n° 15052 | Fiche technique | 57399 caractères | 57399Temps de lecture estimé : 42 mn | 28/06/12 corrigé 11/06/21 |
Résumé: Curieuse rencontre en montagne. On donne le petit doigt et on se fait manger tout cru. | ||||
Critères: fh religion campagne amour fellation cunnilingu pénétratio confession humour -initiat | ||||
Auteur : Bouldegom Envoi mini-message |
Tous les cœurs se rallient à sa blanche cornette,
Si le chrétien succombe à son charme insidieux,
Le païen le plus sûr, l’athé’ le plus honnête
Se laisseraient aller parfois à croire en Dieu.
Et les enfants de chœur font tinter leur sonnette…
Je vivais à l’écart de la place publique, serein, contemplatif, ténébreux, bucolique… Petite retraite récente d’instituteur, mais peu de besoins, et une petite maison confortable dans la nature, pas loin de Briançon. Veuf depuis deux ans, une sale maladie m’ayant enlevé en rien de temps une femme aimante et aimée. Une vie calme et presque volontairement solitaire, avec beaucoup de livres, et beaucoup de CD des « vieux » chanteurs de mon temps. Une vieille guitare, mais jamais je n’ai fait bien mieux que de me faire plaisir, avec quelques accords pour chanter mes chansons. Mes trois enfants, loin avec leurs propres enfants et leurs soucis, me rendent visite de temps en temps, pas souvent.
Le mois de mai a été plutôt pourri, mais ce début de juin est magnifique. Tôt ce matin, je suis monté au pic de Baudouis. Itinéraire médiocre dans les éboulis, mais sommet bien dégagé et belle vue. En prime, quatorze chamois se promènent au-dessous de moi, sans m’avoir remarqué.
Sur le chemin du retour, juste au-dessous du col des Ayes, je tombe sur un spectacle étonnant. Une femme est assise au bord du chemin, avec une valise et un cabas près d’elle. Elle a des chaussures de ville, un petit foulard et une grande robe grise à manches, de style grand’mère. Pourtant, elle ne doit pas avoir la cinquantaine. Elle répond à mon bonjour par un sourire au bord des larmes.
Je lui demande si je peux l’aider en quoi que ce soit. Elle me dit qu’elle a très mal aux pieds, qu’elle a péché par orgueil de vouloir passer par là, que la nature est belle et que le cœur lui fend, qu’elle s’excuse, qu’elle va se débrouiller…
J’insiste un peu, perplexe devant son discours et son accoutrement bizarres. Une folle ? Dans mon sac, outre l’appareil photos, les jumelles, la couverture de survie, la frontale, mes gants, mon anorak, et un tas de trucs indispensables qui ne me servent jamais, j’ai une mini pharmacie avec Bétadine, tricostéril, coton et ciseaux. Je lui propose de soigner ses pieds. Elle se fait sérieusement prier, mais finit par me les montrer. Une horreur ! Des ampoules sur chaque orteil et au talon, la plupart éclatées. N’ayant jamais d’ampoules, je n’ai pas de « double peau », mais je me transforme en infirmière émérite et répare un peu les dégâts. Curieusement, elle semble plus redouter le contact de mes mains que mes soins parfois piquants.
Elle vient de Brunissard et se rend à Briançon. Comme elle voit bien que j’ai des doutes sur sa santé mentale, elle finit par m’expliquer, la mine réjouie, qu’elle était religieuse contemplative dans un couvent vers Barcelonnette, et qu’elle a décidé d’en partir.
Et deux secondes après :
La supérieure lui a rendu son testament, et elle a hérité du petit appartement de ses parents à Briançon. Elle avait tellement envie de nature et d’espace qu’elle a décidé d’aller à pied de Brunissard à Briançon. C’est un fournisseur du couvent qui l’a emmenée de Barcelonnette à Brunissard.
Je ne comprends pas la moitié de ce qu’elle me raconte. J’ai surtout du mal avec l’histoire du testament et de l’héritage. Je lui propose de l’accompagner jusqu’à ma voiture aux chalets des Ayes et de l’emmener à Briançon. Je porte, en plus de mon sac à dos, sa valise, bien légère, et son cabas, pas bien lourd. En chemin, tout en boitant péniblement, et harcelée par mes questions (elle n’a manifestement pas l’habitude de parler), elle éclaire un peu ma lanterne. Les religieuses, en prononçant leurs vœux, font un testament par lequel elles cèdent leurs biens à leur ordre. La supérieure, qui apparemment était une femme bien, lui a rendu son testament avec un petit pécule pour le travail qu’elle a réalisé au couvent. Quant à l’héritage, ses parents sont décédés depuis peu, et elle hérite de leur appartement. Elle doit passer voir le notaire pour avoir les clés.
Je lui dis qu’on est samedi et que le notaire ne sera pas ouvert avant lundi ou mardi, et je lui propose de l’héberger jusque là. J’ai de la place et, tout en pensant que je fais une superbe bêtise, j’ai bien envie de compagnie et d’en savoir un peu plus sur cette drôle de femme. Après de nombreuses tergiversations – je vais aller à l’hôtel, je vais vous déranger, je suis très ennuyeuse –, elle accepte ma proposition, manifestement avec une certaine joie.
Je sens que ma maison, avec beaucoup d’arbres, d’herbes indisciplinées et de fleurs, n’est pas tout à fait conforme au style du monastère soigné, ordonné, rangé, dépouillé, où elle vient de passer dix-huit ans de sa vie. Je l’installe dans la confortable chambre d’amis qui n’a rien d’une cellule monastique, puis je prépare un petit repas. Lorsqu’elle me rejoint, je la regarde un peu pour la première fois. En fait, elle est plutôt jeune, brune avec des cheveux courts mal taillés, quasiment au bol, pas très grande, un mètre soixante-dix à peine, des yeux noirs et vifs. Son visage est doux et éveillé, souvent grave, mais, curieusement, on a toujours l’impression qu’elle va rire, peut-être même se transformer en grenouille (de bénitier ?). Son corps, ma foi, il est bien caché sous sa robe. Elle paraît plutôt mince. Ah oui, ses pieds sont dans un état horrible, mais très mignons.
Je dois aller faire des courses en ville, et je l’abandonne après lui avoir fait visiter la maison, montré, et expliqué… le lecteur de CD. Désolé, pas de télévision, mais je doute que ça lui manque.
À mon retour, je la découvre dans un fauteuil, les pieds nus, du moins habillés de leurs seuls pansements, et elle écoute avec ferveur Brassens, « La veuve ». Elle se tord de rire ! Dieu merci. Non, elle ne connaît absolument rien de la chanson profane. Non, ça ne la choque pas trop.
