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n° 15478Fiche technique44772 caractères44772
Temps de lecture estimé : 25 mn
12/02/13
corrigé 10/06/21
Résumé:  Que sommes-nous ? Qu'est-ce que la réalité ?
Critères:  bizarre fantastiqu
Auteur : Jakin            Envoi mini-message
Quelle histoire !

Que sommes-nous, nous, les auteurs ? Des créateurs d’univers ? De simples personnages ? Ou bien les deux à la fois ?


Les univers-gigognes existent-ils ? Une réflexion sur ce que nous croyons être la réalité.







JAKIN



« Jamais je n’aurais pu croire que cela allait nous entraîner jusque-là… »


Songeur, Jakin essayait de remettre de l’ordre dans toutes les pensées qui se bousculaient dans sa tête. Son regard n’arrivait pas à se fixer sur le paysage qui défilait derrière la vitre du TGV qui le ramenait chez lui.


« C’est incroyable… Tout bonnement impensable ! »


Au cours de ce week-end qui tirait à sa fin, sa vision du monde avait basculé, lui dévoilant des perspectives inouïes…




—ooOoo—




Elle était maintenant seule dans cette grande pièce. Son amant venait de la combler et jamais elle n’aurait pensé prendre autant de plaisir dans cette situation. Avant qu’il ne revienne, la jeune femme décida de prendre son temps pour faire le bilan et reprendre un peu ses esprits après ce qui venait de lui arriver. Elle ne savait même plus comment la situation avait dérapé depuis sa petite vie tranquille jusqu’au moment présent. Elle qui était si belle, si gentille, venait de vivre une expérience hors-normes et sa solitude la ramenait à la réalité où elle prit enfin conscience de ce qui venait de lui arriver.


La jeune femme avait un physique de rêve avec de longues jambes fuselées se terminant sur une magnifique paire de fesses. Sa poitrine arborait un respectable 85C et son visage angélique à la chevelure châtain était orné de beaux yeux de couleur turquoise. Elle n’avait jamais eu de mal dans sa jeunesse pour trouver un partenaire sexuel, mais elle avait aujourd’hui près de quarante ans et ses désirs avaient évolué.


Un bruit de moteur qui s’éloigne. Jean-Claude est parti. Ce porc, cette immondice ! Ce presque beau-frère… Il l’a enfin laissée.


Ce besoin d’enfant qu’elle ressent et qui se fait plus pressant de jour en jour l’a poussée à commettre l’impensable. « Tu n’es même pas capable de fonder une famille » lui avait craché sa mère.


Elle n’avait fait que mettre le doigt sur ce qui la rongeait, sans savoir qu’il ne manquait plus à sa fille qu’un déclic, un petit coup de pouce pour précipiter sa chute. À cette seconde précise, son désir latent devint résolution : elle se ferait féconder par Jean-Claude, paillard, ivrogne, criminel mais surtout géniteur de son neveu, Johann. L’enfant était l’amour de sa vie, et le fait qu’il soit le fruit du viol de sa sœur n’avait aucune importance.


Sylviane n’avait eu aucun mal à séduire Jean-Claude ; ce queutard sautait sur tout ce qui passait à sa portée : belles (très rarement) ou moches (la plupart du temps). Il faut dire qu’avec sa gueule, c’était loin d’être un Apollon… C’est à se demander s’il était réellement le père de Johann, ce gamin si mignon ; il faut supposer que ce sont les gènes de Sylviane qui avaient pris le dessus, à l’intérieur de l’ovule. Tant mieux pour le gosse !


Avoir introduit sa verge insignifiante entre les cuisses de la sublime Sylviane – et sans qu’elle lui ait résisté, à l’inverse de sa sœur – représentait pour lui le summum de son parcours de piètre Casanova… Après ce coït qu’il aurait souhaité plus long (mais il était affecté du syndrome d’éjaculation précoce), Jean-Claude se prenait pour un véritable don Juan.


L’évocation de son amant fit frissonner Sylviane. Mais comment est-il possible de jouir avec un type pareil ? Elle décida de se secouer ; peu importent les raisons : elle a un but, et Jean-Claude n’est qu’un outil ! D’abord quitter cette maison, ne pas l’attendre, ne pas… ne plus le voir !

Se rhabiller ; ses clefs, son portable ; elle agit comme un automate.


Dans la voiture, elle hésite, puis décide de rouler au hasard.

Les kilomètres se suivent ; son téléphone sonne : ne pas répondre, ne pas parler.


