n° 15567 | Fiche technique | 56621 caractères | 56621Temps de lecture estimé : 33 mn | 17/04/13 |
Résumé: Je surprends une étrange conversation entre deux de mes élèves. | ||||
Critères: fh fplusag jeunes couleurs profélève bain douche cérébral 69 confession -inithf | ||||
Auteur : Elodie S Envoi mini-message |
Cette classe de soutien à des élèves en difficulté arrondit sans conteste mes fins de mois. Évidemment, au lieu d’avoir des quatrièmes, j’ai des élèves de première et terminale ; mais comme ils sont peu nombreux, je peux consacrer plus de temps à chacun d’entre eux. En outre, l’échange est plus intéressant qu’avec des pré-ados. Ils sont huit, trois filles et cinq garçons ; leur cursus scolaire laisse à désirer, et je me dois d’adapter ma pédagogie à leur niveau, mais aussi à leurs centres d’intérêt. Le plus âgé, Mouloud, n’a que sept ans de moins que moi, les plus jeunes dix-sept ans. Je me sens parfois dévisagée davantage comme une femme que comme une enseignante. Reflet des difficultés d’intégration des populations d’origine immigrée de la troisième couronne parisienne, leur goût pour les études est plus que limité. En outre, la seconde langue a des coefficients réduits lors des examens.
Les trois filles, Leïla, Rachida et Yasmina rivalisent de mauvais goût pour s’habiller et passent leur temps à minauder et à allumer les garçons. Mouloud se conduit en chef de classe (de gang ?) et j’ai bien compris que c’est avec lui qu’il me faut négocier pour avoir une certaine autorité et le calme pendant mes cours. J’ai dû par exemple accepter de leur faire lire et traduire des articles sur des matchs de foot, ou les lâcher dix minutes avant l’heure certains vendredis de matchs. Trois autres garçons, Farid, Ahmed et Dieudonné sont plutôt suivistes et je parviens à peu près à les raisonner individuellement.
Le huitième, Valentin, est un cas à part. J’ai été sensiblement plus sévère avec lui qu’avec les autres par le passé, car il avait visiblement un potentiel de réussite supérieur, mais il déconnectait fréquemment. En fait, j’ai réalisé récemment que ses difficultés scolaires ne viennent pas de son milieu familial, mais des meurtrissures de la vie. J’ai découvert dans son dossier scolaire qu’il avait perdu parents et frère dans un accident de voiture, et qu’il lui avait fallu deux ans, en raison des traumatismes qu’il avait subis, pour retrouver une scolarité plus ou moins normale. Son cas m’a émue, et son niveau souffre plus de lacunes de base que de désintérêt pour les langues. Il habite chez ses grands-parents, a une vie probablement plus rangée et ne jouit assurément pas des libertés nocturnes de ses camarades.
Lorsque les cours avec eux ont lieu le lundi, j’ai le droit pendant quelques minutes au compte rendu de leurs exploits du week-end, que je dois accepter comme sas de décompression avant de pouvoir quelque peu les intéresser. Leur vocabulaire (en français comme en langues) est des plus réduits, fleuri d’expressions argotiques dont certaines me sont totalement étrangères. Heureusement, lorsque leur attention fléchit trop, l’écoute d’un slam en espagnol relance parfois leur intérêt ; je garde en général cette méthode pédagogique pas vraiment reconnue par l’Éducation Nationale pour les fins de cours. Ce qui a le mieux marché, c’est l’idée que j’ai eue de les initier au cinéma espagnol via les prêts de CD en VO dénichés à la vidéothèque communale : Buñuel, Saura, Almodovar, etc. Les filles se sont intéressées aux intrigues (sans les comprendre toutes), les garçons ont débattu surtout de la plastique des actrices, Victoria Abril et Pénélope Cruz en particulier. J’ai eu droit entre autres à des esta buena esta meufa pour lesquels j’hésitais entre le fou rire et l’indignation.
En ce mois d’avril, je sens la sève monter tant chez les filles que chez les garçons. Elles affichent sans vergogne des dessous pour le moins flashy à travers leur tenue, si ce n’est là une cuisse, ici un sein. Les garçons n’en perdent pas une miette ; je me sens moi-même parfois l’objet de leurs pulsions viriles, et je dois un peu refréner mes envies de petites robes printanières lorsqu’elles sont trop suggestives ! Je les réserve à Stéphane… Malheureusement, ingénieur en exploration pétrolière, il est parti pour près de six mois de campagne en Indonésie, et il ne peut en profiter que lorsque nous nous retrouvons sur Skype, profit fort platonique en fait ! Je suis au veuvage forcé plus de cinq mois sur six !
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Ce jour-là, mon cours fini, je me rends aux toilettes. Comme celles des garçons sont en réfection, un panneau de contreplaqué a été installé pour diviser celle des filles en deux. L’isolation acoustique est nulle, l’odeur pestilentielle et la propreté des lieux désastreuse car certains des garçons, peut-être trop pressés, utilisent pour leurs besoins la partie théoriquement réservée aux filles et prouvent une maladresse certaine pour viser le centre de la cuvette ! Je me fais la plus discrète possible pour éviter les bruits intimes peu harmonieux révélant ma présence.
Des bruits de porte trahissent un mouvement chez les hommes. La voix de Mouloud, si reconnaissable avec son accent typique, se fait entendre :
— Heu, une femme, une femme comme… euh… comme Élodie, notre prof d’espagnol…
Je sursaute, rougis, prise de malaise devant ces aveux que je n’aurais pas dû entendre et arrête toute activité qui pourrait trahir ma présence.
