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Temps de lecture estimé : 21 mn
24/05/13
Résumé:  Roméo et ses collègues préparent le spectacle de fin d'année. Mais le programme ne séduit pas totalement Juliette...
Critères:  f fhhh collègues travail jalousie théatre humour -théâtre
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : Roméo et Juliette - Le spectacle de fin d'année

Chapitre 01 / 03
Roméo et Juliette - Le spectacle de fin d'année - Acte I

Les personnages :


Juliette

Cassandra : la meilleure amie de Juliette

Roméo

Eloïse : la meilleure amie de Roméo

Siriac : le meilleur ami de Roméo et le petit ami de Cassandra

Flora : une collègue de Roméo

Johanna, Alberto, Conrad, Magnus, Yul : des collègues de Roméo et Flora




***




Acte I, scène 1

Lundi 12, 20 h 20

L’appartement de Juliette et Roméo

(Juliette, Roméo, Eloïse)



(Tous trois sont attablés pour dîner.)



Roméo : Ah tiens, j’ai oublié de vous dire…

Juliette : Ouh là ! Que j’aime pas ça !

Eloïse : Qu’est-ce qu’il va encore nous sortir…

Roméo : Pour le spectacle de fin d’année, au boulot…

Juliette : Je sens qu’on va encore parler de Flora…

Roméo : …cette fois, on fait une pièce de théâtre.

Juliette (soupçonneuse) : Une pièce de théâtre ?

Roméo : Oui.

Eloïse : Remarque, c’est sympa, ça change un peu.

Juliette : Attends avant de t’emballer ; son boulot, c’est un spectacle permanent. Attends de voir ce qui va nous tomber dessus…

Roméo : Et vous devinerez jamais laquelle ?


(Un silence.)


Eloïse : Roméo et Juliette ?


(Un silence.)


Roméo : Comment t’as deviné ?

Eloïse : C’est vrai, c’est ça ? C’est rigolo…

Roméo (la bouche pleine) : Et alors, naturellement, ils ont pensé à moi pour jouer le rôle principal, celui de Roméo…

Juliette : Oh là là ! Je vois arriver la suite à grands pas…

Eloïse (soupirant) : Et qui va jouer Juliette ?

Roméo : Flora.

Juliette (agacée) : Voilà ! Évidemment ! Ça rate jamais !

Roméo : Rrrrôôôoooh, tout de suite, tu t’énerves… c’est qu’une pièce de théâtre, enfin !

Eloïse : Ouais, c’est ça, un spectacle…

Juliette : Une pièce où vous passez trois actes à vous rouler des pelles… J’exige d’être présente à chaque répétition !


(Un silence pesant.)


Roméo : Ben remarque, si tu veux, comme ça tu constateras que tu peux avoir confiance en moi…


(Eloïse pouffe et manque de s’étouffer.)


Juliette (froide) : Très bien. Et vous commencez quand ?

Roméo : On répète tous les mercredis, après le boulot, de six à sept.

Juliette : J’y serai…

Roméo : Pffff…

Eloïse : Je peux venir aussi ?






Acte I, scène 2

Mercredi 14, 18 h 15

Un local de réunion

(Roméo, Flora, Johanna, Yul, Magnus, Alberto)



(Les tables et chaises sont poussées dans un coin de la pièce. Chacun a un feuillet à la main qu’il parcourt attentivement. Alberto va-et-vient dans la pièce, distribuant des consignes de mise en scène.)



Alberto (à Roméo et Yul) : Bon, alors, là, tu vois, vous arrivez tous les deux depuis ici ; vous discutez naturellement, tout en marchant. Vous avez vos textes ? Bon, parfait, allez, on essaye ?


(Roméo et Yul échangent un regard perplexe. Alberto s’approche de Magnus et lui montre une ligne sur sa feuille.)


Alberto : Bon, toi, tu attends qu’ils aient fini ce dialogue-là, tu vois, là ?

Magnus : Hmmmouais…

Alberto : Et ensuite, Capulet entre dans la scène suivante. On y va, les enfants, vous êtes prêts ?

Flora (désignant Johanna et elle-même) : Eh ! Et nous ?

Alberto : Eh ben vous, rien pour l’instant. Tenez-vous prêtes pour les scènes suivantes. Vous n’avez qu’à apprendre vos textes, en attendant. Allez, Roméo, Benvolio, c’est parti !


(Roméo et Yul vont se placer à l’autre bout de la pièce et commencent à la traverser doucement, d’une démarche lente appuyée, les yeux baissés sur leur feuillet.)


Yul (déclamant) : Bonne matinée, cousin !

Roméo (ânonnant) : Le jour est-il si jeune encore ?

Yul : Neuf heures viennent de sonner.

Roméo : Oh ! Que les heures tristes semblent longues ! N’est-ce pas mon père qui vient de partir si vite ?