Le soir enfin, dans un motel quelconque, un programme insignifiant à la TV, et toujours ce téléphone qui sonne… Avec agacement elle ouvre sa messagerie et compte les… douze appels de sa mère. Du premier « Sylviane, c’est maman ; appelle-moi » au dernier « Viens au chalet tout de suite », il y a quelque chose dans la voix de sa mère…

De la panique, de la peur ?

Sylviane décide de la rappeler… mais personne ne répond. Réellement inquiète maintenant et malgré l’heure tardive, elle se décide à reprendre la route. Direction le chalet de vacances familial.


En chemin, elle reçoit des SMS : « Viens ! » puis « Dépêche-toi ! ».

À chaque message, elle tente de joindre sa mère, mais sans succès.

C’est avec la certitude qu’une catastrophe est arrivée qu’elle emprunte l’allée sinueuse qui mène au chalet. Elle gare sa voiture à côté de celle de sa mère et, toute à sa panique, ne remarque pas le gros pick-up de Jean-Claude garé sous les arbres.


Sous le coup de l’émotion, après avoir gravi l’escalier extérieur en trébuchant dans l’obscurité, Sylviane se précipite dans le living. Elle est immédiatement rassurée en voyant Brigitte – sa mère – installée devant la cheminée qui crépite, en compagnie de Jean-Claude ; sur la table basse toute proche trône une bouteille de cet exquis cognac Hennessy qu’est le Paradis. Tous deux tiennent en main un gros verre ballon en cristal ; dans le liquide mordoré se reflètent les lueurs des bûches de chêne qui flambent dans l’âtre. Encore essoufflée, Sylviane prend la parole.


  • — Pourquoi autant d’empressement à me faire venir ? J’ai cru qu’il s’était passé quelque chose d’extrêmement grave…
  • — Tu n’as pas tout à fait tort, ma fille ; voilà ce qui nous arrive. Mais, tout d’abord, assieds-toi, prends un verre, et écoute attentivement !




« Et meeeeeerde ! Merde, merde, et re-merde ! »



La sauce ne prenait pas… Mais pourquoi s’était-il donc fourvoyé dans cette galère ? Quel con, mais quel con ! Tout ça parce que – quelques jours plus tôt – il avait voulu tenter l’expérience d’écrire un récit érotique avec deux autres auteurs, Noone et Ripley, membres tout comme lui d’un site bien connu. Chacun d’eux devait écrire quelques lignes à la suite de ce qui précédait. La trame était inconnue : elle se construisait au fur et à mesure des apports des uns et des autres ; mais personne ne savait où l’histoire se dirigeait.


Et c’est ce con de Jakin qui – bonne poire comme d’habitude – avait accepté la charge de mixer les différentes participations pour essayer de présenter un récit qui tienne la route. Et là, il s’en mordait les doigts ! Il reprit place devant son ordinateur ; d’un mouvement de la tête, il rejeta en arrière ses longs cheveux et imagina une suite :



Brigitte continua :


  • — C’est tellement extraordinaire que tu ne me croiras pas ! Mais comme ça nous concerne tous, j’ai demandé à Jean-Claude de se joindre à nous. Voilà : c’est un truc complètement dingue… Nous ne sommes pas ce que nous croyons être : vous pensez que nous sommes des êtres humains ? Eh bien, non ! Nous ne sommes que les personnages d’une histoire qui nous dépasse tous. Nous n’avons pas d’existence réelle, pas de libre-arbitre non plus : tout est écrit.

Devant ce discours surréaliste et quasi-mystique, l’incompréhension, puis la stupeur se peignirent sur nos traits ; Brigitte était-elle devenue folle ? Elle poursuivit :