J’ai maintenant compris. Elle ne parle jamais spontanément. Vœu de silence ? Mais, à chaque question, elle répond avec soin et sincérité. Elle a fait l’École normale, juste avant les IUFM, et a enseigné deux ans en CP. Elle est ravie que je sois un ancien instit’. Après avoir fait deux séjours pendant ses vacances dans un couvent, elle a décidé de devenir religieuse, passant de Suzanne à sœur Madeleine. Elle n’a pas bien envie de parler de sa vie cloîtrée. Seule jeune parmi des femmes de quinze ans au moins ses aînées, elle a d’abord été accueillie comme un renouveau, puis, au bout d’une dizaine d’années, rejetée par un certain nombre de ses sœurs, parce que peu docile, aimant rire et faire des farces et, paraît-il, trop curieuse.
C’est cette curiosité qui petit à petit l’a amenée à douter de sa vocation et même, abomination, de l’existence de Dieu. La mort de ses parents, et donc la disponibilité de leur appartement, l’ont amenée à demander une exclaustration. Elle a travaillé deux mois dans une association de Barcelonnette, tout en résidant au cloître, mais elle a trouvé un poste à la rentrée dans une maternelle de Briançon, ce qui l’a décidée à partir, avec l’appui de la supérieure… et de son confesseur (en un seul mot).
La courte soirée (elle est épuisée) me confirme qu’elle est loin d’être folle. Elle ne manque pas non plus d’humour propre, ce qui pour moi est une qualité essentielle. Elle a envie d’apprendre à vivre dans le monde, où tout est effrayant, mais si attrayant. Non, elle n’a pas peur de moi. Elle devrait ? Mon prénom ? Yves.
Notre vie s’organise rapidement comme deux vieux colocataires, elle la catéchumène et moi, l’énergumène. Les visites au notaire, puis à l’appartement, montrent que des travaux importants et relativement coûteux seraient nécessaires pour l’habiter dans un certain confort. Je lui propose de rester aussi longtemps qu’elle veut. Elle pourra consacrer sa future paye aux réparations. Pour être honnête, cette Suzanne bouleverse ma vie et me fait du bien. Son ignorance totale de la vie moderne et son désir effréné de tout apprendre titillent et valorisent le vieil instituteur qui demeure en moi.
Après de grandes discussions sur Dieu, moi, athée indéfrocable et elle, en plein doute et défroquée, nous décidons de bannir Dieu de nos conversations. Chaque fois qu’elle parle de Dieu, de la Sainte Vierge ou des saints, elle marque un point. Au bout de dix points, elle a un gage. Elle décide en représailles que chaque fois que j’en parle aussi, ou que je dis un juron (ce qui n’est pas rare, nom de Dieu !), je marque également un point. Idem pour le gage. Au début, nous sommes sur nos gardes, et les gages sont très lointains. Mais son long conditionnement à la prière et à l’action de grâces d’une part, et quelques coups de marteau sur mes doigts, et un long conditionnement au blasphème d’autre part, finissent par nous faire progresser.
C’est elle qui atteint la dizaine en premier. Son gage sera que je lui achète des vêtements « normaux » et qu’elle les mette. Il ne reste malheureusement rien des vêtements de mon épouse, que j’ai donnés à une association. Elle joue le jeu avec un peu de gêne d’abord, puis avec manifestement un grand plaisir. Je lui ai acheté une belle robe bleue à volants qui en fait une magnifique demoiselle paysanne. Bon, elle n’est pas sexy sexy, mais très… présentable.
Le deuxième gage est également pour elle. Je lui demande qu’on se tutoie. Là, elle a beaucoup de mal ; elle n’a jamais tutoyé que Dieu, et je ne suis pas à la hauteur… Mais, petit à petit, le tutoiement s’installe entre nous. Quand je l’agace, elle me dit « Monsieur, vous… », et je comprends. Quand elle m’agace, je dis « Sœur Madeleine, vous… » et elle comprend.
Pour mon premier gage, elle m’a demandé de l’inviter au restaurant. C’est bizarre, deux semaines après notre rencontre, je n’y avais jamais pensé, et j’avais idée qu’elle préférait éviter la foule. Mais son envie de connaître le monde est immense, et elle n’a pas mangé de pizza depuis vingt ans !
Pour mon second gage, je me souviens, c’était le vingt juin, elle m’a dit :
J’ai du frôler la crise cardiaque. J’ai balbutié bêtement :
Là, il s’est passé un truc encore plus inattendu. Elle a éclaté en sanglots. Je l’ai consolée comme j’ai pu, en la prenant contre mon épaule pour la première fois. Elle était raide comme un piquet et, tout en déversant des pleurs amers, elle m’a raconté que son père l’avait continuellement harcelée depuis sa puberté, avec des attouchements et un chantage à l’amour filial. C’est beaucoup à cause de cela qu’elle s’était tournée vers la vie monacale. Quant à sa mère, chaque fois qu’elle essayait de lui en parler, elle défendait son mari en prétendant qu’il ne faisait qu’être un père plein de tendresse.
Du coup, j’étais bien penaud, et la conversation s’est arrêtée là. Mais pour elle ce qui était dit était dit. Un gage est un gage ; cochon qui s’en dédit.
Le lendemain, elle était de très bonne humeur. Ses pieds étant guéris, ou presque, elle a essayé les chaussures de montagne de mon épouse, qui lui vont comme un gant (si on peut dire). Nous avons fait notre première grande balade en montagne, parmi les fleurs. C’est une bonne marcheuse. La vie monacale a sans doute un peu atrophié ses muscles, mais elle s’épanouit à vue d’œil.
Le soir, je lui ai chanté un peu de folksong avec la guitare : Banks of Ohio, Trees they do grow high, I never will marry, et bien sûr Ô Suzanna. Elle ne connaît rien de profane ! Elle m’a chanté du plain chant (après dérogation pour les points à gage). Elle a une voix très pure, quasi angélique. Je suis subjugué. Il ne manquait que l’encens.
Je venais de me coucher, et je lisais mon bouquin dans mon lit, quand elle a frappé à ma porte. Elle est entrée, vêtue d’une grande chemise de nuit blanche sans aucun ornement.
Et elle sort. J’attrape vite mon slip et je l’enfile. Je ne vais tout de même pas mettre mon futal. Elle se fout de moi, avec sa chemise de nuit.
Elle entre, éteint la lumière et se glisse dans le lit, me tournant le dos.
En fait, elle tremble comme une feuille morte. Je ne peux m’empêcher de la serrer dans mes bras. Elle est toute raide (il n’y a pas qu’elle !) et chaude. J’essaye de ne toucher ni ses seins, ni ses fesses, ni son sexe, ni rien. Mais allez serrer une femme qui tremble sans rien toucher ! Après plusieurs longues minutes, elle commence à se détendre. Je ne sais pas quoi faire de mes mains. J’en ai une sous sa taille. L’autre se pose sur son épaule. Je crois que j’avais oublié la chaleur et la douceur d’un corps féminin. Mes mains immobiles parcourent en tout sens ces petits coins de toile, remparts et obstacles. J’essaye de ne pas trop appuyer mon sexe contre ses fesses, mais maintenant, plus calme, elle s’appuie contre moi. Que sait-elle du sexe des hommes ?