Yul : C’est lui-même. Quelle est donc la tristesse qui allonge les heures de Roméo ?

Roméo : La tristesse de ne pas avoir ce qui les abrégerait.

Alberto : Excellent ! Continuez en avançant par ici.

Yul : Amoureux ?

Roméo : Éperdu…

Flora : Oh ! Roméo ! Mais moi aussi je t’aime…


(Roméo soupire en dardant un regard lourd à Flora.)


Alberto : Chhhhut !

Yul : D’amour ?

Roméo : Des dédains de celle que j’aime.

Flora : Mais non, ne t’inq…


(Elle est interrompue par Juliette qui entre, pas du tout discrètement, et claque la porte derrière elle. Roméo soupire encore plus fort.)


Juliette : Excusez-moi, je suis un peu en retard…

Alberto : …?

Roméo : Pffff !

Flora : Oh c’est pas vrai ! Roméo ! Dis-moi que c’est pas vrai !


(Johanna regarde Roméo, puis Juliette, puis Flora, puis de nouveau Roméo, et éclate de rire.)


Juliette (froidement) : Je vous en prie, faites comme si j’étais pas là…

Flora (à Juliette) : T’es en avance, on n’en est pas encore à la scène où on s’embrasse, Roméo et moi !

Juliette : Tant que ça reste du théâtre…

Yul (regardant Flora avec envie) : Si ça arrange quelqu’un que je joue le rôle de Roméo…

Juliette : Oui ! Très bonne idée, ça ! Et puis Roméo jouera le prêtre…

Roméo : Pfff !

Alberto : Non non non, on ne change rien ; allez, vous êtes prêts, on reprend ? À toi, Benvolio ! « Hélas… »


(Roméo et Yul se replacent sur la scène.)


Yul : Hélas ! faut-il que l’amour si doux en apparence, soit si tyrannique et si cruel à l’épreuve !

Roméo (hésitant) : Hélas ! faut-il que l’amour malgré le bandeau qui l’aveugle, trouve toujours, sans y voir, un chemin vers son but !

Alberto : Excellent ! Allez, concentre-toi pour ce passage.

Roméo : Où dînerons-nous ?… Ô mon Dieu !… Quel était ce tapage ?… Mais non, ne me le dis pas, car je sais tout ! Ici on a beaucoup à faire avec la haine, mais plus encore avec l’amour… Amour ! Ô tumultueux amour ! Ô amoureuse haine ! Ô tout, créé de rien ! Ô lourde légèreté ! Vanité sérieuse ! Informe chaos de rav…

Juliette (à Flora, éclatant) : Eh mais t’arrêtes de le mater comme ça ?!?

Roméo (mal à l’aise) : Informe chaos de ravissantes visions !

Flora (à Juliette, acerbe) : Ben faudrait savoir, t’as dit de faire comme si t’étais pas là…

Roméo : Plume de plomb, lumineuse fumée, feu glacé, santé maladive ! Sommeil toujours éveillé qui n’est pas ce qu’il est !

Juliette (à Flora, acide) : Tu vois, ils ont pas besoin de toi, pour le moment. Tu devrais aller apprendre ton texte chez toi !

Roméo : Voilà l’amour que je sens et je n’y sens pas d’amour… Tu ris, n’est-ce pas ?

Flora (souriant) : Non, je me prépare, on doit répéter la scène du baiser, après… que tu sois pas venue pour rien, quand même…

Yul : Non, cousin : je pleurerais plutôt.

Juliette : Grrrrrr !

Alberto : Non, non, non, ça ne va pas, là !


(Il se tourne vers Juliette et Flora.)


Alberto : Et puis, vous deux, vous pouvez pas vous taire, non ?


(Un silence crispé.)


Alberto : Bon, allez, on change de scène. Pendant ce temps-là, Roméo et Benvolio, vous apprenez votre texte. Juliette, en scène !

Juliette et Flora (se levant en même temps) : J’arrive.


(Elles se lancent un nouveau regard mauvais. Alberto regarde lourdement Roméo.)


Flora (à Juliette) : Mais non ! Toi tu restes assise et tu me regardes rouler des pelles à Roméo…

Juliette : Grrrrrrr !!

Alberto : Bon, alors, Juliette, tu te rappelles ? T’es sur ton balcon en train de parler à la lune ; Roméo a tout entendu, hésite, puis finit par monter te rejoindre. J’ai demandé un échafaudage à Conrad pour qu’on fasse le balcon, mais il en a encore besoin pour repeindre le bureau du gestionnaire aujourd’hui et demain. Roméo ? C’est bon ?


(Roméo regarde évasivement Juliette.)


Juliette : N’y va pas, laisse-la parler à la lune !


(Flora se campe pour réciter son texte, levant la tête et affichant un air innocent.)


