me faudrait un miracle. Mais le Grand fêlé de la Cafetière est occupé par « Djoooordjjj ». Je ne vois pas d'autre solution que d'écrire au Père Noël. Lui, peut-être que... ?
Critères:  humour amour humour amour
Auteur : Lacducoucou  (Je suis trop timide pour me présenter.)            Envoi mini-message
Lettres au Père Noël




Cher Père Noël,


Tu dois être surpris qu’un vieux célibataire t’envoie une lettre, n’est-ce pas ? Incongru ? Ce n’est pas sûr. Pourquoi un adulte ne pourrait-il pas écrire au Père Noël ? Qui plus est, un facteur ! Dans le cœur de chaque homme subsiste une âme d’enfant, non ?


D’ordinaire, ce sont eux, les enfants, qui t’écrivent. Eh bien, ma lettre te changera des torchons habituels de ces sales gosses, avec leurs cortèges de consoles de jeux, de poupées formatées, d’habits de princesse et de sabres laser à la con.


Et ce changement te mettra sans doute de bonne humeur, ce qui t’amènera, je veux le croire, aux meilleures dispositions pour accorder une suite favorable à ma demande de cadeau. Oui, un cadeau pour moi ! Et celui-là, il me le faut !


S’il reste un enfant en chacun de nous, on ne saurait oublier le cochon qui sommeille. Je n’ai pas honte d’avouer sa présence. Et j’entends grincer tes vieux neurones : qu’est-ce que le cochon vient faire avec tes rennes, ta barbe blanche, Noël et les cadeaux ? Je m’en vais te l’expliquer : mon cochon s’est réveillé et me tourmente de manière insupportable.


Il me faudrait un miracle pour arrêter mon supplice. Mais ces temps-ci, celui qui a le pouvoir de l’accomplir, l’Être Céleste, tu sais, celui qui attend Georges, (« Djoooodjjj… ? ») au sommet de l’escalier, dans les nuages, paraît plus préoccupé par une ridicule histoire de cafetière que par mes humbles aspirations de chétif grain de poussière humain. Aux origines déjà, selon mon copain Denis, le natif de Langres, il faisait plus cas de ses pommes que de ses créatures, c’est dire ! (Oui, ce n’est pas parce qu’on n’est que facteur qu’on n’a pas de lettres !) J’aurais pourtant accepté de prendre un piano sur la gueule rien que pour pouvoir le résoudre, mon problème. Je suppose que je peux attendre encore longtemps…


Je m’adresse donc à toi. Tu es un être dont la bonté se lit sur le visage, à travers les poils de la barbe, et tu ne saurais laisser un malheureux dans le besoin.


Au départ de tout cela, il y a Dominique, une habitante de mon village. C’est la femme d’un autre et justement, comme le dit l’adage, elle est belle comme la femme d’un autre. À mes yeux, la plus belle femme du monde. (Oui, je sais, il y en a une dans chaque patelin…) À côté d’elle, Mona Lisa est une virago, les houris du paradis sont d’horribles contrefaçons visqueuses et la dernière Miss Machin n’a pas plus d’attraits qu’une brosse de WC ou que le chapeau Playmobil de la vieille Chèvramiss.


Dominique, c’est la beauté absolue. Elle est lumineuse, elle rayonne, elle irradie et dégouline de sensualité. Au grand chêne de l’amour, tous les glands lui font fête. Lorsque je la vois, à n’importe quelle heure de la journée, mon pendule personnel se tétanise sur midi. Et cela perturbe ma tournée. Je la vois pratiquement tous les jours car je suis le facteur du village. Nous, les Cheval, nous sommes facteurs de père en fils depuis des générations.


Tu imagines, mon supplice, Père Noël ? Je donnerais tout le courrier du monde pour la baiser – pardon : pour un baiser. Je n’ai plus qu’une idée en tête, qui tourne à l’obsession : elle, elle et encore elle !


Dominique est mère au foyer (non, non, elle ne s’appelle pas Landru, ne confonds pas). Son mari est artisan, un individu insignifiant, et un peu efféminé, souvent absent toute la journée pour raison de chantiers. Elle tient son secrétariat et sa comptabilité, elle s’occupe du ménage, du jardin. Elle s’entend bien avec son voisin, le vieux Ock, qui a plein de chats. Lorsqu’ils s’aventurent chez elle, elle n’hésite pas à nourrir les chats d’Ock. Elle aime ça, m’a-t-elle confié devant une tasse de café. Elle parlait du jardin et des chats, bien sûr.


