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n° 15409Fiche technique8504 caractères8504
Temps de lecture estimé : 5 mn
20/01/13
corrigé 10/06/21
Résumé:  L'interaction de la ventilation dans l'acte sexuel.
Critères:  fh bizarre cérébral humour
Auteur : Samuel            Envoi mini-message
En coups de vent

J’étais encore lycéen. Un jour que j’arrivai presque à l’improviste dans sa maison familiale, je découvris Lucie en train de lire et tellement absorbée qu’elle ne m’avait pas entendu entrer dans sa chambre. Elle portait une chemise tellement légère qu’un petit ventilateur à piles la faisait voler. Allongée sur le lit, elle laissait voir au hasard des courants d’air, ses fesses par intermittences. C’est vrai que ce jour-là, la chaleur était particulièrement étouffante. Et je comprenais bien qu’elle s’aère ainsi les jambes. Du moins, c’est ce que je crus percevoir dans un premier temps. En réalité, le ventilateur était posé entre ses jambes et lui rafraîchissait la vulve. Je le devinais à la façon qu’elle avait de hausser son postérieur pour que l’air lui parvienne le plus loin possible dans ses parties intimes.


Je m’avançai doucement, le parquet grinça, mais le léger ronflement du ventilateur couvrait le bruit de mes pas. Je pouvais désormais distinguer, quand la chemise volait un peu plus haut, l’entrée du vagin. Lucie tournait les pages avec une application rituelle. Elle respirait et soupirait en même temps, dans un imperceptible gémissement. J’étais désormais au pied du lit et il m’était impossible d’aller plus avant.


Je priai pour que les piles du ventilateur ne faiblissent pas. Car j’avais maintenant une vue complète et rapprochée sur ce sexe et je ne me méprenais pas : il était luisant, humide, congestionné. Une fille nue qui lit est doublement érotique, parce qu’elle ignore même quelle impression elle produit. Nous sommes jaloux du livre, mais en même temps nous lui en sommes reconnaissants de l’emmener si loin. C’est dire si je me gardais bien d’intervenir. Une caresse maladroite et c’en était fini du sortilège. Une caresse adroite, en admettant qu’elle existe dans cette situation, n’aurait eu que l’effet d’interrompre ma vision et son rêve. En me retirant, je réussis néanmoins à lire le titre du roman : Madame Edwarda de Georges Bataille.


Il nous mena dans des rues sombres. Calme et lente, Edwarda dénoua les liens de son domino qui glissa, elle n’avait plus de loup ; elle retira son boléro et dit pour elle-même à voix basse :


  • — Nue comme une bête.


Ma liaison avec Lucie se confirma au fil des années. Notre complicité nous comblait plus encore que l’attachement amoureux qui était pourtant réel. Nous étions désormais étudiants et la vie semblait avoir encore tellement de secrets délicieux à découvrir. Je travaillais également dans une librairie, ce qui m’assurait quelques finances supplémentaires.


Un jour, j’achetai quatre gros ventilateurs électriques que je disposai dans ma chambre. Je fixai également au plafond des rideaux extrêmement souples et j’imaginai une installation de mobiles dignes de Calder. Mais durant des semaines, je cherchai et ne trouvai pas la finalité de mon invention. Du moins, j’étais mécontent du résultat. Les rideaux finissaient toujours par s’accrocher entre eux et me donnaient l’impression d’un tas de linge sale. Et puis, un matin, je trouvais enfin le juste mouvement en diminuant un peu la puissance des ventilateurs.


Aussitôt, je prévins Lucie. Elle arriva presque aussitôt. Je lui demandai de se déshabiller, ce qu’elle fit de bonne grâce. Quand elle fut complètement nue, je la conduisis à la salle de bain pour qu’elle se douche. Elle adorait l’eau et l’eau la rendait toujours plus belle. Quand elle fut bien mouillée, je pris les feuilles d’un ouvrage que j’avais préalablement découpé (« Les 11000 verges » de Guillaume Apollinaire) et je les appliquai de façon à couvrir complètement son corps avec les pages. Puis nous sommes revenus dans la chambre, j’ai mis en route les ventilateurs. Et la féerie a commencé.