Flora (dramatique) : Ô Roméo ! Roméo ! Pourquoi es-tu Roméo ?


(Elle glisse une main dans son pantalon, entre ses cuisses et fait mine de se caresser. Tous les garçons autour d’elle éclatent de rire. Juliette et Johanna sont sidérées.)


Flora : Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.


(Un silence. Flora continue de se caresser.)


Alberto : Roméo ! Réveille-toi ! C’est à toi, là !


(Roméo, hésitant, s’approche de Flora sous les yeux consternés de Juliette.)


Roméo : Euh… Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ?

Juliette : Ignore-la !

Flora : Ton nom seul est mon ennemi ! Qu’est-ce qu’un Montaigu ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage… (Elle sourit, puis reprend en insistant sur la fin de sa tirade.) …ni rien qui fasse partie d’un homme…


(Flora attire Roméo et le plaque contre elle en l’embrassant à pleine bouche.)


Juliette (se levant soudain) : Salope ! Lâche-le !

Alberto : Non ! Non ! Ça ne va pas du tout ! Vous avez oublié des bouts de texte ! Reprenez !


(Flora continue d’embrasser Roméo et se frotte à lui avec suggestion.)


Juliette (criant) : Roméo !


(Roméo parvient à se défaire de l’étreinte de Flora et, s’éloignant d’elle, regarde piteusement Juliette.)


Flora (exagérément, toujours théâtrale) : À la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière !


(Avec un sourire provocateur, elle regarde tour à tour Yul, Magnus et Alberto.)


Flora : N’y aura-t-il donc personne pour me satisfaire ?

Magnus : Rrraaaahhh !


(Yul, crispé, tire plus ou moins discrètement sur son pantalon. Alberto, transpirant, se mord la lèvre.)


Flora (langoureuse) : Les garçons, vous n’allez pas me laisser dans cet état, quand même…


(D’un geste, elle retire son chemisier, sous les regards médusés mais avides de ses collègues mâles.)


Juliette : J’hallucine !

Flora (à Johanna, avec un clin d’œil) : T’inquiète ! Je t’en laisserai un peu, si tu veux…

Johanna : Euh… non… ça va…

Flora (à Juliette) : Toi je ne te propose pas de t’en garder ?


(Juliette, cramoisie, soupire rageusement. Magnus s’avance vers Flora en déboutonnant son pantalon. Celle-ci s’agenouille en ôtant encore son soutien-gorge. Yul se masse entre les cuisses, de moins en moins discrètement.)


Juliette (à part) : Tu parles d’un spectacle ! (Fort) Roméo !!!


(L’interpellé l’observe avec un semblant de gêne.)


Juliette : Tirons-nous de cette maison de fous !

Roméo : Euh… tu crois ? mais… il y a la pièce à répéter et…

Juliette : Okay, fais comme tu veux, moi je me casse !


(Elle s’éloigne sous les yeux hésitants de Roméo et ceux, amusés, de Flora, qui caresse doucement Magnus.)


Roméo : Attends !


(Juliette sort en claquant la porte. Yul a sorti son sexe et se masturbe vivement.)


Johanna (inquiète) : Bon… euh… je crois que je vais y aller aussi…


(Elle se lève et s’éloigne à son tour. Alberto soupire.)


Johanna : Allez, à plus, hein…


(Elle sort.)


Alberto : Bon… ben…


(Il s’approche à son tour de Flora en baissant son pantalon.)


Roméo : Oh merde ! Vous faites tous chier ! (À Alberto) : Et puis je croyais que t’étais homo, toi ?

Alberto (haussant les épaules) : Bah…


(Roméo s’éloigne en soupirant.)


Flora : C’est ça, Roméo ! Cours vite retrouver Bobonne !

Roméo : Toi, ta gueule !

Flora (amusée) : Oh oui, mon Roméo ! Moi aussi, je t’aime !


(Roméo sort. Avec avidité, Flora se met à sucer alternativement les trois sexes tendus qui l’entourent.)






Acte I, scène 3

Jeudi 15, 10 h 25

Un salon de détente, sur le lieu de travail de Roméo

(Flora)



(Flora est assise sur un fauteuil, savourant un café. Roméo entre, un papier à la main, et s’approche d’une machine à café. Il n’a pas remarqué Flora.)



Flora (théâtreuse) : Oh Roméo, mon Roméo !

Roméo (relevant la tête) : Ah t’es là ? Ben t’étais passée où ?

Flora : Tu me cherchais, mon Roméo ? Je t’ai manqué ?

Roméo : Ben… c’est pas qu’on ait beaucoup de taf, mais pas loin…

Flora (reprenant son sérieux) : Formation secourisme, aujourd’hui et demain. T’avais oublié ?

Roméo : Ah merde ! oui, c’est vrai…

Flora : Oui, j’ai l’impression que ça tombe pas très bien, niveau boulot.