Au bout d’un quart d’heure peut-être, sans se retourner, elle me dit :
Elle se lève et sort sans autre bruit. Quel vide ! Pas moyen de m’endormir. Je reprends mon livre.
Le lendemain, au retour de la balade devenue quotidienne, l’orage gronde. Il fait bizarrement sombre et des rafales agitent les mélèzes. Je lui demande si elle veut un livre sur la sexualité. Elle répond :
Je lui donne quand même le (très) vieux guide Marabout qui traînait au grenier. Le soir, je lui chante en anglais Suzanne de Léonard Cohen. Je ne sais pas si elle comprend l’anglais, mais son sourire amusé lorsque je chante :
And you know she will trust you,
For you’ve touched her perfect body with your mind
(Et tu sais qu’elle va te faire confiance
Car tu as touché son corps parfait avec ton esprit)
…Me fait penser que oui.
Ce soir, je me suis couché avec mon slip et mon tee-shirt. Elle vient presque une heure plus tard qu’hier.
Elle éteint et entre dans le lit. Elle me fait face. Après un long moment, sans bruit et sans contact, sa main vient timidement caresser mon visage.
J’avance la main à tâtons et je lui caresse la joue et les cheveux. Elle frémit et respire fort. Elle se rapproche de moi. Je sens son souffle tout près sur ma joue.
Je la serre tout contre moi. Elle doit sentir nettement ma verge bandée, comprimée dans le slip, contre son ventre. Elle ne dit rien. Elle se love contre moi et se remet à trembler. Je ne peux que l’enfermer dans mes bras. Je ne sens pas d’attache de soutien-gorge. Quand elle se détend, elle me fait un timide baiser sur la joue, bien près de la bouche.
Quelle volonté ! Bien qu’à chaque contact elle se raidisse, elle repart aussitôt à la conquête de ses sensations. Je quitte son épaule devenue lieu pacifié et je descends le long de son flanc. Lorsque ma main s’aventure sur son sein, elle fait un bond violent et recule. Je ne dis rien, je ne bouge pas. À des tout petits bruits tristes, je comprends qu’elle pleure.
Elle revient un moment dans mes bras, mes mains bien sages sur ses épaules. Puis, après un petit bisou qui m’est tombé sur le nez, elle s’en va, laissant à nouveau une grande place froide.
Ce matin, nous sommes allés dans l’appartement de ses parents, son appartement. Elle a trouvé une boîte de photos et une caisse de diapositives. On est passés chez un de mes amis qui m’a prêté son scanner à diapos, et j’ai passé le reste de la journée à lui apprendre à se servir de la souris (elle n’avait jamais eu l’occasion ou fait la démarche au couvent), de l’ordinateur et du scanner. Elle est intelligente et apprend vite, mais comme elle a du mal à domestiquer la souris ! Elle appuie dessus comme une brute et fait de grands gestes maladroits. Elle me dit texto :
Je suis bien obligé de lui expliquer pourquoi j’éclate de rire. Elle en est tout émoustillée.
Ce soir, Suzanne me fait une grosse surprise : elle a appris Suzanne et nous la chantons tous deux en souriant. Qu’est-ce qu’elle chante bien ! Joan Baez peut se rhabiller ! Elle chante avec ferveur et je sens qu’elle m’offre sa voix et son plaisir.
Quand Suzanne me rejoint, dans sa chemise de nuit blanche, je lui demande si on peut laisser un peu de lumière. Elle me répond :
Une fois couchée, elle me dit :
Je trouve l’idée drôle et judicieuse. Elle tâte d’abord avec sa main pour localiser la mienne, puis, tout doucement, elle vient appuyer son sein dans ma main. Elle reste une minute sans bouger, puis elle me demande de le caresser. Je l’empaume très doucement et le caresse tendrement à travers la chemise. Elle ne dit rien, mais pousse un peu vers moi. Cette poussée est si excitante que je suis tout près d’éjaculer ! Je remets ma main sur son flanc comme si de rien n’était et je me calme.
Oh oui, ça me plaît. Elle s’est étendue sur le dos, et je peux caresser avec beaucoup de délicatesse ses deux seins. Ils ne sont pas très gros, mais autant que je peux en juger au seul toucher, bien formés et très toniques. Suzanne ne fait pas de commentaires. Je suis tenté de descendre un peu vers son ventre, mais soyons patient. Elle me chuchote :
C’est elle qui me surprend. Elle se rapproche, passe sa main sous mon tee-shirt, et me caresse doucement le flanc et le dos. Je voudrais bien faire pareil, mais sa chemise de nuit va jusqu’à ses chevilles et je dois me contenter de caresser le tissu. Je m’aventure jusqu’à la ceinture. Elle a une culotte, tout de même. Suzanne a dû analyser mon exploration. Elle rit, me fait un bisou… sur la bouche, et me quitte, silencieuse, comme un fantôme.
Ce matin, Suzanne m’a dit que c’était son anniversaire. Trente-neuf ans. Une gamine. Je suis allé en ville lui acheter un ordinateur portable et des boucles d’oreilles. J’ai préparé un très bon repas, avec un bon vin. Elle en boit très peu, comme on boirait une liqueur. On mange aux chandelles, mais je n’ai pas de bougies pour le gâteau à l’orange. Je lui offre ses cadeaux. Elle dit que je suis fou. Évidemment, ses oreilles ne sont pas trouées. Je lui propose un petit coup de perceuse.
J’ai une amie toubib qui lui fera ça sans douleur.
Il y a maintenant un rituel du soir. Je me couche… en slip et tee-shirt, et je lis. Un quart d’heure ou une demi-heure après, Suzanne frappe doucement, entre, éteint, et vient se coucher.
