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n° 14876Fiche technique12649 caractères12649
Temps de lecture estimé : 7 mn
25/03/12
corrigé 11/06/21
Résumé:  Deux contes, quasi religieux.
Critères:  fh -contes
Auteur : Pelikan      Envoi mini-message
Deux contes





1 – Le roman d’Adam et Ève



C’est à dire que le roman ne comporte que le premier chapitre, puisqu’après cela, ni eux, ni nous, n’y avons plus eu voix.


Or donc ce jour-là, Ève donna à Adam le premier aphrodisiaque de toute l’histoire.



Comme elle marchait devant lui, vous pensez bien qu’Adam, contrairement à la logique, pour y voir clair, avait les yeux au cul. Au cul d’Ève, bien entendu.

Ce qui le gênait abominablement pour marcher.

Car on manquait singulièrement de jardiniers paysagiste à cette époque. Adam ne s’occupait même pas de la pelouse d’Ève, c’est vous dire, mais ça allait changer.


Surpris par son nouvel état, il ne cessait de se prendre les jambes dans les hautes herbes ; et ce membre bizarre qui l’empêchait soudain de voir ses pieds, se prenait lui, dans les branches basses des pommiers et des buis qui, bien que pas encore bénits, piquaient déjà avec un sans-gêne de futur ecclésiastique convaincu.



Elle qui, pour nourrir toute la future famille qu’elle mourait d’impatience d’enfin créer, travaillait déjà depuis longtemps au jardin potager, à désherber des carottes violacées et des concombres turgescents, avait l’air nettement moins godiche qu’Adam, et surtout moins surprise.


Il tomba la tête en avant dans une fourmilière, ses fesses rebondies de meilleur athlète du monde tournées vers le ciel en signe de protestation.


Ève soupira.



S’apercevant de sa méprise, elle l’aida à se relever, et à le débarrasser de tous ces envahissants petits insectes, lesquels, le péché n’ayant pas encore été tout à fait inventé, ne piquaient pas pour le moment.


Ève couvrait Adam de caresses, la brosse à habits n’ayant pas été inventée non plus, faute d’habits, il faut bien le dire, pour éliminer jusqu’à la plus cachée de ces bestioles dont elle commençait à être vaguement jalouse ; et dont Adam avait plein le cul, utilisant ainsi pour la première fois cette expression qui allait faire tant d’usages par la suite, que ce soit chez les syndicalistes ou chez les virtuoses inventifs des variations amoureuses.


Lorsque la dernière fourmi eut regagné sa demeure légitime, Ève laissa échapper un petit soupir de regret.



Laissant traîner un majeur nostalgique entre les fesses de son partenaire, jusqu’à ses bourses qu’elle fit longuement rouler dans sa main, elle vérifia la netteté de son travail de femme de ménage heureusement pas encore émancipée.



Nez à nez avec ce membre dont elle ne pouvait pour l’instant que supposer l’emploi, elle le saisit brusquement à pleine main, et le porta à sa bouche pour qu’il connaisse à son tour le jardin des dents. Adam eut un petit cri.



Il réfléchit, en se grattant déjà les fesses.



Mal, bien ; mal… bien… Voilà qui rappelait quelque chose à Ève. Elle comprit soudain. Se laissant tomber à la renverse en entraînant Adam avec elle, elle s’introduisit l’arbre de la connaissance du bien et du mal dans son paradis terrestre. Lui, croyant à une nouvelle fourmilière, couvert qu’il était de picotements et de frissons, voulut se retirer, hésita, renonça, se retira, et renonça à nouveau, allant et venant ainsi dans l’incertitude et l’abricot de sa femme, le pêcher n’ayant, nous l’avons déjà dit, pas encore été inventé.


S’apercevant enfin qu’elle était nue, il mordit à pleine lèvres dans l’une de ses pommes, et faillit tomber dedans de plaisir (dans les pommes, bien sûr, nouvelle naissance d’une nouvelle expression qui allait faire son chemin avec autant d’aisance que le membre d’Adam entre les jambes d’Ève) lorsqu’un orgasme d’une intensité encore jamais vue, et pour cause, les terrassa tous deux.


Le soir tombait lui aussi. L’air était doux.



Et, se réveillant de cette espèce de demi-sommeil qui embrasse parfois ceux qui se donnent vraiment l’un à l’autre, ils s’aperçurent qu’ils s’aimaient.





2 – Est-ce que jouer de l’orgue donne de l’asthme ?




Sylvie, résignée, reprit pour la énième fois à la mesure 174. Quel était le malade qui avait écrit cette fugue ? Carrément impossible à jouer sans ralentir prodigieusement le rythme. Et son professeur, Herr Karl-Maria von Achtelpunktiert, maître de chapelle venu tout exprès du conservatoire d’Oberlichausette, ne le tolérait pas. À croire qu’il avait un métronome à la place du cœur.


Ses doigts de jeune fille couraient sur le clavier, mais l’orgue monumental qui lui faisait face semblait ricaner à chaque note aigue qu’il exhalait, ses pieds auraient presque dansé un rock’n roll sur le pédalier, mais l’orgue la huait.



Et Sylvie reprenait. Quatre claviers superposés. Un pédalier qui n’en finissait pas de s’étirer sous elle. On lui eût dit en cet instant que la collégiale où avait lieu sa leçon d’orgue était dédiée à Saint Gargantua, qu’elle n’en eût pas été plus surprise que ça.


