Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 15001Fiche technique33818 caractères33818
Temps de lecture estimé : 19 mn
29/05/12
Résumé:  Quand les chats ne sont pas là, les souris dansent. Mais pas seulement...
Critères:  f fff fplusag jeunes cadeau vacances fdomine voir exhib nudisme fmast init
Auteur : Anophèle      Envoi mini-message
La robe chamarrée

Allez savoir pourquoi aux Ressources Humaines ils m’avaient rangée dans « mères de famille nombreuse » et avaient décidé que je prendrais mes vacances en août.


La liste, exhaustive, datait du début du semestre. Surtout ne pas venir perturber l’Administration administrative d’un grand hosto quand on n’est qu’une vague interne de 6e année.


Au fond, je m’en foutais.


°°°


Un soir à l’été 1111, juste avant l’invasion des Huns vers le sud.

J’avais bouclé mes bagages. Une auberge du bas des Champs pratiquée occasionnellement par des copains de fac au pater fortuné. Un texto d’AF disant que le vol d’Hyères du lendemain était annulé, grève oblige. Parmi les m’as-tu-vu de la soirée, un prétendant, baiseur de grands chemins qui propose de m’y emmener dans sa p’tite auto toute neuve. Une vieille Porsche à suspension béton. C’était ça ou le train bondé.


Destination Port-Cros où j’avais réservé. Pour moi toute seule et pour éviter la foule. Pas d’autres chambres libres à l’hôtel. Pas de miracles non plus. Je lui ai payé mon trip. Sans quittance et sans conviction. Simon, qu’il s’appelait. C’est vrai que s’il avait habité l’Eure on lui aurait trouvé un nom de famille… ! Collant, le mec. Et super chiant. Au point que je décidai le lendemain de reprendre le bateau. Pour n’importe où.


Escale au Levant. Je ne connaissais pas Héliopolis. Moins nature que Port-Cros et plus naturiste évidemment. Je n’ai rien contre, quand c’est bien porté. Je décide de rester.


Une chambre chez l’habitant : la gérante d’un des restos sur la place du village. Ouvertement lesbienne. Pas la place, la gérante. Quelques heures de vol et belle comme peut l’être une pendule arrêtée. Mais accueillante et sympa.


L’après-midi, mini parcours Vita jusqu’au bout de l’île ou presque, et le soir dîner aux chandelles dans le jardin du resto. À la table à côté, papa, maman et mademoiselle, naïade au regard gris bleu. Il y a des regards insignifiants. Celui-là ne l’était pas du tout. Ressenti jusque dans l’échancrure de la saharienne pourtant sage que j’avais mise ce soir-là. Et débordant sur mes jambes chaque fois que l’occasion se présentait. Je faisais celle qui n’avait rien remarqué, mais je laissais regarder.

On échange des sourires. On parle de cuisine provençale et du temps qu’il allait sûrement faire. La conversation s’installe, en même temps que l’effet du petit rosé de Bandol. Soirée pirouettes. On convient d’aller le lendemain se balader dans les ruelles à l’ombre. Faire le tour des échoppes qui sentent bon la lavande. J’étais presque devenue l’amie de la famille.



Le lendemain, toute impatiente devant un étalage de poteries :



Ravissante, la petite robe. Couleurs chatoyantes. La griffe aussi !



Elle faisait peine à voir, la moue de Stéphanie. Que pouvais-je faire, sinon proposer un pot sur la terrasse d’en face. Presque frustrée moi aussi. Et une idée derrière la tête. Oui, derrière la tête… m’enfin !


Suis retournée à la boutique avant le dîner. Chercher la robe.


°°°


Quelques heures plus tard. L’heure d’aller se faire dormir les yeux. À table, on avait tchatché jusque bien après le dessert, parlé de danse contemporaine et de la magie des ballets de Béjart. Je passe devant la cuisine en rejoignant ma chambre. La serveuse était partie, Madame Margrit rangeait ses casseroles. Margrit… ça fait désuet. Pourquoi pas Primevère ou Renoncule ? Un prénom qui devait remonter à ses origines néerlandaises d’Indonésie. Elle me regarde du haut de son mètre quatre-vingt.