Ce soir, elle a éteint avant d’entrer. Quand elle s’étend près de moi, je sens ses jambes nues. Elle a emprunté un de mes tee-shirts qui remplace la chemise monacale. Bien sûr, le contact avec mes jambes nues ne lui est pas facile. Mais elle a une grande volonté, et elle me dit qu’elle prend goût au contact. Ses mains sont tout de suite passées sous mon tee-shirt, et elle me caresse tendrement, ou plutôt, elle explore mon dos, mon flanc et ma poitrine, comme ferait une aveugle. Je me laisse faire avec volupté. Elle évite soigneusement mon ventre… Elle est un peu redressée au-dessus de moi. Ma main trouve sa hanche nue, provoquant un petit recul, mais je patiente et remonte doucement vers le sein. Elle retient son souffle, et pousse un petit « oh » de plaisir quand je l’empaume et effleure son téton. Je suis tout ému, nom d’un petit bonhomme. Il me semble que c’est la première fois qu’elle manifeste son plaisir. Dans son émoi, distraite, ou bien peut-être avec une belle fausse innocence, elle vient d’effleurer avec sa main mon slip, sur le sexe tendu. Elle ne dit rien, mais revient y poser sa main comme une interrogation. Puis elle repart vers mes fesses, accrochant l’élastique plusieurs fois, l’air de dire « qu’est-ce que c’est que ce truc là, qui m’empêche de passer ». J’écoute attentivement ses caresses, un peu éberlué de son audace. À la fin, elle me pose un vrai baiser bien appuyé, lèvres serrées, sur la bouche. Et elle s’en va.
Quand nous ne sommes pas en randonnée, Suzanne passe beaucoup de temps à écouter des chansons et à lire ce qui lui tombe sous la main. Elle doit avoir deux cerveaux. Elle est capable de lire un bouquin et d’écouter en même temps des chansons. Et elle retient les deux textes et la mélodie ! Sa préférée est peut-être Brigitte Fontaine avec Areski « Cet enfant que tu m’avais fait… ». Elle raffole de Brassens qui pourtant l’oblige souvent à prendre le dictionnaire. Elle sait presque par cœur La veuve; La religieuse (« c’est pas comme ça ! », puis à la fin, « eh oui ! ») la rend pensive. Qu’est-ce que c’est, se masturber ? Elle aime beaucoup également Brel qui pourtant la torture beaucoup plus. Cet après-midi, elle écoutait La haine :
Comme un novice je partirai
Pour aller prier le bon Dieu
Et si jamais tu en souffrais
Moi je n’en prierai que mieux.
Elle me dit :
Et elle se met à pleurer. Maintenant, quand elle est triste, elle vient poser sa tête sur mon épaule. C’est un peu ridicule, mais ce geste de tendresse quasi enfantine me met les larmes aux yeux. C’est drôle, non, pas ses pleurs, mais il y a plein de chansons que je redécouvre avec un sens un peu différent à travers elle.
Il y a aussi Barbara. Sans rien connaître de son histoire, elle a instinctivement ressenti le problème d’inceste. Il pleut sur Nantes la fait immanquablement fondre en larmes. Elle n’a pas revu son père après son entrée au couvent. Et puis elle a découvert Souchon, Et si le ciel était vide. Elle le passe en boucle tant elle aime les mots de ce titre. Mais, quand j’évoque mon point de vue sur l’improbabilité totale de l’existence de Dieu, elle se fait l’avocat… du diable et essaye de se persuader que le ciel n’est pas vide.
Le lendemain, elle me reparle de la chanson de Souchon.
Elle m’explique qu’elle ne pleurait (et ne riait) presque jamais au couvent. D’abord, « parce que chez ces gens-là », il n’y a pas d’émotions, il y a une règle ; ensuite, le silence devient une telle habitude qu’on fait « taire » toutes ses émotions. C’est très rassurant au début quand on a une vie perturbée mais, petit à petit, on ne s’étonne plus de vivre dans un monde refermé, protégé, obnubilé par la prière et la lecture des textes sacrés. Mais zut (elle se risque dans des petits gros mots), elle veut vivre, avec des joies et des douleurs, des rires et des pleurs.
Quelques jours ont passé. Nos contacts ont peu évolué. Elle a décidé de m’enlever mon tee-shirt, puis elle a enlevé le sien. Elle n’a plus retouché mon sexe. Quand j’ai voulu lui embrasser les seins, elle m’a gentiment repoussé. « Attends encore un peu… ». Je ne suis pas pressé. Elle reste maintenant plus longtemps. Elle se pelotonne dans mes bras, et s’habitue au contact des peaux. Parfois, elle se remet à trembler, mais maintenant elle en rit et je la serre un peu plus tendrement.
Ce matin, en balade, je lui ai demandé si elle avait encore son pucelage.
J’ai la sensation que, malgré toute sa volonté, ses contacts avec moi remuent beaucoup de choses dans son inconscient, et dans son conscient aussi, bien sûr.
Au retour, je lui chante la paillarde Maman qu’est-ce qu’un pucelage ?. Elle reprend vite le refrain et se tord de rire. À la fin, elle me dit :
Je ne peux pas m’empêcher de rire.
Je lui répète qu’il n’y a rien d’impur ni de sale ni de dégoûtant, et que c’est simplement du sang. Mais derrière ses paroles je comprends que toutes les autres religieuses ou presque étaient ménopausées et regardaient sœur Madeleine comme le symbole d’une féminité repoussée ou honnie. J’ai bien du mal à la convaincre.
Dans l’après-midi, alors qu’elle est sur l’ordi, je l’entends qui m’appelle avec une voix pleine de détresse. Elle a cherché « pucelage » dans un moteur de recherche, et tout un tas de sites pornographiques ont bientôt déferlé sur son écran. Faute d’expérience, elle a cliqué à tort et à travers, ne faisant qu’aggraver son cas. Elle y voit bien sûr des choses très… inattendues. À mesure que j’efface les écrans, elle pointe une image ou une autre et m’interroge des yeux. Elle me demande si c’est ça, faire l’amour. La fellation surtout lui pose question. Elle me demande si c’est agréable. Je lui réponds que oui, sauf si elle mord jusqu’au sang. Son éclat de rire détend l’atmosphère.
Le soir, elle vient très tard, alors que je suis endormi. Elle m’enlève mon tee-shirt, enlève le sien et se colle contre mon dos, une main sur mon torse.
Tu parles si je vais dormir, avec ses seins qui me font « haut les mains », mais ce ne sont pas mes mains qui se dressent. Et puis, bêtement, je m’endors comme un bienheureux. Le matin, Suzanne est toujours là. Elle s’est retournée et dort tranquillement. Je me lève sans bruit et pars chercher du pain pour le petit déjeuner.
Quelques jours ont passé. Suzanne a téléphoné à la Mère supérieure du couvent pour la rassurer sur son sort. Elle n’a pas raconté grand’chose. J’ai aimé qu’elle dise :
En fait, je ne la mets que dans mon monde. Nous sommes allés une fois au cinéma à l’Eden, et deux fois en courses à Géant. Mais la foule et la profusion de richesses de l’hypermarché l’impressionnent terriblement. J’ai idée que, sans sa cornette, elle se sent un peu nue. Pourtant, elle passe certainement tout à fait inaperçue. J’ai arrangé ses cheveux qui ont un peu poussé, et elle est devenue simplement une jolie femme. Je voudrais l’emmener à la piscine, mais elle résiste. Malgré tout, avec mon aide, elle a commandé un maillot de bain sur Internet. Jaune vif !