Mouloud, obstiné, insiste :
— Euh, je voudrais que…
Je me cramponne à la cuvette, terrassée, et me bouche les oreilles sans toutefois m’empêcher d’entendre par bribes les propos du jeune homme. Lorsqu’il a fini sa phrase et se tait, j’entends Mouloud prophétiser à son camarade qu’avec des envies comme ça, il restera encore longtemps puceau. Je reste prostrée de longues minutes après qu’ont cessé les bruits de ruissellement liés à leur activité et qu’ils soient sortis. Péniblement, je me relève. Le miroir traduit mon désarroi, je m’arrange un peu, reprends mon souffle et sors comme un automate. Heureusement, je n’ai pas fini mes cours cet après-midi…
Le soir, après un Skype assez chaud avec Steph qui me demande de lui montrer mes dessous et un peu plus, j’ai beaucoup de mal à trouver le sommeil. J’en veux à Valentin pour ses propos obscènes, j’en veux à Mouloud pour son influence sur Valentin, j’en veux à cette banlieue, reflet de toutes les misères, j’en veux au monde entier, je m’en veux à moi-même…
Fatiguée, amère, je me traîne au lycée le lendemain. Heureusement, je n’ai que des quatrièmes aujourd’hui. Je me sens mal dans ma peau et me montre étrangement agressive avec mes élèves et avec les autres professeurs. Je me sens déstabilisée par cette conversation surprise dans les toilettes que je n’aurais jamais dû ni écouter ni entendre. Même Steph me demande à des milliers de kilomètres ce qui se passe ; j’élude ses questions.
Le vendredi, je vais en pantalon et blouse informe à mon cours de rattrapage ; aujourd’hui, pas de sujet d’actualité intéressant mes élèves ; une remise à niveau grammaticale classique. Ils décrochent, je me sens sur la défensive, j’évite de croiser les regards, ceux de Mouloud et de Valentin en particulier.
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Pendant près de quinze jours, je me sens mal, j’ai le spleen, je me réveille la nuit à de multiples reprises, je réentends malgré moi les mots volés dans les toilettes. Je culpabilise : je paie mon désir d’être proche de mes élèves, de vouloir être moderne dans mon enseignement, de m’habiller devant eux comme les autres femmes de mon âge, de ne pas avoir installé ces barrières traditionnelles qui confortent l’autorité d’une enseignante devant des ados attardés, d’avoir mis tant de temps à comprendre que Valentin était un cas à part. Je culpabilise pour tout…
Pire, j’en veux à Valentin, alors qu’il est victime. Orphelin à l’âge où l’image de femme qu’était sa mère devait s’imposer, se cassant brutalement, cocooné par une grand-mère asexuée par l’âge, privé de l’autorité d’un père au moment où celle-ci est particulièrement nécessaire, trop gâté par un grand-père sénile avide de compenser… Alors que mon rôle devrait être de l’aider, je le charge et l’enfonce. Je me dois coûte que coûte de renouer les fils avec lui surtout, et peut-être avec toute ma classe de rattrapage, dont j’ai perdu l’adhésion. Mon rôle d’éducatrice est de redonner le goût d’apprendre et de vivre à ceux qui l’ont provisoirement perdu, d’essayer de comprendre, élève par élève, les ressorts capables de leur rendre l’envie d’étudier. Réagir, je dois réagir…
Plus ou moins consciemment, je me fais attirante pour le cours suivant ; petite jupe d’été, légère et fashion, raisonnablement décolletée, maquillage léger, sujet approprié : un article sur la réussite mondiale de Zara, leader de la mode ado. Pendant qu’ils lisent l’article, je dévisage Valentin, assis – comme toujours – au premier rang. Ses traits sont fins, sa peau diaphane ; il a de grands yeux verts tristes, soulignés par des cils d’une longueur incroyable, qui lui donne un air un peu efféminé. Les lèvres sont bien ourlées ; il y traîne comme une moue de mélancolie. Le nez est droit, le front large. Ses cheveux forment de grandes boucles avec des reflets blonds, comme s’il sortait de chez le coiffeur avec coloration et mise en plis simultanées. Je réalise étrangement ce qui émane de lui : une gueule d’ange un peu triste, comme déchu. Il est un mélange de beauté et de fragilité, qui cadre mal avec les propos tenus à mon égard dans des circonstances sordides. Il lève soudain la tête ; je croise son regard l’espace d’un instant. Je détourne les yeux, comme une adolescente en faute.
Le cas Zara anime avec succès ma classe ; les filles, pour une fois, participent activement au débat. Lorsque sonne la fin, j’ai un sentiment d’apaisement : j’ai un peu retrouvé de leur intérêt, et partiellement la paix avec moi-même.
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Pendant le week-end, je repense à Valentin. Je réalise que je dois aller plus loin pour briser les barrières induites par mon attitude négative, pour compenser les cruels malheurs que la vie lui a fait subir, sans qu’il en soit en rien responsable. Je lui dois plus que le pardon : une contribution à son équilibre personnel. Il me faut aller vers lui !
Le hasard m’y aide : lors du cours du lundi, je surprends Leïla en train de soupirer, et les mouvements sous le bureau du bras de Farid, assis à ses côtés, me renseigne aisément sur leurs activités ! La surprise passée, en maîtrisant ma voix pour calmer ma stupeur, je demande au jeune homme de venir s’asseoir à la place de Valentin au premier rang. D’une démarche triste, celui-ci gagne le fond de la classe, choisit le pupitre le plus éloigné et s’y assied, l’air d’une victime tristement résignée. Il doit mettre ma décision au rang des multiples vexations que lui fait subir la vie, et en particulier de la sévérité que j’ai manifestée à son égard jusque-là.
Je leur donne le choix entre deux sujets qui les intéressera, je pense : la traditionnelle rivalité Réal/Barça, ou les raisons du succès des modes importées d’Espagne. Ça marche, et les voilà plongés pour une heure de rédaction. Je déambule d’un bureau à l’autre, jetant un œil sur chacune des copies. J’arrive au fond de la classe, derrière Valentin.
… j’aimerais sentir sa poitrine contre moi…
Calée derrière lui, j’observe sa main couvrir d’une écriture hachée sa feuille de papier. Je me penche vers lui, juste dans son dos. Sa tête effleure mon buste, je m’incline un peu plus, en appuyant avec délicatesse ma poitrine sur ses épaules, de part et d’autre de son cou. Il s’arrête d’écrire ; j’accentue ma pression. Je le sens frémir, se figer, se durcir. Je maintiens le contact, parcourant sa copie. Il pousse un long soupir. Comme si de rien n’était, ignorant le trouble que lui cause ma position, je pointe de mon stylo une faute de syntaxe. Il reste de marbre ; je me sens toute chose. Je sens d’étranges vibrations naître des zones où nos corps se touchent. Je lui murmure la correction qui s’impose ; il reste sans réaction. Nous restons ainsi, presque peau contre peau, mes seins contre ses joues, en dépit du rempart de mon corsage et de mon soutien-gorge, une quinzaine de secondes. Mais une des filles se retourne ; je dois me relever.
