n° 14964 | Fiche technique | 18917 caractères | 18917 3138 Temps de lecture estimé : 13 mn |
14/05/12 corrigé 11/06/21 |
Résumé: Trois histoires courtes, par trois auteurs différents, sur le thème « surprise attendue ». | ||||
Critères: #fantastique fh couple amour humilié(e) cérébral revede hmast nopéné nonéro exercice confession pastiche humour fantastiqu -humour -couple #recueil | ||||
Auteur : Collectif Antilogies Envoi mini-message Co-auteur : Mirthrandir Envoi mini-message Co-auteur : Olaf Envoi mini-message Co-auteur : Hidden Side |
Collection : Antilogies |
La collection « Antilogies » regroupe des textes courts (si possible entre 1500 et 6000 signes) mis en ligne sur le forum de Revebebe le 30 du mois qui suit une proposition de sujet « antilogique » par un des membres.
Tous les lecteurs peuvent avoir accès au forum : Concours et jeux d’écritures -> Antilogies et autres jeux (ré) créatifs -> les textes ou Antilogies et autres jeux (ré) créatifs -> les discussions.
Par Mirthrandir
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Par Hidden Side
Karim ne regrette qu’une chose, devoir s’habiller en kâfir (1) au moment de rejoindre le créateur. Se conformant aux instructions des frères, il a enfilé un jean troué à la mode des infidèles, un gros blouson bouffant, des baskets usées, complétant sa tenue par une paire de Ray-ban glissée dans les cheveux. Il aurait préféré porter un turban, une djellaba et des babouches, comme un vrai musulman. Mais vêtu ainsi, il n’aurait pu se fondre aussi facilement dans la masse. Karim est un soldat de l’islam, il a l’intention d’emporter avec lui autant de croisés que possibles. En l’occurrence, le blouson constitue un camouflage idéal pour les douze pains de plastic qui enserrent sa taille.
Un instant déséquilibré par une embardée du bus, il sourit au policier en face de lui. Il y a beaucoup d’enfants dans le véhicule, probablement une sortie avec leur maîtresse. Pas une seconde, cela n’entame la détermination du shahid (2). Bien au contraire. Son acte n’en aura qu’une portée plus vaste, un retentissement qui servira la cause du Très Haut. Sa seule inquiétude ? Qu’on l’arrête avant qu’il puisse enclencher sa bombe.
Le moment crucial approche, ils sont presque devant l’ambassade. Karim n’a pas peur de mourir. L’effroi n’a pas sa place dans sa conception du djihad. Néanmoins, pour se donner du courage, il récite la sourate qui parle des vierges dans le palais de Dieu. Ce n’est pas exprimé de façon littérale dans le Coran, mais les prédicateurs l’ont si souvent répété que c’est devenu pour lui une évidence : soixante-dix Houris aux yeux noirs l’attendent pour le récompenser de la plus douce des façons… On dit que leurs vagins sont aussi appétissants que des rayons de miel, et que chaque fois qu’un homme les touche, il les trouve vierges. Le pénis de l’élu ne faiblit jamais, l’érection est éternelle. La sensation éprouvée en faisant l’amour est si extraordinaire que quiconque la ressentant en ce bas monde s’évanouirait.
Happé par cette vision délectable, il laisse ses lèvres scander la prière, et ainsi le trahir. Le flic repère son regard halluciné, la sueur qui ruisselle sur ses tempes. Une intuition soudaine le fait se jeter sur ce jeune homme, à la veste trop chaude pour un printemps si clément. Trop tard ! Les doigts de Karim se crispent déjà sur le détonateur. Aussitôt, l’univers se meut en une gigantesque éruption de feu, soulevant le bus et transformant ses occupants en projectiles ensanglantés.
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Quand il reprend conscience, Karim est étendu sur le dos, indemne. Il se lève joyeusement, criant « Allah akbar ! » de toute la force de ses jeunes poumons, avant de tâter son entrejambe. La coquille a résisté à l’explosion, protégeant parfaitement ses organes génitaux. Dieu merci, car ils ne vont pas tarder à servir…
Un désert immense l’entoure, une succession infinie de dunes déplacées par le vent. Le voilà donc au paradis ! Dans sa foi naïve, l’islamiste aurait cru l’endroit plus accueillant. Chaussant ses Ray-ban toujours intactes, Karim se met en route, espérant trouver les vierges avant la nuit… Inch’Allah.
Au bout de quelques kilomètres, harassants dans le sol meuble de cette contrée inhospitalière, le jeune homme arrive devant un mur gigantesque. Perché au sommet de l’édifice, un corbeau l’observe, noir comme l’encre d’une pieuvre, le bec incliné dans sa direction. Le volatile semble presque se moquer de lui. Il ouvre soudain sa large gueule, pointant une petite langue sombre et racornie :
Flatté par ces paroles, Karim ne s’étonne même pas qu’un corbeau s’adresse à lui. Au royaume d’Allah, tous les miracles sont possibles.
