Résumé :
Carole et François sont partis en vacances pour se retrouver. François comprend que Carole n’a pas oublié ses pulsions d’il y a sept ans. Il essaie de se montrer plus libéral et d’être désormais acteur pour rester proche de sa compagne car il croit à sa sincérité. C’est ainsi qu’il accepte de tomber dans le jeu de Bob. Il risque de déchanter…
Je me ressaisis. Je me dis qu’après tout, elle pourrait très bien le faire en dehors de ma présence mais que là au moins, même si ce fut peu, j’ai participé. Après tout, on est en vacances et ce Bob m’intrigue, tant par sa personnalité que par ses performances. J’ai envie de découvrir ce personnage et où il veut nous mener, quitte à entrer dans son jeu. Tiens, d’ailleurs il me sollicite.
- — Je vais venir François. Je peux décharger en elle ?
- — Mais oui mon vieux Bob, elle prend la pilule.
Je conclus par un rire sadique. Je vois que ma réponse et mon rire ont brisé le charme chez Carole. Elle subit les derniers va-et-vient de Bob, mais son plaisir est passé. Pendant que les deux amants en terminent, je sers deux coupes de champagne que je leur porte sur le canapé.
- — Eh bien, quelle séance photo ! Je crois que vous n’êtes pas près de l’oublier, ni l’un ni l’autre.
- — Et toi non plus François, non ?
- — Ah oui, d’autant plus que c’est la première fois que ça nous arrive. Mais je regrette pas. Je suis content que Carole ait pris tant de plaisir, et toi aussi bien sûr, Bob.
- — Bravo François, c’est rare de voir un mari avoir autant d’ouverture d’esprit.
- — J’avais fait une promesse à Carole. Je tiens parole.
Je jette un coup d’œil à ma chérie. Pendant tout notre échange elle est restée silencieuse, surprise, étonnée, estomaquée par mon attitude. Je choisis de pousser le bouchon un peu plus loin.
- — Bon, on va rentrer car je pense que Carole a besoin de récupérer un peu après un si bel assaut. N’est-ce pas, ma chérie ?
- — Oui, euh, François mais je…
- — Dis-moi Bob, si tu es libre demain, tu nous montreras ton petit coin naturiste ? Comme ça on n’aura plus besoin de ton produit miracle pour les nouvelles photos.
- — Avec plaisir. Je passe vous chercher avec mon 4x4 vers 14 h.
- — Ok, va pour 14 h.
Cette fois, c’est moi qui ai devancé ma belle. Manifestement, elle est surprise par mon attitude. Agréablement ? Je n’en sais rien. On va voir ça quand nous serons seuls. Elle se rhabille. Échange un dernier baiser, sur la bouche, avec Bob. On sort dans la nuit fraîche. Il est 3 heures du matin. On marche en silence dans les ruelles endormies de Collioure. Un petit kilomètre nous sépare de la villa. Elle se serre contre moi.
- — Tu vois qu’on a bien fait de prendre les lainages, ma chérie. On les supporte.
- — Oui. Il ne fait pas chaud.
Je me contente de banalités. J’attends. Je sais qu’elle va parler de la soirée. On commence à apercevoir la maison quand elle rompt le silence.
- — François, tu n’es pas fâché ?
- — Fâché, mais de quoi ?
- — Allez, ne fais pas l’idiot. De ce que j’ai fait avec Bob.
- — Écoute, si on en est arrivés là c’est qu’on en avait envie, sans doute inconsciemment, non ? Si l’un ou l’autre n’était pas d’accord, on ne l’aurait pas fait. Non ?
- — Oui, bien sûr, mais tu n’es pas fâché que… que j’aie eu beaucoup de plaisir avec lui. Je m’en veux de t’avoir un peu oublié dans la soirée.
- — Eh bien, même si effectivement je me suis senti un peu mis à l’écart, je crois t’avoir démontré que j’avais compris ce qui était important pour toi.
- — Important ?
- — Oui. Tu m’as bien dit que l’important c’était que je ne sois pas jaloux. Alors j’espère que tu l’as constaté.