J’ai le souffle haché, j’essaie de le maîtriser. L’exercice se poursuit, je continue ma ronde, reviens vers lui en fin de cours, répète mon manège. Je veux qu’il comprenne que nos frôlements coupables ne sont pas si fortuits, qu’ils sont la preuve vivante que je n’ai rien contre lui. Je me repose sur ses omoplates. Sa copie n’a pratiquement pas avancé depuis tout à l’heure. Il se raidit à nouveau ; je m’agite légèrement pour rendre le contact encore plus caressant. Je reste figée, un long moment. J’aimerais qu’il se décontracte, mais ses muscles sont bloqués, son souffle rauque. La cloche nous sépare. Je romps le doux manège ; il se lève, range ses affaires et sort, sans le moindre regard pour moi.
Je m’en veux, non pas pour ces frottements pour le moins ambigus, mais pour n’avoir pu le détendre, l’apprivoiser, lui faire comprendre mon message de pacification. Décidément, je n’arrive pas à lui faire entendre que je ne suis pas méchante, que mon rôle est l’aider.
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Le vendredi suivant, un chaud soleil printanier annonce un agréable week-end de Pentecôte. J’ai du mal à captiver, dans ces conditions, l’attention de mes élèves. Je rends les copies en fin de cours, et retiens Valentin pour commenter la sienne.
Il rougit délicieusement. Pour l’apaiser, je lui dis :
J’ai le samedi pour moi ; je dois rejoindre mes parents et ma sœur pour le reste de ce long week-end de Pentecôte. Stéphane, lui, rentre dans un mois et demi ; j’ai hâte de le retrouver. Nous avons prévu, pour nos vacances, un grand périple : des Landes jusqu’à Séville, en flânant par l’Espagne. Arrivée chez moi, je me plonge dans les guides de toutes sortes pour établir un projet d’itinéraire et trouver des étapes de charme. J’ai branché mon PC et guette l’appel de Steph.
Après plusieurs heures d’attente, force m’est de constater qu’il ne se connectera pas ce soir. Que fait-il donc là-bas, m’oubliant ainsi ? Pour lui, c’est déjà samedi. Est-il dans les bras d’une de ces jolies Indonésiennes, que l’on prétend faciles ? Après un dîner frugal, je me couche, déçue, l’imaginant heureux, le corps rassasié. Moi, je cherche le sommeil. Mon lit me semble désespérément grand, désespérément vide. Je cherche avec mes bras son corps alangui, je cherche avec mes cuisses le contact de son ventre, je cherche de mes mains son sexe pour le saisir, comme je le fais souvent une fois qu’il s’est vidé en moi, petit oiseau fragile que j’aime retenir dans ma main tout au long d’une nuit comme pour l’empêcher d’aller voler ailleurs. Mais autour de moi, il n’y a que le néant, un immense néant ; mes pensées vagabondent vers ce moment intense où, à travers ma poitrine, j’ai senti vibrer les épaules de Valentin, vers ces fourmillements que j’ai vite ressentis, qui ont durci mes seins, fait darder mes tétons. « Allons, Élodie, calme-toi, tu es vraiment en manque ! Tu as besoin de contacts, dans tous les sens des termes ; la chasteté te travaille ! » Je me demande une fois de plus s’il a perçu ma demande de pardon pour ne pas avoir saisi jusque-là toutes les épreuves qu’il a endurées.
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Je me réveille tard ; la journée est magnifique. Après un marché rapide, je prends la direction de l’ancienne carrière. Petite robe d’été, sandalettes, un maillot deux-pièces plutôt sage dessous, un léger en-cas pour pique-niquer, une serviette de plage et une bonne dizaine de revues féminines dans mon sac. Je gare ma Twingo au bout du chemin plus ou moins interdit à la circulation et franchis la cinquantaine de mètres qui me séparent du lac. L’eau est limpide, le soleil brille, il n’y a personne, quelle merveilleuse journée ! Le seul problème : la plage est assez caillouteuse de ce côté du lac, et je passe un bon moment à dégager les pierres les plus pointues pour pouvoir m’étendre. Mes travaux de terrassement terminés, je vais goûter l’eau ; elle est glacée ! Je suis une frileuse née. Je m’allonge, ôte mon haut de maillot, grignote un morceau, feuillette une revue et m’assoupis doucement, laissant ma peau rosir aux rayons du soleil…
Un sentiment de présence me réveille au bout d’un bon moment. J’ouvre un œil endormi, découvre deux pêcheurs d’une cinquantaine d’années, assez bedonnants, à cinq mètres de moi, visiblement ravis de se rincer l’œil sur mes formes, pour le moins peu voilées. J’hésite à réagir ; leurs commentaires machos évoquent sans détour les traitements coquins qu’ils rêveraient de me faire. Excédée, je finis par m’asseoir et par recouvrir mon buste. Ils m’abordent et me précisent, ce que je savais déjà, que cette partie du lac n’est pas ouverte à la baignade, et ils me suggèrent de les suivre jusqu’à un coin qu’ils connaissent où je pourrai faire du naturisme. Je les éconduis aussi fermement que je peux, mais ils insistent ; je reste antipathique, et après quelques hésitations, ils repartent, déçus, pour aller taquiner la truite plus loin. Si au moins ils avaient été beaux !