Je souris aussi, un peu abasourdie. Que peut-on cacher à une lesbienne aguerrie ? C’est elle qui prit les devants :



Elle le lui avait encore dit un peu avant. De là à suggérer qu’elle reste pour lui faire découvrir sa collection de papillons z’à vapeur, il n’y avait qu’un pas. Elle n’en avait pas, bien sûr… Ou alors si peu.


Les partitions en si mineur sont injouables, c’est bien connu. Sauf à quatre mains peut-être. Et avec un doigté hyper léger, ce qui ne devait pas être dans le registre de dame Margrit. Quoique…


J’avais choisi de passer la journée seule. Besoin de recentrage, disons. Et déjà presque midi. Tout ce soleil perdu. La honte. Je n’aurais jamais dû me recoucher après le p’tit déj’. Un paréo noué à la va-vite et des sandales ajourées pour ce bout de chemin sur la Corniche, direction les Pierres-Plates. Mais là, trop de monde. Vu du haut en tout cas. Allez, je continue… toute nue à présent, le paréo dans le fourre-tout et les anses du fourre-tout sur l’épaule. Quelques quidams sur un sentier de garrigue, nus aussi comme il se doit. Un jeune un peu plus loin, immobile, les yeux baladeurs. Bandé, mais résigné. Il devait probablement s’enflammer sur tout ce qui bouge ! Je le croise, stoïque et impassible. Au loin, la navette pour Aix via Toulon, probablement. Je me prends à me demander qui pouvait être à bord. Nostalgie, un peu.


Oh et puis zut ! Il y a des jours comme ça où les idées s’égarent…


Tiens… une mini calanque étonnamment déserte en contrebas. Pour le moins physique, la descente entre les arbousiers et les buissons de romarin ! Un coin de sable adossé à un gros caillou tout près de l’eau. Juste assez grand pour y étaler ma serviette. Une barre de céréales et le dernier « Elle », achetés au tabac du port en passant. Que désirer de plus ?


En diagonale, la lecture. L’esprit ailleurs. Les doigts qui jouent avec les poils de mon pubis avant de tourner une page. Une autre encore. Et une autre. Presque machinalement. Et puis… Bon, on peut écrire les pires insanités en y mettant la forme, c’est vrai. Mais il y a aussi des détails qu’on aime garder pour soi. Arriva ce qui devait arriver. Un orgasme. Rapide. Aussi puissant qu’impromptu. À peine improvisé. Mais si !


°°°


19 heures à peu près. Maquillage léger après la douche, un short blanc, un coup de peigne et le chemisier que mon père m’avait offert pour mes vingt-huit ans. Je m’apprêtai à rejoindre le jardin quand je fus arrêtée par dame Margrit au bas de l’escalier.



Je m’exécute sans trop comprendre. Ou plutôt en comprenant trop bien.

Sous la pergola, Stéphanie parcourait une revue de mode avec le même d’enthousiasme que celui qui m’avait subjuguée quelques heures plus tôt au bord de l’eau.



La question n’a pas eu l’heur de plaire. J’essayais de recentrer sur ce qu’elle aimait bien. La danse contemporaine en l’occurrence, tout en avouant ne pas en connaître le b. A. -ba. Mais là non plus, elle n’accrochait pas. Mademoiselle avait pourtant semblé passionnée l’autre soir en évoquant son cours.


L’heure du dîner. En bonne maîtresse de maison, Margrit passe parmi les tables, demande si tout va bien et reçoit les sempiternelles louanges sur sa cuisine. Arrivée à la nôtre, les remarques prennent un tour un peu moins conventionnel.



En attendant les bulles, j’essayais de brancher Stéphanie pour animer le tête-à-tête.



Aïe, à voir la réaction, je m’étais encore plantée.



Bon. Ne pas chercher la petite bête. Je dévie sur la morphologie des filles en général.



Étais-je ignorante ! J’enchaîne sur le haut.



Évidemment ! Où avais-je la tête ? Elle affiche une hésitation. Un regard qui traîne et qui évite de se poser. Je me risque à la question bête pour faire le pont. Un pont pour aller où, m’étais-je quand même demandée. Mais bon…



Remarque… la mienne aussi est plutôt petite. Je préfère.