Elle essuya rapidement la sueur qui commençait à perler à son front d’un revers de la main, cligna des yeux pour en chasser une goutte qui y avait coulé et lui brouillait la vue.


Mesure 174. Bon. La main droite sur les notes suraiguës du clavier du haut, la main gauche sur le clavier du bas, aux notes médianes. Les pieds au milieu du pédalier.

Provisoirement ! Parce que, là aussi, ça se corsait. Le pied droit suivait une gamme ascendante, le gauche une gamme descendante… Gare aux fausses notes ! Cela non plus, évidemment, von Achtelpunktiert ne le tolérait pas.


Sylvie songea qu’un périscope lui aurait été bien utile pour mieux contrôler les mouvements de ses pieds. Un petit rire jaillit involontairement de sa gorge.



Elle soupira.


La collégiale était immense, mais l’été brûlant de l’année 2011 avait eu raison de sa fraîcheur, et ce cours d’orgue qui s’éternisait ajoutait encore à la moiteur de cette fin d’après-midi. Sa robe légère collait à ses épaules, ne facilitant pas les jeux rapides que l’interprétation exigeait. Elle baissa la tête, et souffla dans son décolleté pour se rafraîchir un peu.



La voix du professeur était montée d’une tierce.


Sans doute avait-il chaud aussi, songea-t-elle.

Aussi, qui avait eu l’idée d’écrire de la musique dodécaphonique ? Et de la musique dodécaphonique pour orgue, tiens ! Ah, celui-là, si je le tenais…

Oui, bon, ça va, y a pas le feu, j’y vais…



Ses yeux brûlaient de cette transpiration qui semblait s’y complaire. Et pas le temps de s’essuyer, il fallait écarter les bras pour exécuter ces fugues qui se déroulaient en sens contraire, et toujours reprendre cette foutue mesure 174… Elle arrondit ses épaules pour tenter d’en décoller sa robe de coton, quand un léger craquement l’avertit que sa fermeture éclair devait avoir perdu quelques dents dans l’opération. Tant pis, elle en serait sans doute plus à l’aise. Elle reprit.



Salaud ! Jamais content. Attends un peu que ce soit moi la prof de musique, et tu verras.


Mais il y avait encore loin de la mesure 174 au diplôme.


Bon, les basses. Le lieu inspirait la plus grande pudeur, certes ; mais si les nécessités de la musique, hein ? En écartant un peu les genoux, peut-être ses pieds courraient-ils plus vite aux extrémités du pédalier ? Elle eut un petit mouvement sec qui retroussa sa robe de quelques centimètres. Ça allait déjà mieux.


Herr Karl-Maria von Achtelpunktiert suivait la partition, debout derrière elle. D’une voix qui semblait avoir passé du baryton au ténor, et même à la haute-contre, il cria :



Sylvie se résigna. Après tout, le prix des leçons était assez élevé pour qu’elle profite au maximum des conseils du maître.


Elle se pencha sur les claviers, desserrant le haut de ses jambes pour être plus à l’aise. Sa robe remonta encore, lui procurant une sensation de fraîcheur bienvenue.



Elle prit une grande inspiration, et tenta de se détendre. Décrispant ses muscles, elle sentit son entrejambe rencontrer le bois du banc à travers le tissu détrempé par la sueur. Mesure 174.


Ses bras s’ouvrirent, ses doigts gambadaient sur ces claviers si inhumainement éloignés l’un de l’autre, ses jambes semblaient avoir conquis leur propre indépendance, qui écartelaient son bassin à la recherche des sons les plus graves que jamais ce pédalier n’avait joué.


Et enfin, l’orgue chanta, chanta avec elle, la collégiale tremblait sur ses fondations, et les vibrations des basses montaient par le bois du banc à travers sa chair. Sylvie frissonna et s’affaissa sur les claviers, écrasant sa poitrine aux arrêtes des touches d’ivoire. Un liquide brûlant coulait sur son dos, la fermeture éclair de son vêtement probablement trop bon marché n’ayant pas résisté à sa gymnastique musicale.


Le professeur était parti.


Et, pour faire bon poids et élever un peu le débat, une partition musicale qui eût pu être de St-Saëns.



Les cinq sens :


1 – La vue

L’amour rend aveugle…

Ton soutien-gorge distendu a rendu son dernier soupir, et tes seins en feu d’artifice m’ont crevé les yeux. Hésitant, je lis ton corps du bout des doigts, balbutiant tes formes en écriture braille.

Je progresse doucement, précédé de ma canne blanche.


2 – L’odorat

Rhume

Ma barbe épouse la tienne, velcro sur ta forêt, cependant qu’englouti volontaire, je renifle voluptueusement…


3 – Le goût

Dégustation

Premier cul classé, millésimé à ta naissance, je m’enivre sans vergogne de cette liqueur stockée en une cave trop tiède pour l’y laisser vieillir.


4 – L’ouïe

Bouche à oreille

Tu recoiffes à pleines lèvres le nid tiède où mes œufs ne se brouilleront jamais avec toi ; toujours à l’écoute, ta caressante oreille se meringue d’un miel qui t’assourdit.


5 – Le toucher

<div class='tab1'>Campagne

Collines, blancs déserts, champs de blés mûrs qui se couchent sous le souffle de ma main, terres arables que j’irrigue de mes pleurs désespérés déjà de savoir qu’ils n’auront pas trop de ma vie pour vous féconder en entier.