- — Merci mon amour. Je suis très heureuse. Tu ne m’en veux pas alors ?
- — Non, mais à une condition.
- — Laquelle ?
- — Tu m’expliqueras comment il a fait pour te faire jouir aussi souvent. Que je puisse te faire pareil quand on sera rentrés chez nous.
- — Ah, il a un rythme et un frottement très particulier. On essaiera… En attendant, j’ai sommeil. On fait quoi aujourd’hui ?
- — Tu sais bien qu’il vient nous chercher.
- — François, je n’ai pas trop envie d’y aller.
- — Mais pourquoi ?
- — Tu te doutes qu’il va vouloir recommencer. Tu n’as pas peur ?
- — Peur de quoi ?
- — Que… que je sois d’accord.
- — Mais tu l’es déjà, d’accord ! Alors écoute-moi. Je n’ai pas envie qu’on recommence comme il y a sept ans. On est en vacances. Tu en as envie. Je préfère que tu le fasses « en face », si je puis dire, que d’essayer de te retrouver avec lui ailleurs. On est d’accord ?
- — François, tu es un mari merveilleux.
- — Allez, on va faire dodo. Je mets deux conditions tout de même.
- — Lesquelles ?
- — À la fin des vacances c’est terminé et…
- — Et ?
- — Tu n’oublies pas de me faire des câlins aussi.
- — Promis, mon Amour, mais sache que quoiqu’il arrive, c’est toi que j’aime.
Elle m’embrasse amoureusement. Elle a encore l’odeur de Bob sur ses lèvres. Elle court sous la douche. Je m’assois sur notre lit. Je me dis que je suis complètement fou d’accepter ça. Je vais me doucher à mon tour. Je la rejoins dans le lit, elle somnole déjà.
- — Ma chérie ?
- — Oui.
- — J’ai encore quelque chose à te demander.
- — Dis-moi.
- — Comment on fait si on veut se retrouver tous les deux.
- — Mais attends, on va bien rester tous les deux, François. Il n’est pas question que j’aille de mon côté seule.
- — D’accord, mais tu n’as pas bien compris. Je voulais dire si, pendant qu’on est avec Bob, on a envie d’arrêter le… jeu.
- — Je ne sais pas moi. On peut, peut-être, employer un mot ou une phrase particulière.
- — Oui, c’est une bonne idée plutôt une phrase parce qu’un mot, on peut le prononcer par erreur.
- — D’accord. Tu as une idée ?
- — Il faut une phrase qui soit totalement loufoque, par exemple : Chérie ou chéri, en rentrant à la maison il faudra qu’on pense à acheter de…
- — De la colle ! Comme ça on saura qu’on risque d’avoir à recoller des morceaux.
On part dans un franc éclat de rire. On s’embrasse de nouveau. Elle ne sent plus « l’autre ». Je mets tout de même longtemps avant de trouver le sommeil. La petite voix me souffle : « Dors François, tu vas en avoir bien besoin. »
Quand je me réveille il est presque 13 h. Elle est dans la cuisine. Elle a préparé le café. Elle est en peignoir, de très bonne humeur. Elle a du mal à retenir un fou rire.
- — Eh bien dis-moi, tu m’as l’air en forme.
- — Oui mon chéri. Je teste ma nouvelle tenue.
- — Ta nouvelle tenue ?
- — Ma tenue de naturiste. Regarde !
Elle fait glisser son peignoir. Je reste bouche bée pendant qu’elle éclate de rire. Elle s’est épilée entièrement. Elle est totalement lisse.
- — Alors, ça te plait ?
- — Euh, laisse-moi m’habituer, mais c’est très mignon, oui.
- — Touche.
- — Hum, tu es douce. Très agréable.
- — Tu veux… essayer ?
- — Oui, mais… il va arriver.
- — Non, on a le temps. Viens.
Elle m’entraîne sur le lit défait. Je suis nu en un clin d’œil. Je plonge ma bouche vers cette fente lisse. Elle s’ouvre, trempée. Je dévore ce joli abricot dévoilé.
