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Temps de lecture estimé : 9 mn
16/08/12
Résumé:  Une île, une femme, des années après, l’amour peut-il renaître entre deux personnes marquées par la vie ?
Critères:  fh hplusag bateau amour
Auteur : Tylodine  (La navigation ne présente pas que des écueils...)            Envoi mini-message

Série : Croisière Corse

Chapitre 01 / 03
Croisière Corse

Croisière Corse…



Calvi, dans la lumière dorée de cette fin d’après-midi d’automne…

Début octobre, les mouillages sont pratiquement déserts et seuls quelques échos assourdis me parviennent de la ville proche. J’avais quitté Port-Camargue depuis deux jours, seul à bord du « Ponant », un catamaran de quatorze mètres acheté quelques mois auparavant.


Veuf depuis l’année précédente, j’avais soudain réalisé qu’à 53 ans, je n’avais pratiquement pas levé le nez du guidon ! Études d’abord, école vétérinaire ensuite, plusieurs années de travail acharné pour créer une clinique, aujourd’hui florissante.


Mon épouse m’avait donné deux beaux enfants, un garçon et une fille, désormais autonomes et je me retrouvais soudain seul dans la grande maison de famille sur les bords de la Rance.


Ma grande passion pour la mer qui était quelque peu passée au second plan, revenait soudain en force… voile, plongée, photo sous-marine, voyages… pourquoi attendre ?


Une année avait passé depuis l’accident qui avait coûté la vie au grand amour de ma vie… médecin urgentiste, tuée au bord d’une voie-express par un chauffard ivre. On appelle ça un « suraccident » une sorte de crime, en fait, et peu puni… surtout lorsque son auteur porte des plaques diplomatiques…


Après des mois de galère et de dépression, j’avais loué la maison, laissé ma clinique en gérance à mes associés et décidé de partir… Mon frère m’avait prêté sa maison de Port-Camargue et c’est sans vraiment le chercher que j’ai trouvé le « Ponant »… Pas un catamaran de course, pas non plus un mobil-home flottant, mais un bateau bien conçu, à peine âgé de trois ans…

Son propriétaire, empêtré dans les détours d’un divorce difficile, ne se fit pas prier pour me le laisser à un prix… honnête. Un bateau de cette taille ne se vend pas comme un dériveur et, dit-il, ça fera toujours autant de moins pour cette garce qui veut me plumer… et qui a toujours détesté la mer !


Je m’étais dit qu’il était plus que temps de profiter de cette opportunité pour retrouver la Corse, où j’avais passé certaines de mes plus belles années… quelques trente-cinq ans plus tôt !

La traversée s’était déroulée sans problème, une bonne brise de Noroît m’avait permis de pousser quelques pointes de vitesse à 18 nœuds, une bonne performance pour ce bateau « pépère », conçu pour le confort de son équipage plus que pour la vitesse.


Arrivé à Calvi, j’avais invité le capitaine du port, un vieil ami, à déguster le ti-punch des retrouvailles et je pouvais entendre l’approche de la navette du port tout en découpant mes citrons verts…

Surprise… accompagnant mon ami Doumé (ça ne s’invente pas !), une brune et svelte jeune femme est à la barre, apparemment très à l’aise et manœuvrant la barge comme une vraie pro.

L’accostage est impeccable et la navette à peine amarrée, c’est une vraie tornade qui, bondissant à bord sans même toucher les filières me saute dessus avec un sonore « Salut tonton ! ».


Abasourdi, je réalise que j’ai dans mes bras Giulia, la fille de Doumé… la gamine que j’ai reçue en Bretagne vingt ans auparavant. Elle avait alors quinze ans… grande, osseuse et presque maigrichonne.

Son père, capitaine au-long-cours, nous l’avait confiée après son divorce et elle était restée une année entière chez nous, allant au lycée de Saint-Servan avec nos enfants.

Timide et quelque peu renfermée, une relation étrange s’était développée entre elle et moi. Je la considérais comme une troisième fille (elle était à peine plus âgée que mon aînée, et elle me le rendait bien…)


Pourtant, au cours de ces quelques mois, quelque chose d’étrange avait fini par se faire jour ; tandis que son corps d’adolescente se transformait, les câlins du soir, ou même de la journée devenaient plus fréquents, et je ne pouvais m’empêcher de me sentir troublé. Pour rien au monde je ne l’aurais laissé voir et n’aurais tenté de profiter de ces moments de tendresse.


Je me sentais un peu honteux de ces érections qui survenaient de plus en plus souvent lorsque je sentais sa jeune poitrine contre mon épaule, l’odeur de sa noire chevelure contre mon visage. Rien de tel ne m’était arrivé avec ma propre fille et j’en venais à redouter ces moments d’abandon… tout en les appelant de mes vœux ! Un « père » incestueux, un pédophile, voilà ce que j’imaginais devenir… toute mon éducation se révoltait devant cette idée


À la fin de l’année scolaire, Dominique, son père, avait trouvé un poste de pilote à Marseille et Giulia nous quitta pour le retrouver. Les adieux furent moins difficiles que je ne l’avais craint, Giulia était vraiment devenue notre troisième enfant mais, toute à la joie de retrouver son père, les larmes furent de courte durée. Je restais toutefois perplexe lorsqu’elle m’embrassa au moment de monter dans l’avion…

Deux baisers sur la joue… le troisième, hasard ou volonté, en plein sur la bouche ! Pas de quoi s’affoler… mais le rouge ne m’en monta pas moins aux joues, comme si j’étais un galopin pris en faute.