  • — Vous connaissez Thierry, mon jeune amant qui me coûte si cher… Eh bien, il a passé la nuit ici avec moi. Je ne vous décris pas les perversions sexuelles auxquelles il m’a soumise, selon son excellente habitude… Non, là n’est pas l’intérêt de ce que j’ai à vous dire. Par contre, il m’a proposé une petite pilule d’apparence anodine qui, selon lui, avait le pouvoir de décupler notre plaisir : vous pensez que ça m’a intéressée ! Déjà qu’il me fait grimper aux rideaux, avec sa grosse queue dont il sait si bien se servir…
  • — Et qu’est-ce que c’était, cette pilule ? Un genre de poppers ?
  • — Non, pas du tout. Il m’a dit que c’était du LSD. J’ai avalé ça sans la moindre hésitation ; mais rien ne se produisait : je ne ressentais pas les caresses de Thierry avec plus d’intensité, même quand il me bouffait la chatte avec tout le savoir-faire qui le caractérise.
  • — Alors, ça n’a pas marché, son truc ?
  • — Oh, si… Pas tout de suite ; mais au bout d’une demi-heure, j’ai commencé à me sentir toute drôle : autour de moi, tout vibrait ; les objets prenaient une apparence étrange, comme s’ils étaient distordus, avec des angles impossibles… Les couleurs étaient comme irréelles, très lumineuses. Et puis j’ai réalisé que je percevais la musique d’une manière visuelle : les sons se transformaient en paysages merveilleux qui se déployaient sous mes yeux, ou plutôt dans mon esprit… Je voyais la musique ! Quant aux caresses que Thierry me prodiguait, elles avaient acquis une intensité insoupçonnable, à la limite du supportable.
  • — C’est très intéressant, en effet. Mais quel rapport avec ton histoire délirante ?
  • — J’y arrive. À côté du lit, il y avait une petite lampe d’ambiance. J’étais irrésistiblement attirée par sa lumière qui, bien que faible, semblait étinceler de plus en plus… Je m’en approchai, collée à elle, tel un papillon de nuit. Je fus alors prise dans un tourbillon de figures géométriques qui s’interpénétraient et qui défilaient de part et d’autre de ce que je considérais encore comme « moi », et qui devenaient de plus en plus lumineuses, allant vers un blanc toujours plus éclatant de pureté. J’avais l’impression que cela ne s’arrêterait jamais : je pénétrais toujours plus loin dans cette lumière surnaturelle quand…
  • — Quand quoi ?
  • — Quand j’ai eu l’impression qu’une sorte de voile se déchirait, que le décor disparaissait ; je compris que j’avais accédé à une dimension supplémentaire par rapport à celles qui conditionnent notre univers ; une dimension supérieure… Et là, j’ai vu l’Auteur !
  • — L’auteur de quoi ?




Sous le regard de Jakin, les caractères se brouillaient. « Certainement un peu de fatigue ; je vais me faire un café bien serré et fumer une cigarette » se dit-il. Mais avant qu’il puisse quitter son fauteuil, il s’aperçut que les caractères s’étaient transformés en pixels tourbillonnants, et que ces pixels se recomposaient pour former un nouveau texte. Il pensa aussitôt à un virus qui se serait infiltré sur son ordinateur, bien que sa suite Internet Security 2012 eût été installée quelques semaines auparavant. Il lut le texte qui s’était affiché en majuscules :



NE TOUCHEZ PAS À VOTRE ORDINATEUR : CECI EST UN MESSAGE DE LA PLUS HAUTE IMPORTANCE !


EN RÉDIGEANT UN RÉCIT AVEC D’AUTRES AUTEURS, VOUS AVEZ TOUS TROIS ATTEINT UN NIVEAU SUPÉRIEUR. EN CONSÉQUENCE, VOUS AVEZ ÉTÉ JUGÉS DIGNES DE REJOINDRE UN CERCLE RESTREINT, CONNU DES SEUL INITIÉS.


BRANCHEZ VOTRE IMPRIMANTE : UN BILLET DE TGV VA S’IMPRIMER. IL VOUS PERMETTRA, À TOUS TROIS, DE REJOINDRE UN LIEU SECRET OÙ IL SERA PROCÉDÉ À VOTRE INITIATION.


UNE VOITURE (LINCOLN NOIRE) AVEC CHAUFFEUR VOUS ATTENDRA DEVANT LA GARE POUR VOUS CONDUIRE AU TEMPLE OÙ SE DÉROULERA LA CÉRÉMONIE.


SIGNÉ : L’ADMINISTRATEUR




—ooOoo—




NOONE



Dans sa bibliothèque, Noone laissait son regard errer sur les étagères de bois sombre surchargées de volumes rares ; des incunables, pour beaucoup d’entre eux. Çà et là, d’antiques instruments d’optique, de navigation et d’astronomie apportaient la chaleur de leurs éclats cuivrés ; dans un angle, un orgue dont les tuyaux des notes les plus graves atteignaient le plafond pourtant haut de cette pièce. Tout cela concourait à rappeler la cabine du légendaire capitaine Nemo, le héros de Jules Verne qui sillonnait les mers dans son Nautilus.


