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n° 15514Fiche technique14643 caractères14643
Temps de lecture estimé : 9 mn
09/03/13
corrigé 10/06/21
Résumé:  Marion choisit de répondre à "la chaîne de l'amour" en ayant repensé longuement à ses ex amoureux, ceci dans l'espoir de revoir l'un d'eux.
Critères:  cérébral revede exercice confession nostalgie portrait
Auteur : Cheminamants  (Pensée sur les surprises qui peuvent arriver à "vouloir")      Envoi mini-message
Les maillons d'une chaîne...



L’avant-avant-hier, le lendemain de l’avant-avant-hier et hier, c’est comme aujourd’hui :

Marion, trente-cinq ans, seule un soir de mars et le nez devant l’ordi. Sauf que nous sommes vendredi, veille de week-end, et que ça me donne un coup de blues !


Voilà, c’est tout moi !


Le lieu où je me trouve ? Dans mon salon joliment arrangé, mais vide depuis plusieurs mois des photos qui se sont succédées et que j’ai décrochées du mur, d’un « ex » après l’autre. Est-ce qu’elles ont eu le temps de jaunir les belles images fixées au-dessus du fauteuil ? Si, quand même un peu… mais je me souviens du sourire figé sur le papier de chaque instant de bonheur de tous les « nous deux » qui ont traversé ma vie.


Combien j’en ai eu des amoureux ? Pas tant que ça ! mais ça fera un de plus avec le prochain, celui qui saura installer pour longtemps les couleurs de l’arc-en-ciel au-dessus de mon lit et m’enflammera sous les draps tout en me convainquant de son amour.


Bilan : cœur à dorer, pommes Choupette à croquer avec ses deux petits berlingots tendus pour être sucés, sexe libre et désireux de trouver sa moitié pour chatouillis aux poils.




—oooOooo—




Mais qu’est-ce que je suis en train de faire pour penser à tout ça ?


C’est simple, je lis le message que je viens de recevoir :


La chaîne de l’amour :

Envoie à cinq de tes ami(e)s célibataires le résumé de ce que tu as vécu avec un amour que tu regrettes d’avoir perdu. Si ton désir de le(a) retrouver est sincère, ton/ta chéri(e) te reviendra.



S’ensuit une promesse de malédiction si je ne fais pas suivre tous les SOS des cœurs esseulés qui ont écrit en laissant leur adresse mail et/ou leur numéro de téléphone et qui comptent sur moi pour ne pas rompre la chaîne.


Je continue à lire et je découvre les confidences de Cindy, ma collègue de travail et très chère amie. C’est d’ailleurs elle qui me l’a envoyé. Puis je parcours les histoires timides ou passionnées de tous ceux qui ont écrit avant elle. « Terrible » et « touchant » sont les premiers mots qui me viennent à l’esprit en voyant jusqu’où peuvent mener les souffrances qu’apporte la solitude d’un côté et les espoirs de bonheur de l’autre.


Sur toute la liste je découvre deux anciennes connaissances, un homme et une femme. Le monde est bien petit, mais c’est vrai qu’avec une chaîne comme celle-ci et son effet pyramidal, cinq personnes le renvoyant à cinq qui font de même avec d’autres et ainsi de suite, la probabilité d’être lu par un ex-amour, ami lui aussi d’amis d’amis communs n’est pas négligeable.


Ensuite, ma petite voix intérieure me dit : « Pourquoi pas toi ! Tu n’as ni amoureux, ni plaisirs charnels à partager. Alors tu peux te répéter que tu n’es pas la seule dans ce cas, personne ne t’entendra, et ça ne te consolera pas ! Regarde, on est vendredi soir et tu vas faire quoi d’agréable durant ton week-end en solitaire, hein ? Rien ! ».


Ce n’est pas faux, d’autant qu’en y réfléchissant, j’ai bien quelques prénoms d’ex qui me reviennent à l’esprit, pas des masses, et de là à leur écrire il y a un monde.




—oooOooo—




Sergio ! Non, pas lui ! La seule chose qu’il réussissait à faire bien c’était… Eh bien non, pas « ça », l’amour et tout son tralala, mais les plats de spaghettis « alla mama ». On en a avalé toutes les semaines, délicieux au début et gavant à la fin, car sa mère était là à chaque fois pour en surveiller la cuisson… Alors, avoir envie de le revoir ? Ça, jamais !