Une seconde d’hésitation encore, et pas mal de malice dans l’air. Elle se déhanche, sort le magazine qu’elle feuilletait un peu avant… de sous ses fesses et me lance :



Plus écarlate que moi tu meurs. Rien à ajouter. Qu’un sourire qui se mord la lèvre. Madame Margrit nous avait rejointes, laissant à l’intendance le soin de ranger la vaisselle.



Le caraco rouge, la jupe courte et les ballerines de toile de la m’oiselle avaient dû s’éclipser dans le feu du service et dans la lueur des photophores. Idem, ma réaction au coup du rocher.


°°°


Elle avait les cheveux en bataille. Une bestiole volante qui avait dû s’égarer et qu’elle avait chassée, probablement. Longs, lisses et noirs comme le jais, les cheveux. Margrit les avait arrangés un peu, d’abord sur le front puis sur les côtés.



Elle se tortille sur sa chaise, étend un peu les jambes, s’évente les cuisses avec le bas de la jupe et regarde les miennes comme si elle les voyait pour la première fois.


Jouer les innocentes aux mains pleines. Le must. Surtout ne pas laisser apparaître un quelconque embarras. D’autant que je n’étais pas « absolument » certaine de ce qu’elle avait vu. Et quand bien même… Apparemment, ça ne lui avait pas piqué les yeux.


Margrit occupait le terrain. Elle avait basculé les dernières gouttes de la bouteille dans les flûtes et attendait un moment favorable.



L’escalier, puis le living. À l’image de l’hôtesse. Grand. Confortable. Un coin fauteuils et canapé entourant une petite table au ras du sol. Aux murs, quelques aquarelles de nymphes peu vêtues. Une en particulier, plus cachée et jouxtant la commode, illustrant une fille en fleur aux cuisses disons… largement entr’ouvertes. Bien plus sage au-dessus du canapé, une eau-forte de Dali avec la dédicace « Jeune garçon assis soulevant un pan de la mer ».



C’est parti pour la Chartreuse. Margrit sentait sa cote monter en flèche, mais elle faisait traîner. Nous échangeons un clin d’œil que je me garde encore d’appeler complice.



Elle se lève, se dirige vers la commode, retire le grand carton plat caché dessous, entre les pieds, et revient s’accroupir à côté de m’oiselle. Le carton posé sur ses genoux, elle laisse la curieuse défaire le ruban.



On se lève, on s’acharne à placer la robe tant bien que mal contre soi, on se tourne dans tous les sens et on attend les commentaires. Aux « super » et aux « qu’est-ce qu’elle te va bien » succèdent les gestes et les exercices de style.



Et puis, intransigeante :



L’idée juste se posait immanquablement là où la perception d’une vieille gouine essaie de transmettre son fluide. La robe enfilée, on fait se tourner un peu, on soulève et on dit qu’elle va comme un gant parce que le moment n’est pas venu de dire autre chose, sauf…



Là, ses jambes me frôlent à chaque fois qu’elle les croise et les décroise. C’est vrai qu’elle est mince. Margrit s’était gardée d’un « cuisses de mouche » maladroit, loin d’être réel d’ailleurs, et riait de ses bras qu’elle tenait plaqués sur « l’embryon de poitrine ».



Je me renvoyais l’image de ses petits seins pointus qu’on devinait déjà sous le caraco, avant qu’elle ne le quitte pour passer la robe. Maintenant j’avais presque ses cuisses contre les miennes. Sensation exquise que l’on ressent jusque dans les fibres. Devais-je me trouver blâmable alors que c’était une autre madame qui convenait de tout ou presque ?


Ce sentiment de planer me rassurait.


De son fauteuil juste en face, la madame cherchait l’ouverture. Celle qui se devait d’être la plus cohérente, la plus naturelle. Les attitudes davantage que les gestes, le dialogue autant que l’action directe. Ah, le poids des mots, lorsqu’ils s’ingénient à créer l’entourloupe !



Grand silence. La Margrit semblait chercher un pont. Que dis-je… un aqueduc !



