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n° 15560Fiche technique9527 caractères9527
Temps de lecture estimé : 6 mn
11/04/13
Résumé:  Vous est-il arrivé d'être confronté à des situations abracadabrantesques sans savoir quelle suite donner ?
Critères:  revede voir noculotte nopéné
Auteur : Annie-Aime  (Souvenir, souvenir...)      Envoi mini-message
Dilemme !

Je rêvassais avant que la dame n’apparaisse dans mon champ de vision. Légère et court vêtue, elle est sexy, indéniablement sexy. Je la regarde tout en poursuivant mon plein de carburant, d’abord distraitement, puis je sens poindre la curiosité, lubrique et pimentée. Elle est tout près, pas plus d’une dizaine de mètres, parcourant une vingtaine de pas dans un sens et autant dans l’autre ; elle fait ses allers et retours de cette démarche particulière qu’ont les femmes perchées sur de très hauts talons. L’agitation, les mimiques, tout en elle indique qu’elle s’impatiente.


Ce n’est plus une jeune fille, plutôt le genre « couguar », la quarantaine bien tenue, sensuelle, et excitante. Un genre créé par Dieu pour damner les hommes. Prétendre que je ne goûte pas le tableau serait mentir : j’y goûte, et sans doute plus qu’il n’est séant. La convoitise n’est pourtant pas le seul ressort de ma fascination, il me revient en mémoire un article que j’ai lu récemment.


Des scientifiques de l’Université de Portsmouth ont observé que les talons aiguilles accentuent le mouvement des hanches chez la femme, tout en raccourcissant la foulée. Ces caractéristiques sont jugées attirantes par les hommes, même lorsqu’on leur montre uniquement le mouvement du bassin sans trahir la présence des talons. Le pouvoir des talons hauts réside donc dans une amplification de certains mouvements du corps de la femme. Selon les scientifiques, ces artifices sont des « stimuli hypernormaux », ce qui signifie qu’ils accentuent les caractéristiques féminines des mouvements du corps. C’est aussi le principe du corset, du maquillage ou des faux cils. (Cerveau & Psycho – n°56 mars – avril 2013)


Mes yeux sont rivés sur la silhouette encore svelte, la poitrine, le bassin. J’évalue le déhanché et tantôt le postérieur. La courbe de la taille est particulièrement pincée, aurait-elle un corset ? Peu probable, mais du maquillage et des faux-cils, sans aucun doute. Je sens naître un désir, diffus, cérébral et caresse l’idée de la séduire… rien de volontaire, juste l’expression d’une envie, un début de fringale animale, spontanée et sans perspective parce que je ne donnerai pas de suite, ce n’est pas moi.


Un peu comme quand on bave sur une photo affriolante publiée dans un catalogue ou un magazine. On admire, on salive et puis basta, on tourne la page ; au pire, Bobonne écope l’excès d’impétuosité. De ce point de vue, j’imagine tout à fait mon épouse saluant mes prochains élans : « qu’est-ce qu’il t’arrive, tu m’as l’air bien excité » , minaudera-t-elle, sinon le soir même, du moins un autre soir où le souvenir de l’aguicheuse m’aura fouetté les sangs. J’avoue qu’avec l’âge, mon tonus est devenu quelque peu capricieux, aussi fais-je feu de tout bois. Et puisque j’ai une muse sous la main, autant engranger l’inspiration. Son souffle est là, je le sens, durablement installé dans ma tête et dans mes tripes.


Absorbé que j’étais, je ne me suis pas rendu compte que je relâchais progressivement la pression sur la gâchette du pistolet. Je réarme brutalement et souffre en retour un reflux intempestif du carburant, ce qui ajoute à mon affolement alors que je cherche à me donner contenance. Car entretemps la dame a changé de cap : elle approche et se dirige droit sur moi. Un embarras déplaisant me gêne aux entournures, je me sens tel un ado pris en faute. Une préoccupation hante mon esprit : a-t-elle perçu mon impudence ?



La question est directe : pas même un bonjour ; pourtant, cela ne me choque pas, j’ai le sentiment que nous avons dépassé ce stade. J’ai déjà vu cette dame quelque part ; pourtant je ne me souviens pas lui avoir jamais adressé la parole. Mon bureau est en centre-ville, à deux pas de la rue Marbeuf ; je m’entends proposer mes services.



Ma réponse est irréfléchie, instinctive, armée par le désir subliminal de mieux la connaître dont je prends conscience progressivement en même temps qu’il me vient le souci de ne pas me dévoiler. Ne suis-je pas transparent ? Toujours est-il que j’ai l’impression d’être ridicule, puis mon sentiment s’efface, remplacé par celui que suscite la vision des cuisses presque entièrement découvertes. Je suis aux premières loges, à faire le galant pendant que la dame prend place sur le siège du passager avant de mon véhicule.


Tandis que je me glisse derrière mon volant, mon regard se dirige encore vers ces appâts troublants. Et encore après, alors que nous roulons en chemin vers notre destination, je ne peux m’empêcher de continuer à reluquer, bien que cela aille à l’encontre de mon éducation – passablement hypocrite, soit-dit en passant. Cette chair, chair du péché traitreusement exhibée, exerce sur moi un pouvoir maléfique auquel il me semble impératif d’échapper. Je tente une diversion.



Le jeune homme postule un poste de stagiaire en vue de valider son DUT. Ce rappel de l’espace professionnel m’est salutaire : j’endosse l’uniforme familier, prêt à ferrailler. Sauf que l’attaque ne vient pas par où je l’attends.



Le ton est narquois mais sans méchanceté, plutôt engageant. Du reste, dans le même temps qu’elle dit cela, elle avance sa main et pose la paume sur ma cuisse. Dans son mouvement, elle a légèrement fléchi son buste dans ma direction et une bretelle de sa robe a glissé sur son épaule, m’offrant de fait une vue plongeante sur le décolleté et son contenu. Le spectacle est haut en rondeurs, riche en promesse, et la chaleur de la main abandonnée sur ma cuisse présage tout autant.



Elle appuie particulièrement la fin de sa tirade, l’accompagnant d’un large sourire et marquant le tempo d’une frappe légère sur ma cuisse. Je ne sais pourquoi je me crois en devoir de répondre.



La suite m’échappe, je n’en crois pas mes yeux… Elle a redressé la position et récupéré sa main, avant d’entreprendre un ballet pour le moins saugrenu. Le linge blanc agrémenté de fines dentelles glisse sur les cuisses fuselées, joliment dorées…



Pas très malin, je vous l’accorde mais je n’ai jamais eu le sens de la répartie, ni beaucoup d’humour dans les circonstances qui sortent de l’ordinaire. La culotte atterrit sur mes cuisses à l’emplacement qu’occupait sa main un instant auparavant.



Je plane en plein surréalisme. J’enregistre l’ordre, et tel un automate manœuvre pour me garer comme il m’est demandé. Pendant ce temps, elle s’affaire et griffonne sur un bristol.



Je la regarde s’éloigner, le regard rivé sur le postérieur d’autant plus aguichant que je le sais nu. Ma queue tend le tissu du pantalon, ma tête bruisse déjà des cent et une questions que je vais devoir résoudre. En vérité, mon problème est insoluble : je sais que quelle que soit la réponse que je lui donnerai, elle ne me satisfera pas. Au diable, le dilemme !


Cette affaire aura au moins fait une heureuse.



Je suis sincère, je voudrais l’être davantage encore.


Normal qu’en pareilles circonstances, je prenne la résolution de ne pas donner suite à l’offre qui m’a été faite ; mais qu’en sera-t-il demain ?