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Temps de lecture estimé : 62 mn
25/06/12
Résumé:  Mathilde, officier de gendarmerie, et Marc, expert en perversités, se voient confier une mission difficile dans un monde glauque.
Critères:  fh fhhh extracon fsoumise exhib strip facial pénétratio fdanus fsodo partouze sm fouetfesse portrait -policier -sm
Auteur : Resonance            Envoi mini-message

Série : Compensation

Chapitre 01 / 03
Double exemplaire

Compensation



All the world’s a stage,

And all the men and women merely players :

They have their exits and their entrances,

And one man in his time plays many parts,

William Shakespeare, As you like it, [II, 4]

(Le monde entier est un théâtre,

Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs :

Ils entrent et sortent de scène,

Et au long de sa vie chacun joue plusieurs rôles)

William Shakespeare : Comme il vous plaira, [II, 4])





Livre 1 : Double exemplaire



We cannot all be masters, nor all masters can be truly followed.

(Nous ne pouvons pas tous être les maîtres, et les maîtres ne peuvent pas tous être fidèlement servis)

William Shakespeare, Othello, [I, 1]





Chapitre 1 : Visions troubles




The play’s the thing wherein I’ll catch the conscience of the king.

(Par la fiction j’attraperai la conscience du roi)

William Shakespeare, Hamlet, [II, 2]




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°




Frissonnante, je me dépêchai de rejoindre ma voiture. La distance jusqu’à ma place de parking n’était pas bien grande, mais j’ai toujours eu peur du noir.


Au démarrage, le voyant orange de la jauge d’essence se rappela à mon attention. J’avais déjà trop roulé avec le niveau à zéro. Cette fois, je ne pouvais plus l’ignorer, à moins de vouloir vraiment finir mon trajet à pied. J’avais retardé le moment de faire le plein parce que le matin, j’étais chroniquement en retard après avoir déposé ma fille chez sa nourrice, et parce que le soir, en cette fin novembre, il faisait nuit, froid et humide. Je n’aimais pas m’exposer aux intempéries, ni à quelque crainte irrationnelle mais bien enracinée, sur une piste de station-service mal éclairée.


Peu après, résignée, je m’arrêtai à la station. Sur la route que je prenais pour rentrer du travail, il n’y en avait qu’une. J’allais toujours là, n’ayant pas le choix, à moins de faire un détour important. Avant d’ouvrir le réservoir, je jetai comme d’habitude un coup d’œil circonspect aux environs immédiats. La station était le seul bâtiment d’une enclave boisée, entre la voie rapide et la rivière. La lumière était chiche, provenant surtout de la vitre de la petite boutique. Du côté de la rivière, que je savais proche sans la voir, il y avait un foisonnement de buissons, puis des arbres sur la digue. Au-delà de la boutique, on trouvait un parking non goudronné. Ces environs paraissaient franchement sinistres un soir de novembre.


J’appréciais de n’être pas seule sur la piste, un semi-remorque faisait aussi le plein à la pompe réservée aux camions. Je ne voyais pas le conducteur, qui était du côté opposé, mais la seule présence du puissant véhicule avait quelque chose de rassurant.

En finissant mon tour d’horizon, je vis une voiture, du même modèle que la mienne, stationnée juste derrière la boutique, dans l’ombre. À l’intérieur, on devinait dans la pénombre une silhouette de femme. Surprise, je me dis qu’elle devait être bien moins peureuse que moi, et avoir une raison impérative d’attendre là.


Alors que je terminai le plein, le routier se dirigea vers la boutique pour payer. Je le vis ralentir, hésiter un peu en voyant la voiture garée, avant d’entrer. Je le suivis peu après, pour payer à mon tour. J’attendis quelques secondes derrière lui à la caisse. Il se retourna pour me regarder, avec une attention qui me surprit. Il dégageait une présence massive, placide, un archétype de camionneur, mais je fus frappée de l’acuité de son regard qui me jaugea, contrastant avec la bonhomie de la première impression.


Après avoir payé à mon tour, je revins à ma voiture. Au montant où j’y montais, le camion démarra. Puis il commença à avancer. Il ne reprit pas la route ; arrivé au niveau de la sortie, il tourna à droite, vers le parking, virant à 180°, ce qui positionna son camion au loin de la route, sous les arbres, et face à la station. Il éteignit ses phares… puis les ralluma deux fois, brièvement, comme pour un signal. J’avais entre-temps commencé à avancer… juste au moment où j’arrivai près de la boutique, la portière de la voiture garée là s’ouvrit, une silhouette curieusement familière en sortit d’un mouvement vif, fila vers l’arrière.


Arrêtée à la sortie, je m’arrêtai un instant, me retournai pour mieux voir, la porte du camion s’ouvrit, côté droit, un bref instant je vis la femme éclairée par la veilleuse intérieure du camion, sa silhouette, ses vêtements, ses chaussures alors qu’elle montait prestement dans la cabine, puis ses cheveux, un côté de visage pendant qu’elle se penchait pour refermer la porte, le tout formant une image qui s’imprima dans mon cerveau. La veilleuse de la cabine s’éteignit… Fin du spectacle. Je repris la route.


J’étais intriguée et troublée. J’avais entendu parler de professionnelles sur certaines aires d’autoroutes. J’en avais aussi vues le long de l’une des nationales de la région, en pleine campagne. Je n’avais par contre, jamais pensé en trouver à cet endroit, si proche de la ville. Surtout, son allure m’avait déstabilisée. Elle était habillée sobrement, un manteau, une jupe droite, mi-longue, des chaussures plates, ses cheveux châtains étaient assez courts. Sa silhouette était fine, sa démarche rapide, ses mouvements agiles en sortant de sa voiture, puis en montant dans le camion. J’avais aussi vu, ou cru voir autre chose dans ses mouvements, une furtivité, mais aussi une tension, et un élan. Ce qu’elle avait fait là, peut-être avait-elle l’habitude le faire, peut-être pas, mais elle l’avait fait avec détermination et, me semblait-il, avec envie, et impatience – mais là, peut-être était-ce ma projection de mon propre trouble.


Je m’en voulus de mon intérêt malsain pour cet événement qui n’aurait pas dû me concerner. Mais même si la cause originelle de cette fascination, très ancienne, était refoulée très loin en moi, je n’en étais pas surprise, car sa révélation ne datait pas de la veille.


Bien des années avant, un été, j’avais travaillé quelques semaines comme serveuse dans un café dans une station balnéaire. La clientèle était plutôt familiale et très nombreuse, mon travail était sans aucun répit en début de soirée. L’affluence se raréfiait en approchant de la fermeture, et devenait différente : quelques couples, des hommes seuls ou en petits groupes.


Un soir, vers minuit, je servais deux hommes, en prenant la commande l’un deux fit une remarque très crue sur mon aspect, puis lorsque j’apportai les verres, me proposa de le retrouver après mon service, me disant qu’il me paierait bien. Choquée et surprise la première fois, raidie puis encore surprise la seconde, je n’avais rien répondu, j’avais fait comme si je n’avais rien entendu. Plus tard, j’ai apporté la note, me demandant ce que j’allais entendre cette fois. Mais l’homme paya sans rien dire. Je finis mon service à une heure du matin, comme tous les jours. Je me demandai s’il m’attendrait à ma sortie du bar, mais je ne vis personne.


J’en parlai le soir suivant à demi-mots à une autre serveuse plus âgée, qui haussa les épaules et me dit :



Elle avait détourné les yeux en me disant cela, ce qui me fit me demander si elle-même… Elle était mère célibataire et vivait difficilement. Je ne me permis pas de juger. De mon côté, j’avais accepté ce travail plus par effort conscient de surmonter une timidité maladive que par besoin d’argent.


Par la suite, je me suis souvent demandé si… Si le client avait insisté, s’il m’avait attendue à la sortie, et si, surtout, mon imagination m’emmenant de plus en plus loin de la réalité pour justifier, excuser à l’avance la suite, j’avais été dans un besoin tel que je n’aurais eu d’autre choix que d’accepter cette proposition… et d’autres similaires. Mes fantasmes allaient d’un extrême à l’autre, de la répugnance à la jouissance – et la limite entre les deux était très, très fine, voire inexistante. On était bien loin de la trivialité d’une petite affaire « utile et agréable ». Je concevais l’utile, mais pas la mièvrerie de l’« agréable ». Indécent, ignoble, obscène, paroxystique convenaient mieux.


Je n’avais jamais pu complètement refouler cet imaginaire, qui contenait cette fantaisie et d’autres plus violentes. J’en étais honteuse, sans pour autant vraiment essayer de le faire disparaître. Je ne manquais ni de tendresse, ni d’attentions, mais ne pouvais atteindre l’orgasme, que ce soit seule ou avec mon mari, qu’en élaborant dans ma tête des scénarios où je me résignais sous la contrainte, qu’elle soit physique ou morale. Ensuite… eh bien, j’étais livrée corps et âme, tout était permis, et l’imaginer m’amenait au plaisir dans la honte.