Découvrir… Ça a dû faire tilt. Elle m’a regardée, la naïade. Le plus drôle était que c’est elle maintenant qui paraissait à l’étroit dans ses ballerines ! Margrit, elle, se mordillait le bout du doigt en quête d’arguments ou d’évocations plus ou moins en relief. Elle ignorait tout de la séquence du bord de l’eau, bien sûr. Elle enchaîna.



Elle me dévisage. Gênée. Mais elle me laisse m’avancer. Un baiser tout chaste du bout des lèvres. Je lui tiens le bras, regarde ses yeux. On éclate de rire juste après.



On remet ça. Je m’applique cette fois. Sa langue répond. Un peu. Malhabile. Mais pas que… J’avais effleuré le sein en m’avançant. Elle, elle avait fermé les yeux et s’étirait les doigts. Le frisson qu’on esquive et la cambrure du dos n’avaient pas échappé à Margrit. On échange un clin d’œil. Je m’applique sur la « piqure de guêpe » et serre doucement. Une mise en valeur, quoi ! C’est toujours expressif, le bout d’un sein. La Madame s’était penchée au-dessus de la petite table pour suivre l’épisode. Mine de rien, on m’avait fait signe de bouger mon doigt sur « l’érection »… Juste le bout de l’index. Et du coup on était venue s’asseoir en équilibre instable sur l’accoudoir du canapé.



Elle rouvre les yeux, la guêpe. Elle sourit et déplie un peu les jambes. La « guêpe » oui… juste pour reprendre la bourde de pendant l’essayage. À propos du petit slip noir à bordure jaune de Stéphanie. Bon, c’était passé.


Mais le « Tu aimes te caresser ? »… La question qu’il faut ne pas poser. Parce qu’on l’élude même dans l’intimité. Au mieux et avant usage, le verbe ne se conjugue qu’avec un oui de complaisance, c’est bien connu. Pourtant elle insiste, Madame Margrit.



Téléguidé, l’appel du doigt. Amené comme ça, elle le savait à usage expansif.


Un courant d’air chaud traverse la pièce. Je me transporte à Aix le temps d’un instant et j’écoute Verdi… Non ils ne vont pas rentrer ce soir. Il n’y a plus de navettes à cette heure-ci.


À côté, on s’étire doucement le bout d’un sein comme pour toucher sans vouloir. Comme on l’aurait toutes plus ou moins fait dans ces circonstances. Distraite. Un peu tendue. Le regard de Margrit dévie sur les cuisses, y revient après des détours et sûrement pas mal de pensées sous-jacentes. Quelque part le raccourci qu’elle subodorait vers ce qu’elle appelait… l’issue fatale.



Câline-« MOI »… ? Non mais ! Et puis « MA » grande comme si j’étais à elle. Bon. J’ai retenu mon venin. C’était dit dans le feu de l’action, avec son phrasé à elle. Mais là, il y avait panne de sensibilité. Et envers une cadette, c’était nul en psychologie appliquée. Oui, je sais, suis susceptible comme une fourmi rouge. Trop idiot de gâcher la soirée pour une saute d’humeur à contresens. L’idée me traverse l’esprit… Serais-je jalouse ? On se calme !


Je reprends le petit jeu. Un peu gourde. Plus détendue mais pas vraiment décidée. Le bout des doigts sur le dessus de la cuisse, un peu comme la bébête qui monte et qui descend. En souriant. Je frôle seulement. Elle a un soubresaut mais elle laisse faire. Margrit roucoule.



Sérénissime, Son Altesse ! Elle nous observe, d’abord du haut de sa grandeur, le genou sur le bord du canapé. Et elle se met à défaire les boutons de mon chemisier, s’amuse à le tenir entr’ouvert, guette chez Stéphanie une réaction qui ne s’exprime qu’en pointillé.



J’aurais voulu qu’on regarde les étoiles. S’est-elle retenue, mademoiselle ? N’a-t-elle juste pas osé ? Les coups d’œil de Margrit m’incitent à la « démagogie active ». Ceux d’une petite oie moins blanche qu’il n’y paraissait m’interpellent plus encore. Je me repasse l’instant où elle me tend le « Elle » et le pose sur la table du dîner. Je revois son sourire fraise-rhubarbe…


Alors des questions, oui. Parce qu’il y a des signes qui ne sont pas dus qu’à la seule intuition. Sa dégaine, les sourires entre parenthèses, et puis cette façon d’embrasser. Pas vraiment néophyte ! Jouer les ingénues parce qu’on est le centre de l’attraction, ça n’engage pas trop et ça force l’autre à se découvrir. Toutes les filles aiment ça. Margrit allait-elle encore longtemps se laisser mener en bateau ?