À 31 ans, ce fils de bonne famille n’avait jamais travaillé ; il avait hérité de la fortune considérable de ses parents, ce qui lui permettait de se consacrer à sa passion : le cinéma. Mais pas n’importe quelle sorte de cinéma : il réalisait des films X, de préférence zoophiles, surtout avec des chiens. Adam B. de la J. (car telle était sa véritable identité) ne quittait que rarement son manoir dissimulé par les hauts murs qui ceinturaient une propriété de plusieurs hectares située dans un coin reculé de la Provence. Récemment, il avait fait la connaissance d’une superbe jeune femme, Stacy, actrice de films X, qui s’était découvert une véritable passion pour les rapports canins ; elle était devenue son actrice fétiche, et il ne tournait plus qu’avec elle.


Malheureusement pour lui, cette belle rouquine ne voulait plus pratiquer le coït qu’avec des chiens, exclusivement des chiens. Noone devait donc se rabattre sur sa compagne pour évacuer les tensions insupportables qui habitaient trop souvent son bas-ventre… C’est d’ailleurs ce qu’il faisait, tout en rédigeant un nouvel épisode de sa saga-fleuve Karine (il en était au 357ème, quand même…) Il ne s’arrêta même pas d’écrire lorsqu’il lâcha de longues giclées de sperme dans la bouche d’Ève (sa compagne) qui le suçait, agenouillée sous le bureau. Il poussa juste un long soupir d’aise en déchargeant. Tout en déglutissant, Ève s’émerveilla :



Adam / Noone ne pouvait décemment pas lui avouer que c’était le souvenir du beau petit cul bien cambré de Stacy dans lequel la longue bite rouge de Sultan s’enfonçait qui était à l’origine du flot de sperme dont il venait de tapisser si généreusement le fond de la gorge de son experte fellatrice…



Repue, Ève sortit du bureau en léchant les quelques traces de sperme qui maculaient encore la commissure de ses lèvres pulpeuses. Noone tenta de se remettre au travail, mais l’inspiration l’avait quitté. Que faire ? Il saisit la bouteille de Lagavulin qui ne quittait jamais le plateau de son bureau, s’en versa une copieuse rasade et, tout en sirotant le single malt aux saveurs de tourbe très prononcées, il laissa libre cours à son imagination.


Par la fenêtre entrouverte, des jappements en provenance du chenil de sa compagne se faisaient entendre ; les chiens étaient nerveux ; peut-être savaient-ils déjà que l’un d’eux allait être choisi pour tourner dans le prochain film de Noone ? Habituellement, c’est Ève qui s’occupait des chiens ; elle recueillait ceux qui étaient abandonnés, mais uniquement des mâles de race. Cette particularité n’avait jusqu’à présent pas été relevée par Adam.


« Puisque je suis en panne d’inspiration, pourquoi ne pas faire écrire d’autres auteurs à ma place ? En voilà, une bonne idée ! » Il écrivit rapidement une dizaine de lignes où il donnait quelques indications qui jetaient les bases d’un nouveau récit ; puis il posta un message sur la partie du forum réservée aux auteurs de ce fameux site : « J’ai vu que, sur un site, des auteurs écrivaient tous ensemble une histoire. J’aimerais que nous fassions ici de même, afin que nos styles se complètent et s’accordent dans l’écriture. La première des choses sur laquelle nous allons travailler est le thème. Comme vous l’aurez tous deviné, je suis plus à l’aise dans la catégorie zoo, mais il me paraît très intéressant de mélanger les styles pour utiliser nos esprits inventifs et narratifs dans un récit hors-normes. Ci-joint ma première contribution à ce récit. »


Dès le lendemain, il reçut une suite imaginée par Ripley ; et le surlendemain, ce fut Jakin qui poursuivit. Sa proposition avait été suivie d’effets. Il allait pouvoir laisser en suspens pour quelques jours la narration des aventures de Karine… ce qui l’arrangeait, car il devait partir pendant une semaine en compagnie de Stacy pour faire des repérages et mettre en boîte des quantités de rushes qu’il monterait par la suite dans son studio vidéo personnel hyper-équipé pour en faire un film qui, pensait-il, devrait connaître un succès encore plus important que les précédents.


Il passa une grande partie de la journée à choisir les équipements dont il allait avoir besoin, et les chargea dans son fourgon équipé d’une mini-régie. En fin d’après-midi, après avoir choisi l’heureux labrador qui aurait la chance de saillir Stacy, il quitta sa magnifique demeure et prit la route pour rejoindre la superbe rouquine qui le faisait bander à mort.