C’est alors que j’entends le bruit d’un scooter qui s’approche de ma Twingo. Je redéfais prestement mon haut et m’allonge sur le dos. Le ronronnement du moteur s’est tu, mais je ne vois personne. Je me lève, comme pour aller me baigner. Je devine une ombre, derrière un petit bouquet d’arbustes, à quelques mètres de moi. Je l’ignore et m’étire, faisant saillir mes seins…
… j’aimerais lui regarder les seins pendant un long moment…
Le regard de l’inconnu caresse mon corps et me grise. Je me cambre, m’arc-boute, me tends, me plie. Une vraie séance d’exercices d’étirements en petite tenue sous les yeux d’un voyeur… Je m’étonne de cette nouvelle tendance à l’exhibitionnisme (quand même modéré) qui m’habite soudainement et que je ne me connaissais pas. Bien sûr, j’apprécie d’être regardée, voire déshabillée du regard par les hommes. Quelle femme peut se prétendre indifférente aux réactions qu’elle suscite chez les mâles qui l’entourent ? Mais là, j’en rajoute vraiment, à peine vêtue, en faisant même se dandiner mon buste par de petits mouvements circulaires. Et si l’homme caché là-bas n’était pas Valentin, et qu’il sort soudain avec des envies de viol ? « Est-ce justement parce qu’il t’est inconnu que tu prends ces poses un peu osées ? Tu deviens étrange, ma fille ; l’abstinence te déprave… » Un regard furtif vers le fauteur de mon trouble : je crois percevoir un mouvement explicite d’un bras à hauteur de ceinture. « Au moins, grâce à moi, il se fait du bien ! » me dis-je en guise d’excuse.
Je termine ma gym provocatrice et, au bout d’une demi-heure, range mes affaires. Il n’y a plus de mouvement vers le buisson suspect. Ma peau a pris un léger hâle qui me rend joyeuse. Je rejoins ma voiture.
Un scooter est garé pas très loin. Il est rouge, comme celui de Valentin…
Je retrouve Steph par Skype à peine rentrée. Malgré mes multiples questions, il reste fort évasif et guère convaincant sur le lapin posé lors de notre rendez-vous de la veille. Notre conversation est moins tendre et coquine que d’habitude ; je n’y mets pas du mien et je n’ai même pas droit, en conclusion, au traditionnel menu des gourmandises érotiques qu’il me réserve pour nos retrouvailles ! Lorsque je coupe, je suis convaincue qu’il a porté un coup de canif au contrat que nous n‘avons pas signé. Enfin, juste un gros mois encore à l’attendre !
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Le vendredi suivant, je n’ai plus que six élèves dans mon cours. Mouloud, Rachida et Dieudonné vont tenter de passer leur bac et sont en révision. En espagnol, seul le dernier nommé peut espérer une petite moyenne, à mon point de vue ! Ceux qui restent aujourd’hui vont bientôt avoir l’épreuve de français. Mes cours de rattrapage cesseront donc dans dix jours. Malgré la chaleur, je réussis globalement à capter l’attention. Je tente à plusieurs reprises d’accrocher le regard de Valentin, sans y arriver vraiment. Pas de devoir à table cette fois-ci. Je l’interpelle à la sortie du cours :
Je croise pour une fois un fugace coup d’œil vert, comme pour me faire comprendre que le message a été bien reçu.
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Après une matinée envahie par le suivi des comptes et le règlement de factures, je rejoins le lac en début d’après-midi. Je suis tout excitée, car je me suis acheté en solde un nouveau maillot : trois petits triangles roses devant, un derrière et des ficelles pour les unir. Bien qu’il me paraisse un peu minimaliste pour l’atmosphère très familiale de l’endroit, j’ai décidé quand même de l’emporter. Lorsque l’été arrive, ma peau a grand besoin de caresses aux UV ! Il y a déjà un certain nombre de voitures garées sur le parking, et la plage est encombrée de gamins qui jouent et se chamaillent dans l’eau. Je cherche un endroit un peu tranquille, et j’entends alors quelqu’un qui me hèle. C’est Valentin, installé à l’autre bout de la plage. Il est torse nu, en boxer noir. Je le rejoins, il me fait une place pour poser ma serviette. Il a, sur le sternum, une cicatrice fine et longue, dont j’ai du mal à détacher les yeux. Elle illustre à elle seule les meurtrissures subies par ce garçon. Je dois faire un effort pour dominer mon apitoiement et ne pas fixer cette séquelle gravée dans sa chair.
Il grommelle une réponse que je ne comprends pas. Une fois ma serviette étendue, je fais glisser ma robe. La vue de mon petit maillot rose a un effet radical sur le jeune homme : sa bouche s’arrondit, ses beaux yeux verts sont prêts à sortir de leur orbite. Je le laisse m’admirer pendant quelques secondes, puis lui dis :
Je le prends par la main. Je réalise que c’est notre premier contact physique hors du cadre élève/enseignante. L’eau est toujours trop froide, mais il s’y jette en m’éclaboussant un peu. Il revient vers moi en riant. Comme son rire est beau ! C’est une victoire pour moi, je le vois ainsi pour la première fois. Il me tend la main, me tire d’un coup sec, je m’affale dans l’eau !
Je me relève, frigorifiée, et découvre qu’il me mate d’un regard encore plus affamé. Je me rends compte alors que mes petits triangles ont une fâcheuse tendance à dévoiler, quand je bouge, ce qu’ils devraient couvrir ! J’essaie tant bien que mal de les remettre à leur place assignée et regagne ma serviette. En chemin, je me sens centre d’attraction pour bon nombre d’adultes : regards intéressés lorsqu’ils sont virils et pleins de jalousie quand ils sont féminins. De toute façon, je n’ai pas amené d’autres maillots. Ils devront faire avec !