Trouver la manière ! J’aurais pu ne rien dire. Penser à haute voix n’était pas plus nul, en l’état. Je me risque.



L’image me plaisait pour tout ce qu’elle englobe. Margrit acquiesce, ravie que je me décoince. Je prends la main de Stéphanie, la guide vers l’échancrure. Le « toucher »… c’est dans les gènes.



Je passe sous les cheveux, saisis la nuque. Un long baiser tout mouillé et les yeux qu’on ouvre tout grand parce qu’on se veut surprise. Margrit est aux anges. C’est prodigieux le baiser d’une aînée… Un prodige qui ne tient qu’à un fil. Infiniment conducteur le fil, lorsque le bout d’un sein se fait magnétique et que le visage s’irradie. Gentiment contagieuse aussi, l’interaction de « vos mains sur vos petites doudounes », dixit en riant madame notre hôtesse. Il y avait dans l’air cette légèreté de l’être et l’insouciance que crée le champagne mêlé à un zeste de chartreuse.



Elle se concentre sur la petite culotte noire à la bordure jaune, soulève l’élastique à la taille, tend un peu et, soudain… le petit clac sec du relâchement intempestif, avant de venir écarter la lisière du bas, tout contre l’intérieur de la cuisse. « Plus commode et aussi efficace qu’une ingérence verticale, non ? » Ouais. Monsieur de la Palisse n’aurait pas mieux dit.




Ben voyons ! Mes ovaires en gage… si elle ne la voyait pas déjà prise en sandwich.


Elle me regarde en même temps. La paupière en circonflexe. S’attendait-elle à des louanges, cette vieille sorcière ? Sûrement pas, à supposer qu’elle ait lu le fond de ma pensée. Mais bof, j’ai appris depuis belle lurette à traiter l’urticaire des méninges avec une décoction au baume de Mépris.


C’est « autosuggestion consciente », avec elle. Pas de recherche, mais une sacrée dose de méthode Coué. Les doigts continuent de s’activer entre les lymphes et le fond du slip. Elle se mord les lèvres, Miss Tanguette, se soulève et tend le ventre. Le souffle retenu, le regard qui chavire. C’est à ce genre de mouvements qu’on évalue la progression transcendantale.




Pas évident de dire quelque chose quand on a la gorge nouée. On hoche la tête mais on se garde de resserrer les cuisses. On aurait même tendance à les ouvrir un peu plus. Moi aussi j’étais trempée. Tiédeurs moites… Dans le micocoulier en face de la fenêtre, une cigale se remet à faire crisser ses ailes.


Le temps de faire glisser le chemisier sur les épaules. De l’envoyer contre le dossier du canapé. Et la voix de Margrit qui appuie…



Un ordre, plus qu’une invite. Presqu’envie de demander si le rose de mon slip conviendrait aux aspirations de Madame. Je me lève, bien sûr. Bête et disciplinée. Me concentre un moment sur le fermoir. Puis sur le zip, lentement. Je laisse glisser le short et l’enjambe. Madame sourit. Madame est trop bonne. Elle inspecte. Vers le renflement pubien. Je n’en demandais pas tant…



Des secondes à la puissance dix. Je repense au premier soir, lorsqu’on m’invita à leur table. Que de chemin parcouru. En zigzag. Le hasard seul ? Oui, peut-être. Pour m’absoudre, je me dis que vivre l’instant, même de cette façon, ne tient pas forcément de la manigance.


Margrit aussi s’était rapprochée. Côté pile avec vue sur la face encore cachée de la lune. Ses mains courent le long du dos. Moi j’essaie de lire dans les yeux. Sans poser de questions. À qui d’ailleurs ? Je baisse son slip d’abord jusqu’à mi-cuisses. Le mien était déjà autour des chevilles. Rapide la guêpe ! Petite toison diaphane coupée très court. Aguicheuse, les mains sur les hanches. Elle attend un commentaire. C’est Margrit qui intervient.