Pendant ses règles, elle est venue chaque soir très tard, et a passé la nuit avec moi. Elle m’inonde de tendresse muette, et je dors comme un loir. Pendant une douzaine de jours encore, c’est le câlin – caresses – cajoleries – qui reste de mise. Mes tentatives d’insinuer une main sous l’élastique de sa culotte ou même au-dessous de sa taille se heurtent non pas à un refus, mais à sa main qui arrête doucement la mienne :
Parfois, elle pose sa main sur mon slip et pose sa question muette.
Ce soir, pendant le repas, elle a un air guilleret et, si le mot ne lui allait pas si mal, un peu lubrique. Je lui ai appris à jouer au scrabble, mais ce qu’elle préfère, c’est chanter. J’ai ressorti mon vieux livre des chansons populaires, et on se fait un récital avec Perrine était servante, La belle au Boué, La claire fontaine, Ils étaient trois petits enfants et tant d’autres. Elle raffole des paillardes. Jeanneton fait maintenant partie de son répertoire. Une diva angélique chante : « La morale de cette morale, c’est qu’sur quatre y a trois couillons… ».
Quand elle me rejoint au lit, elle me demande de laisser un peu de lumière. C’est presque moi qui suis gêné ! J’ai un variateur sur la lampe de chevet et je laisse juste un minimum. Comme les jours précédents, elle m’enlève mon tee-shirt. Elle regarde et caresse mon corps du bout des doigts. C’est beaucoup plus émouvant que dans le noir. En fermant les yeux, elle se redresse et enlève également son tee-shirt. Elle est vraiment belle, très blanche dans la lumière orangée de la lampe. Ses seins un peu en poire ont des aréoles et des tétons très sombres. Elle cache ses seins avec ses mains. Je lui dis qu’elle est magnifique. Elle dit que je suis bête et elle veut que j’éteigne. Dès que la nuit est revenue, elle se serre contre moi, son visage tout près du mien.
Comme j’hésite, elle pose sa bouche sur la mienne. Au début, elle a du mal à desserrer les dents, mais elle finit par accepter ma langue. C’est drôle, j’avais fini par penser que le baiser est spontané et évident, mais non. Sa bouche est douce et chaude. Après quelques tâtonnements, elle aventure sa langue au-delà de ses lèvres, et en quelques minutes elle devient une embrasseuse… acceptable.
Elle prend ma tête entre ses deux mains et la guide vers son sein gauche. Je commence par des petits bisous, et elle guide ma tête en la retenant un peu. La position sur le côté n’est pas bien pratique, et je lui demande de se coucher sur le dos. Lorsque j’essaye de lui lécher un sein, elle a un mouvement de recul. Elle s’excuse. Je pose ma tête sur sa poitrine, la bouche tout près d’un téton. C’est elle qui pousse le bout de son sein vers ma bouche. Elle s’habitue au contact de ma langue en promenant le bout de son sein tout autour. Bientôt, je reprends l’initiative. Elle ne résiste plus. Elle est encore tendue. Je la caresse beaucoup avec les mains et un peu avec la bouche. Elle respire fort et ses tétons commencent à durcir. Inconsciemment, elle a posé une main sur son sexe. Elle s’est redressée.
Et elle commence par un baiser sur la bouche. Un vrai baiser. Un baiser de débutante, mais d’une timidité follement érotique. Puis elle commence à me poser des petits bécots dans le cou, sur la poitrine, sur le ventre et, à ma grande stupeur, sur mon slip gonflé. Je lui caresse les cheveux et les épaules. Elle a mis sa tête sur mon ventre et commence à me caresser la verge à travers le slip.
Et en réponse à mon silence hésitant, elle commence à retirer mon slip. Mon sexe se redresse comme un diable qui sort de sa boîte. Je ne sais pas si elle est perplexe, effrayée, admirative ou simplement hésitante. Elle finit d’enlever mon slip. Je l’aide du mieux que je peux. Ses mains explorent timidement toute cette nouveauté. Je bande si dur que c’est presque douloureux. Elle risque même un bisou sur le gland, puis remonte et m’embrasse à nouveau. Je ne sais pas ce qu’elle a vu sur les écrans pornos, mais elle a gardé une main sur ma verge, et elle la caresse tout doucement, trop doucement. Heureusement, elle sent ma tension et accélère un tout petit peu en pressant un tout petit peu. J’ai une violente éjaculation qui me secoue des pieds à la tête. Elle ramène sa main, pleine de sperme.
Elle semble réfléchir. Sans doute n’imaginait-elle pas la semence des textes bibliques sous cette forme chaude et gluante…
Sans qu’elle dise rien de plus, je la sens triomphante, à la manière dont elle aborde maintenant mon corps, beaucoup moins timide, comme en terre connue.
Elle m’embrasse et s’en va.
Aujourd’hui, pluie. Suzanne a fait beaucoup de progrès avec le scanner. Elle me fait une projection. Elle petite, enfant sage et toujours solitaire, sa mère, qui lui ressemble un peu en plus grand, ne souriant jamais, toujours bien vêtue. Son père, bel homme, plus âgé que je ne pensais, allure de cadre commercial, visage sévère, mais souriant sur les photos.
Il y a des photos d’elle en novice. Méconnaissable. Un zombie.
Quand Suzanne se raconte, elle devient très triste, mais je sais qu’à chaque fois elle fait un pas pour s’accepter et se construire.
Ce n’est pas difficile à trouver sur Internet. Elle regarde attentivement en me jetant un coup d’œil, riant de temps en temps. Quand le mec éjacule sur le visage de la nana, elle est un peu éberluée.
Quand elle entre dans la chambre, elle veut garder un peu de lumière. Elle ne porte que sa culotte, une banale culotte en coton, pas trop sexy, mais sa timidité exhibitionniste et son sourire plein de gentillesse valent toutes les dentelles noires et tous les porte-jarretelles. Dès qu’elle se couche près de moi, je bande. Je suis vraiment surpris par ce rebond de ma sexualité que je croyais bien malmenée par les ans.
Elle retire mon slip avec beaucoup de délicatesse. Elle contemple ma bite dressée. Le gland tout violet la fascine.
Et en roulant les r :
Elle l’a bien amenée, celle-là !
Elle est drôle et touchante (et comment !) avec ses mots souvent naïfs, à loucher sur mes ustensiles, avec ses seins pointus qui se balancent doucement.