Je vivais ainsi en équilibre entre une vie réelle très conformiste et une vie imaginaire perverse mais bien enfouie. J’étais protégée de mes désirs par une muraille aux solides pierres fondatrices, les valeurs morales, les contraintes matérielles, et mes faiblesses de caractère. Les valeurs morales étaient celles, strictes, de mon milieu et de mon éducation, la fidélité, l’honnêteté. Côté contraintes, mon emploi du temps était calculé, chaque heure était allouée à une tâche bien précise entre mon travail de comptable et ma famille. Enfin, ma discrétion naturelle, tant physique que de caractère, était protectrice, car d’une part j’attirais peu l’attention des hommes, d’autre part pour moi, l’abord de l’inconnu a toujours été très difficile, de par un mélange de timidité et de crainte pure. Le ciment de cette muraille était la nature même de mes fantaisies, dont la réalisation était inconcevable.


Et voilà que par la faute de que j’avais entrevu, la muraille s’était fissurée – le ciment ne la tenait plus, parce que l’inconcevable ne l’était plus. Dans les semaines qui suivirent, j’allais découvrir que ma muraille protectrice n’était rien de plus qu’une rangée de murets de sable face à la marée montante de mes pulsions. Les contraintes, j’avais bien sûr le savoir-faire pour les gérer. Quant aux valeurs… un raisonnement pervers allait me convaincre que l’avilissement apporterait l’expiation et m’apporterait une intégrité que je n’avais jamais atteinte. Un seul rempart allait vraiment tenir : la peur, le manque de courage à faire le pas ultime.




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°




Le lieutenant Antonietti releva le nez du dernier feuillet.



Marc fit un geste d’impuissance :



J’ai réfléchi un peu, et écrit cela… cela m’a pris une bonne partie de la nuit, mais au moins ce personnage est plus intéressant que les pré-ados au QI de 36,8 que j’ai dû personnifier récemment. Pour l’instant je n’ai fait qu’ébaucher, parce que je n’ai qu’une vague idée de ce qu’il veut en faire.



Marc leva un instant les yeux au ciel, avant de faire la part des choses et de concéder :



Le lieutenant Antonietti rougit. Ce n’était pas la première fois que Marc persiflait sur une faiblesse dans sa culture. À défaut de mieux, une petite vengeance s’imposait – pas question de concéder aussi facilement un point faible, ce n’était pas pour rien que derrière son dos, ses subordonnés l’appelaient « le Pitbull »



Marc se raidit un peu.



Mathilde détourna la tête. Elle n’avait aucune envie de discuter valeurs avec Marc.


Le lieutenant Mathilde Antonietti, alias « le Pitbull » – ou, dans une autre version dont Marc était l’auteur, « P’tit’Bull » – faisait partie d’une petite unité spéciale de gendarmes spécialisés dans la traque de la délinquance sexuelle sur Internet, dirigée par le capitaine Rousseau, qui les avait conviés ce matin-là dans son bureau mais les faisait attendre. Marc, lui, était un employé civil sous contrat de la même unité, au départ expert informaticien, mais de plus en plus souvent utilisé pour un autre talent : sa capacité à construire et à incarner, derrière un écran, des personnages de tous âges, de tous sexes et de tous penchants sexuels.


Mathilde était petite, ayant tout juste la taille minimum requise pour entrer dans la gendarmerie. Elle avait un visage fin, un peu anguleux, le type de visage qu’une expression mutine peut aisément rendre charmant. Hélas, mutine, le lieutenant Antonietti ne l’était pas : elle ne connaissait que la discipline.



Marc sourit. Mathilde lui faisait savoir qu’elle avait aussi ses sources d’informations. Il faut dire que la visite tardive du juge à la Gendarmerie de banlieue qui abritait l’unité n’était pas passée inaperçue.



Marc haussa un sourcil. En insistant sur la description, Mathilde venait de lui faire comprendre qu’elle pensait que celle-ci n’était pas non plus étrangère aux demandes du Capitaine, et Marc se dit que pour une fois, elle avait sans doute raison… Il se tramait quelque chose.


À ce moment-là, la porte s’ouvrit, et le capitaine parut, avant de laisser sortir la jeune femme. Marc vit que son aspect était effectivement très flatteur, qu’elle avait les traits tirés, les yeux cernés, mais que cela n’affectait pas sa prestance, ni la capacité d’attraction d’un corps proche de la perfection féminine classique. Quelque chose dans son maintien révélait un grand trouble, mais celui-ci était sous contrôle. Un instant, son regard croisa celui de Mathilde, un peu plus petite et mince, moins à son avantage dans son uniforme, mais au port non moins altier. Aucune des deux ne céda, les yeux bleus grands ouverts, presque candides, face aux yeux verts noisette glacés qui la scrutaient, avant que le capitaine ne vienne interrompre cette joute visuelle en raccompagnant la jeune femme à l’entrée du poste.





Chapitre 2 : Un couple idéal




The course of true love never did run smooth.

(L’amour n’est pas un long fleuve tranquille)

William Shakespeare, À Midsummer Night’s Dream, [I, 1]




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Mercredi, 11h30



Une fois revenu, le capitaine Rousseau les fit entrer. Il portait son uniforme de cérémonie, au complet. Combiné à sa haute taille, à sa silhouette massive, à ses moustaches, et à une trace d’accent bourguignon qu’il pouvait accentuer à volonté, il avait l’allure d’un Pandore plus vrai que nature. Marc savait qu’il utilisait cette apparence à deux fins : soit pour impressionner les âmes simples, soit pour tromper les âmes retorses qui, influencées par son aspect caricatural, l’imaginaient droit, honnête, mesuré, minutieux et borné. Droit, honnête et mesuré, il l’était, minutieux, il pouvait l’être, quant au reste, Marc avait déjà eu à maintes reprises l’occasion d’apprécier une culture et une finesse inattendues chez cet officier sorti du rang. Paradoxalement, la jeune et diplômée Mathilde Antonietti, sortie de l’école d’officiers, lui paraissait bien plus souffrir des limitations que l’imagerie populaire prêtait au Pandore.



Encore une anomalie… Ce n’était pas le travail d’un capitaine de gendarmerie de prendre une simple déposition. Décidément, le mystère s’épaississait.


L’intensité de leurs interrogations silencieuses devait être perceptible, car Rousseau, sous leur regard, sourit soudain…



Il prit des feuilles tout droit sorties du bac de l’imprimante, les sépara en deux paquets identiques dont il tendit un à Mathilde, avant d’enfermer l’autre à clef dans un tiroir de son bureau. Marc avait les feuilles de son « devoir du soir » à la main, et lui tendit en échange.


Tous trois se mirent à lire studieusement.


OBJET : Faits de proxénétisme aggravé reprochés à M. KLEIN Alexandre.

Le mercredi 17 mars 2010 à 9 heures 10 minutes.

Nous, soussigné Capitaine Rousseau Martial, Agent de Police Judiciaire en résidence à SAINT-MARTIN.

Vu les articles 225-5 et 225-7 du code de Procédure Pénale

Nous trouvant au bureau de notre unité à SAINT-MARTIN, rapportons les opérations suivantes :


Le 17 Mars 2010 à 9 h 10, nous procédons à l’enquête citée en référence.


NOTE : l’identité des personnes désignées par les codes X1, X2, X3, X4 dans la déclaration ci-dessous à fait l’objet d’un Procès-Verbal de Renseignement Judiciaire séparé.


IDENTITÉ

Nom Prénom : CHAIX Marie-Claire

Date et lieu de Naissance : 28/02/1979 à SAINT-MARTIN (France)

Fille de : CHAIX Henri et de SANAZ Marie-Thérèse

Domicile : 30 rue Louvois – SAINT-MARTIN

Profession : Enseignante


DÉCLARATION


Ce jour, je vous rapporte les faits suivants concernant M. KLEIN Alexandre.

J’ai fait la connaissance de M. KLEIN en novembre 2008, en répondant à une annonce personnelle sur Internet. Après des échanges par courriel, nous nous sommes rencontrés au début décembre et j’ai entamé avec lui une relation sexuelle suivie.


Cette relation portait spécifiquement sur des pratiques dites « D/S » ou de « Domination/Soumission », dans laquelle j’assumais le rôle de « soumise » et M. KLEIN celui de « Maître ».


Nous nous rencontrions les mercredis après-midi, soit chez lui, soit en différents lieux publics aux environs de SAINT-MARTIN. Les pratiques sexuelles comportaient l’usage de liens, menottes, bandeaux, des simulations de contraintes, des châtiments corporels administrés à main nue ou avec l’aide d’accessoires tels que ceinture, règle, et cravache, et des pénétrations.