Au cours des années qui suivirent, nous restâmes en contact, lettres, téléphone, puis les hasards de la vie nous séparèrent. Dominique retourna en Corse, Giulia partit aux « States » poursuivre des études de biologie marine, épousa un américain et pendant quelques années nous n’eûmes plus guère de nouvelles.

L’opportunité de faire cette croisière solitaire autour de l’Île de Beauté m’avait incité à reprendre contact avec mon ami et nous nous étions donné rendez-vous dans « son » port. Nous n’avions pas parlé de Giulia… et elle était là !


Comme si ces vingt ans s’effaçaient soudain, je retrouvais l’odeur de ses cheveux sur mon visage. Le corps anguleux de la gamine de quinze ans s’était, lui, transformé et je m’écartai, troublé, surpris de la réaction quasi immédiate qui se manifestait dans une certaine zone de mon individu…

« Patrick, me dis-je, tu es un vieux con presque sexagénaire et voilà que tu te comportes comme un galopin… bravo ! »


Ti-punch, mon ami, merci de ton aide ; après vingt ans et quelques tournées, nous voilà réunis, faisant fi de cette saleté de temps qui passe.

Je dois me retenir et obliger mon regard à quitter Giulia, je l’écoute comme dans un rêve me parler de sa vie aux États-Unis, de son mari, professeur à la Scripps de San Diego, d’une grossesse difficile qui ne parvint pas à son terme. Sa présence à Calvi me laissait deviner la suite… opération, convalescence, suivie deux ans plus tard d’une rupture… plus ou moins amiable.

Son métier, elle en parle avec passion et lorsqu’elle me raconte ses missions, ses campagnes d’océanographie, ses yeux s’éclairent, la tristesse disparaît de son visage.


Je ne peux m’empêcher de la détailler, à la dérobée, essayant de retrouver les traits de l’adolescente dans cette silhouette de femme dans la plénitude de sa beauté. Ses cheveux, toujours aussi noirs, ont quelques fils d’argent aux tempes, et je vois, au coin de ses yeux de petites rides qui apparaissent lorsqu’elle sourit.

Les deux petites pommes dont le contact m’avaient tant troublé, ont fait place à une poitrine qu’on pourrait qualifier de moyenne, mais qui, sous le teeshirt à la tête de maure, semble inviter à la caresse…


Dans la brume citronnée qui m’enveloppe, me revient à l’esprit une phrase entendue je ne sais où : de quoi remplir la main d’un honnête homme…

Je souris, béat et Giulia me regarde, perplexe, stoppée dans sa description des sources hydrothermales, des vers géants et autres animaux des grands fonds.

Il est deux heures du matin, nous avons bu, grignoté, parlé, parlé… comme si nous avions voulu rattraper les années perdues.

La mer est immobile, au-dessus de nous scintillent les étoiles et l’odeur du maquis nous arrive avec un petit souffle de vent de terre : pins, ciste, myrte, romarin, cédrat…

Dominique, comme mu par un ressort, se lève soudain et nous ramène sur terre



Un instant, je songe à lui suggérer de dormir à bord, mais au moment de le faire, un scrupule me retient… ce n’est plus le chat écorché d’il y a 20 ans, mais une jeune femme qu’en fait je ne connais pratiquement pas.

En bougonnant elle regagne l’annexe avec son père, et nous décidons de nous retrouver le lendemain matin lorsque son capitaine de port sera au travail.

Séquelles du ti-punch ou confusion de l’esprit… il me faut un certain temps pour trouver le sommeil et j’ai l’impression d’avoir à peine fermé l’œil lorsqu’une odeur de café et de pain grillé me ramène à une agréable réalité !

Le temps d’enfiler un short, j’émerge de ma bannette et me dirige vers la cuisine où s’agite une silhouette moulée dans un ensemble rayé à faire pâlir un quartier maître !



« Bonne idée, le bain, me dis-je, rien de mieux pour calmer une ardeur matinale imprévue dont je suis sûr qu’elle n’a pas manqué de s’apercevoir… »

Effectivement, l’eau est délicieuse… un peu fraîche au début, comme il se doit à… bon sang, il n’est que six heures du matin ! Pas étonnant que la nuit m’ait semblé courte…

Remonté à bord, je me rince copieusement avec la douche astucieusement prévue sur la plage arrière du flotteur bâbord… un vrai bonheur ce catamaran.

J’allais regagner le carré lorsque Giulia me barre le passage :



En un tour de main, je me retrouve à poil, en fait pas vraiment gêné, bichonné, frotté comme un moutard.



Allusion ou pas à mon érection matinale, je me sens rougir comme un gamin pris faute.

Sauvé par le petit déjeuner, après avoir mis un paréo, je m’installe sur la plage arrière, tandis que Giulia s’avance, presque irréelle dans la lumière dorée du matin qui baigne les montagnes en arrière-plan, laissant la citadelle dans une ombre douce.



Croissants, pain de campagne, lonzu et, le must du petit déjeuner Corse, le brocciu, un délicieux fromage de brebis (parfois aussi de chèvre) qui me ramène d’un coup à mes premières années sur cette île sublime.



Je n’en croyais pas mes oreilles, vingt années n’avaient rien effacé de nos mémoires ; en regardant cette femme dans la plénitude de la trentaine, je retrouvai les traits de la gamine qui m’avait tellement troublé.

J’avançai mon bras et caressai doucement sa joue bronzée, et ses lèvres pleines à peine soulignées d’un petit duvet.



Giulia, se tint un instant immobile, son regard rivé au mien, et tout naturellement vint se blottir contre moi… la main délicatement posée au bas de mon ventre.





À suivre…