- — Prends-moi maintenant.
- — Oui, petite coquine.
Je m’enfonce dans cette intimité offerte. Heureux qu’elle s’offre ainsi à moi. Oubliant quelques instants qu’après « il » sera là. Je me vide en elle sans avoir réussi à la faire jouir.
- — Allez, maintenant va te laver, gredin. Et fais comme moi.
- — Quoi ?
- — Eh bien, rase tes poils.
- — Ah non, on verra ça si on y prend goût mais pas aujourd’hui.
- — Comme tu voudras.
Je me prépare. J’essaie d’imaginer la journée, mais je n’y arrive pas. Elle a préparé un gros sac de voyage. Je la regarde inquiet d’un seul coup.
- — Tu pars ?
- — Mais non, gros bêta. On risque simplement de rentrer tard et tu seras bien content d’avoir des affaires chaudes si on dîne dans la nature ce soir.
- — Tu as raison. Tu es une mère pour moi !
- — Dis donc. Je suis plus jeune que toi. Contente-toi de la femme ou de l’amante. Ok, pépère ?
On rit de ces plaisanteries quand un gros pick-up noir se présente devant la villa. Toujours de blanc vêtu Bob descend de sa grosse américaine.
- — Alors les amoureux, bien dormi ?
- — Je me suis réveillée de bonne heure, mais François a dormi jusqu’à 13 h. Comme ça, j’ai pu faire les préparatifs.
Elle s’arrête dans sa déclaration pour embrasser Bob sur les lèvres. Je me dis que ça promet. Mais après tout, j’ai donné mon feu vert donc elle ne comprendrait pas un changement d’attitude de ma part.
- — Fermez bien la villa. On ne rentrera pas de bonne heure.
- — Où nous emmènes-tu ? On peut savoir ?
- — Ah… surprise. Ce n’est pas très loin, une petite heure de route, mais on va dans un autre pays tout en restant en Catalogne.
- — En Espagne ? Chouette.
Carole est enthousiaste, moi un peu moins. Elle part fermer les volets de la maison.
- — Dis-moi François, ça n’a pas l’air d’aller. Tu ne m’en veux pas au moins, pour hier soir ?
- — Non, non, ça va, mais je voudrais pas que Carole s’attache trop à toi. Tu comprends, à la fin des vacances, le retour à la vie familiale risque d’être dur pour nous deux.
- — Ne t’inquiète pas. Pense à t’amuser, toi aussi. Tu me laisses m’en occuper et toi, tu profites aussi de la vie.
- — Ah oui ? Comment ? En tenant la chandelle peut-être ?
Il part dans un grand éclat de rire.
- — Écoute François, si j’avais voulu avoir Carole sans ton accord, même si cela te paraît présomptueux, je l’aurais eue quand même. Je comprends que tu aies du mal à l’admettre, je suis ton ami. J’ai tout de suite compris que votre couple avait besoin de faire un break. Ne me demande pas pourquoi, mais je peux juste te dire que je m’y connais un petit peu. Là où on va, tu vas trouver de la compagnie et sans doute de quoi t’amuser. Tu devrais même en oublier de t’occuper de ta petite femme. Mais je t’en dis pas plus…
- — Et elle ?
- — Elle, mais… je m’en charge, voyons. Alors ma jolie Carole, tout est fermé ?
- — Oui Bob, en route pour l’Espagne.
Elle est en jupette et débardeur. Elle s’installe devant. Je me retrouve derrière, sans surprise. Bob, sans doute pour me démontrer son caractère « amical », ne fait aucun geste déplacé et se transforme en guide touristique et nous commente les magnifiques sites de la Côte Vermeille. Port-Vendres, l’anse de Paulile, Banyuls, Cerbère, la frontière puis Port-Bou. Très vite on quitte la route pour emprunter un petit sentier où seul des 4x4 peuvent passer. Le pick-up s’enfonce dans la pinède et la rocaille catalane vers une petite crique ignorée des touristes le long de la Méditerranée.