S’assurant que l’homme ne le perd pas de vue, le corbeau volette un long moment sur la crête du mur. La taille de cette enceinte est impressionnante. Elle doit sûrement abriter un palais gigantesque, à même d’accueillir tous les martyrs de l’histoire. Ainsi que leurs sensuelles compagnes, bien entendu…
Le volatile s’arrête au-dessus d’un immense porche en bois de santal. Les vantaux rehaussés d’or et de pierreries scintillent dans la lumière déclinante.
Accolée aux chambranles majestueux qui lui font face, Karim remarque alors une poterne en fer rouillé, haute d’à peine un mètre.
Un bref instant, la colère saisit le jeune homme. Pourquoi a-t-il fallu qu’Allah lui envoie un messager si cruel ? Puis, se rappelant qu’en toute circonstance il doit soumission et fidélité au Très Haut, il se tempère quelque peu.
Pour la première fois de sa vie, le djihadiste hésite face à l’évidence. En cas d’erreur, il se retrouve déchiqueté devant l’ambassade encore fumante.
N’a-t-il pas assez fait, pour mériter les honneurs et le miel des Houris ? De quoi aurait-il l’air, en pénétrant à quatre pattes dans le sérail du Tout-Puissant ? Cette position sied tout juste aux femmes souhaitant se faire saillir…
C’en est assez ! Le fiel de cet oiseau ne déjouera pas son intelligence.
Les lourds battants s’entrouvrent. Soudain, des bras noirs comme du charbon le happent dans ce qui s’avère être une geôle infernale. Au lieu des vierges tant espérées, ce sont des hordes de goules qui se précipitent sur lui, les yeux flamboyant de désir.
Et le corbeau, de coasser en s’envolant :
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(1) kâfir : mécréant, infidèle (retour)
(2) shahid : martyr qui meurt pour Allah (retour)
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Par Olaf
Je ne pense pas pouvoir écrire d‘antilogie ce mois. Je suis à la limite de ma capacité de travail. À cela s’ajoute que, même si j’avais des disponibilités, l’envie de parler de sexe n’est pas trop présente. Aucune pensée érotique inattendue ne traverse mon esprit, rien qui puisse stimuler mon imagination.
Ça tombe bien, c’est la semaine d’initiative de ma femme. En couple depuis bientôt dix ans, nous avons instauré cette alternance pour améliorer nos relations intimes. Elle donne le rythme la première et la troisième semaine du mois. Mon tour vient les deux autres semaines. Cela peut sembler formaliste. Pourtant, tout bien pesé, cela permet d’ajuster nos envies, de mieux répondre aux attentes de l’autre, et, en vérité, de laisser se développer un espace de liberté entre nous. Or qui dit liberté, dit surprise. Même attendue, la surprise n’en reste pas moins le piment de la vie d’un couple.
Ma femme est endormie à l’heure où je me couche. Elle a laissé sa nuisette accrochée à la porte de la salle de bain. Sa nudité n’est toutefois pas une raison suffisante pour que je transgresse notre répartition hebdomadaire des rôles. Elle a d’autres codes pour ces désirs-ci. La fatigue aidant, il m’en faudrait plus pour que je tente de l’inciter à prendre l’initiative.
J’ai un geste malheureux en m’enroulant dans mon duvet et je la bouscule du coude. Elle marmonne quelque chose d’incompréhensible. Quelques instants plus tard, d’imperceptibles mouvements de reptation rapprochent son corps du mien. Sa peau est chaude. Une discrète odeur monte de dessous son duvet, faite d’un mélange de transpiration et de parfums intimes. Je connais bien ce cocktail de senteurs. Il fait immédiatement surgir d’intenses émotions en moi.
Malgré mon biorythme défavorable, je réagis instinctivement à cet appel sensuel. J’ai renoncé depuis longtemps à lui demander de m’avouer ce qui, dans ses rêves, provoque ces effluves et cette irradiation de chaleur. Elle refuse avec obstination de me donner l’origine de cette soudaine montée de désir. C’est son jardin secret, dit-elle. Je me contente d’en faire le tour et d’en contempler les trésors par-dessus la barrière qu’elle dresse ainsi entre elle et moi.
Flottant entre deux états de conscience, je me laisse envoûter par les fragrances de son excitation onirique. Même si c’était ma semaine d’initiative, je n’en abuserais pas. Comment entrer dans sa bulle sans la réveiller ? Comment l’amadouer après l’avoir réveillée ? Je ne voudrais pas prendre le risque d’un refus, d’un rejet, ou même d’une remise en place, si méritée soit-elle.
Son rêve doit être particulièrement intense. D’ondulation en ondulation, elle est maintenant arrivée tout contre moi. Sa bouche effleure le creux de mon cou, je sens son ventre et ses seins contre mon flanc. Le murmure indistinct de tout à l’heure se transforme en bribes de phrases plus cohérentes. J’arrive presque à comprendre quelques mots, entre deux onomatopées.