Je prends la main de Steph, m’efface en passant devant la salle de bains parce que deux précautions valent mieux qu’une. Je suis… disons « régulière », mais c’était préférable de vérifier. Non… ça ne viendrait pas avant demain.


La chambre ? Des murs bruts avec un crépi à la chaux. Le couvre-lit en patchwork, une poupée probablement ancienne sur une petite chaise et des branches de bougainvillier fraîchement coupées sur le chevet. Il flottait une odeur rare, mélange d’antimites et de papier d’Arménie. Nous étions assises sur le bord du lit, je reprends sa main. Elle dessine des ronds sur ma cuisse. Margrit nous regarde, un peu crispée. Impatiente aussi. Nous fait signe de nous rapprocher et lui suggère de poser le pied sur le rebord en bois des îles.



On marque un « ben-non » qui agite les paupières. Un non resté coincé entre les dents, parce qu’on voulait se la jouer Sainte-Nitouche. En face, Margrit reprend



Chez moi, c’était fou rire étouffé. J’en étais presque à savourer ma petite revanche. Oh, sans prétention. Je la voyais venir, la Margrit, avec ses grands pieds. Je sentais les fourmis monter. De la pointe des pieds jusqu’à la racine des cheveux, en passant par quelques détours. Des images s’incrustent… C’est plus tordu qu’on croit, la transmission de pensées.


Langage des signes et clin d’œil dans ma direction :



Nouvelle intervention de Margrit. Tranchante et sans compromis.



Ça fait tout drôle, quand ce genre d’invite vient de quelqu’un d’autre. Je m’étais mise à genoux sur le lit, juste derrière elle. À palper un sein. À en étirer le bout même… lorsque je l’ai vue glisser sa main entre les jambes et la presser contre son sexe. Du coup, les miennes se damasquinent sur les mamelons… Non, pas vraiment figées, c’est vrai.


Elle lève la tête et me regarde. À la recherche d’un consensus ? C’est ce que j’en déduis. C’est vrai qu’on se laisse vite emporter par les mimiques dans ces moments. Comme dans un film muet, le côté superficiel en moins. On en sort avec le sourire vertical encore plus imbibé !


Margrit laisse traîner un « I love to treat women » façon cougar. Apparemment elle la tenait, son issue fatale. Un regard vers moi, aller-retour. Elle s’approche de Stéphanie, la bouche en cul de poule.



Elle se penche, tend le bras, lui lisse les cheveux et reprend, toute pateline :



Je ne les répèterai pas. Pour Margrit, c’était enfoncer des portes ouvertes. Elle vient s’asseoir à côté de Stéphanie et affiche un « non, surtout pas » dans ma direction, certaine qu’à partir de dorénavant inclus, c’était moi qui mourais de l’envie de m’entremettre.



Chez moi, le feu était passé de l’orange sanguine au vert pomme sans transition, c’est vrai. Inutile de le cacher. Je m’allonge, un peu comme l’après-midi sur la plagette, sauf que là j’avais les pieds posés sur la descente de lit. Le corps en demi-cercle, façon pont romain. Pour l’exemple et la beauté du geste, pensai-je. Margrit toise la môme et renchérit :



Mademoiselle jongle avec son clito comme une débutante qui mange des sushis avec des baguettes. Le genre de frétillement qui n’a rien d’innocent. Et puis elle me regarde fixement, de ce regard qui coupe court à toute discussion.



On dit que le ridicule ne tue pas. J’ai quand même eu l’impression que les anges de l’Apocalypse allaient sonner la fin des temps.



°°°


Madame mère et papa sont arrivés au bateau de midi. À l’apéro sous la pergola, Stéphanie retire la robe du carton.



Sur le carton, le dessin au fusain d’un chat qui se marre aux éclats.


Nous nous sommes revues à Paris, deux ou trois fois autour d’un café. Nous habitons à deux cent mètres l’une de l’autre. Elle a trouvé un super fiancé, c’est bien. Je l’aime bien, Stéphanie.



°°°