À l’initiative de M. KLEIN, d’autres pratiques ont été mises en œuvre, incluant :


  • — À partir du mois de mars 2009, exhibitionnisme au lieu-dit « Le Bois Savot » et sur l’aire autoroutière dite « de la Clairière ». L’exhibitionnisme comportait une nudité partielle ou totale, puis à partir de mai 2009, des rapports sexuels avec M. KLEIN, en la présence de tiers.
  • — À partir de juin 2009, un ou plusieurs tiers ont été invités par M. KLEIN à avoir des rapports sexuels avec moi, soit à la suite, soit concomitamment, en différents endroits de la campagne entourant SAINT-MARTIN, en particulier une maison abandonnée située sur la commune de Saint-Benoit-lès-Fronceaux, en retrait du chemin vicinal VC132, entre celui-ci et l’autoroute. Ce lieu a été utilisé, en particulier, lors des deux « séances » décrites ci-après.
  • — Durant la première de ces séances, différentes parties de mon corps ont été mises aux enchères entre les participants (trois, hors M. KLEIN). La somme payée par les trois hommes, étaient, sous réserve d’exactitude de mes souvenirs, de 50, 30 et 20 euros. Je n’ai pas pu déterminer si les remises d’argent faites à M. KLEIN étaient réelles ou simulées. Étant donné les montants limités, j’ai supposé qu’il s’agissait d’un « jeu de rôles ».
  • — Lors de la seconde de ces séances, j’étais attachée sur un établi, les yeux bandés. Pendant ce temps se déroulait un jeu de poker à enjeu d’argent entre quatre hommes. À chaque tour, le gagnant disposait du droit d’user de moi à sa guise, abandonnant ses gains financiers que M KLEIN collectait. La partie a duré jusqu’à ce que chaque participant ait gagné au moins un tour. Je n’ai pas connaissance de la somme collectée, ayant eu les yeux bandés de l’arrivée jusqu’au départ des quatre hommes.

Durant l’été 2009, j’ai compris que certains hommes ou groupes d’hommes payaient à l’avance à M. KLEIN des sommes d’argent pour participer à des séances.


Au mois d’octobre 2009, M. KLEIN m’a enjoint de me rendre au domicile de M. X1 (1) à SAINT-MARTIN, et d’obéir à ses exigences sexuelles. J’ai refusé, indiquant que je connaissais M. X1 personnellement. Nous avons décidé qu’il était imprudent de faire de telles rencontres à SAINT-MARTIN.


Peu de temps après, M. KLEIN m’a accompagnée dans une ville voisine. Il m’a laissée seule dans la voiture, le temps d’aller voir un homme dans un appartement. À son retour, je m’y suis rendue à mon tour et, suivant les instructions de M. KLEIN, ai procuré des services sexuels.


Ceci s’est reproduit à plusieurs reprises, dans des circonstances similaires, mais dont je n’ai pas le souvenir exact. Dans un cas, j’ai été amenée dans un pavillon de banlieue, vide. Trois hommes m’y ont visitée successivement dans l’après-midi, et je leur ai fourni différents services sexuels. D’autres rencontres ont eu lieu dans des chambres d’hôtel.


Certaines fois, le paiement a été fait à l’avance, et perçu par M. KLEIN. Dans d’autres cas, de plus en plus fréquents, j’ai ramené, sur instruction, une somme d’argent donné par mon client à M. KLEIN. Le tarif variait entre 100 et 300 euros. M. KLEIN m’a indiqué préférer se concentrer sur les meilleurs clients.


À partir de décembre 2009, M. KLEIN a aussi insisté, de façon croissante, pour que j’assure de telles missions à SAINT-MARTIN et dans sa banlieue, dans certains cas, après mon travail, et plus seulement le mercredi. J’ai refusé, mais M. KLEIN m’y a contrainte en menaçant de révéler publiquement les faits. J’ai obtenu de connaître à l’avance le nom et l’adresse des clients afin d’éviter de rencontrer des connaissances. Dans un cas, j’ai pu ainsi refuser de rencontrer M. X2 (1), que je connaissais bien.


Lors de l’une de ces visites dans un hôtel de la banlieue, au mois de janvier 2010, j’ai cependant reconnu l’un de ces clients, M. X3 (1) qui avait fourni un faux nom. Lui ne m’a pas reconnue.

J’ai alors à nouveau demandé à arrêter de prendre ces risques. M. KLEIN a insisté. Devant mon refus, je lui ai dit ne plus vouloir le revoir. Le lendemain, en sortant de mon domicile, étant accompagnée de mes deux enfants, j’ai été rejointe par deux hommes qui ont engagé la conversation malgré mon refus. Ils m’ont menacée implicitement, en particulier par rapport à la sécurité de mes enfants, avant de s’éloigner.

J’ai contacté M. KLEIN, qui m’a indiqué être lui-même menacé depuis plusieurs semaines par des inconnus, qui percevaient en fait l’ensemble des gains qui lui étaient remis.


J’ai alors repris mes « missions ». Dans l’après-midi du 16 mars 2010, j’ai rendu visite à un client, M. X4 (1) dans une chambre d’hôtel. Je n’ai pas reconnu ce client, mais lui-même m’a immédiatement identifiée, et après m’avoir interrogée sur ma situation m’a vivement incitée à demander de l’aide aux autorités judiciaires.

J’ai informé M. KLEIN de la situation dans la même soirée, et lui indiqué que je n’aurai plus aucun contact avec lui, et allai quitter la ville immédiatement.


(1) Note : le nom des tiers impliqués est enregistré dans un Procès-Verbal Séparé.


La personne entendue, l’Agent de Police Judiciaire




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Mathilde reposa le document en faisant une moue un peu dégoûtée – elle avait lu à son rythme, Marc regardant par-dessus son épaule – et soupira. Marc s’attendait plus ou moins à un commentaire sur la dégradation des mœurs, mais le côté légaliste de Mathilde lui fit occulter ce qu’elle pensait des protagonistes, pour se concentrer sur le délit.



Le lieutenant reposa le récit de Marc, qu’il n’avait pas encore terminé, et avait jusque-là lu sans faire la moindre remarque.



Rousseau regarda Mathilde avec les yeux froids et l’expression bornée du gendarme à qui on a confié une mission, et qui n’en dérogera jamais :



Marc remarqua :



Se redressant, le Capitaine Rousseau regarda Marc avec l’expression fière et un peu peinée du gendarme dont on soupçonne l’intégrité pourtant proverbiale.



« Et parce qu’il a décidé que nous n’avions pas besoin de savoir ce genre de choses », pensa Marc, qui regarda à nouveau le procès-verbal. Le nom de famille de la jeune femme était local, courant, et pouvait indiquer une appartenance à quatre quartiers à la discrète mais influente bourgeoisie de la ville.



En repensant à la visite du juge Fréval, Mathilde commença à comprendre aussi.



La grande silhouette de Rousseau se voûta. Il avait maintenant l’expression un peu résignée du gendarme plein d’expérience et de compassion devant la faiblesse humaine.



Marc commençait à voir le tableau. La communauté dont parlait le capitaine était celle des ultra-catholiques de la ville. Les enfants et petits-enfants de ses membres allaient tous, de la maternelle jusqu’en troisième, à Ste-Marthe, une école coûteuse et parfaitement protégée de tout élément allogène. Si l’affaire éclatait dans le public, ce serait une bombe. Marc pouvait déjà imaginer les gros titres dans la presse. Rousseau se souciait peut-être de la jeune femme, mais manifestait aussi sa répugnance proverbiale à toute exposition médiatique. Son unité avait besoin de discrétion pour que son travail reste efficace. Restait à comprendre pourquoi il n’avait pas tout simplement refusé de faire cette enquête.

Justement, Mathilde revint à la charge.



Bonne question, pensa Marc. Fréval avait la réputation d’être plutôt libéral, à l’opposé de la communauté, même s’il en connaissait certainement une bonne partie des membres.



Marc relut la fin du procès-verbal. La phrase « M. X4 m’a identifiée, et après m’avoir interrogée sur ma situation m’a vivement incitée à demander de l’aide aux autorités judiciaires » l’avait frappée en première lecture par sa concision, laissant du coup un certain flou sur le détail des événements. Il comprit…



Rousseau prit l’air embarrassé, mais pas trop, du gendarme que l’on vient de prendre en flagrant délit d’humanité.



« Et après une telle déposition », pensa Marc en admirant une fois de plus le réalisme implacable de leur chef, « le juge en question, ami ou pas, il le tient par les c…, et un juge redevable, c’est bien plus utile qu’un juge discrédité.  »


Mathilde fit une moue.