Elle se penche, prend ma verge dans sa main, et commence à me lécher le gland, à tout petits coups du bout de la langue. Sa bouche s’arrondit et elle enfourne tout doucement mon gland. C’est délicieux. Elle joue de ses lèvres et de sa langue, sans technique, explorant ce tout petit domaine de peau brillante et tendue. À un moment, elle me regarde dans les yeux et commence à me mordre avec tendresse. Mais elle éclate de rire et me chante « comme elle savait pas y faire, la lui mordit jusqu’au sang, la lui mordit jusqu’au sang, la lui mordit jusqu’au sang ». Elle a les larmes aux yeux, mais cette fois elle engloutit ma verge sans m’érafler de ses quenottes. Une main me caresse les couilles, comme si elle les soupesait, l’autre effleure ma verge sans la presser. Comme elle l’a vu dans le film, elle essaye de faire pénétrer profondément mon sexe dans sa gorge, mais fatalement elle s’étrangle… et rit de bon cœur. Ses effleurements sont extrêmement excitants, mais elle fait vraiment durer le plaisir, et j’accélère un peu le mouvement. L’orgasme arrive tout doucement. Suzanne sent ma tension croissante et augmente un peu la pression. Je cherche à la prévenir, mais elle résiste. Mon orgasme est très violent, comme une onde de plaisir qui se rue au cerveau et au bout des bras et des jambes, puis revient éclater dans mon ventre. Elle continue son petit mouvement pendant l’éjaculation. C’est divin. Elle se redresse un peu, rayonnante.
Je l’attire contre moi, et je l’embrasse goulûment. J’aime bien aussi ce baiser avec le goût de mon sperme. Elle fait des progrès étonnants pour les baisers. Elle a un don. Comme elle est maintenant couchée sur moi, je lui caresse les fesses. C’est la première fois… D’abord sur la culotte, puis rapidement dessous. Curieusement, contrairement à toutes les autres premières fois, elle n’a pas de mouvement de recul. J’en profite donc. Elle a des jolies fesses, douces, chaudes. Elle écoute mes caresses en silence, attentive, les mains dans mes cheveux, sa bouche sur ma bouche. Je remonte lentement en lui massant le dos. Elle grogne de plaisir. Les épaules, le cou, elle ronronne.
Tout à coup, elle s’écarte et enlève sa culotte.
Je regarde. Elle a une épaisse toison très sombre, plus sombre que ses cheveux bruns. Comme elle serre les jambes, on ne voit pas grand-chose. Ses grandes lèvres sont très charnues, elles donnent une curieuse impression de confort.
Elle hésite.
Je choisis bien sûr la rencontre des grandes lèvres, et j’y pose un baiser, un vrai baiser chaste, mais pas un petit bisou. Loin de se fâcher ou de sursauter, elle me laisse poser la tête sur son ventre, et elle m’ébouriffe gentiment les cheveux.
Nous restons ensuite un long moment enlacés. Je ne bande plus, et ça la fait rire.
Elle m’abandonne.
Les dix jours suivants, gros chantier dans son appartement. On a acheté tout ce qu’il faut. Je commence par reprendre l’électricité. Il y a des plombs en cuivre ! Il y a de vielles gaines de fils complètement cuites qui s’effritent sous la main. Puis on lave, on décolle les vieilles tapisseries sales, on bouche les trous, on repeint et on retapisse. Il y a une platine-disques, et j’amène mes vinyles : Leny Escudero, Pour une amourette, Georges Chelon, Père prodigue (qui fait pleurer Suzanne), Mouloudji, Le petit coquelicot, Reggiani, Les lou-oups, Moustaki, Nous prendrons le temps de vivre, et bien d’autres nous accompagnent. Le soir, on est morts de fatigue. Un petit câlin et dodo, chacun de son côté.
Le Briançonnais est envahi par les touristes. Il devient difficile de circuler. Tour de France par-ci, rassemblement cyclotouriste par-là, les cyclistes et les camping-cars ont pris le pouvoir. Les sentiers marqués en couleur sur les cartes sont envahis de randonneurs pressés, suréquipés, avec bâtons de marche, perfusion de boisson dynamisante (je ne sais pas comment s’appellent ces gourdes avec un tube), pantalons techniques, vestes himalayennes, trucs fluos partout. Ils ne disent même pas bonjour. Heureusement, je connais les endroits calmes et peu fréquentés où il faut contourner les bouquetins qui mastiquent placidement leur herbe, et où les marmottes ne viennent encore pas fouiller dans votre sac. Toute Briançonnaise qu’elle est, Suzanne n’avait jamais vu de bouquetins. Je lui ai acheté un petit appareil photo numérique, et elle s’en donne à cœur joie.
J’ai insisté pour aller au bal du 14 juillet et voir les feux d’artifice. Suzanne, qui ne sait pas danser (dit-elle) et qui a peur de la foule, manque d’enthousiasme. En fait, la foule est si dense qu’on ne peut danser que les slows et à la rigueur les tangos. Je suis déçu. En plus, le feu d’artifice est très beau, mais on est trop près et on a les yeux qui piquent. Finalement, on se retrouve au calme dans notre petit village et, après une douche, je vais me coucher.
Suzanne me rejoint peu après, vêtue de sa seule culotte, qu’elle quitte résolument avant de se coucher. Son air résolu m’inquiète un peu. Mais elle me demande de la masser « comme l’autre jour ». Elle s’allonge sur le ventre, et je lui fais la totale. Massage du cuir chevelu en insistant un peu sur les tempes ; le cou, devant en douceur, derrière, en remontant bien à la base du crâne, et en étirant les tissus sous et derrière les oreilles ; les épaules et les points douloureux derrière les omoplates, la ceinture et le bas du dos, où s’accumulent les fatigues ; les fesses, les cuisses, les mollets et les pieds. Je me demande si elle s’est endormie. Elle n’a pas bougé, rien dit, et elle respire calmement. Non, elle m’attire contre elle avec langueur et me remercie.
Elle m’enlève mon slip, me pousse gentiment sur le dos, et elle s’allonge sur moi. C’est la première fois que nous sommes l’un contre l’autre, nus. Elle ne bouge pas, mais j’entends son cœur qui cogne. Elle m’embrasse longuement, puis elle écarte les cuisses, soulève un peu ma verge très dure, et vient placer l’entrée de son vagin dessus, sans vraiment appuyer. Mais, à nouveau, elle se met à trembler malgré la chaleur. Je fais mine de bouger, mais elle se cramponne dans la même position jusqu’à ce qu’elle se calme. Je lui caresse le dos, les fesses, les cheveux, sans bouger. Elle me pose un doigt sur les lèvres pour me demander de me taire. Quand elle se sent calme, elle bascule sur le côté et commence à me caresser les couilles. Je l’arrête gentiment.
Le désir et la crainte se disputent un instant, mais sans rien répondre elle se met sur le dos et écarte les cuisses. Je me couche un instant sur elle pour l’embrasser. Elle me retient dans ses bras et cherche ma verge avec son vagin. Comprenant son désir, je place mon gland à l’entrée de son sexe. Elle ne tremble pas. Elle ferme les yeux. Je l’embrasse tendrement, et je m’échappe.