Ma « Minouche » ? Non, pas possible, je sais qu’elle vit heureuse avec une copine de mon frère depuis belle lurette. Et puis c’était une expérience de jeunesse, pas plus. Comment dire… une envie d’y goûter… Elle m’attirait et je me suis laissée tenter. Avec finesse, à grand renfort de sourires craquants et de complicité entre filles elle s’est approchée de moi, l’air de ne pas y toucher. La première fois, c’était un soir dans une salle de ciné. La seule horreur c’était le film, un vrai navet, mais j’ai crié de peur juste une fois. Puis ses bras, ses caresses et la suite… Des rencontres furtives en cachette pendant quelques mois, des câlins que je faisais timidement, puis on s’est rendu compte toutes les deux que j’étais vraiment faite pour les hommes.




—oooOooo—




Un qui m’a vraiment marquée, c’est Mickaël, amoureux et ardent. Et moi avec lui, lui avec moi c’étaient des milliers de mots enflammés, des gestes hardis, conquérants, sulfureux. Nous n’étions que plaisir, de celui qu’on aime ressentir jusqu’au fond des tripes avec une envie de vivre nos festins charnels intensément en les partageant. Avec aucun autre je n’ai été aussi ardente et nos voluptés commençaient à n’importe quelle heure, partout où c’était possible. Avec des jeux amoureux à faire redresser son sexe sans même le toucher, juste en pensant que nous allions nous régaler ; avant même d’avoir commencé à nous caresser et nous embrasser !


Nous avions des besoins de plus en plus grands, dictés par nos libidos et nos fantasmes à concrétiser coûte que coûte pour nous mener encore plus loin que la veille, là où c’est plus beau que le dernier souvenir. Je me rappelle tout ça et j’en tremble encore. Nous ne nous arrêtions qu’au bord de l’épuisement, après avoir rassasié nos esprits, nos cœurs et nos corps tout autant. C’était « nous ». Nos pulsions qu’on écoutait, nos peaux frissonnantes qui réinventaient le trouble naissant avant de vibrer passionnément, comme si les autres ne pouvaient pas savoir aussi bien. Je n’ai pas oublié la divine et mythique ambroisie qu’il venait recueillir en moi quand j’écartais mes cuisses pour lui offrir mon nectar.


Un frisson me parcourt le dos, de la nuque jusqu’au bas des reins. C’est agréable de repenser à tout ce qu’on a vécu ensemble. Un an de passion, puis une séparation il y a cinq ans, toute bête, idiote même : aucun de nous n’a voulu apporter sa valise chez l’autre quand nous avons voulu vivre ensemble. Des chamailleries, des reproches mutuels. Nous étions presque aussi exaltés à détruire ce que nous avions vécu ensemble que lorsque nous faisions l’amour. Alors on s’est quitté, déçus de n’avoir pas vu l’autre céder.


Ensuite, la maturité est passée par là, me rendant plus de ceci et moins de cela, alors pourquoi pas pour lui aussi. Donc si j’avais à choisir, oui, j’aimerais bien revoir Mickaël.




—oooOooo—




Ou peut-être Stéphane que j’ai connu juste avant. Nous nous sommes fréquentés deux ans d’un amour tranquille, trop calme et posé pour moi alors que j’avais envie de fougue, d’exubérance, de cheveux en bataille au petit matin d’avoir fait l’amour avec ardeur toute une nuit. J’avais besoin de sentir mon ventre qui gargouille d’envie et de faim de lui, moi pleine de son sexe et lui remplissant mon ventre. Mais si je n’ai pas eu cela, tout de même avec lui j’ai appris la montée du plaisir faite en douceur. D’un seul de ses regards il a su aussi me faire chavirer. La tendresse a du bon, mais je ne m’en satisfaisais pas. Il m’offrait des baisers doux et interminablement chastes pour ne pas me donner ni tout, ni tout de suite. Aimer la délicieuse attente, patienter pour apprécier, je ne savais pas et je ne voulais pas.


Je me souviens quand ses lèvres gagnaient du chemin en progression lente vers mes seins, faisant se redresser le duvet soyeux à chaque millimètre de peau effleurée, et au lieu de m’abandonner à lui, impatiente, je lui demandais d’aller plus vite jusqu’à mes mamelons pour les titiller avec avidité. Lorsque ses mains exploraient lentement chaque partie de mon corps en faisant naître un frisson sur leur passage et je lui réclamais d’aller tout de suite à l’assaut de mon sexe, plutôt que de prendre le temps d’apprécier l’inexorable montée du plaisir. Idiote que j’étais ? Non ! Simplement il ne me correspondait pas en définitive à cette époque. Mes besoins étaient différents, tournés vers le sexe torride en assouvissements immédiats plus que de faire l’amour patiemment et progressivement sans brûler les délicieux préliminaires. Je n’ai plus voulu aller à son rythme de manière si pondéré et il a accepté que je le quitte sans me faire aucun reproche. Jusqu’au bout, Stéphane est resté calme et tranquille, comme impassible. Ce côté désagréable refait surface et j’en conclus que je n’ai pas envie de le revoir, même si je garde quelques bons souvenirs.