Marc, de son côté, avait évacué la question de Marie-Claire Chaix et comprenait maintenant un peu mieux ce qui lui était demandé.



Mathilde regarda Marc avec indignation. Celui-ci comprit qu’elle n’était nullement convaincue, et restait choquée qu’on leur demande de faire un travail difficile et coûteux en temps, pour servir ce qui ressemblait fort à un copinage entre un capitaine de Gendarmerie et un juge. Ceci venait s’additionner au fait que le jeu de rôles visiblement pressenti pour elle, sans qu’on lui ait demandé son avis, ne l’enchantait pas du tout. Mais elle n’osait pas le dire en face à son supérieur.


Marc regarda à nouveau le Capitaine, avec une mimique dubitative qui voulait dire « Avec celle-là, ce n’est pas gagné », tout en se sentant un peu coupable vis-à-vis de Mathilde, car elle n’avait pas tout à fait tort sur le fond. Il remarqua alors que Rousseau avait pris l’expression matoise du gendarme qui vient de trouver l’astuce pour prendre les nudistes en flagrant délit.



Marc comprit. Le capitaine venait de rappeler l’opportunité d’utiliser une technique classique de police, qu’il avait lui-même appris à utiliser avec efficacité.



Le capitaine sourit en entendant le « on » de son employé civil, mais se garda de relever avec trop d’ostentation.



Il y eut un silence. Tous trois savaient que le milieu du proxénétisme de la ville était une mafia très fermée, et très dangereuse, n’hésitant pas à recourir à la violence physique, voire au meurtre pour remettre au pas les filles voulant quitter le métier. La B.R.P. n’avait connu aucun succès majeur dans un passé récent et, concurrence entre services oblige, la plupart des membres de l’unité auraient particulièrement aimé y parvenir. Marc avait tenté plusieurs manœuvres d’infiltration à travers Internet, avait identifié quelques suspects rabatteurs, mais c’était un travail de fourmi et, à ce jour, il n’avait pas réussi à assembler une information suffisante pour toucher le cœur de l’organisation.


Le capitaine reprit la main :



Mathilde respira profondément. Elle se sentait prise dans un engrenage infernal.



Marc quitta le bureau, déjà occupé à échafauder des plans.


Pendant quelques secondes, Mathilde et le capitaine restèrent silencieux. Lui finissait de lire le récit de Marc, qu’il finit par reposer, en arborant une expression satisfaite qui sembla inquiéter Mathilde. Celle-ci choisit finalement de dire ce qu’elle pensait, quitte à admettre une faiblesse – ce qui n’était pour elle possible que dans un huis-clos avec son chef et, même ainsi, devait lui coûter beaucoup.



Rousseau regarda la jeune femme avec, pour une fois, l’air de ne pas jouer un de ses rôles favoris, à part celui qui était vraiment le sien : le chef de l’unité.



Mathilde chercha un mot qu’elle ne trouva pas, haussa les épaules, puis reprit son attaque, cette fois par une manœuvre de flanc.



Le Capitaine soupira.



Le Capitaine écarta la remarque d’un geste.



Petit à petit nous avons amassé toutes les données pour arrêter tout ce petit monde, y compris les intermédiaires qui fournissaient de jeunes enfants venus d’Europe de l’Est… Par contre, je n’avais aucune envie de dévoiler nos méthodes devant un tribunal. Alors, j’ai demandé à Marc d’identifier dans le réseau le maillon faible, celui sur qui on pourrait faire pression et qui enverrait tous les autres en prison en échange de la bienveillance des juges. Marc a choisi le Lyonnais, qui avait des remords et du mal à vivre avec.

Mais avec les problèmes de juridiction, aller l’interpeller là-bas n’était pas simple, alors Marc l’a tout simplement invité à venir déjeuner ici. On les observait en train de discuter à distance, et au bout de deux heures, qu’est-ce qu’on voit… les deux qui partent ensemble vers la Gendarmerie, et là le Lyonnais nous déballe tout, les faits, les contacts, les pourvoyeurs, et signe sa déposition, sans qu’on ait eu besoin de la moindre pression.


Mathilde avait entendu parler de cette histoire, dont les ramifications n’étaient pas terminées, des enquêteurs de plusieurs pays d’Europe remontant maintenant les filières. Leur unité avait été discrètement félicitée, tout en restant sous les radars des medias, quelque chose que le capitaine Rousseau appréciait plus que tout.


Et si Alexandre Klein, le maître-proxénète s’avérait être le maillon faible d’un autre réseau, celui du milieu local ? Cela permettrait de marquer de précieux points dans la guerre des polices, face à la B.R.P. Le capitaine Rousseau était un réaliste, qui devait régulièrement défendre l’effectif et les moyens financiers de son unité auprès de ses chefs, et un tel succès ne lui nuirait pas.



Mathilde, à bout d’arguments, quitta le bureau, de mauvaise grâce.


Le capitaine soupira. Concernant la morale personnelle de Marc, et à l’opposé de l’ensemble des autres membres de la brigade, elle ne semblait pas au courant du fait le plus notoire, ou bien n’avait pas osé l’aborder. Encore heureux, en un sens… ou pas. Dans les deux cas, cela démontrait une faille


Marc entra à son tour, et attaqua sitôt la porte refermée.



Le Capitaine, ne trouvant pas ses mots, fit un vague geste de la main. « Coincée », traduisit Marc dans sa tête, « bon, jamais il n’emploierait un tel terme, disons, psychorigide… »


Le Capitaine reprit.



Le Capitaine s’interrompit, fit un nouveau geste.


Marc le comprenait parfaitement. Jeune officier, brillante, Mathilde, était peu à l’aise dans l’univers glauque que l’unité affrontait, par manque de compréhension de l’ennemi, en grande partie due à sa fâcheuse tendance à classer les individus de façon binaire, honnête ou criminel, normal ou pervers. Son acharnement payait surtout face à des délinquants stupides ou imprudents. Moins tranchée, plus attentive aux nuances et aux faiblesses, capable de comprendre les demi-teintes, elle deviendrait bien plus efficace face aux gros gibiers.


Bref, il s’agissait de transformer un « pitbull » en un être humain complexe. Cela passerait-il par l’incarnation d’une femme à double personnalité ? Pour le lieutenant Mathilde Antonietti, il lui faudrait commencer par dénicher la première…


Marc soupira.







Chapitre 3 : Enquête d’air pur




There is no darkness but ignorance

(Il n’est d’obscur que l’ignorance)

William Shakespeare, Twelfth Night, [IV, 2]




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Jeudi, 8 h 30



Mathilde conduisait la voiture banalisée qui les emmenait vers la station, à une heure de route. Elle était de mauvaise humeur – encore du temps perdu. Marc aurait préféré y aller seul, mais sa consigne était claire, et à l’instar des véritables gendarmes de l’unité, il ne se serait jamais permis d’aller à l’encontre d’une directive de son chef.


Les recherches de la veille n’avaient pas donné grand-chose. Alexandre Klein n’avait rien à se reprocher, pas même une amende de stationnement impayée. Ils n’avaient pas risqué de faire une enquête de voisinage : mieux valait ne pas risquer de donner l’alerte.


Marc avait épluché les informations obtenues sur ses accès Internet. Ceux-ci étaient étonnamment rares, et l’analyse n’avait pas donné d’information utile. La surveillance au jour le jour de son accès et des messages apporterait peut-être plus d’information, mais cela demanderait un temps qu’ils n’avaient pas vraiment. Le Capitaine avait parlé de « quelques jours » à propos de l’exil de leur témoin, et Marc avait parfaitement compris le message implicite. Marie-Claire Chaix devrait bien revenir en ville un jour, et ils ne pourraient pas vraiment assurer sa sécurité sans avoir mis ceux qui la menaçaient sous les verrous ou, à tout le moins, certains d’entre eux, les autres étant mis sur la défensive.


Côté Marie-Claire Chaix, pas grand-chose non plus. Milieu bourgeois, partagé avec son mari, des deux côtés un solide réseau familial d’entrepreneurs, commerçants, politiciens et personnages influents de la ville, même si elle-même et son mari semblaient être plus des rameaux que des branches maîtresses du réseau. Elle avait été élève dans la même école où elle enseignait maintenant, puis dans d’autres établissements privés. Mariée à vingt ans, deux enfants, une licence de lettres obtenue entre deux grossesses, un CRPE obtenu malgré ses deux enfants en bas âge après une préparation par correspondance, ce qui démontrait à la fois capacité intellectuelle et volonté. Son métier d’institutrice était un de ceux acceptables dans le milieu traditionaliste de sa famille.

Ses enfants étant dans la même école qu’elle, elle pouvait facilement s’en occuper – du moins, lorsqu’elle n’était pas partie à la recherche d’émotions fortes. Vu de loin, c’était une femme et mère de famille modèle.