Valentin me rejoint, s’assoit à mes côtés. La conversation démarre lentement, de manière assez banale ; je l’interroge sur ses grands-parents. Je le laisse peu à peu en diriger le fil ; il m’interroge à son tour. Parfois nous sommes graves, et parfois nous rions aux éclats. Nous papotons de tout. J’ai le sentiment que, cette fois, c’est gagné ; j’ai soulevé un voile de sa morosité, j’ai eu gain de cause. Enfin, il s’ouvre peu à peu. Un léger nuage traverse son magnifique regard quand, en réponse à sa question, je lui fais part de la présence d’un homme dans ma vie, et que je le récupère après une longue et lointaine absence dans peu de temps. Le seul thème sur lequel je le sens se crisper de nouveau concerne sa vie amoureuse et ses rapports avec les filles. Je n’insiste pas sur ce sujet. Nous partageons le sandwich que j’avais apporté, et galamment il m’invite à boire un verre à la buvette. Je marche devant lui et, en y arrivant, il plonge son regard dans le mien et me dit d’une voix que je trouve assez rauque :
Je lui souris d’un air trouble. Mon petit Valentin se révèle ; il a fait un grand pas grâce à moi vers la gent féminine, brisant sa maladive timidité. Il pose sa main sur la mienne en me servant à boire. Je ne la retire pas. Je lui réponds :
Il laisse sa phrase en suspens ; je déglutis, émue plus que je devrais l’être. Je sens que la discussion risque de déraper, et lui propose de retourner à nos serviettes dès nos verres avalés. Je décline son invitation à piquer une nouvelle tête ; il me raccompagne et va un peu nager. Je remarque deux nouvelles estafilades sur son corps : une sur le bas du dos, l’autre sur l’arrière d’une cuisse. Je souris. Je crois que j’ai enfin donné du piment à sa vie ! Je me mets sur le ventre en position bronzing, mais je suis rapidement arrosée de fines gouttelettes fraîches qui me font lever la tête. Penché au-dessus de moi, le jeune homme secoue sa chevelure d’ange sur mon dos ! Je minaude, et lui glisse :
Sidérée par cette autorité aussi soudaine qu’inattendue, je le laisse se saisir du tube et s’approcher. Il s’agenouille tout contre moi et se penche.
… j’aimerais caresser son corps pendant de longs instants…
La noix de crème qu’il dépose sur la base de mon cou est délicieusement fraîche. Du bout des doigts, comme si un contact plus appuyé lui faisait peur, il l’étale sur mes omoplates et mes épaules. La sensation est légère et furtive. Je ferme les yeux, je me sens bien. Il en pose une seconde le long de ma colonne vertébrale. Je pense immédiatement que c’est là où naît, chez lui, cette longue cicatrice qui court sur son dos. Ses doigts sont agiles, aériens. Ils viennent buter sur le cordon de mon haut. Dans un souffle, je lui suggère de le dénouer. Il s’exécute, un peu maladroitement. Par moments, je sens son souffle sur mon dos. Je reste immobile, soucieuse de ne pas rompre le charme de l’instant.
Sans hâte, il descend vers mes lombaires, atteint la limite de mon bas de maillot, la longe, se réapprovisionne en crème, repart de là où il s’est arrêté. Ses mains se sont écartées ; il remonte vers le haut, le long de mes côtes. Arrivé vers le flanc de mes seins, je le sens hésiter. Je ne bouge pas. Il se décide enfin : le contact est trop doux, j’aimerais tant qu’il dure… Et il le fait durer. Puis un doigt plus osé s’enfonce sous mon bonnet, se pose sur mon aréole, puis rencontre mon téton, le faisant réagir. Bien malgré moi, je me dois de faire cesser ce délicieux massage : nous sommes en public, on peut nous regarder. Je laisse sa furtive caresse durer bien plus qu’il ne faudrait, mais comme sa main entière s’aventure, je me relève un peu en prenant soin de retenir les bonnets de mon haut. Il se retire en un éclair. J’ai la tête qui tourne, et parviens difficilement à articuler :
Il ne me répond pas, plonge son regard si beau dans le mien. J’y vois beaucoup de choses : un soupçon de regret, une assurance virile, et un très grand bonheur. Je reste un bon moment, cambrée en arrière, pour retrouver mon calme.
Il se penche à nouveau, s’y reprend à plusieurs fois.
Un sourire aussi radieux qu’émouvant me sert de réponse. La plage s’est encore peuplée ; nous sommes tous le deux en son bout comme sur une île. Un coup d’œil à ma montre me révèle que ma séance de massage a duré près d’une heure, mais j’ai eu l’impression d’une poignée de minutes. Y a-t-il dans cette foule qui grouille un de mes élèves ou l’un de ses parents ? Y a-t-il quelqu’un qui sait que je suis avec un de mes élèves ? Y a-t-il un observateur qui sait que j’ai près de dix ans de plus que le garçon qui m’accompagne ? Y a-t-il un gêneur qui s’indignera du fait que ce soit des mains masculines qui m’enduisent le côté pile, ce que je pourrais faire moi-même ? Je ne sais trop… mais je devine trop bien ce qu’il brûle de me demander. Il s’y risque, reprenant sa petite voix timide que je croyais perdue et, adoptant d’un coup un tutoiement nouveau, il murmure, comme je le pressentais :
Saisie d’une docilité étonnante qui m’étonne moi-même, je me retourne et m’allonge sur le dos. Il s’agenouille entre mes jambes et commence à m’enduire les épaules. Cette fois, je vois son visage penché sur moi, plus angélique que jamais, et la longue ligne rose des lèvres de sa cicatrice, comme une fente dans sa vie. Ses mains me paraissent plus résolues et sûres ; après mes clavicules, il descend vers mes seins, les masse l’un après l’autre, sur les côtés, évitant soigneusement de mettre de la crème sur mes bonnets. Lorsque nos regards se croisent, il s’arrête, sans même ôter ses mains. Regard inoubliable, au plus profond de moi, regard d’un homme normal qui n’a plus de blessures, qui dure plus que de raison. Je lui murmure :
J’avale ma langue, car je me rends compte immédiatement que mon propos a pu sonner pour lui comme une promesse implicite. Et s’il me demandait de fuir tout ce monde pour continuer en toute intimité ? Il se recule un peu et s’attaque à mes jambes. Ses massages deviennent fermes comme ceux d’un kiné, me malaxant les chairs avec autorité. Je ne peux plus voir son visage, caché par la frange de ses cheveux qui oscille au gré de ses mouvements. Lorsqu’il dépasse mes genoux, son rythme se ralentit, son toucher est plus doux. Et je le sens monter, lentement, inexorablement, vers la fourche de mes cuisses. Quand vais-je l’arrêter ? Je sens dans mon bas-ventre ces fourmis délicieuses annonciatrices d’un Éden qui s’approche ; mais, en bougeant un pied, je heurte un barreau de chair dure. Je ressens comme une soudaine décharge électrique et réalise brutalement que mon masseur est un homme, de chair lui aussi. Il a senti que je l’ai senti… Il cesse son mouvement ; je me relève d’un coup. Un éclair de tristesse traverse ses yeux limpides. Je lui dis :
Je me mords les lèvres : nouvelle ambiguïté ! Que se passera-t-il demain ? Il repart à l’eau, masquant discrètement son désir de moi d’une main sur son ventre. À son retour, je lui explique que je dois partir car je rejoins ma famille pour les deux jours suivants. Il s’étonne que je parte tout juste enduite de crème solaire, ce qui lui semble illogique. Nous rangeons nos affaires, traversons toute la plage jusqu’à nos véhicules. Au moment où je vais monter dans ma voiture, il s’approche de moi, pose sa main sur mon épaule et un baiser à la commissure de mes lèvres. La gorge sèche, sans un mot, je démarre. Dans mon rétroviseur, je le vois enfourcher son scooter.