Après un parcours de deux kilomètres sur le sentier très caillouteux, Bob actionne un « bip » pour ouvrir une barrière. Au passage, je remarque une clôture qui semble électrifiée. Le lieu où il nous emmène semble bien protégé.
- — Dis-moi Bob, c’est un camp retranché où tu nous emmènes ? Si j’avais su, j’aurais pris mon casque et ma tenue de combat. (Je ris)
- — C’est le seul moyen d’être tranquille. Les touristes finissent toujours par débusquer des coins comme ça.
- — C’est à toi ?
- — Non, c’est à mon mécène.
- — Ouah, tu as un mécène ?
- — Eh oui, jolie Carole. Un mécène allemand. Il vit ici depuis 40 ans. Il a fait fortune dans l’immobilier. Je peux dire qu’une partie de la Costa-Brava est à lui. Mais ne vous inquiétez pas, il n’est pas snob du tout. Il adore les gens comme vous.
- — Il… il est là ?
- — Non François, mais je pense qu’on le verra ce soir. Mais lui il ne viendra pas en voiture.
Bob a éclaté de rire. Je comprends que son… « mécène » devrait venir par la mer. Je n’aime pas ce lieu fermé qui pue le fric, pas forcément bien gagné. Carole, au contraire, est toute à sa joie de se retrouver dans un lieu désert et paradisiaque. En descendant sur la mer, on découvre la petite plage privée, mais aussi, une superbe villa avec piscine et, bien sûr, un ponton d’accostage privé. Je me demande pourquoi un type si fortuné laisse venir chez lui des gens ordinaires comme nous.
- — Alors, ça vous plait ? On n’est pas dérangé par les voisins ici.
- — Oh oui, Bob, c’est génial. Merci de nous avoir amenés ici.
- — Tu peux te mettre à l’aise, jolie Carole. Personne en dehors de tes hommes ne pourra entrevoir tes rondeurs.
Je manque de m’étrangler en entendant « tes hommes ». Carole rit déjà sous cape et entreprend de se dévêtir afin de faire découvrir sa « nouvelle tenue naturiste » à Bob.
- — Et toi François, tu aimes cet endroit ?
- — Oui, c’est sympa, quoique je trouve dommage de tout clôturer.
- — Que veux-tu, Rudolf aime être tranquille ! Et puis, c’est un ancien Allemand de l’est, il adore les murs.
Bob éclate de rire à nouveau. Je m’efforce de rire à cette plaisanterie douteuse. Bob s’interrompt d’un coup.
- — Que tu es belle comme ça !
- — J’ai travaillé un peu ce matin. J’ai déjà fait la surprise à mon petit mari qui m’a remerciée… à sa façon. Et toi Bob, tu me trouves mieux ainsi… sans rien ?
- — Je viens de te le dire, belle, magnifique. Un diamant dans cette nature magnifique.
- — Flatteur, va.
- — Non, je suis sincère. Viens, la lumière est excellente, je vais chercher mon appareil. Descends sur la plage, je te rejoins.
- — Ok, j’y vais. Eh bien, François, reste pas comme ça. Déshabille-toi aussi. Personne va te la manger.
Ils rient tous les deux. De mauvaise grâce, je commence à me dévêtir. Bob revient de la voiture avec ses appareils.
- — Tiens, François, voici les clés de la villa. Choisis-toi la chambre que tu veux et mets-y votre sac. Retrouve-nous sur la plage.
Il part, nu, bronzé, sans attendre ma réponse. Je me retrouve comme un c… mais aussi comme prévu, seul. Je finis de me mettre nu. Je vais à la voiture et je reviens à la villa. Elle est luxueuse. Le maître des lieux peut recevoir du monde. Il y a au moins six chambres et autant de salles de bains. J’en choisis une avec vue sur la mer. Ce n’est qu’au moment où j’ouvre le sac et que j’y découvre des affaires de toilettes que je réagis enfin : sac, affaires de toilettes, chambre. Mais comment Carole a-t-elle pu anticiper un séjour ici ? La petite voix me dit : « Fais attention François, tu es en train de te faire avoir. »
Je cherche à comprendre. J’ai aussi rapporté le petit sac à main de Carole. Il est sur le lit. J’hésite. Je jette un coup d’œil par la fenêtre. On voit très bien la petite plage et ses deux occupants. Bob, l’œil collé contre un de ses appareils, mitraille Carole, nue, sur fond de Méditerranée. Il s’approche d’elle, pose son outil, l’embrasse tendrement.