« Qu’elle ne comprenne rien, c’est le fond du problème, effectivement », pensa Marc. « Mais c’est déjà bien qu’elle s’en rende compte. »



Marc récapitula dans sa tête. Le point était d’importance, et il lui fallait profiter du fait que Mathilde semblait réceptive, ce qui n’était pas si courant. Son expérience passée portait sur d’autres formes de déviances, le cas de Klein et de Marie-Claire lui était étranger. Pour elle, comprendre, ce serait une petite partie du chemin de fait vers une capacité à incarner.



Marc s’interrompit quelques secondes, notant avec amusement que Mathilde avait lâché le volant d’une main et tripotait sa ceinture à l’endroit où elle portait habituellement ses menottes. Après une discussion la veille au soir, Mathilde avait finalement accepté de venir en civil pour cette visite « informelle ». Seule parmi les membres de l’unité, et en dépit du fait que l’essentiel de leur travail se passait dans un bureau, elle portait presque toujours son uniforme et son équipement au complet, Sig Sauer SP 2022 et menottes comprises. L’adjudant-chef Lazare, pince-sans-rire, prétendait que c’était parce qu’elle espérait bien un jour avoir l’occasion de prendre Marc en flagrant délit et de l’arrêter. Marc aurait bien ri de la plaisanterie s’il avait été absolument sûr que cela en soit une.


Pour cette visite, elle portait un ensemble bleu marine, pantalon et veste, qui était probablement le vêtement le plus proche de son uniforme qu’elle avait pu trouver. Ceci dit, il lui allait plutôt bien, et au moins, elle n’avait ni menottes, ni arme à feu.



Mathilde ne disait rien, l’air dubitatif.



Marc sourit, mais esquiva.



Marc la regarda, assez impressionné.



Mathilde avoua.



Marc approuva de la tête. C’était quand même un bel effort de sa part. Il reprit :



Mathilde semblait très concentrée sur ses explications. Dans le passé, Marc ne l’avait jamais vue exprimer une quelconque subtilité psychologique. À sa connaissance, elle connaissait en tout et pour tout trois types de comportement sexuels : a) la procréation, b) les comportements illégaux, à éradiquer grâce à l’action judiciaire dont elle était un représentant particulièrement acharné, c) les autres comportements, pervers mais malheureusement légaux. En conséquence, il craignait fort la surcharge neuronale de sa partenaire. Elle finit par secouer la tête, comme pour écarter ces billevesées, et dit :



Mathilde semblait toujours réfléchir intensément…



Marc comprenait parfaitement son inquiétude indirectement exprimée. Son sens du devoir n’allait certainement pas jusqu’à se livrer avec Klein et d’autres partenaires à différentes expérimentations sexuelles, même s’il se disait, en son for intérieur, que certaines pourraient lui ouvrir l’esprit. Il ne put s’empêcher de la provoquer en citant la prose ampoulée du capitaine.



Mathilde le regarda d’un air venimeux. Marc soupira, en pensant que le jour où elle aurait un minimum de sens de l’humour, tout irait mieux. Le châtiment en question, il avait plus d’une fois eu envie de lui administrer. L’aspect ludique de la chose serait certainement pour lui seul, mais ce serait déjà bien… Il expliqua :



Mathilde leva les yeux au ciel, mais préféra ignorer la provocation et se taire.


Arrivés à l’adresse indiquée, ils trouvèrent un petit immeuble pour vacanciers skieurs, assez luxueux, et sans doute peu habité à cette saison. Devant la porte, ils réalisèrent qu’ils n’avaient ni numéro d’appartement, ni étage. Allaient-ils devoir essayer tous les interphones ? – visiophones, corrigea Marc intérieurement, en remarquant la caméra au-dessus de la porte.


Mathilde désigna l’un des noms à côté d’un bouton.



Le nom était « Fréval ». Marc commenta



En sonnant, Mathilde le regarda avec un air supérieur :



Marie-Claire Chaix leur ouvrit la porte extérieure, puis celle de l’appartement. Pour un refuge, l’endroit était bien choisi, avec le visiophone à l’entrée de l’immeuble et une lourde porte sécurisée à celle de l’appartement.


Les deux enfants, un garçon de neuf ans et une fille de sept, étaient installés à la table du salon, livres et cahiers ouverts – Pour eux, les vacances forcées n’en étaient pas tout à fait, leur institutrice de mère veillait à ce qu’ils travaillent. Mathilde et Marc leur furent présentés, à peu près à juste titre, comme des policiers. En mentionnant le besoin de les mettre à l’abri d’un déséquilibré, non seulement le capitaine avait trouvé une habile couverture pour leur séjour ici, mais aussi fabriqué à l’avance une raison plausible pour leur visite.


Polis, après avoir dit bonjour, les deux gamins acceptèrent bien volontiers mais sans manifester de joie exagérée la suggestion de faire une pause en regardant la télévision. Ce tableau de famille idyllique était étonnamment décalé par rapport à l’affaire qui les amenait ici.


Les trois adultes s’installèrent au mieux dans la cuisine étroite. Marie-Claire Chaix paraissait un peu plus reposée que la veille, plus calme, et toujours aussi composée. Marc ne put s’empêcher de trouver son maintien remarquable – serein, comme soutenu par une force intérieure, sans arrogance, mais sans contrition non plus.


Un long silence s’établit, d’autant plus embarrassant que la petite taille de la cuisine leur avait imposé d’être assis très près les uns des autres. Marc craignit un peu une entrée en matière excessivement brutale de la part de Mathilde, mais avait implicitement supposé que celle-ci lui revenait, étant le seul officier présent. Au bout de quelques secondes, il réalisa qu’apparemment Mathilde avait fait la supposition inverse, soit par malaise face à la personnalité de leur témoin, soit parce que le capitaine avait donné à Marc la responsabilité de construire le scénario qui devait les mener à leur but.


On ne pouvait non plus exclure une pure malice de sa part, sans doute se réjouissait-elle fort de le laisser se débrouiller dans cette discussion. Marc était furieux de ne pas avoir pensé à préparer leurs rôles dans la voiture. Il avait imaginé un classique « bon flic, mauvais flic » avec évidemment Mathilde dans le rôle hargneux, et lui dans celui de la conciliation, mais le fait était que son expérience des interrogatoires lui venait exclusivement des romans policiers. Bon, ce n’était pas un interrogatoire, juste une discussion…


Une ombre de sourire apparut sur le visage de Marie-Claire Chaix. Seule parmi eux trois, elle semblait n’avoir aucun embarras, et se permit d’engager la conversation.



« Entre celle-là et Mathilde… » pensa Marc, « me voilà bien ». Il ne put s’empêcher de l’admirer. Quoiqu’on puisse lui reprocher, cette femme savait se tenir.



Marie-Claire Chaix joignit les mains, l’expression sérieuse.



Par déformation professionnelle, elle s’exprimait avec l’élocution légèrement exagérée, lente et claire, que l’on réserve habituellement aux jeunes enfants – un décalage de plus avec sa conduite privée.



Marc et Mathilde se regardèrent. Être dénoncé pour proxénétisme amateur par des maquereaux professionnels ne manquait pas de sel, mais Klein avait pu y croire par naïveté. Ou bien le milieu le tenait avec quelque chose de plus sérieux… Mais ce n’était pas le plus important. Le moment était venu de passer, comme si de rien n’était, à ce qu’il considérait comme l’objectif principal de leur visite.



Marie-Claire se tendit imperceptiblement.



Marie-Claire la regarda avec sur son visage une expression qui n’exsudait pas l’amour de son prochain, mais reprit calmement.



« Bon point pour le juge », pensa Marc, même si celui-ci avait surtout agi ainsi pour protéger Marie-Claire. Le feu vert, il lui avait donné après avoir rencontré Rousseau et obtenu des garanties. Ils n’auraient aucune chance de piéger Klein si celui-ci s’attendait à tout moment à ce que la police frappe à sa porte. Par contre, s’il pensait avoir perdu Marie-Claire sans pour autant avoir d’autre crainte que la pression subie de la part des proxénètes, la situation était optimale pour lui agiter un appât sous le nez…



Marie-Claire eut un instant d’hésitation.



Marc sortit un ordinateur portable de son sac, l’alluma. Après l’avoir connecté, il le tendit à Marie-Claire.


Celle-ci commença à chercher, avec hésitation au début, puis passant en revue annonce après annonce, pendant un long moment. Marc nota dûment le site d’annonce, et la catégorie.



Marc soupira, apparemment déçu.



Marie-Claire hésita un moment.