Au cours de la semaine qui s’ensuivit, Ripley et Jakin, surpris par le silence de Noone dont ils attendaient la contribution à leur récit commun, échangèrent de nombreux mails. Jakin pensait qu’il était victime d’une panne d’ordinateur, et alla même jusqu’à imaginer qu’il était entré en hibernation…


Enfin, Noone se manifesta. Il ne voulut certainement pas avouer – de peur de se dévoiler – que l’Adam de ses récits et lui-même ne faisaient qu’un. Il nous fournit une explication foireuse selon laquelle il était en panne d’inspiration… Jakin contacta ses deux comparses pour leur proposer de terminer seul le récit déjà commencé ; ceux-ci, déchargés de cette lourde responsabilité, acceptèrent avec soulagement sa proposition. Ils allèrent même jusqu’à fournir quelques renseignements sur eux-mêmes afin que Jakin soit en mesure de donner un aspect quelque peu réaliste au récit.


C’est alors que Noone réceptionna le même message inquiétant que celui que Jakin avait reçu de l’Administrateur…




—ooOoo—




RIPLEY



Au volant de son attelage routier de 38 tonnes, Éric revenait d’un parcours qui l’avait mené jusqu’à Faro, au Sud du Portugal. Nous étions en fin de semaine, et il revenait en France, fatigué par les heures de conduite sur les autoroutes autant que par les efforts qu’il avait dû fournir lors du déchargement et du rechargement de sa semi-remorque. « Ah, ces Portugais qui n’ont même pas le matériel nécessaire pour charger le fret sur des palettes, comme le font tous les peuples civilisés… à moins que ce soit pour ne perdre aucune place sous la bâche ! » En tout cas, il avait dû se farcir des centaines et des centaines de petits colis à charger à la main. Il les maudissait ! Heureusement qu’il avait la carrure nécessaire pour pratiquer ce genre de sport, sous la bâche où s’accumulait l’air brûlant : à 46 ans, il affichait 82 kg de muscles pour une taille de 1,70 m. Quelle carrure… sauf pour sa bite, qui n’était pas en adéquation avec le reste de son corps : 12 centimètres. Par bonheur, Françoise s’en accommodait ; il est vrai qu’elle préférait se la faire enfiler dans le cul plutôt que dans la chatte.


Il tardait à Éric de revenir chez lui, où l’attendait la belle Françoise ; oui, encore belle malgré les cinq années qu’elle avait d’avance sur lui. Dans la spacieuse et confortable cabine du tracteur Volvo, il songeait avec délice au moment où il pourrait la surprendre en s’approchant d’elle par-derrière en laissant sa main investigatrice s’enquérir de l’état de ses accueillants orifices…


Il n’était plus qu’à 120 km du dépôt où il allait pouvoir échanger son « gros cul » contre son automobile ; mais, même si la C5 est relativement volumineuse pour une voiture, il allait s’y sentir à l’étroit, comme dans une boîte de sardines, après cinq jours passés au volant de l’énorme camion… Sur autoroute, cela ne représentait environ une heure et quart de conduite ; malheureusement, il était au volant depuis trop longtemps, et il allait devoir faire une coupure d’au moins quarante-cinq minutes avant de pouvoir reprendre la route. Il râla, mais s’engagea néanmoins sur la première aire de stationnement qu’il trouva, un peu avant d’arriver à Fréjus. Sans le savoir, il résidait dans la même région que Noone…


Il gara son engin à proximité d’autres camions et, rongeant son frein, alluma une cigarette pour tuer le temps. Il lui tardait de se retrouver chez lui, d’autant plus qu’il avait été privé de connexion à Internet pendant toute la semaine ; il était friand de récits érotiques dont il se gavait durant les week-ends. D’ailleurs, il avait même franchi le pas en écrivant deux histoires traitant d’hétérosexualité sous le pseudonyme de Ripley. Oui, Ripley, tout comme le héros à la sexualité ambiguë d’un film…


Son attention fut attirée par une silhouette féminine qui se tenait dans la pénombre, non loin de son véhicule. En y regardant mieux, Éric s’aperçut qu’il s’agissait d’une adolescente en haillons. Lorsqu’elle vit qu’Éric la regardait, elle s’approcha et frappa timidement à la portière de l’énorme Volvo. Intrigué, Éric / Ripley l’invita à le rejoindre dans l’habitacle. Dans un français approximatif, la gamine lui expliqua qu’elle était Roumaine, et qu’elle voulait qu’on la ramène à Fréjus.