Dominique est d’une gentillesse extrême. Lorsque je lui apporte un paquet de courrier, deux fois sur trois elle se prend le temps de m’offrir un petit noir. C’est ma récré dans la tournée. Elle s’assied toujours en face de moi, à la table de la cuisine, son regard se plante dans le mien et elle me parle d’elle d’une voix douce, de son quotidien, du village et des gens. Jamais de son époux. Elle s’intéresse aussi à moi, ses questions attentionnées le prouvent. Et toujours avec ce sourire, ah ce sourire… !


Je t’ai dit qu’elle est belle. C’est en-dessous de la vérité. Elle a des cheveux blonds, mi-longs, des yeux bruns, un visage rond, des taches de rousseur comme j’aime, une silhouette gracieuse avec une taille fine et des hanches évasées sans excès et des seins, Père Noël, des seins à damner toute la milice ailée du mégalomane de l’étage du dessus, tu sais, le Fêlé de la Cafetière.


J’ai tôt saisi qu’elle aimait bien me voir. Il s’est installé entre nous, au fil du temps, de l’amitié, une confiance solide, voire une certaine complicité.


J’ai donc tiqué le jour où, pour la première fois, j’ai cru relever dans sa voix un soupçon de tristesse sur une remarque anodine. Cela se reproduisit plusieurs fois par la suite. Mon imagination travaillait à fond la sacoche. Un jour, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et j’ai osé lui demander ce qui la chagrinait. Une réponse lapidaire : « Mon mari ne s’intéresse plus à moi » puis un éloquent silence avec des yeux qui se mettent à briller, à briller… et à s’embuer.


Ni d’une, ni de deux. Je me lève, je fais le tour de la table, lui fais quitter sa chaise et la prends dans mes bras. La Poste doit faire son devoir ! Elle résiste d’abord, tente de me repousser. Mais que peut opposer une femme fragile à un vigoureux facteur ? Elle le comprend rapidement, rompt le combat et s’abandonne contre moi. Père Noël, si tu savais comme j’étais le roi du monde ! Mon ancêtre le facteur Cheval avait son palais, moi j’ai ma reine !


Mes doigts se perdent dans ses cheveux, je couvre son visage de bisous, je lui caresse la nuque, puis le dos. Je n’ose aller plus loin, malgré la route que m’indique frénétiquement mon GPS glandulaire. Elle reste un moment contre moi, sa tête sur mon épaule, puis recule, me regarde, radieuse, et me pose un furtif baiser sur les lèvres avant de s’écarter et de me m’inviter à la laisser seule.


Le lendemain, pas de courrier pour elle. Le surlendemain si, il y en a et j’ai le sang qui bout. Nonobstant, je suis dans mes petits souliers. Comment va-t-elle m’accueillir ? Eh bien, Père Noël, comme d’habitude. Donc, elle ne me tient pas rigueur de mes audaces.


Je sonne, la porte s’ouvre illico. Elle devait m’attendre, c’est sûr. Elle me fait entrer mais, au lieu de s’asseoir à la table de la cuisine, elle reste debout devant moi, immobile et silencieuse. Résignée ? Vaincue ? Mon sac choitlourdement sur le carrelage (du verbe « choirlourdement »). Je la prends dans mes bras. Elle résiste sans grande conviction. Ma main empaume son sein gauche. Elle tressaille, veut esquiver, proteste, pousse des petits « non… non… » effarouchés, mais se laisse faire. Je l’embrasse sur la bouche. Elle la clôt d’abord puis ouvre enfin ses lèvres. Nos langues s’emmêlent. Mes mains passent dans son dos, remontent sous le tee-shirt, s’attaquent à la fermeture du soutien-gorge. Elle proteste encore, proteste, proteste… jusqu’à ce que mes mains reviennent à ses seins et les caressent à même la peau. Elle en tremble, elle grelotte de plaisir. Je trique comme Ostéril. *


Alors, Père Noël, je ne veux pas, je ne peux pas en rester là, tu l’imagines bien. Mais patatras, plus rien à faire ! L’attaque de son jean échoue devant une soudaine et violente résistance. Là, elle ne veut pas, vraiment pas ! Elle recule en se courbant, elle proteste avec violence et m’intime l’ordre d’arrêter. Elle me demande de me calmer ou de quitter la maison.