Ostensiblement, Marc revint s’asseoir à sa place, ne pouvant ainsi voir ni écran ni clavier. Mathilde ne regardait pas non plus, parfaitement au courant du fait que Marc avait sur son portable un logiciel qui enregistrait toutes les frappes au clavier. Il s’en souviendrait « par hasard » un peu plus tard. Légalement c’était un peu limite mais après tout c’était son ordinateur… Obtenir les mêmes informations par des voies officielles auprès des fournisseurs d’accès et de messagerie aurait pris des jours, voire des semaines. La première leçon que Marc enseignait sur l’accès aux informations personnelles était que les méthodes les plus simples étaient les plus efficaces.


Marie-Claire tapota un bon moment, puis confirma.



Elle se déconnecta, puis rendit l’ordinateur à Marc.



Marie-Claire sortit son propre téléphone, leur donna. Marc et Mathilde se regardèrent : le seul numéro qu’ils avaient trouvé pour Klein était celui de son téléphone professionnel, obtenu tout bonnement en le demandant au standard téléphonique de son entreprise. Ce numéro était différent de celui qu’elle venait de leur donner, Klein avait donc un téléphone personnel qu’ils n’avaient pas trouvé auprès des opérateurs mobiles.


Mathilde parla à nouveau



Marie-Claire réagit :



Face à cette pointe d’arrogance, Mathilde ne put s’empêcher d’exprimer ce qui ressemblait plus à un commentaire personnel qu’à une question.



Marie-Claire la regarda, les yeux grands ouverts, l’expression candide, et lui répondit :



Marc toussota.



De retour dans la voiture, Mathilde éclata.



Marc se dit que c’était la première fois qu’il la voyait perdre son calme – Mathilde était perpétuellement hargneuse, mais sans jamais élever le ton. Il leva la main :



Marc faillit répondre quelque chose de vraiment désagréable, mais se retint.



Mathilde avait un regard meurtrier.



Mathilde le regarda avec acuité. Marc préféra détourner le sujet, et adoucir les angles.



Mathilde fulminait encore et balaya sa demande d’un geste.



Marc ouvrit son ordinateur portable, le ranima et soupira de satisfaction.



Mathilde était à nouveau maussade.



Mathilde le regarda de travers.



Marc resta bouche bée. La veille, il avait attribué le trouble visible de Marie-Claire à ses difficiles aveux – mais avaient-ils été vraiment si difficiles ? Mathilde avait vu tout autre chose. Sa féroce hostilité envers leur témoin prenait aussi un jour nouveau, à la lumière de son propre comportement envers le capitaine, composé complexe d’admiration, de rébellion et d’obéissance plus ou moins réticente. Leur relation avait un côté filial, conflits compris, et une chose était sûre, aucune fille ne verrait d’un bon œil une bombe sexuelle d’à peu près son âge tourner autour de son père.


Rousseau avait-il une raison additionnelle de protéger son témoin ? L’huis clos dans le bureau avait dû être plutôt chaud, du fait de la confession de Marie-Claire. Marc soupçonnait fort que la version écrite avait été éludée au strict minimum, partie volontairement, partie du fait de la qualité d’expression écrite stéréotypée du capitaine. Par contre, celui-ci avait trente ans d’expérience des interrogatoires et il était un très bon interprète du langage corporel, des émotions et des non-dits. Si Marie-Claire avait été sexuellement sensible à son pouvoir, cela n’avait certainement pas dû lui échapper. Y avait-il été sensible en retour ?


Marc ne put s’empêcher de sourire en imaginant le capitaine en uniforme, tenant un fouet… Marie-Claire nue, à ses pieds… Un rôle de plus pour le capitaine Rousseau, qui les aimait tant.


Mathilde, elle, ne souriait pas du tout.





Chapitre 4 : Crudités au déjeuner




Brevity is the soul of wit

(La concision est l’âme de l’esprit)

William Shakespeare, Hamlet, [II, 2]




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Jeudi, 12 h



L’unité était regroupée dans une gendarmerie abandonnée par ses précédents occupants : lors d’une réorganisation récente, l’urbanisation du canton avait conduit au transfert du maintien de l’ordre à la police judiciaire. Marc avait hérité comme bureau du lieu le plus discret – et le plus sinistre – l’ancienne salle de garde à vue, maintenant surnommé « Le donjon de Marc ». Une partie de sa responsabilité était l’encadrement technique et la formation des adjoints, ou plus exactement des adjointes, l’équipe actuelle de trois étant entièrement féminine. Celles-ci se partageaient, en principe, le bureau voisin – surnommé par certains, mal, intentionnés, « Le harem de Marc » qui, lui, désignait le lieu comme « Chez les princesses mages ». Afin de faciliter le passage de connaissances, et de garantir une équité entre les trois, il avait pris l’habitude de partager son bureau avec celle qui était d’astreinte pour la semaine – une des trois l’était toujours.


Avec son habituelle autorité, très sèche, Mathilde informa Fanny Vandamme, l’adjointe d’astreinte, de regagner le bureau voisin pour un temps indéterminé. Par derrière, Marc fit une mimique voulant dire « désolé » à Fanny, mais en sortant celle-ci répondit par une autre, semblant vouloir dire « Pas de problème, bon courage à toi avec P’tit’Bull ». Le capitaine croyait à la confidentialité, donc au cloisonnement, et demandait souvent à son personnel de travailler de façon indépendante, et discrète, sur les différentes investigations, avec compte-rendu pour lui seul. Une équipe de deux pour une affaire sérieuse était la norme. Ce qui surprendrait le plus les membres de l’unité, c’était la composition explosive de l’équipe en question.


Marc se connecta sur le compte de messagerie de Marie-Claire Chaix.


Mathilde laissa échapper sa déception.



Sans répondre, Marc ouvrit la « poubelle » du compte. La page lui annonça : 363 messages.



Copier/coller tous les messages, un par un, aurait pris tout l’après-midi. Marc avait la solution et se contenta de configurer un client de messagerie avec les caractéristiques du compte. Ceci fait, le logiciel recopia automatiquement l’ensemble des messages sur son ordinateur, en l’espace de quelques minutes – y compris ceux de la poubelle. Le temps de chargement leur permit de récupérer et d’attaquer leur repas. Marc avait un sandwich qui l’attendait sur son bureau, Mathilde avait apporté une salade et des pâtes qu’elle ne prit pas la peine de réchauffer.


Ils constatèrent très vite que les messages remontaient à plusieurs mois avant la date de sa rencontre avec Klein. Marc aurait été intéressé de lire toute la correspondance de Marie-Claire – elle avait tout détruit, et cela l’intriguait. Mais le temps leur manquait, aussi glissa-t-il rapidement vers la bonne date.


Ils trouvèrent rapidement la réponse à l’annonce d’Alexandre Klein, et le dialogue qui s’ensuivit.




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Réponse à votre annonce

Bonjour, j’ai 29 ans, mariée et vis avec mon amour de jeunesse depuis dix ans. Je ne suis pas prête à avoir une relation extra-conjugale mais vos paroles me font rêver…

Marie-Claire


PS : Votre annonce « Libre de vous soumettre » :

Bel homme viril de 42 ans recherche une femme souhaitant vivre les plaisirs de la soumission sexuelle, en toute sécurité et pleine confiance, dans une relation régulière. Débutantes bienvenues, si vous en avez le désir profond, l’envie, ou même simplement la curiosité.

Sans doute, êtes-vous forte, et libre, dans votre vie. Mais en privé, en vous laissant (fermement) guider par un homme dominateur et protecteur, seul votre plaisir comptera. Je n’empiéterai en rien sur votre autre vie, votre obéissance ne sera requise que lors de nos rencontres.

Pour vous, l’ultime liberté n’est-elle pas de vous soumettre ?




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Bonjour Marie-Claire,

Merci d’avoir répondu à mon annonce. Sauter le pas, d’avoir une relation autre, n’est pas évident, mais il peut être intéressant pour vous d’explorer ce côté, ne serait-ce que par l’écrit. Je suppose que vous ne partagez pas vos « rêves » – du moins pas tous – avec votre mari. Parlez-m-en. Dites-moi sur vous, vos désirs, à quand remontent-ils ?

Alexandre




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Bonjour Alexandre,

Merci de m’avoir répondu.

Déjà enfant j’avais des fantasmes de punition, de contrainte, de mise à nu forcée par des hommes sévères, dont je ne voyais pas le visage. Je n’en connais absolument pas l’origine. Plus tard j’ai refoulé ces envies – très contraires à mes principes et à mon éducation. J’étais persuadée qu’il s’agissait d’une anomalie et que vivre une sexualité normale les ferait complètement disparaître.

Je me suis trompée sur ce plan. Après quelques années – et beaucoup d’insatisfaction – mes fantasmes ont resurgi, et sont devenus de plus en plus envahissants.