Ripley, en manque de sexe depuis une semaine, laissait son regard s’appesantir sur le sein à peine formé de l’adolescente.



Il ne fut pas convaincu par sa réponse, tant la gamine semblait plus jeune que l’âge qu’elle prétendait avoir. « Elle est certainement plus jeune que ça ; mais je ne vais quand même pas lui demander ses papiers d’identité… Elle n’a pas froid aux yeux, la petite ! Je me la ferais bien… »



La jeune fille se hissa avec peine dans la cabine ; en s’asseyant, elle dévoila une cuisse fine et ferme, toute bronzée. Elle ne prit pas la peine de rabattre le pan de sa robe. Le sexe de Ripley prit de l’ampleur…



Ripley avait ouvert sa braguette et exhibait une bite – certes courte – mais d’un diamètre plus que respectable. Son gland était extrêmement volumineux : il ressemblait à un gros champignon violacé. Le regard de la petite ne pouvait se détacher de ce phallus monstrueux ; elle le dévorait des yeux…



L’adolescente vint se mettre à califourchon sur Ripley, lui faisant face. Elle tira sur sa culotte pour l’écarter. Ripley avança son bassin pour mettre son gland en contact avec la petite fente à peine poilue, prit la main de la jeune fille, la posa sur son membre vibrant de désir, et lui imprima quelques mouvements de va-et-vient pour lui montrer comment elle devait procéder. La petite devait être excitée par ce qu’elle faisait, car bientôt l’énorme gland coulissa avec facilité dans le liquide gluant qui s’écoulait de la petite chatte. La gamine y prenait plaisir…



Ripley tenta de forcer l’étroite entrée du jeune con, mais sans succès : son gland disproportionné aurait fendu la gamine en deux…



Mais la petite main n’arrivait pas à encercler le gros mandrin. Et, même en s’y prenant avec les deux mains, la gamine n’arrivait pas à faire le tour de cette bite hors normes. Malgré tout, elle s’activa tant et si bien qu’il ne lui fallut que quelques allers et retours pour faire cracher l’énorme gland. Ripley remit son outil à l’abri, encore tout englué de sa semence épaisse, et actionna le démarreur. Le camion s’infiltra dans le flux des véhicules qui circulaient sur l’autoroute.


Dans les faubourgs de Fréjus, Ripley fit descendre la gamine. Lorsqu’il arriva chez lui, une demi-heure plus tard, encore tout excité par ce qui venait de lui arriver, il ne prit même pas le temps de caresser Françoise : il se précipita sur elle et, la faisant se courber sur l’évier, il lui troussa sa robe jusqu’à la taille. Sans le moindre égard, il lui enfila d’une vigoureuse poussée son braquemart dans le cul ; heureusement pour elle, le mandrin pénétra facilement en glissant, tout lubrifié par le sperme qui n’avait pas encore séché.


Le lendemain, Ripley put enfin consulter les courriers postés sur le forum érotique ; remarquant la proposition de Noone, il écrivit rapidement une dizaine de lignes pour donner une suite au récit. Mais ce n’est que la semaine suivante, lorsqu’il cliqua sur le pavé "Envoyer" pour transmettre sa deuxième contribution au texte écrit en commun, qu’il reçut le même message que l’Administrateur avait expédié aux deux autres auteurs.




—ooOoo—




LE TEMPLE



En sortant du hall sombre de la gare de N…, aveuglé par la clarté du soleil, Jakin eut du mal à repérer la grosse limousine noire. Un chauffeur en livrée attendait à côté de la Lincoln aux vitres obscures.



S’étant assuré que le masque était bien ajusté, il prit le volant et démarra en souplesse. Le gros V8 de la limousine était presque inaudible. Une vingtaine de minutes plus tard, Jakin sentit la voiture ralentir ; les pneus crissèrent en roulant sur du gravier, puis ce fut le silence.



À défaut de voir, tous les autres sens de Jakin étaient exacerbés, à l’affût du moindre indice. Il entendit frapper sourdement par trois fois selon un rythme bien précis. Un grincement : certainement une porte qui s’ouvrait. Il sentit qu’on le poussait légèrement dans le dos pour qu’il avance ; des mains le saisirent à l’avant-bras et à l’épaule.



Jakin comprit qu’ils descendaient un escalier en colimaçon, dont les marches de pierre inégales l’amenaient de plus en plus profondément dans les entrailles de la Terre.



Le bruit métallique d’une clé qui tourne dans une serrure ; le claquement d’un pêne qui se libère. Et à nouveau le grincement d’une porte qui pivote sur ses gonds.



