n° 14788 | Fiche technique | 14378 caractères | 14378Temps de lecture estimé : 9 mn | 29/01/12 corrigé 30/05/21 |
Résumé: Notes pour plus tard... | ||||
Critères: ff jeunes copains init exercice tutu | ||||
Auteur : @+ch0uM |
Note de l’équipe de correction : des notes explicatives parsèment le texte, qui peut cependant être lu intégralement sans y recourir. Bonne lecture !
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Très chère moi-même de (beaucoup) plus-tard,
Je sais pas vraiment si tu t’en souviens et, surtout, comment tu t’en souviens, je sais pas vraiment si ça aura vraiment de l’importance dans ta/ma vie "d’après", mais j’ai comme l’impression que ce qui vient de m’arriver va changer plein de trucs dans mon avenir, ton passé, alors je me/te l’écris tant que c’est frais dans ma mémoire pour que tu te rappelles comment ça a commencé. La suite, y a que toi qui la connais ! ;-) (1)
Ce que j’ai fait, tu le sais, t’étais là. Peut-être la plus belle connerie de ma (courte) vie…? Y a que toi qui peux le dire ! ;-)
Comme tu t’en souviens, hier après-midi, comme d’habitude, il pleuvait, et on était toutes les deux à plat ventre côte à côte sur mon lit, chacune sur son Facebook. Y avait un truc musical à la télé, sur W9, je crois.
On s’en fout, en fait.
Les parents étaient partis faire des courses pour l’après-midi, on avait la maison pour nous toutes seules et le chat pour nous surveiller.
Une fois de plus, elle me vantait ses exploits avec son nouveau copain, comment elle était love-raide-dingue de lui, que c’était à-la-vie-pour-toujours (une fois de plus), quel corps de dieu il avait et surtout, dans quel état il la mettait, et comment il faisait bien l’amour, (et tout)²… (2)
En fait, j’écoutais pas à moitié pasque, comme tu sais, j’avais aucune idée de ce dont elle parlait.
Vraiment aucune idée.
À l’entendre, c’est génial, c’est fort, ça te transporte complètement et ça te laisse sur le carreau après avec les idées complètement engourdies… Et vu que les substances illicites, c’est pas trop mon truc, ça me donne pas trop envie, en fait.
Mais elle, elle a l’air de trouver ça trop top. Et elle racontait en détail comment il s’y prend pour lui mettre "la tête à l’envers" (3) , comment tout son corps réagit à ses caresses, comment il sait mettre ses mains où il faut au moment qu’il faut, comment elle se sent se tendre, comment elle se sent fondre… Et tout le reste !
J’ai quand même de sacrés doutes sur tout ça… Enfin… J’avais… Enfin… Tu sais.
On m’avait dit que c’était super d’embrasser un mec, que c’était excitant, que ça te rendait toute bizarre mais, en vrai, ça fait pas d’effet, ça file mal au bide, c’est aussi excitant (et baveux !:-() qu’un chien qui te lèche la figure :
BEUÊÊRK !
Et quand elle décrit ce que ça fait quand elle "fait l’amour", en dehors des "je sais pas comment dire", ça tient plus du supplice chinois ou du cours de sport (c’est la même chose ! ;-)), j’ai quand même des gros doutes sur ce qui la met en transe comme ça…
Enfin… J’avais…
Enfin… Tu sais… (4)
Donc, une fois de plus, je l’ai regardée de travers avec un grand sourire et elle a vite compris que je me foutais d’elle, alors elle a fait "Pfff ! Tu peux pas comprendre !", et moi, en rigolant, je lui ai dit "Ben non !" et je lui ai fait un bisou sur le nez. Enfin… c’est ce que je voulais faire, mais c’est arrivé sur sa bouche.
Et tu sais, toi, que c’était pas fait exprès du tout.
C’est comme ça que ça a commencé. Ou juste après, je suis pas sûre.
En tout cas, je l’ai pas fait exprès.
Quoique…
Ça non plus, je suis plus si sûre.
En tout cas, ça lui a complètement coupé le sifflet. Tu te rappelles de ses yeux ronds ?