J’ai beaucoup parlé de cela à mon mari, mais c’est un homme d’une infinie tendresse, qui me respecte, et ce n’est pas dans sa nature et dans sa personnalité de répondre à mes fantasmes.

Je n’ai pas essayé de les vivre, si ce n’est par ces demandes faites à mon mari, mais qui n’ont pas vraiment abouti.

Marie-Claire




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Bonsoir Marie-Claire,

Un jour vous oserez, quoi qu’il arrive, c’est dans votre nature, vous n’y pouvez rien. Votre seule décision est quand.

Je doute que votre mari compte beaucoup sur ce plan, vous l’avez déjà irrémédiablement distancé dans une recherche qui le dépasse.

Douceur et force alternées, tendresse et contrainte subie mais acceptée, c’est l’univers qui s’ouvre à vous. L’infini soulagement d’être vous-même, libérée de toutes les apparences, avec celui qui ne vous jugera pas, vous respectera, sera à la fois le maître et l’instrument de votre plaisir.

Les bornes, vous avez le pouvoir de les définir. Ce sera mon devoir de les défier, une par une, de faire la différence entre vrai et faux, entre ce qui est votre nature profonde et ce qui n’est qu’apparence, respectabilité acquise mais sans objet dans l’huis clos, dans la vérité ultime de votre corps se libérant, s’offrant pour votre plus grand plaisir.

Je vous guiderai,

Alexandre




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Bonjour Alexandre,

J’aime beaucoup ce que vous écrivez. Je m’y retrouve totalement et cela me rend très anxieuse.

Je me demande ce que ce doit être d’être éduquée par vous.

Je vous envoie une photo de moi Il me faut vous avouer avoir un défaut physique, qui est bien visible sur cette photo, même si seuls mes proches le connaissent… j’espère que je vais vous plaire quand même.

Marie-Claire




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La photo en question montrait une Marie-Claire un peu plus jeune, sur une plage, en maillot de bain deux-pièces. Sur le côté droit du torse, puis remontant le long de sa poitrine, très nette, apparaissait une large cicatrice qui devait être une brûlure, certainement très ancienne. Ainsi, Marie-Claire avait bien un point faible, un secret caché, peut-être une culpabilité. Quelle désobéissance enfantine avait-elle causé cette brûlure ?


Mathilde s’impatientait visiblement.





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Marie-Claire,

Votre photo me plaît. J’apprécie que vous n’ayez pas cherché à cacher ce défaut. Celui-ci n’est qu’un léger accroc à votre beauté, et me l’avoir révélé montre votre envie de vous livrer à moi, sans restriction.

Nous allons commencer rapidement votre éducation dans ce nouveau monde qui s’offre à vous. Voici le contrat que vous aurez à signer.


Contrat de soumission


Article 1 : Engagement de la soumise à son Maître :


• La soumise vouvoie son Maître et l’appelle Monsieur (Maître est une variante autorisée en privé et par écrit).

• La soumise s’interdit de mentir à son Maître, y compris par omission, pour tout ce qui a trait à sa sexualité et à ses fantasmes, sans aucune restriction.

• La soumise s’engage à progresser dans sa soumission lors de sessions dont le règlement est défini à l’article 3.


Article 2 : Devoirs de la soumise en présence du Maître.


• La soumise porte toujours une tenue vestimentaire conforme aux exigences du Maître et, à défaut de consignes particulières, une jupe ou robe (adaptée à la saison, sobre), en hiver, des bas. Sauf demande ponctuelle du Maître, pantalons, collants, culottes et strings sont proscrits.

• Sauf requête spécifique du Maître, la soumise doit toujours agir, en public et en privé, de façon bien élevée, avec politesse, humilité, décence, mesure et sobriété, un maintien droit, un vocabulaire sans trivialité, et aucune attitude négative ou de confrontation.

• La soumise ne dira jamais « Non » en réponse à une instruction. Les réponses possibles sont « Oui, Monsieur », « Si cela vous plait, Monsieur », ou « Seulement si cela vous plait, Monsieur ».


Article 3 : Devoirs additionnels de la soumise lors d’une session de soumission.


• La soumise doit absolue obéissance à son Maître. Elle s’engage à le satisfaire au mieux de ses possibilités et en toutes circonstances.

• La soumise accepte que son corps soit à l’entière disposition du Maître, à tout moment, sur une simple injonction de celui-ci.

• La soumise accepte les punitions, y compris physiques, en particulier pour tout manquement à l’une des règles.

• Il est possible à la soumise d’interrompre une session SEULEMENT par l’utilisation d’un mot de sécurité, qui est « Limite ».


Article 4 : Devoirs de la soumise en dehors de la présence du Maître :


• La soumise fera régulièrement part à son Maître, par écrit, de son état d’esprit, de ses envies, de l’évolution de ses fantasmes, de ses impressions lors des séances, de ses disponibilités.




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Maître,

Ce contrat me convient, je l’accepte sans restriction.

Je suis libre les mercredis. Est-ce possible pour vous ?

Marie-Claire




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Il pointa du doigt l’article 4 du contrat.





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Marie-Claire,

Mercredi à 13 h me convient très bien. Je vous proposerai l’endroit exact en temps utile. Rappelez-vous les règles sur votre tenue. J’imagine déjà l’expression de votre visage, votre souffle court, ce papillonnement qui deviendra un déferlement dans votre ventre quand j’exigerai de vous que vous enleviez votre jupe.

Alexandre




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Marie-Claire,

Vous avez été un très vaillant petit soldat cet après-midi. Je n’ai eu avec vous depuis notre premier échange, que de bonnes surprises.

Comment va votre si joli cul ? Idéalement vous devriez le sentir juste assez pour vous rappeler de bons moments.

N’oubliez pas vos obligations,

Alexandre




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Bonjour Maître,

On est dimanche matin et enfin je suis un peu seule. J’ai peur de faire une erreur qui me trahisse mais je ne ressens pas de culpabilité… Je fais très attention.

Je ne regrette rien, j’assume. J’ai énormément apprécié et je ne demande qu’une chose : vous revoir pour que vous m’appreniez à être à votre merci, parfaite et obéissante soumise qui exaucera tous vos désir.

Mon « si joli cul » va très bien, mais vous lui manquez.

Quant à mes impressions sur notre rencontre de mercredi, c’est difficile de tout écrire. Mon ressenti émotionnel tout d’abord : excitation, émotions, un peu de culpabilité, mais sans regret comme je vous le disais plus haut.

Enfin, je vais pouvoir vous parler de mon ressenti physique. J’ai aimé votre façon de prendre les choses en main. M’avoir déshabillée en me regardant, comme si vous calculiez dans votre tête ce que vous alliez me faire. Ce qui m’a beaucoup excitée au tout début, c’est quand vous êtes venu derrière moi (j’étais encore toute habillée) et que vos bras m’ont entourés autour de mon cou.

Ensuite… TOUT M’A PLU :


– J’ai aimé que vous soyez directif dans vos gestes, comme si j’étais une petite fille qui ne savait pas trop comment s’y prendre (et dans le cas présent c’était plutôt vrai)

– Quand vous êtes venu sur moi, assis sur ma poitrine, et que vous m’avez laissé vous sucer, car même si c’était pour votre bon plaisir, j’ai aimé quand vous avez pressé ma tête pour que j’engloutisse votre queue entièrement dans ma bouche, oui, j’aime et cela m’excite…

– Quand vous m’avez basculée sur le lit avec l’oreiller sous moi pour me mettre en « position

– Cette fessée… et sa douleur rédemptrice, vite devenue douce car acceptée.

– J’ai apprécié votre douceur quand vous m’avez prise au début – vous m’avez rassurée et je n’ai pas eu mal – pour dire crûment les choses, j’ai adoré bien sûr, quand vous m’avez sodomisée – j’ai eu mon plus gros orgasme ; je vous suis tellement reconnaissante que je peux vous dire que vous avez toute ma confiance.

– J’ai aimé vous appeler Maître pendant l’acte, je crois que je vais continuer car vous avez le pouvoir sur moi et je veux vous le montrer. J’espère que notre prochaine rencontre se fera bientôt… mon corps est tout à vous, frémissant d’avance de ce que vous exigerez de lui… J’attends votre réponse avec impatience


Marie-Claire




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Marie-Claire,

Pour un premier devoir, ce n’est pas trop mal, mais à l’avenir veillez à être plus concise, plus précise, et plus crue, sans rien omettre d’important, ni rien éluder de ce qui vous semble honteux. À mercredi prochain

Alexandre




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Maître,

Quel bonheur d’être vôtre. Ma brève rébellion quand vous m’avez contrainte à me mettre nue devant cette fenêtre n’était qu’enfantillage. Je suis heureuse que vous m’ayez sévèrement punie. Je dois vous avouer que, quand vous m’avez lié les mains, je ne tremblais pas seulement de crainte, car mon corps et mon âme aspiraient au châtiment. Ensuite, votre cravache cinglant mon dos, mes cuisses, mon cul m’a fait très mal, et j’en sens encore la brûlure. Mais je l’avais méritée, je ne me rebellerai plus.