—oooOooo—




Bon, j’ai fait mon choix et ce sera à Mickaël que je vais écrire, sans savoir s’il est libre, ni même s’il souhaite me revoir.

À moins que… Pourquoi pas ! Après tout, une chaîne a plusieurs maillons…


En suivant mon idée, j’écris mon message sans divulguer de détails personnels, ceux-ci ne regardant personne d’autre que moi. Je joins mon adresse mail, puis je choisis cinq personnes au cœur solitaire de mon entourage à qui faire suivre « la chaîne de l’amour ».

Je relis. Un clic et c’est parti !


« Alea jacta est » : Le sort en est jeté.




—oooOooo—




Je rêvasse tout le week-end en pensant surtout à Mickaël, puis le lundi matin en arrivant au bureau dans la société d’import-export où je travaille comme secrétaire, je jette un coup d’œil vite fait dans ma boîte mail perso.


Surpriiise ! un message en retour.


J’hésite à l’ouvrir, consciente de l’importance de ce que je vais lire et j’imagine déjà que ma vie tout entière pourrait en être chamboulée. Mes pensées m’emportent vers tout ce que je vais peut-être revivre avec Mickaël :

Nous deux, les yeux dans les yeux avec des petites lueurs brillantes qui rendent heureux, les mains dans les mains, caressantes et douces, des mots pleins de promesses qui font battre le cœur, susurrés avec élan et sincérité. Puis bien vite la redécouverte des corps, les nuits torrides avec des baisers envoûtants, des gestes hardis, puis les sexes qui s’emboîtent, le plaisir qui nous emporte jusqu’à l’orgasme. Avec un passionné comme Mickaël, ce n’est pas possible d’imaginer un plus grand bonheur, non vraiment !


À présent, je n’y tiens plus, j’ai envie de savoir. Il faut dire que je me suis échauffée uniquement avec la pensée. Fébrilement je clique, comme si j’appuyais sur un bouton magique.


Je lis…


Oui, c’est un message d’amour passionné, où je ne m’y connais pas. Heureuse ? je suis rayonnante de bonheur ! Et au fur et à mesure que je parcours les phrases, je réalise à quel point j’ai de la chance. J’ai envie de danser, de crier que la vie est belle !

J’arrive au bout de la lecture et une sensation indéfinissable m’envahit quand je découvre le numéro de téléphone à la place de la signature.




—oooOooo—




Sur ce fait, Cindy arrive avec une pile de factures à traiter, mais à voir mon air soucieux elle m’interroge :



Bien sûr, elle est dans la confidence et a connu Mickaël quand nous nous fréquentions.



En quelques minutes Cindy a fini et me regarde avec un grand sourire malicieux.



Je prends mon portable, je compose le numéro. Ça sonne, puis j’attaque la première d’une voix charmeuse :



La voix est agréable, profonde, séductrice, sincère et je réfléchis à cent à l’heure à ce que je vais bien pouvoir répondre. Il suffit que je commence à trouver les premiers mots, après ça ira. Mais tout se bouscule, je suis prise par l’émotion, décontenancée. Bon sang, ça ne devrait pas être si difficile que ça pourtant ! Aussitôt je bâillonne le portable d’une main et je l’éloigne de mon visage, puis je me fiche une petite baffe sous les yeux médusés de Cindy qui me fait de grands gestes depuis tout à l’heure en me murmurant : « Alors, c’est lui ? ». C’est ce qu’il me fallait, reprendre mes esprits, puis j’enchaîne en recollant mon portable à l’oreille :



Comment lui expliquer que j’ai fait exprès de lancer un appel non nominatif et suffisamment évasif pour multiplier mes chances. Dans une chaîne il y a tant de maillons, alors je suis même allée jusqu’à espérer qu’un inconnu me lise et me contacte, au cas où ce ne soit pas Mickaël qui le fasse !


Pourtant, à bien y réfléchir, je suis contente de l’entendre, Stéphane…