Je ressens comme un coup de poignard. Je me précipite. Je renverse le sac sur le lit. Rien, que des objets usuels ou habituels dans le sac d’une jeune femme. Rien, sauf cette vieille carte de visite : Robert D… photographe à La S…, photos d’identité, mariage, etc. La S…, je connais, c’est la petite ville à côté du village de ma belle-mère. C’est aussi là que Carole a été au lycée. Elle m’avait parlé d’un photographe qui lui faisait des photos d’identité et qui lui avait proposé d’en montrer… un peu plus. Elle m’avait dit qu’à l’époque, ça l’avait choquée et qu’elle n’y avait plus mis les pieds.
Machinalement, je retourne la carte. Un numéro de téléphone avec l’indicatif des Pyrénées-Orientales. Je tremble de tout mon corps. Je me rhabille. Je descends. Un téléphone est là, dans un des salons. Bien que je ne me fasse plus guère d’illusion, je compose le numéro. Pas de surprise, il n’y a pas d’interlocuteur. Je vais pour raccrocher, mais j’entends le répondeur : « Bonjour, vous êtes bien chez Bob D… artiste peintre et photographe… ». Je suis vraiment le roi des cons.
Je garde la carte sur moi. Je descends lentement vers la plage. Il l’a entraînée dans l’eau. Ils chahutent. Il l’attrape la serre, la soulève. Pas besoin d’avoir des lunettes sous-marines pour savoir que ma femme, enfin, Carole, vient de s’empaler sur lui. Elle se laisse aller contre son amant puis elle me remarque sur la plage. Je la vois lui dire quelque chose à l’oreille. Ils sortent de l’eau, Bob ne dissimulant pas une belle érection.
- — Eh bien mon chéri, tu ne t’es pas déshabillé.
- — Si, mais je me suis rhabillé finalement. J’ai un petit truc qui me gêne.
- — Quoi donc mon amour ?
- — Ceci…
Je sors de ma poche la vieille carte de visite et je la jette sur le sable. Elle a pâli et « Bob » laisse la place à Robert. Il fait mine de regagner la villa. Grand courageux ! Pas de chance, il passe trop près de moi et il reçoit un joli direct du gauche de ma part. Il s’effondre sur le sable, la bouche en sang.
- — Toi, tu restes là.
- — Mais arrête, enfin François, tu es fou.
- — Si j’étais fou, il y a longtemps que vous seriez morts tous les deux. Alors, expliquez-vous avant que je ne le devienne.
- — …
- — Alors ? C’est tout. Tu veux vraiment que je le démolisse ton vieil amant si doué ? Tu veux qu’il tâte de ma passion pour la boxe française. C’est pas vrai ? Tu lui as pas dit que j’ai été champion de France junior ? Tu vois mon pauvre Robert, les femmes sont menteuses et les hommes sont pleins de paradoxes. Ah, au fait, il arrive quand, ton ami teuton ?
- — Ce soir vers 21 h.
- — Bien, alors ça nous laisse du temps pour les confidences. Rentrons à la villa. Allez debout, vieux gigolo.
Pour le plaisir, j’envoie un coup de savate magistral dans les fesses bronzées de Robert. Il se relève péniblement. Le bellâtre est redevenu un vieil homme.
- — François, laisse-le, il n’y est pour rien.
- — Ferme-la et avance.
Arrivés dans la villa, Carole essaie de m’adoucir.
- — François, je te demande pardon.