Oups…
Elle savait plus quoi dire, quoi faire, ça moulinait grave dans sa petite tête ! Et puis elle a plissé la bouche, froncé les sourcils et elle m’a sauté dessus en grondant qu’elle allait me le rendre, et moi j’étais morte de rire, je me débattais, elle était sur moi en train d’essayer de me faire des "poutous" partout sur la figure, et moi je secouais la tête pour les éviter…
Et à un moment, épuisée, j’ai arrêté de bouger, et elle m’a collé un gros "smack" bruyant et baveux sur la bouche. Beuh !
(5) …Et un autre, pour bien marquer sa victoire. Et encore un autre, plus long, moins bruyant. Et d’autres, plein d’autres, sur le nez, le menton, les lèvres… Je sais pas comment dire, mais c’était bien, c’était comme elle disait, pas comme avec l’autre crétin baveux. Et quand elle a mis la langue, j’ai pas résisté, j’ai fermé les yeux, et c’était vraiment (6) vachement bien.
Et puis quand elle a commencé à balader les mains, c’était bien aussi, alors (7) au lieu de l’arrêter, j’ai fait pareil, et c’était bon aussi.
La suite, tu la connais, t’y étais, pas besoin de te refaire le dessin. (8)
T’y étais aussi, ce matin, à la gare, tu te rappelles sans doute comme on était gênées (9) en se faisant juste une paire de bises pour se quitter sur le quai après cette nuit de délire… de plaisir…
J’arrive pas à atterrir. À cause de l’autre débile, j’en étais à croire que tout ça c’était total-surfait… Mais non ! Là j’y pense, j’arrête pas d’y penser, en fait, et ça fait de l’effet pour de vrai, j’ai qu’une envie, c’est recommencer, le plus vite possible, autant de fois que possible… Mais…
Mais ELLE, (10) c’est une fille… Et une fille avec une fille, ça se fait pas. C’est interdit.
À la gare, j’avais l’impression que tout le monde nous regardait, savait, désapprouvait…
Je veux pas, ça, J’AI PEUR. Je veux pas être une pestiférée que tout le monde regarde de travers, celle qu’on moque et qu’on appelle "la lesbienne"…
JE VEUX PAS ÊTRE MISE A L’ÉCART !
Est-ce que j’ai raison de m’inquiéter ? Toi tu sais, mais là, moi, j’ai les boules…
Parce que j’ai envie de recommencer, à nous caresser, nous embrasser, à rire, à nous serrer toutes nues l’une contre l’autre, j’ai grave envie de…
Je suis même pas sûre de quoi j’ai envie, en fait.
Toi, t’as grandi, tu sais ce que c’est. Là, moi, je me sens toute petite, perdue…
J’ai des flashes de sa figure devant les yeux, son souffle tiède sur le visage, son odeur dans les narines, sa peau sous mes doigts, ses mains qui glissent dans mon dos, j’en ai toujours des frissons…
Je crève d’envie de l’avoir là, tout de suite, elle me manque, tu sais, ELLE ME MANQUE !
J’avais jamais senti ça avant, c’est fort, c’est partout, c’est tout le temps (11) , j’ai envie de rire, de pleurer, de rêvasser… de je-sais-pas-quoi, en fait. Est-ce que c’est pareil pour elle ? Est-ce qu’elle l’avait déjà fait avec une autre fille ? Est-ce que… ? (12)
J’en sais rien, on n’a pas parlé. On n’a rien dit. Ni à personne, ni à nous-mêmes.
Ça, je suis sûre que tu te rappelles.
Après le dîner, on a dit qu’on était fatiguées, trop d’ordinateur, et pendant qu’ils regardaient la télé en bas, on a recommencé, en presque-silence, dans le noir, en sursautant à chaque bruit dans le couloir. Et là, c’était plus du tout un "accident".
Et on s’est endormies dans les bras l’une de l’autre, front contre front, sein contre sein, cachées sous la couette. Et ce matin… ben…
En se levant, on était gênées, on a rien dit, comme si on était coupables, qu’on regrettait quelque chose. On évitait même de croiser nos regards.