C’est étrange, car, allongé comme je le suis, mes mains sont à bonne distance de sa poitrine. Ma femme n’apprécierait d’ailleurs pas que je me jette sur elle sans préliminaires. Je m’y suis essayé au début de notre histoire. Ai-je été trop impatient, ou était-ce à un moment inadéquat ? Ses réactions peu enthousiastes m’en ont fait perdre l’habitude. Sauf au lit, les bons jours des bonnes semaines. Mais pour cela, il faudrait que je me tourne ou qu’elle prenne une position mieux adaptée. C’est un de ses codes, lorsqu’elle en éprouve l’envie. Pour l’instant, elle est endormie et ses mouvements involontaires ne correspondent à rien que je puisse interpréter.
Tiens, d’où peut bien lui venir cette sensation, je n’ai rien glissé nulle part ? Ce n’est pourtant pas l’envie qui manque. Semaine d’initiative ou pas, elle commence à m’échauffer les sens avec ses soupirs et ses gémissements. Si seulement elle pouvait enfin se réveiller, et me déclarer plus concrètement ce qu’elle désire.
Voilà la preuve qu’elle dort encore. Jamais elle n’utilise une telle expression. Jamais elle n’initie nos ébats en m’offrant cette partie de son anatomie. Elle devrait, pourtant… Vu l’effet que cela me fait à l’instant, elle comprendrait. D’autant qu’elle est en train de tourner sa langue autour de mon oreille. Un délice. Comment le lui dire lorsqu’elle se réveillera ?
Suis-je toutefois bien celui qui habite son sommeil ? Je veux le croire. Il me déplairait qu’elle ait envie de descendre sa main le long du ventre d’un autre, comme elle vient de le faire, jusqu’à mon sexe qu’elle empaume sans hésiter. L’étrange grognement qui sort de sa gorge à ce moment me met dans le doute. Serait-elle déçue de ne pas ressentir entre ses doigts les imposantes proportions qui enflamment ses sens.
Voilà encore des propositions bien inhabituelles. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir rêvé pouvoir faire preuve d’une telle fougue avec elle. Il faudrait pour cela faire abstraction de ce qui m’inhibe dans son attitude. Trop de retenue ne nous profite pas. Mais la frontière est si étroite entre la plaisante impétuosité et la force brute. Comment lui faire subir ce que, dans mes pires cauchemars, j’imagine d’autres hommes en train de lui offrir, sans perdre toute maîtrise pour autant ? Impensable ! Aucune de ces pulsions animales ne lui correspond. Elle me l’aurait dit. Elle me l’aurait fait comprendre, fut-ce par des moyens détournés.
Je ne me souviens pas avoir jamais entendu pareilles exigences de sa part. Non qu’elle ne soit pas démonstrative. En d’autres temps, cela me rassure même qu’elle m’indique ce qu’elle attend de moi. Mais là, je ne la reconnais plus. D’autant que sa main s’agite fermement sur ma tige. Une caresse dont elle me gratifie rarement. Ses feulements ne laissent en outre aucun doute sur le plaisir qu’elle est en train d’éprouver, dans son subconscient. Un bref instant, j’hésite même à retourner ma femme sur le ventre et à me glisser entre ses cuisses. Qu’importe si je la réveille, elle doit être trempée, prête à n’importe quelle chevauchée !
L’idée de m’emparer d’elle de cette manière fait monter en moi une irrésistible envie. Toutefois, avant que j’aie le temps de poser mes mains sur ses hanches, elle glisse une cuisse entre les miennes et masse involontairement mes boules, trop impatientes de répondre à ses avances. Un premier spasme me traverse alors, puis un autre et un autre encore. Enfin, la première giclée de sperme s’échappe, transformant la douloureuse tension en une apothéose éjaculatoire. Je me répands longuement, savourant chaque contraction, chaque secousse, chaque pulsation.
Dès que j’arrive à reprendre conscience, je réalise que, depuis l’instant où je me suis abandonné, un gémissement continu n’a cessé de s’échapper des lèvres de ma femme. De la main qui m’a si bien masturbé, elle étale le sperme répandu sur mon ventre, alors que de l’autre, glissée entre ses jambes, elle se caresse voluptueusement.
Au moment de jouir, contrairement à ce que je la sens faire d’habitude entre mes bras, elle ne se crispe pas, mais elle s’ouvre comme une fleur au soleil. Elle s’offre, elle se laisse submerger, envahir, pénétrer. Par le plaisir ? Par un membre conquérant ? Par le désir de l’homme à qui elle vient de se donner ?
Profondément troublé par ce que je viens de découvrir, je l’entoure de mes bras. Toujours entre les bras de Morphée, elle ne répond pas aux mots d’amour que je glisse dans le creux de son oreille. Elle se love juste contre moi, avant de poursuivre sa nuit de son côté.
Le lendemain matin, son incompréhension face à mes questions, pourtant évasives, me confirme qu’elle n’a aucun souvenir de cet épisode érotique. Sur ce plan aussi, la porte de son jardin reste close. Mais ma décision est prise. La semaine prochaine, je laisse parler mes envies. Qu’elle le veuille ou non, je prendrai enfin la liberté de malaxer ses seins tout mon saoul, de plonger entre ses fesses à ma guise, et de lui faire subir ces choses invraisemblables qu’elle a murmurées la nuit passée.