- — C’est terminé, tu as compris ! Maintenant, si tu as deux sous d’honnêteté, tu vas prendre une feuille de papier sur laquelle tu reconnaîtras tous tes torts. Je te rappelle que j’ai une petite collection de cassettes intéressantes, bien planquée à la maison. Eh oui, je les ai gardées. J’ai bien fait d’être prudent. Écris, ça nous gagnera du temps pour le divorce. Je dois ménager mon avenir. La seule promesse que je te fais, c’est que je ne parlerai jamais de ton attitude à nos enfants. Je leur dirai simplement qu’on ne s’entendait plus.
Carole se met à pleurer. Je reste insensible. Elle prend un stylo.
- — Quant à toi, pendant que ta « jolie Carole » fait sa petite rédaction, tu vas nous dire ce qui était prévu au programme.
- — …
Une nouvelle gifle rend d’un seul coup mon interlocuteur plus loquace.
- — Rudolf devait arriver ce soir.
- — Elle était au courant ?
- — Non, je te le jure.
- — Et ensuite. On était censé faire quoi ?
- — La fête avec des amis à lui qui sont sur le bateau.
- — Nombreux ?
- — Non, un couple et deux filles. Elles devaient s’occuper de toi.
- — Charmant programme. Et dans quel but ?
- — T’occuper et me permettre de partager ta femme avec Rudolf.
Pendant que Carole jette un regard étonné à Robert. J’éclate de rire.
- — Mon pauvre vieux. Tu ne la connais pas bien. Tu n’avais pas besoin de tout ce stratagème. Elle ne t’a donc rien dit.
C’est au tour de Robert de jeter un regard étonné à Carole.
- — Elle a fait bien mieux que votre petite expérience sur le billard. Si on était vraiment devenus amis comme tu le prétendais, je t’aurais peut-être raconté. Mais elle le fera peut-être elle-même. Tu sers donc de rabatteur à Rudolf. Mais pourquoi ? Il doit avoir les moyens d’avoir toutes les femmes qu’il veut.
- — Justement, il veut certaines femmes « gratuitement » et il raffole des femmes mariées « ordinaires ».
- — Eh bien, « jolie Carole », tu vois à quoi tu corresponds maintenant. Il voulait passer de la pute de luxe au dévergondage de la ménagère.
J’éprouve un plaisir sadique à voir la déconfiture de ma future ex-épouse. Ce vieux beau ne l’a amenée ici que pour satisfaire son financeur.
- — Bon, tu as fini ta rédaction.
- — François, pardon. J’ai fait une bêtise mais…
- — Une de trop… au moins une de trop.
Je regarde le papier.
- — Parfait. Il faut vraiment que tu aies un sacré passif pour capituler ainsi sans condition. Mais bon, c’est désormais ton problème. Pour ma curiosité, comment vous êtes-vous retrouvés avec ce cher « Robert » ?
- — Il y a deux ans, lors de la fête organisée pour les retrouvailles des anciens du lycée. Tu n’avais pas voulu y venir.
- — Et en plus, ça fait deux ans que ça a commencé. Tu t’es bien foutu de ma gueule.
- — Je le ferai plus. Promis.
- — Tu vas pouvoir le faire autant que tu veux. Robert, j’ai toujours rêvé de conduire un pick-up.
- — Non pas le pick-up.
- — Pourquoi ?
- — Il est pas à moi.
- — Pauvre type ! Donne les clés. Tu le retrouveras garé devant la poste de Collioure. Tu t’arrangeras avec les flics pour les contraventions. Je ne mettrai rien dans le parcmètre. Ah, je prends aussi ton sac de pellicules. Je m’en servirai au cas où l’avocat de madame aurait quelques velléités. Mes amitiés à Rudolf.
- — François… !
Je pars sans écouter les dernières suppliques de Carole ni ses premières insultes vis-à-vis de « Robert ».
Vite rentrer chez moi. Retrouver mes enfants.
Je roule avec le lourd véhicule. J’ai hâte de le poser de retrouver ma voiture, mes affaires. J’accélère, les pneus crissent. P… quand est-ce qu’ils vont se décider à arranger cette route ? M… j’ai le soleil en pleine bille.
La petite voix me parle une dernière fois « Mais freine… François… freine ! »