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La semaine s’écoule, le retour de Stéphane se rapproche. Mes nuits restent vides, peuplées de son absence et des brûlants souvenirs laissés sur ma peau par les mains de Valentin. Le vendredi, j’appréhende un peu son attitude envers moi. En plus, c’est mon dernier cours avec lui.
Lorsque je rentre dans la classe, je sens immédiatement son regard qui m’enrobe. Durant tout le cours, il me mange des yeux à m’en mettre mal à l’aise. Auparavant, il gardait les yeux baissés en permanence. Je fuis ses grands yeux verts et sa proximité. J’appelle Cervantès à la rescousse, mais il trouve un bien faible écho auprès de mes élèves. Lorsque la cloche retentit, mon bel ange traîne jusqu’au départ de ses camarades. Il s’approche de mon bureau d’un pas résolu.
Dans l’enceinte du lycée, son tutoiement me surprend plus que l’étrange argument évoqué. Je lui rétorque :
Je me rends immédiatement compte que j’ai fait une nouvelle gaffe, et qu’il va interpréter ma réponse comme une nouvelle invite à plus d’intimité. Décidément, avec lui, je tiens bien mal ma langue ! Le bougre en profite :
Je me sens coincée, moi qui étais si fière, justement, de l’avoir décoincé ! Je réfléchis rapidement à mon planning du week-end et lui propose le dimanche à midi. Sans me laisser répondre, il me demande mon adresse. Stupéfaite par sa témérité, je la lui griffonne sur un bout de papier. Il sort, sûr de lui ; je reste, estomaquée par son audace nouvelle. Du vendredi soir jusqu’au dimanche matin, je me demande où nous pourrions aller : cinéma, parc, restaurant ? Mais mon souci de ne pas le brusquer réapparaît, et je me dis que pour lui donner l’assurance et l’autonomie que je lui souhaite, nous déciderons notre programme ensemble.
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Dès mon réveil, le dimanche matin, une question me taraude : comment dois-je m’habiller ? Quelle image de moi dois-je lui donner ? Devant ma garde-robe, j’envisage toutes les possibilités. Après mûre réflexion, j’opte pour une petite robe toute simple, blanche à motifs fleuris bleus, qui me donne l’air d’une étudiante. Dans la rue, notre différence d’âge sera bien moins visible. Le choix de mes dessous est aussi problématique ; mon soutien-gorge se devine par transparence. Je décide finalement de m’en passer, et n’enfile qu’un petit shorty de dentelles blanches. Quitte à la jouer jeunette, autant le faire à fond ! Une paire d’escarpins sans talons complète ma parure. Un maquillage léger, un petit coup de peigne ; je suis prête à l’accueillir.
Lorsque je lui ouvre la porte, il est à moitié caché derrière un énorme bouquet de roses rouges ! Flattée de son présent, je le débarrasse de son cadeau et l’embrasse sur les joues. Surprise : il a encore deux cartons dans les bras et me les tend.
Hum, Monsieur a déjà choisi le programme à court terme ! Je m’étais donc fait des illusions sur un programme conjointement élaboré ! Je l’installe dans mon petit salon, mets son bouquet dans un pot et lui propose un apéritif. Nous trinquons, un verre de Martini à la main ; mais, lorsque je veux m’asseoir sur le fauteuil en face de lui, il insiste pour que je vienne à ses côtés sur le petit divan. Il rayonne, me complimente sur ma tenue. Qu’il est loin, l’adolescent renfermé et meurtri que j’avais en tout début d’année !
Avec humour, il me remercie de lui avoir épargné la corvée de jardinage. Il me dit être, officiellement pour ses grands-parents, chez un ami à Paris. Ils auraient été en effet surpris de sa visite chez une de ses profs, me dis-je. Puis, se rapprochant de moi, d’une voix enjouée, il évoque le plaisir qu’il a eu à enduire ma peau, si douce sous ses doigts, de crème solaire. Il passe un bras sur mon épaule, me serre contre lui, pose ses lèvres sur les miennes. J’essaie un peu mollement de le repousser ; il insiste, et sa langue me pénètre. Je me sens comme sur un petit nuage. Son baiser est aussi fougueux que maladroit, son haleine agréable, et je m’abandonne au doux ballet de nos langues qui se cherchent, se frôlent, s’enroulent, se fuient comme pour mieux revenir. J’ai les yeux fermés, je suis bien. Par moments, il se détache, me regarde ; j’entrouvre un œil et le referme quand il revient m’embrasser. Ses doigts jouent avec mon petit pendentif, puis descendent vers le premier bouton de ma robe. Je lui murmure des non, nous ne devrions pas qui n’ont guère d’effet. Ma passivité résonne pour lui comme le plus chaleureux des encouragements. Une fois qu’il l’a ouvert, il me caresse le haut des seins langoureusement, puis s’attaque au second…
… j’aimerais la mettre nue, lui faire longuement l’amour…
J’éprouve une sensation étrange de double personnalité : la prof qui, avec distance, presque froidement, regarde Valentin ouvrir un à un les boutons de sa robe, en écarter les pans, dévoiler ses trésors en se disant qu’il faut être folle pour en arriver là sous le bien étrange prétexte d’une nouvelle pédagogie dite moderne, éducatrice-initiatrice ! Et simultanément, la femme sevrée de câlins qui frémit au contact de ses doigts presque innocents, qui virevoltent sur sa peau. Un peu comme si ma tête s’était dissociée de mon corps ! Valentin tire sur mon vêtement pour me l’ôter ; je me soulève légèrement pour l’aider. Il se lève, le dépose sur l’accoudoir, s’arrête, me regarde vêtue de mon seul shorty. Je reste hypnotisée tant son regard est beau. Pendant près d’une minute, il me dévore des yeux ; je me sens détaillée comme un modèle par un peintre de talent. Il me glisse que t’es belle, se rapproche de moi, m’engloutit un téton. Je caresse, conquise, sa lourde chevelure. Ses dents me mordillent voracement, la douleur est aiguë et je dois le freiner.