Je commence à lui faire des petits baisers sur le ventre, en descendant doucement. Je vois bien ses petites lèvres, très brunes et assez longues. Tout est très sec. Avec beaucoup de patience et de douceur, je parviens à lécher ses grandes lèvres. Elle serre ses cuisses sur ma tête, puis se relâche. Avec mes doigts que j’ai bien mouillés, j’écarte et caresse, je visite les petits plis, j’humecte bien tout. Elle est tendue comme un arc, mais elle ne tressaille pas. Elle a pris ma tête dans ses mains, et elle me pousse et me retient. Tout doucement, sans cesser de la caresser de mes doigts mouillés, mais sans trop approcher du clitoris, j’ai amené ma bouche en face de sa vulve. Ma langue peut lécher les petites lèvres et l’entrée du vagin. Avec beaucoup de salive, je remonte très doucement vers le clitoris. Elle pousse un petit cri, mais ne retire pas ma tête. Fort de cette petite victoire, je la lèche un peu partout, jusqu’à l’anus. Un nouveau petit cri, en me tirant sans conviction. Je reviens gentiment à l’entrée du vagin, c’est une vierge, c’est clair, avec un hymen asymétrique un peu mauve sur fond rose vif. J’essaye un truc qu’adorait ma femme. Je pose doucement ma langue mouillée sur son clitoris, et, avec ma main, je fais bouger les grandes lèvres lentement d’avant en arrière. Elle me serre aussitôt la tête avec ses mains en répétant « oh, ça c’est bon » comme un râle. Je sens bien son plaisir qui monte. Je bouge son sexe très lentement. Mais, tout à coup, elle me tire fortement et serre les cuisses. Je m’allonge à nouveau contre elle.
Je lui explique que, dans le sexe, il y a beaucoup de plaisir et peu de douleurs. Je suis un peu déçu, elle était tout près de l’orgasme. Comme je la questionne, elle me dit qu’elle n’a jamais eu d’orgasme, ne s’est jamais masturbée. « C’est de la luxure ». La première fois où elle a senti quelque chose de plaisant dans son ventre, c’est quand je lui ai caressé les seins.
C’est drôle, elle est en colère. Elle sent, elle me l’a dit, qu’elle a raté toute sa jeunesse, en grande partie à cause de son père. Elle veut désespérément rattraper le temps perdu… Je la serre dans mes bras jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Plus tard, elle rejoint sa chambre.
La journée du lendemain passe bien vite : randonnée le matin, repas, jardinage. Elle continue à scanner les photos et à écouter les CD. Félix Leclerc lui donne un coup au cœur avec Le petit bonheur, mais la fin la révolte.
Après le repas, contrairement à la tradition bien établie, elle me prend par la main et m’entraîne dans sa chambre. Il est tôt et il fait encore assez clair. Elle me passe les bras autour du cou et m’embrasse, tout en se frottant contre moi. Elle me dit en riant :
Elle parlait de son pucelage, vous aviez deviné, j’espère. Elle rougit violemment après cette déclaration volontariste. Je ne me réjouis pas trop. J’ai un peu peur. Et puis, elle pourrait être enceinte… Je calcule et recalcule, oui, elle est manifestement dans la seconde partie de son cycle. Saint Ogino, priez pour nous.
Pendant mes réflexions, elle a entrepris de me dévêtir, sans tralala, et je me retrouve à poil en deux temps trois mouvements. J’essaye de la dévêtir d’une façon plus glamour, mais elle se débarrasse de ses vêtements avec une fougue peu romantique.
Sa nudité la calme un peu. Sa pudeur revient au galop, et elle se serre contre moi pour que je ne la voie plus. On bascule vite sur le lit. À quatre pattes, elle expérimente un nouveau jeu : elle me caresse partout avec ses seins. Elle est belle, féline panthère noire. Toujours à quatre pattes, le derrière dressé près de moi, elle entreprend de me sucer, avec une grande douceur. Je lui saisis les fesses et l’amène sur moi, sur ma bouche. Elle n’a pas de pratique du 69 et abandonne vite mon sexe pour contrôler et surveiller ce que je lui fais. Manifestement, elle apprécie la position qui lui permet de doser précisément les contacts. Mais la position l’oblige à se cambrer, et elle se tourne pour me faire face. Je peux lui caresser les seins pendant qu’elle se promène sur ma langue, l’air concentré (en un seul mot) et les yeux fermés. Elle élabore une méthode : elle mouille son clitoris, puis s’empale sur ma langue en frottant son clitoris sur mon nez. Au bout de quelques va-et-vient, je sens sur ma langue qu’elle mouille. Mais elle semble avoir atteint un palier, et elle abandonne.
Elle s’étend sur moi et m’embrasse. Comme hier, elle écarte les cuisses et place ma verge à l’entrée de son vagin, mais aujourd’hui elle pousse doucement, tout en se frottant lentement contre moi, le visage rouge, les yeux clos. Je l’accompagne en lui caressant les fesses. Parfois, elle tremble quelques secondes. Je lui embrasse les paupières. Elle danse langoureusement sur la rotule de mon gland, s’habituant progressivement à cette présence étonnante.
Elle ouvre les yeux et me sourit. Elle se redresse sur moi et se place sur mon sexe dressé.
Elle se recule, vient mouiller mon gland avec sa salive, et reprend la position. Je lui caresse les seins tout doucement. Elle tient ma verge avec une main, et elle essaye de s’empaler, de façon très volontariste. Elle pousse un vrai cri de douleur. Je lui demande de revenir contre moi. Elle a les larmes aux yeux avec un sourire mouillé. Je la caresse tendrement et la serre contre moi. Mais elle s’arrache à mon étreinte et fait consécutivement deux autres essais peut-être plus prudents, mais tout aussi douloureux. Elle abandonne. Elle se colle contre moi. Un peu plus tard, elle me chuchote à l’oreille :
Je prends mon temps. Je l’embrasse tendrement tout en la caressant, un doigt dans l’entrée du vagin. Je descends ensuite la lécher partout. Quand je lui lèche l’anus, elle me repousse doucement en poussant un petit feulement de plaisir. Et je l’embrasse encore. Et elle m’attire dans la position du missionnaire (!), au-dessus d’elle. Je présente mon gland à l’entrée de son vagin, et je bouge un peu pour coulisser un peu et l’habituer. Elle écarte et remonte ses jambes. Avec ses mains, elle me tire les fesses. J’amplifie un peu mes petits mouvements. Elle se cramponne à moi, m’appelant en elle. Et tout à coup, presque en douceur, sans heurt, je suis passé. Elle pousse un petit cri, plus d’étonnement que de douleur, et m’attire tout au fond d’elle.