Désorienté, Jakin regardait autour de lui ; ce qu’il distingua ne le rassura pas : cette minuscule pièce très sombre n’était éclairée que par une bougie. Le mobilier était réduit à sa plus simple expression : une table et une chaise en bois qui, toutes deux, avaient dû connaître des jours meilleurs. Sur la table, à part la bougie, un sablier, un crâne humain et – oh surprise – un ordinateur flambant neuf, tout à fait incongru dans cet environnement plutôt spartiate… Jakin n’avait même pas eu le temps de voir le visage de celui qui l’avait amené dans ce réduit ; il avait déjà refermé la porte à clé derrière lui en sortant. À travers une petite ouverture grillagée de la porte, il précisa :



Jakin se retrouva seul dans la pénombre. S’asseyant face à l’ordinateur, il cliqua sur l’icône "Texte 1". Quelle horreur ! Mais comment est-il possible d’écrire ainsi ? Voici un extrait des trois pages qui apparurent sur le moniteur :



<…> A 15h00 elle était dans l oued en train d attendre devant une maison abandoner et moi j était cacher derrière elle me voyait pas bien sur.un mec apparu et ma mere dessandit de sa voiture et lui fit la bisent avant d entrer dans la maison,je m approcha de la maison pour voir se qui aller se passer.j avoue que je commencer déjà a bander,ariver dans la maison je me cacha a fin de voir sans etre vue.il y avait 2 mec debout et ma mere était toute nue a genoux en train de leur faire une pipe au deux mec puis très vite ma mere se fait baiser par les deux en même temps.se que je voyait me fessait bander et j était choquer de voir ma mere se faire démonter les orifices par ses deux gamin qui devait sûrement etre plus petit que moi.quand les mec éjaculèrent de partout sur la mere ils partirent directement laissant ma mere de rahbiller,elle partie et moi aussi.je ne la voyait plus comme avant maintenan je désirer ma mere j avait envie de lui faire subir le même sort que les deux mec.

Je rentra a la maison et je trouva ma en peignoir en train de fumer une cigarette dans la cuisine,je m assid a coter d elle et lui dit: <…>



Si les deux autres textes étaient semblables à celui-ci, le délai serait difficile à respecter… Par curiosité, Jakin y jeta un bref coup d’œil : heureusement, le premier était le pire. C’était faisable. Il s’attela à la tâche avec ardeur.


Deux heures plus tard, des pas se firent entendre dans l’escalier.



Plongé à nouveau dans l’obscurité et guidé par le même mystérieux personnage, Jakin refit en sens inverse le chemin qu’il avait parcouru. Des bruits lui indiquèrent qu’ils n’étaient pas seuls. On le fit s’arrêter ; trois coups furent frappés sur le même rythme qu’il avait déjà entendu lorsqu’il était arrivé, deux heures auparavant. Un grincement : certainement une porte qui s’ouvre… On le poussa pour le faire pénétrer dans ce qui lui semblait être une salle de grandes dimensions, puis une main le retint par l’épaule pour l’arrêter. D’après les sons qui lui parvenaient, Jakin comprit qu’il devait être entouré d’une assistance nombreuse. Il perçut aussi une présence – ou peut-être plus – à ses côtés.


Un puissant coup de maillet retentit ; aussitôt, tous les murmures se turent. Une voix, venant d’en face, se fit entendre :



Une autre voix, venant de la gauche, déclara :



Une troisième voix, venant de la droite, s’éleva :



Une autre voix retentit, venant de l’arrière-droit de la salle :



Une dernière voix, venant de l’arrière-gauche de la salle, déclara :



La première voix qui s’était fait entendre reprit, avec solennité :



Un sec claquement de maillet retentit.



Une main défit les liens des bandeaux qui maintenaient jusqu’alors les trois auteurs dans l’obscurité. Lorsqu’ils furent capables de distinguer quelque chose, ce qu’ils virent en premier, ce fut une vingtaine d’individus, hommes et femmes de tous âges, vêtus de longues capes qui brandissaient des épieux dans leur direction. En y regardant mieux, ils s’aperçurent avec étonnement que ces épieux étaient sculptés de manière à représenter des phallus en érection. Après quelques secondes au cours desquelles ils semblèrent les menacer, les épieux s’abaissèrent en direction du sol.