D’abord, les feuilles ont séché sur son dos et elles se sont envolées. Le strip-tease commençait. Les feuilles laissaient découvrir peu à peu son corps. Et bientôt il n’en resta plus qu’une, bien collée sur sa vulve humide sur laquelle on pouvait lire ce passage :


Alexine alla lui ouvrir à poil ; le cocher en eut un éblouissement et, comme elle se sauvait dans la chambre à coucher, il courut derrière, l’empoigna et lui mit en levrette un vit de taille respectable. Bientôt il déchargea en criant :


  • — Tonnerre de Brest, Bordel de Dieu, Putain de salope !


C’était vraiment le moment de détacher les rideaux. Ils se ruèrent sur Lucie, lui prodiguant les mille caresses du vent. Ses seins, ses fesses étaient chahutés par le doux textile. Ce contact incessant et incessamment rompu lui arrachait des cris de jouissance que je n’aurais jamais pu lui faire connaître dans nos ébats. Elle tremblait de tous ses membres et l’orgasme fut atteint quand un des rideaux s’engouffra entre ses jambes pour y rester définitivement attaché. Je me gardai bien d’intervenir tant le tableau me donnait de l’émotion. Je débranchai tout de même les ventilateurs ; j’avais peur qu’elle tombe malade.



Quelques années plus tard, nous avons continué notre histoire d’amour, à distance. Elle vivait à Lyon et moi j’étais professeur sur la côte picarde. Elle vivait avec Edgard, un ami à moi, et moi avec Clémence, une copine à elle. Mais quand on se revoyait, nos compagnons de vie avaient l’intelligence de comprendre qu’ils devaient s’éclipser.


En juin dernier, j’adressai à Lucie une invitation dans les formes pour une soirée en souvenir de nos souvenirs. Clémence était partie chez ses parents. Tout était prêt. J’avais passé plusieurs jours à élaborer mon projet en commençant par un échafaudage, compliqué à monter parce qu’il fallait qu’il soit à la fois stable et d’une dimension précise au millimètre près. Mais je l’avais testé quelques jours auparavant ; j’étais confiant et même complètement sûr de mon fait. Pourtant quand j’accueillis Lucie dans la petite gare du Tréport-Mers, je la pris dans mes bras avec une telle fougue qu’elle en tomba du marchepied. Tant il est vrai que j’étais nerveux.


Je ne lui expliquai pas tout, mais lui demandai de bien vouloir revêtir les habits à la fois amples et peu résistants, légèrement décousus, que j’avais minutieusement préparés pour elle. Une tunique bouffante et rapiécée à la va-vite, une fragile jupe en soie sans élastique, un vieux pull en laine bouffé par les mites et une longue cape déjà lacérée. Sans aucun dessous. Elle crut à un bal masqué, mais je la détrompai.


Il nous fallut atteindre une petite falaise distante d’à peine cinq kilomètres de mon habitation. Et c’est là qu’elle découvrit mon échafaudage sur le site d’une énorme éolienne qui tournait calmement au-dessus de la campagne. Nous sommes donc montés sur la plate-forme, calculée de telle façon que les pales nous effleurent à leur rythme régulier. Centimètre par centimètre, Lucie s’est approchée du monstrueux ventilateur. Et puis, comme elle avait confiance, elle s’est laissée d’abord frôlée par les pales, puis bientôt déshabillée à chacun de leurs passages. Les vêtements craquaient, se découpaient, s’arrachaient dans des déchirures au bruit mat, pendant que se disséminaient dans l’air sombre les haïkus érotiques que j’avais sélectionnés depuis des lustres et déposés en vrac sur la plate-forme. Ils volaient vers la mer si proche et j’en attrapai un au hasard :


Nous baisâmes en coup de vent

ta toison mouillée en feu

la mienne brûlante en eau.


Lucie se vit dépouillée de tout ce qu’elle portait sans qu’elle n’ait à souffrir la moindre égratignure. J’avais prévu de la prendre ainsi, nue et haletante après que la machine infernale aurait terminé son travail. Mais la beauté de l’acte m’empêcha d’accomplir ce sacrilège. L’éolienne lui prodiguait une telle jouissance qu’il était hors de question de me mesurer à elle.