Moi, je savais pas quoi dire, de toute façon. J’ai envie de rien dire, ça serait sûrement des conneries. Et en même temps, j’ai envie de lui demander, qu’elle me dise…
En fait, je sais pas quoi non plus.
En fait, j’ai juste envie d’elle, d’être avec elle… Tu sais quoi.
En même temps, j’ai peur d’être vue avec elle, que ça se voie sur moi, que ça se sache, j’ai peur de ce que diraient les autres, je suis pas prête à être "différente", je suis pas assez forte, je suis pas assez grande, on est trop jeunes pour faire nos Vies sur "ça".
Ici, c’est la vraie vie réelle de France, pas un film américain, je veux faire des études, travailler, gagner de l’argent, réussir, avoir des ami(e)s, sortir, je veux être NORMALE !!! (13)
Mais j’ai aussi envie de… tu sais quoi.
J’ai pas envie de choisir et je veux pas qu’on choisisse pour moi, je veux pas qu’on me juge pour ce que j’ai ressenti, je veux pas me sentir coupable pour ce que j’ai adoré faire, pour ce que je sens, juste parce que c’est une fille et pas un garçon, je veux pas être responsable d’avoir envie d’être avec ELLE. C’est la première fois que ça me fait ça, j’ai pas envie d’y penser, j’ai pas envie que ça s’arrête…
J’arrive pas à trouver les mots, y a rien qui colle, mais tu te souviens de toutes les images, de tous les soupirs, les chuchotis (14) , les sensations, les caresses… Pas besoin de mettre de mots, Tu sais de quoi je parle. Y a que toi qui peux comprendre.
…Et y a que toi qui sais, tu as fait les choix… ou pas. (15) Tu sais, toi, si cette nuit a compté, changé quelque chose… ou pas. (16) Pour moi, il s’est passé un truc que je veux pas me laisser oublier, mais que je veux pas que quelqu’un trouve, découvre, lise…
Puisque tu lis ces lignes, c’est que tu n’as pas "perdu" ce cahier de maths de première, que tu as voulu pouvoir te souvenir, encore toute émue, de ta/ma "Première Amour"…
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Notes
1 – Le smiley donne une « couleur » au texte, et positionne l’âge de la narratrice : la rédaction est « romantique » (le « moi »), mais c’est la « culture Facebook/MSN/Internet », le monde des pas-vieux…;-)
2 – Oui, c’est vraiment « (et tout) » au carré, qui se développe en « (et tout)(et tout) » ! C’est volontairement puéril…
3 – Plus personne n’utilise les « French quotes », on utilise les ’’double-quotes’’ anglaises…
4 – Je sais, c’est carrément une répétition de deux lignes plus haut, c’est fait exprès, c’est fait pour attiser la curiosité du lecteur…
5 – Points de suspension en début de paragraphe, c’est une reprise « haute » du rythme.
6 – Souligné : pour insister en manuscrit, y a pas de gras ou d’italique, c’est soit les majuscules ou le souligné.
7 – Pour le rythme, pas de virgule entre « alors » et « au lieu ».
8 – Oh, toi, lecteur, si t’attendais une scène de porno lesbien, tu l’as dans l’os ! ;-)
9 – Normalement, « gêné » ne devrait pas s’accorder, « on » est un neutre, mais le « nous » et l’imparfait, ça craint, donc on fait un mix : on dit « on » et on accorde comme un « nous ».
10 – Majuscule, pour insister. En Netiquette, ça indique qu’on crie.
11 – C’est… le sujet !
12 – Grammaticalement douteux, mais pour le rythme, ça le fait grave ;-)
13 – Là, c’est vraiment un cri, on le repasse au crayon pour avoir du gras…
14 – Là, j’ai un doute… « Chuchotis » est le ’vrai’ mot, mais on dit plutôt « chuchotement », de nos jours, même s’il est faux.
15 – Premier nœud de la balance : le format ’éverbé’ marque un arrêt, exploité pour le rythme…
16 – …Par l’autre nœud de la balance. La signification éclate : « c’est important pour moi en ce moment, mais dans la globalité, tout le monde s’en foutra ».