Malgré la douleur, quelle émotion, quel plaisir de suivre à la lettre vos directives, de placer mon corps, de me donner exactement comme vous le souhaitiez. Quelle honte douce de lever mon cul sous votre regard, de vous l’offrir. Quelle douleur, mais quelle satisfaction, quand votre bite, impérieuse, m’a forcée, m’a faite si totalement vôtre, avant de me donner tant de plaisir.

Je veux vous sentir près de moi, sentir vos mains sur mon corps, sur mon visage, je veux être à votre merci… corps et âme… je veux que vous marquiez votre empreinte sur moi, rien que pour montrer que je vous appartient entièrement.

Marie-Claire




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Maître,

Quelle agréable surprise de recevoir votre message, de faire cette brève visite dans ce chantier. J’ai aimé quand vous m’avez prise contre cette palissade, jupe relevée et slip baissé, exposée à tous vents. J’ai aimé n’être que l’objet destiné à vous satisfaire, m’offrir docilement à votre désir, recevoir ce membre qui me fouaillait. Je n’ai qu’un regret, c’est de n’avoir pu voir cette belle bite aller et venir entre mes fesses, je suis sûre que j’adorerais observer mon offrande obscène.

Quel bonheur de vous sentir décharger, d’être le réceptacle de votre force, de recevoir votre sève. En repartant, j’étais fière de la porter en moi. Je suis partie de chez moi moins d’une demi-heure, j’ai été entièrement vôtre, avant de revenir à la normale – et de penser à la prochaine fois.

Marie-Claire




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Marc s’interrompit. Comment lui dire diplomatiquement que si Klein n’avait été intéressé que par d’autres rondeurs, ils auraient pu tout de suite partir acheter un soutien-gorge rembourré ? Il n’avait aucune idée de la façon dont Mathilde percevait son propre corps.


Mathilde le regarda avec une expression étrange, faillit dire quelque chose, puis y renonça. Visiblement, elle se rendait de plus en plus compte que certains détails de sa mission n’avaient aucune chance de figurer un jour au panthéon martial des plus glorieux faits d’armes de la Gendarmerie.


Marc et Mathilde parcoururent rapidement quelques messages, démontrant la sujétion croissante et les découvertes de Marie-Claire, sans surprises pour eux, compte tenu de la déclaration qu’elle avait faite et qu’ils avaient lue.


Après avoir lu le compte-rendu de la «  vente aux enchères » de Marie-Claire, Mathilde remarqua :



Marc fit une recherche rapide.



Ils reprirent la lecture. À un moment, Mathilde s’arrêta sur une phrase.


« La punition que j’ai reçue aujourd’hui a été pour moi très spéciale. Honte, découverte et quelles sensations, après ce figging que vous m’avez imposé ».



Mathilde eut une brève hésitation.



Mathilde fit une grimace. Ils reprirent leur lecture diagonale. Aussi instructif que soit l’évolution de Marie-Claire, la partie qui les intéressait était la fin de l’échange.





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Maître,

Quand vous m’avez laissée seule dans la voiture, j’étais tremblante de peur, de honte et d’excitation. Une partie de moi espérait qu’à votre retour, rien d’inhabituel n’arriverait, et que nous repartirions ensemble.

Puis vous êtes revenu, et m’avez donné l’ordre d’entrer et d’obéir à cet inconnu. En marchant vers la porte, j’ai eu, plus que jamais auparavant, l’impression de franchir un point de non-retour. Jamais plus, après cela, je ne pourrai être la même femme. Bien sûr, je pourrai prétendre, cacher, comme j’ai si bien appris à le faire ces derniers mois. Mais au fond de moi, je serai devenue, irrémédiablement, une putain.

Après être entrée, après avoir été évaluée du regard, rouge de honte, comme la marchandise que je suis. J’ai été curieusement détachée, et appliquée à satisfaire. Me déshabillant devant lui, je n’étais déjà plus que chair. Pénétrée, je n’ai été privée ni de sensation, ni de plaisir. Devoir obéir à chaque sollicitation, à chaque injonction ajoutait, à chaque fois, l’adrénaline qui soulignait le ressenti.

Pourtant, le moment le plus fort a été celui où vous m’avez remis ma part… Malgré ce que j’ai pu vous dire avant, je crois d’ailleurs que j’aurais aimé la recevoir de cet homme – assumant ainsi pleinement ce que je suis.

Je ne le savais pas, mais sais maintenant que je voudrais recommencer. Mon avilissement est acquis, et je sais que je saurai en jouir.

Votre Marie-Madeleine non repentie.




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Mathilde écarta la remarque d’un air irrité.



Mathilde relut le message avec attention.



Marc hésita. Il pouvait y avoir un enchevêtrement de raisons complexes pour cela. Le court compte-rendu de Marie-Claire ne permettait pas d’en savoir beaucoup.





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Maître,

Ce jour restera l’un des plus marquants que vous m’avez fait vivre.

Il y a eu cette maison, si banale, et ce rôle, lui aussi si banal, de femme au foyer désœuvrée. Jouer ce rôle, prétendre être une autre m’a énormément plu, je me suis ainsi détachée de cet autre rôle, celui que je joue tous les jours auprès de mes proches. Ensuite, devenir moi-même, être putain a été très simple, très naturel.

J’ai aimé votre choix de ces trois hommes, le grand, le gros, le maigre, le beau, le quelconque et le laid, le cultivé, le frustre et l’étranger. Ils m’ont ramenée à ma vocation, celle de les servir, les satisfaire, les vider, ma bouche, mon con et mon cul réceptacles de leur virilité. Ces bites qui m’ont labourée et ont déchargé en moi. Et mon corps sans honte, projeté de frissons en vagues et de vagues en déferlements de plaisirs.

J’ai aimé ranger leur argent – mon argent – dans ce tiroir, cette petite pile qui montait. Je l’ai gagné et bien gagné, et c’était une satisfaction de plus alors que j’en avais déjà tant eues.

Le seul moment difficile a été le retour, j’ai eu plus de mal que d’habitude à redevenir l’autre, celle qui de plus en plus n’est qu’un rôle de composition pour mo…

Marie-Claire




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Mathilde resta silencieuse un bon moment après sa lecture. C’est Marc qui rompit le silence.



Ils reprirent leur lecture, et approchèrent de la fin du dialogue.




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Maître,

J’aimerais vous parler de plaisir, mais aujourd’hui je ne le peux pas. Cet homme que j’ai rejoint dans cette chambre d’hôtel, je le connais très bien. Je l’ai rencontré plusieurs fois lors de réceptions et de dîners. J’ai cru un moment qu’il allait aussi à me reconnaître, il cherchait visiblement à se rappeler… J’ai dû exagérer mon comportement de putain pour le détourner de ses souvenirs, venant d’un contexte tout autre.

Je vous l’ai dit, je ne peux pas continuer ainsi. La honte, la peur, peuvent enrichir l’excitation, mais à un certain point, ce n’est plus possible. Aujourd’hui j’ai été mauvaise, froide, incapable de donner mon corps aussi totalement que je le fais d’habitude. La peur était là, et tuait tout le reste

Marie-Claire




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Marie-Claire,

Je comprends votre situation, les risques. Mais êtes-vous vraiment prête à renoncer à cet immense plaisir que vous prenez à remplir votre mission ?

Je vous l’ai dit, je ne peux y renoncer, il y a un vrai danger, physique, pour moi, comme pour vous. Ils n’hésiteront pas une seconde à vous exposer si vous arrêtez.

Je vous donnerai plus d’information avant chaque rencontre, pour éviter le type de situation où vous vous êtes trouvée cet après-midi.

Obéissez, vous n’avez pas le choix.

Alexandre




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Ils arrivèrent, enfin, au dernier message.




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Alexandre,

Ce soir, l’homme que j’ai retrouvé à l’hôtel m’a reconnue. Son visage m’est familier, mais je ne sais pas qui il est. Il m’a interrogée sans relâche pendant une heure, savoir, comprendre ce qui m’avait amenée là semblait être bien plus important que tout le reste – aucune séduction, aucune faveur sexuelle ne pourrait l’arrêter, je l’ai vite compris. J’ai fait ce que j’ai pu, essayé de sauver ce qui pouvait être sauvé, mais c’est la fin, il a compris bien trop de choses, et le reste, il le cherchera sans relâche.

Il vous faut renoncer, je ne pourrai plus vous servir. Je pars avec mes enfants, je quitte la ville, je n’y reviendrai sans doute pas.

Marie-Claire




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