Je ne veux pas me l’aliéner et j’opte pour la docilité conviviale. Face à face, devant la tasse de café, je l’interroge. J’aimerais savoir pourquoi sa bouche dit non alors que son corps dit oui. Elle me répond qu’elle est attachée au principe de la fidélité conjugale, même si son mari ne l’a plus baisée depuis plus d’un an. (Depuis un an ? Elle ? Quel con ! ) Et qu’il n’y a rien à faire pour nous deux, rien à négocier, rien à espérer. Il en sera toujours ainsi, tant que son mari sera son mari !


La quoi, a-t-elle dit ? La fidélité conjugale ? Où va-t-elle chercher ça ? C’est-y pas un affluent du Danube ?


Père Noël, je termine ma tournée et ma journée avec le moral dans les chaussettes. La frustration m’écrase comme le 38 tonnes un tricycle. Et c’est pour cela que je te demande d’intervenir, c’est là que je fais appel à toi.


Je voudrais que pour Noël, tu m’apportes une sorte de pass qui ferait sauter le verrou imbécile de sa fidélité conjugale. Tu dois avoir ça dans tes réserves, non ? Ce serait comme une baguette magique. Elle nous procurerait, à Dominique et à moi, extase, félicité et bonheur. Père Noël : je voudrais tant mettre mon île flottante dans sa crème anglaise.


À très bientôt, Père Noël, sous le sapin. Et merci, merci, merci encore !


Ton ami

Verge Folle



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Seconde lettre




Père Noël !


T’es qu’un gros con ! Un demi prout ! Un moulin à merde !

Tu t’es gouré ! Je t’avais parlé de Dominique, la femme de l’installateur sanitaire, pas de Dominique l’idiot du village ! Ce déchet me colle maintenant au train sans relâche pendant toutes mes tournées, en poussant des cris et en bavant ! Il m’attend le matin au sortir de la poste en se masturbant devant le bâtiment jusqu’à ce que j’en sorte ! Tout le village rigole et se fout de ma gueule.


T’es vraiment un pauvre crétin ! Si je te rencontre, je te coupe les couilles et je les donne à bouffer à tes rennes !


Crève, connard !


Verge Encolère



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Troisième lettre




Père Noël,


Mille excuses ! J’ai honte de t’avoir insulté ! Je retire toutes les vilenies que je t’ai adressées. Et je te remercie d’avoir loyalement reconnu ton erreur. Et surtout, mille fois merci de m’avoir expliqué dans ton courrier comment je pouvais me tirer de ce mauvais pas. T’es pas rancunier, toi.


J’ai suivi tes instructions. J’ai offert le pass au mari de Dominique en le convaincant que c’était le gri-gri du bonheur que je tenais du marabout Mamadou, mondialement connu dans son quartier et qu’il devait toujours le porter sur lui. Depuis, il l’a trouvé, le bonheur ! Il s’est mis en ménage avec Dominique, l’idiot du village qui, maintenant que je ne porte plus le pass, me fout une paix royale. Et les deux semblent merveilleusement heureux. On se déplace même des villages voisins pour voir ça !


Il a, de plus, flanqué son épouse Dominique à la porte. Alléluia ! Plus question de fidélité conjugale. Elle s’est installée chez moi. Mieux, elle a rapatrié les chats du vieux monsieur Ock, placé en maison de retraite par ses petits-enfants. Maintenant, les chats d’Ock sont dans ma grange.


Je suis le plus heureux des hommes ! Chaque jour que Monsieur Cafetière fait, je mets l’île flottante dans la crème anglaise. Tu avoueras que ces mots-là sont plus poétiques et jolis que, je n’ose l’écrire, bite et mouille – ou pire : cyprine.


Dès que j’insère ma recommandée dans la fente de sa boîte aux lettres, ce ne sont plus que vocalises. Elle sopranise son plaisir (du verbe « sopraniser », inventé à l’instant). C’est dommage que je ne puisse t’envoyer ses envolées symphoniques par courrier. C’est beau comme du Beethoven. Grâce à toi, Père Noël, la Poste accède enfin à une dimension culturelle. En sois-tu cent fois remercié !


Père Noël, tu seras éternel. Toi, au moins, tu le mérites.

Éternelle aussi sera ma gratitude.


Verge Comblée




* Ostéril : équivalant, dans la mythologie celtique, du dieu Pan. Vivait dans la forêt de Brocéliande. La fée Morgane disait de lui, sur un ton gourmand : « C’est la meilleure trique que je connaisse ».


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