Il y a longtemps que je n’ai pas fait l’amour, et je retrouve avec jubilation cette sensation de fusion avec une femme aimée. Suzanne me regarde avec ses yeux rieurs.
Malgré tout, j’entame un va-et-vient profond et précautionneux. Et le plaisir monte. Suzanne m’accompagne en accélérant un peu. Je fais très attention à ne pas être brutal. Je suis tellement attentif à ses réactions que l’orgasme me surprend. Suzanne, qui n’a pas joui, est ravie. Elle veut me garder en elle jusqu’à ce que mon zizi soit complètement ratatiné.
Il fait maintenant nuit noire. Elle va chercher le variateur dans l’autre chambre. Il y a un peu de sang sur sa cuisse. Elle pose sa tête sur mon épaule et me caresse distraitement. Je m’endors égoïstement.
Au matin, c’est l’odeur du café qui me réveille. Suzanne est déjà levée. Elle vient me chercher. Elle se jette habillée sur mon corps nu.
J’évoque le problème de la grossesse. Je n’ai pas du tout envie d’avoir un enfant maintenant, mais elle ? Elle ne sait pas trop, mais elle pense qu’il vaut mieux l’éviter. Elle va avoir une classe de petits, et ça devrait lui suffire. Pince-sans-rire, elle me sort :
Elle ira voir mon amie généraliste pour avoir une contraception. En attendant, en faisant les courses, je glisse un paquet de préservatifs dans le caddy.
Le soir arrive vite pour moi qui commence à m’inquiéter du rythme sexuel imposé par Suzanne, encore que, si je compte bien, je n’ai pas « répandu ma semence » bien souvent. Suzanne, elle, attend fébrilement. Je fais traîner le repas, mais après la vaisselle elle me dit simplement qu’elle va m’attendre au lit. Rien qu’avec ça, je recommence à bander… Je la rejoins dans sa chambre où elle lit, couchée sur le drap dans sa grande chemise de nuit blanche, fermée jusqu’au cou. Bien sûr, j’en ris et je la rejoins. Nous nous embrassons, nous nous dévêtons, nous nous caressons. Suzanne n’a plus du tout de gestes de recul lors des caresses inédites. Son volontarisme a fait place à une disponibilité étonnante. Je pense qu’il ne faudrait pas trop exagérer, mais le changement est radical.
Cette fois, c’est elle qui vient se caresser et se lubrifier sur ma langue. Et je sens sa mouille bien plus nettement qu’hier. Bien sûr, elle n’a jamais vu de préservatif. Je lui explique comment le mettre. Ça la fait beaucoup rire.
Elle se met en position, bien droite, et c’est sans aucune difficulté que ma verge entre en elle. Elle fait des mouvements lents, les yeux fermés, elle descend toujours à fond. Mais elle ne semble pas progresser dans son plaisir. Elle essaye d’accélérer, mais ça ne marche pas trop. Elle finit par se coucher sur moi, un peu déçue, toujours empalée. Je l’embrasse et lui caresse le dos, et je reprends, comme pour jouer, des petits mouvements, plus faciles maintenant qu’elle est couchée sur moi. Elle se laisse d’abord faire, un peu désabusée mais, petit à petit, elle participe plus, son clitoris est serré quand elle s’enfonce bien sur moi. Des petits cris lui échappent et elle accélère le mouvement. Malheureusement, tout cela m’excite prodigieusement, et je jouis sans parvenir à l’attendre. Elle ne dit rien, mais je vois sa déception. Je sors d’elle, pose la capote par terre, et je commence à la caresser comme l’autre jour : la langue fixe sur le clitoris et de la main gauche je déplace lentement le haut des grandes lèvres. Cette fois, en plus, je peux glisser deux doigts, et lui masse doucement la partie antérieure du vagin. C’est magique. Elle redémarre au quart de tour, elle commence à se cambrer et à remuer le bassin au rythme de mes doigts. Je lui lape maintenant le clitoris, sans appuyer. Je suce ses grandes petites lèvres, aussi sombres que son corps est blanc. Je la lèche partout. Elle réagit fortement à ces caresses, et cette fois elle mouille abondamment. La montée de ce plaisir inconnu la tend comme un arc. Mais elle ne résiste plus, elle ondule à son rythme. Elle pousse un grand cri et serre vivement les cuisses sur ma tête et mes doigts. L’orgasme la secoue quatre ou cinq fois, puis elle reste totalement immobile. Je me demande si elle s’est évanouie, mais bientôt je sens sa main qui me caresse lentement les cheveux.
Je lui chante un peu mal à propos :
Non ce n’est pas le diable, la digue du cul,
Non ce n’est pas le diable, mais mon gros dard poilu,
La digue la digue, mais mon gros dard poilu, la digue du cul.
Je voudrais peut-être qu’elle poursuive la chanson, mais :
***
C’est moi, Suzanne, qui reprends ce journal d’Yves. Je l’aime, cet homme. Je l’aime tellement que je ne veux pas qu’il serve à une autre. Je l’aime tellement que je l’ai tué. J’ai coupé les bons morceaux en petites pièces et je les ai mises au congélateur, puis j’ai enterré le reste au jardin.
J’ai rajouté le titre au journal. C’est bien choisi, non ?
Chaque jour, je mange un bifteck ou une côtelette. Le foie n’est pas mal non plus, pas du tout cirrhosé. Je pensais que le cœur serait le meilleur morceau, mais non, un peu trop tendre…
Je sais, je suis complètement folle. Mais qu’est-ce que je risque. Vingt ans de prison ? Ça ne doit pas être bien pire que le couvent, et puis on peut lire des vrais livres et on n’est pas toujours à prier.
Amen.
***
Je viens de rentrer d’un petit voyage de quelques jours. Elle est complètement brindezingue, cette femme. Peut-être est-ce sa façon symbolique de tuer son père pour qui elle a passé près de vingt ans en prison…
Mais son plaisir lors de mon retour était si évident que je lui pardonne son humour gore. Elle mérite quand même une bonne fessée mais, à tous les coups, ça va lui plaire !
Je suis arrivé à seize heures dix. À seize heures douze, elle m’avait déjà mis au lit et on était tous les deux nus. Ensuite, on est allés très lentement. Après plein de caresses et de baisers, elle m’a capoté la verge en me glissant « j’aimerais bien rouler en décapotable… », s’est empalée sur mon sexe (elle adore cette position qui lui permet de venir se lubrifier sur ma langue, de contrôler les événements et, nouveauté, de se caresser), et tout doucement elle a attendu son plaisir presque sans bouger. Puis elle a explosé en silence, jouissant de tout son corps, les yeux fermés dans la grande lumière de l’après-midi.
Après une douche, je lui dis :
Le veinard sur sa croix peut s’endormir en paix,
Et les enfants de chœur se masturber, tout tristes…