Le jeune homme s’agenouille entre mes cuisses, pose ses mains sur mes hanches. De la mienne, je ralentis son geste ; le tissu glisse doucement le long de mes jambes. Il l’enlève, le caresse un instant entre des doigts, le laisse tomber et approche son visage de mon mont de Vénus. Imprégnée jusque dans mon abandon de ma vocation d’enseigner, je m’écarte un peu pour lui ouvrir l’accès de ma féminité. Il disjoint mes lèvres intimes, m’examine cliniquement, m’écarte du bout des doigts, me mettant au supplice. J’ignore combien de temps pourrait durer ainsi son exploration visuelle, mais je l’attire finalement vers moi et goûte à nouveau ses lèvres. Me sentir ainsi, nue dans les bras d’un homme habillé, m’emplit de sensations divines ! Le contact un peu rêche du tissu sur ma peau me procure de langoureux frissons.
J’ouvre et enlève sa chemise ; il me caresse les seins, s’amusant de voir mes mamelons durcir et pointer. Je déboucle sa ceinture, frôle sa virilité orgueilleusement bandée. Je fais glisser son pantalon sur ses cuisses, son boxer le suit. Nous sommes nus tous les deux. Son membre bat contre mon flanc ; je le saisis délicatement, me courbe pour y déposer un humide baiser qui le fait se cabrer et le pose lascivement à l’entrée de ma grotte en lui répétant doucement, doucement.
Il se glisse aisément en moi, je suis très accueillante ; je le sens m’investir. Monsieur est bien membré, j’ai cette forte sensation d’être intimement remplie. Lorsque ses bourses viennent buter contre moi, je lui demande de ne plus bouger. Je sens les battements de son cœur dans sa virilité, j’ai l’impression qu’elle gonfle encore dans son étui de chair. Je devine que, dès que je le demanderai, il entamera enfin une mâle cavalcade. Ce moment est divin, je l’aimerais éternel. J’essaie de l’enserrer plus fort en contractant mes muscles vaginaux, mais c’en est trop pour mon fougueux amant, jusque-là immobile, qui se lance brutalement dans des allées et venues de piston déchaîné. Je sens peu à peu le plaisir monter en moi. Hélas ! Il ne m’attend pas et explose bruyamment en moi, en longues giclées de semence qui lui arrachent des cris. Je feins un timide orgasme et me félicite d’avoir, par chance, repris mon programme anticonceptionnel en prévision du retour de Steph.
Il retrouve le calme ; nous restons encastrés, nous caressant l’un l’autre avec une grande tendresse. Je veux absolument lui cacher qu’il m’a un peu laissée au bord de la route… D’une petite tape sur la fesse, je le fais enfin se lever ; je suis poisseuse de lui et dois me laver. Il me suit sans vergogne, s’adosse à la porte de ma salle de bain et me regarde, amusé, me livrer aux ablutions nécessaires pour me débarrasser de ses derniers outrages. Une fois que j’ai fini, je le prends par la queue et le soumets à son tour au jet réparateur d’une douche concentrée sur là où il a péché. Mon traitement se révèle rapidement périlleux, car très vite je le sens reprendre de la vigueur ! Il tente de m’enlacer ; je m’esquive et lui lance :
Alors que je veux me glisser à nouveau dans ma robe, il m’arrête d’un geste : il veut que je reste nue. J’accède à sa prière en lui faisant remarquer qu’il a déjà remis son boxer ; d’un geste théâtral, il l’envoie promener ! Assis à la table de la cuisine, Valentin scrute chacun de mes gestes en tenue d’Ève : lorsque je mets la table, enfourne la pizza, prépare le gâteau… Il sourit constamment, me flatte ici un sein et là une fesse lorsqu’ils sont à portée. Je le morigène en lui rappelant qu’un jeune bien élevé met les mains sur la table. Il me répond d’un sourire carnassier. Son appétit fait plaisir à voir ; la pizza est géante mais il en mange les trois quarts, puis attaque son gâteau comme s’il était à jeun. Il est rayonnant d’être devenu un homme !
Lorsque sa faim se calme et qu’il ne reste qu’un petit quart de la savoureuse pâtisserie, je me lève, dessers, prépare le café. Je le sens s’approcher. Deux mains viennent se poser sur mes hanches, des dents acérées me mordillent la nuque – décidément, il adore mordiller – et un bâton très ferme me fouette les fesses. Il me penche en avant sur le plan de travail et glisse sans difficulté son gros machin en moi. Je ne contrôle plus rien : ses coups de boutoir me projettent en avant sur le plan de travail, il me fend, me pistonne, véritable étalon. Le plaisir monte dans le creux de mes reins, une vague me soulève, je crie, je tremble, je gronde, j’explose. Surpris, Valentin s’arrête et me susurre :
Il reprend alors son pilonnage ; je ruisselle de plaisir. Il vient à son tour et me remplit de sa semence. Nous restons tous les deux encastrés et prostrés pendant un long moment, puis il se retire de moi ; j’ai peine à tenir debout. Je verse le café et le rejoins à table. Il me prend dans ses bras, me fait m’asseoir sur ses genoux. Nous buvons notre café ; il s’étonne de toutes nos humeurs qui dégoulinent de moi tout au long de sa cuisse. Sa semence est épaisse et crémeuse. Il m’avoue :
Nous rejoignons la douche. Malgré l’étroitesse du lieu, chacun nettoie consciencieusement l’autre ; j’ai droit à un traitement presque gynécologique. Il me sèche vigoureusement ; je le prends par la main, le conduis dans ma chambre. Il me bascule sur le lit, se frotte contre mon corps ; nos mains se font très tendres. Très vite, mon jeune amant reprend de la vigueur. Je l’explore de mes doigts ; son sexe est fin, long et doux, ses bourses lourdes et pleines de vie. Je me retourne tête-bêche et le prends dans ma bouche. Il gémit et se cabre. Je lui suggère de me rendre la pareille, mais surtout sans me mordre car, là où il va, je suis encore plus fragile. Nous nous dégustons l’un l’autre, sa langue est merveilleuse. Je le sens se crisper, tenter de m’échapper. Je le maintiens en moi ; il se tend, se durcit, et éjacule dans ma bouche. Je le bois autant que je peux puis, quand il se rétracte, je le lèche, le nettoie, lui finis sa toilette. Il m’attire dans ses bras, je me pelotonne contre son torse.