Passés ces premiers instants empreints de stupéfaction plutôt que de curiosité, les regards des trois novices se portèrent sur la salle où ils se trouvaient. Ses murs de pierres taillées étaient par endroits recouverts de tentures noires à liseré d’argent ; elle n’était éclairée que par des flambeaux fixés aux parois à intervalles réguliers. Mais, ce qui attirait le plus le regard, c’était le mur situé en face d’eux : il portait un grand emblème brillamment illuminé, représentant un phallus érigé verticalement, dont le gland pointait en direction de deux jambes écartées à la manière d’un compas. Cet emblème surplombait un bureau qui était lui-même surélevé par rapport au reste de la salle, et qui reposait sur une large estrade à laquelle on pouvait accéder au moyen de trois marches. Sur le bureau, un chandelier à sept branches (représentant elles aussi des phallus et dont le socle figurait un énorme scrotum) supportait des cierges noirs.


Le plus impressionnant, ce n’était pas le décorum, mais la silhouette sombre qui se découpait sur l’emblème illuminé, assise derrière le bureau. Sa longue cape équipée d’une capuche dissimulait intégralement l’être qu’elle recouvrait.



Lorsque la sombre silhouette se déploya pour se lever, Jakin crut entrevoir, à la lueur des cierges, un regard d’un vert flamboyant vite masqué par la capuche. Il lui avait semblé que les pupilles n’étaient pas rondes, mais allongées dans le sens vertical, telles deux étincelantes fentes d’émeraude. Il n’aurait pas été surpris de découvrir des sabots de bouc à la place des pieds de l’inquiétant personnage, mais la longue cape qui tombait jusqu’au sol ne lui en laissa pas la possibilité. L’être s’approcha d’eux. Il leva à la verticale son long épieu de cérémonie qui, à la différence des autres, n’était pas rectiligne mais torsadé, et déclara sur un ton solennel :



Le Grand Administrateur répéta cette même phrase à chaque novice en lui touchant l’épaule gauche de son épieu torsadé, à la manière de la cérémonie d’adoubement des anciens Chevaliers.



Dès qu’ils eurent été revêtus de cette parure, les autres membres vinrent les féliciter chaleureusement ; les nouveaux initiés purent enfin s’adresser la parole :



Toute l’assistance se dirigea vers une autre salle où un repas fin les attendait. Après ces agapes pleines de bonne humeur, l’Administrateur (qui ne s’était toujours pas dévoilé) prit la parole pour féliciter les nouveaux initiés et leur souhaiter bonne chance pour l’accomplissement de leur mission.


Puis vint le moment du retour. Selon le même cérémonial qu’à l’aller, chaque Néophyte – les yeux à nouveau recouverts d’un bandeau – fut reconduit séparément à la gare dans la grosse Lincoln.




—ooOoo—




Dans le TGV, Jakin se demanda s’il n’avait pas rêvé les événements qui venaient de se dérouler… Non, ce n’était pas un rêve : le long étui noir qui contenait son Phallus était là pour le lui confirmer. Tout imprégné de la mission dont il avait été investi, il n’arrivait pas à contrôler le flux de ses pensées : « Alors, le site internet ne serait que la partie émergée d’une structure beaucoup plus complexe qui vise au progrès et au bonheur de l’humanité… »


Mais la pensée qui l’inquiétait le plus concernait la relativité – non pas des choses – mais une relativité élargie à l’infini : « Nous, Auteurs, nous concevons des récits ; mais les personnages que nous inventons ont-ils une forme d’existence qui leur est propre ? Personnellement, je le crois, puisque j’en ai eu la preuve avec le personnage de Brigitte qui, sous l’influence du LSD, a brièvement pu apercevoir l’Auteur que je suis et comprendre qu’elle n’était qu’un personnage de récit. Et moi ? Et nous tous qui croyons être réels… Existe-t-il d’autres niveaux de l’Univers, imbriqués les uns dans les autres à la manière des matriochkas, ces poupées-gigognes russes ? Se pourrait-il que nous ne soyons que les acteurs d’une histoire écrite par un Super-Auteur à un niveau supérieur ? »


Rempli d’inquiétude, Jakin tourna son regard vers le ciel, tentant d’en repousser les limites, essayant par la force de son esprit d’y créer une déchirure qui lui permettrait de voir au-delà du visible.


Par-delà les dimensions connues de l’espace-temps, il venait de discerner un doigt démesuré, inhumain par sa taille, qui se dirigeait vers une touche non moins immense… Affinant sa perception, il arriva à distinguer l’inscription gravée sur cette touche : "Suppr". Il poussa un hurlement de terreur lorsque le doigt se posa sur la touc