Je m’assoupis ; c’est si bon, les bras d’un homme…
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Lorsque je me réveille, je vois son visage penché sur moi ; il me sourit :
Je réponds, comblée, à son sourire. Du doigt, je suis la longue estafilade qui court sur son sternum. Je me dis que peut-être, en satisfaisant ainsi ses fantasmes volés dans des sanitaires sordides, ses cicatrices pourront se refermer plus vite, au moins à l’intérieur. Ses mains enveloppent mon corps, elles sont douces et câlines. Nos sens enfin comblés ; je sens dans ses caresses une infinie tendresse. Aucun de nous deux ne souhaite se lever. Nous passons l’après-midi nus, l’un contre l’autre, à explorer nos corps, à explorer nos âmes. Il me parle de ses parents, de son frère, des deux ans de souffrances – tant psychiques que physiques – qu’il a dû endurer. Il me dit sa fierté de m’avoir fait crier. Il évoque son avenir : il doute de pouvoir intégrer une école d’ingénieurs comme il l’aurait souhaité. Il m’interroge sur ma relation avec Stéphane ; je le vois s’assombrir lorsque je lui dis qu’elle est sérieuse et qu’il revient bientôt. Je sens qu’une question lui brûle les lèvres, et qu’il n’ose pas la poser. Alors je lui explique que c’est la première fois que je me laisse aller comme ça, que le corps d’une femme, comme celui d’un homme, a besoin d’exulter, et que souvent je souffre d’aimer un exilé. Je lui fais aussi comprendre que notre relation, pour merveilleuse qu’elle soit, restera sans lendemain. J’évite bien entendu de lui dire combien son histoire déchirée avait contribué pour moi à le rendre attirant, au point d’accepter de me livrer aux fantasmes les plus fous qu’il projetait sur moi et que j’avais entendus par le plus grand des hasards.
Au fur et à mesure de notre conversation, je le vois s’attrister, voire même se détacher. Alors je me fais chatte, je minaude et fais le nécessaire pour relancer à nouveau son taux de testostérone. Je rampe sur les coudes, la croupe relevée, tout juste au bord du lit. Il réagit comme si l’invite lui était familière, se lève, contourne le lit et, braquemart en avant, s’avance vers ma vulve. Il reste debout, au bord du lit ; nous faisons l’amour en levrette, puissamment, sauvagement, comme deux êtres un peu à la dérive. Cette fois, nous atteignons ensemble le septième ciel dans un accord parfait ; nos corps vibrent à l’unisson.
Sur le pas de la porte, avant de nous quitter, il me broie dans ses bras et je crois entrevoir une larme amère sourdre sur le visage de l’ange. Je me retrouve seule, dans cet appartement vide, partagée entre le sentiment d’avoir ramené un être très attachant à une vie normale et la culpabilité par rapport à mon statut de prof et aussi à Stéphane. Seul un gros bouquet de roses rouges me rappelle mes écarts.
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L’été est encore là, en ce jour de fin septembre. La rentrée s’est effectuée sans problèmes mais, faute de crédits, mon cours de soutien aux élèves de première et de terminale ont été supprimés. J’ai encore sur la peau le hâle accumulé lors des vacances merveilleuses avec Stéphane. Nous avons découvert des endroits fantastiques, le voyage a été parfait. Nous nous sommes retrouvés, tels que nous nous étions quittés. Au gré de notre périple, certaines journées nous avons délaissé les coins touristiques encombrés et, dans la chaude ambiance d’un parador de charme, sommes restés confinés dans notre chambre pour profiter à plein de l’alchimie de nos corps. J’ai constaté, une fois de plus, combien la présence à mes côtés d’un homme était fondamentale pour ma sérénité et mon équilibre personnels.
Tout d’un coup, près du lycée, à un feu rouge, je remarque Valentin. Il sourit à une petite blonde, plutôt jolie, et la tient par la main. Ils traversent devant moi ; il ne m’a pas vue, il a l’air très joyeux. Je ferme les yeux ; je suis fière de moi, de lui avoir redonné le goût de la vie, de lui avoir appris ce qu’était une femme. Un coup de klaxon agressif me ramène vite à la réalité. Moi, je suis seule : Steph est reparti dans des terres lointaines pour chercher de l’or noir. Me voilà bien seule ; seul le feu a viré au vert…
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Un samedi matin, une quinzaine de jours plus tard, alors que je traverse le parc pour aller au marché, une main énergique se pose sur mon épaule. Je me retourne, surprise, et reconnais Mouloud.
Je lui réponds que oui, surprise de son geste incongru et d’être appelée par mon prénom.
Je le regarde, interloquée. Sans me laisser le temps de me reprendre, il me tend un papier et m’assène :
Il tourne les épaules et disparaît, comme dans un mauvais rêve
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Ces nuits froides de novembre me glacent. Je suis seule dans mon lit, immensément vide, infernalement désert. Stéphane ne reviendra que pour Noël. Comme les deux autres fois, je cherche mon portable pour appeler Mouloud. Il débarque dans la nuit, ombre noire dans la nuit noire. Il est mon archet, et je suis son violon ; la partition que jouent nos corps mêlés, moi, la Blanche, lui, le Noir, résonne dans ma chambre, en fait vibrer les murs. Symphonie de deux êtres recherchant l’harmonie de leurs sens, concerto des contraires voluptueusement unis. Notre relation est charnelle, intensément charnelle, exclusivement charnelle. Mais elle me fait du bien. Puis il repartira avant que naisse l’aube, se fondant, irréel fantôme, dans le noir de la nuit… Je serai seule, à nouveau…