Roméo : Bah, on va se débrouiller… Et alors ? Ça se passe bien ?

Flora (souriant) : Pas trop mal ; j’ai réussi à mettre un peu d’ambiance…

Roméo (amusé) : Oui, j’imagine… (À part) Ça aussi, ça doit être un sacré spectacle…


(Un silence. Roméo achète un café. Flora boit quelques gorgées du sien.)


Roméo : Et… euh… la répétition d’hier ? Qu’est-ce que ça a donné ?


(Flora éclate de rire.)


Flora : Ben t’avais qu’à rester…

Roméo : Tu sais très bien que…

Flora (l’interrompant) : Oui, oui, sinon Bobonne aurait été trop jalouse…

Roméo : Oh, arrête ! Fais pas chier ! Tu vas faire le bazar comme ça à chaque répét ?

Flora : Le bazar, le bazar… tu sais, je crois que nos collègues n’étaient pas mécontents…

Roméo : Ben oui ! Surtout Johanna. Et Juliette aussi, elle était ravie !

Flora (satisfaite) : Ah ?

Roméo : Et donc ? Tu vas faire ça à chaque fois ? Il est pas près d’être au point, le spectacle…

Flora : Non, je ferai ça que quand ta greluche se pointera.


(Roméo soupire.)


Flora (se levant) : Bon, tiens, à propos, il faut qu’on répète un peu la scène du baiser…


(Elle s’approche de lui, presque lascive. Roméo renâcle.)


Flora : Quelle délicatesse !

Roméo : Euh… écoute, Flora, je…

Flora (l’interrompant) : On n’a jamais baisé dans ce petit salon, il me semble…


(Roméo recule.)


Roméo : Arrête ou je te balance mon café à la tronche !

Flora (se massant la poitrine) : Oh oui ! Comme ça je n’aurai plus rien à me mettre ! Je serai obligée de rester nue…


(Elle s’approche encore de lui ; il bat en retraite jusqu’à un coin de la pièce.)


Flora (suave) : J’ai très envie de t…


(La porte s’ouvre ; Johanna entre.)


Johanna : Ah tiens ! Vous êtes là ? Salut.

Roméo : Salut, Johanna. Justement, tu tombes bien, on parlait de toi.

Johanna (s’approchant de la machine à café) : Ah ?

Flora : Non, tu ne tombes pas bien et on ne parlait pas de toi. On était sur le point de faire l’amour.

Johanna : Ah ben ne vous inquiétez pas, je prends mon café et je vous laisse tranquilles.

Roméo : Non, non, reste !


(Johanna regarde curieusement Roméo.)


Flora : Oui, tu peux rester, ça ne nous gêne pas. Mais pas de plan à trois ! Roméo ne baise qu’avec moi !

Johanna (amusée) : Pas de problème.

Roméo : Mais non ! Il n’en est pas question ! Je n’ai pas envie de baiser avec toi, Flora !


(La porte s’ouvre. Alberto entre.)


Alberto : Eh, Flora, on t’attend pour reprendre, qu’est-ce tu fous ?


(Flora lance un regard brûlant à Roméo puis l’embrasse rapidement sur les lèvres, avant de faire demi-tour.)


Flora : Voilà, voilà, j’arrive… Excuse-moi, Roméo, on finira tout à l’heure… Johanna, je compte sur toi : tu ne touches pas à Roméo !


(Alberto lance un regard amusé à Roméo, puis sort, suivi de Flora. Roméo soupire puissamment en se laissant tomber sur un des fauteuils. Johanna rigole.)


Johanna : Elle s’arrête jamais, hein…

Roméo : Oui, c’est chiant, à force.

Johanna : Surtout quand on n’est pas célibataire, sans doute.


(Roméo soupire encore.)


Johanna : Mais y a qu’avec toi qu’elle est à ce point-là. Je sais pas ce que tu lui as fait…


(Un silence.)


Johanna : Enfin, si, j’ai bien une idée, mais…


(Roméo la regarde avec inquiétude.)


Johanna : Non, non, pas de panique, je ne veux pas coucher avec toi, moi. Je suis sans doute vieux jeu, mais j’arrive pas à prendre du plaisir quand j’éprouve pas quelque chose de fort pour mon partenaire.

Roméo (souriant) : T’es en train de dire que tu ne m’aimes pas ?

Johanna (souriant) : Pas assez pour coucher avec toi.

Roméo : Eh ben ça fait au moins une nana que je connais qui veut pas baiser avec moi…

Johanna : Prétentieux !

Roméo : Mais c’est vrai ! C’est ça, le pire ! Tu sais, y a des fois où j’aimerais bien que Flora me lâche un peu la grappe…

Johanna : Oui, j’ai discuté un peu avec ta copine, hier, en sortant.

Roméo (étonné) : Avec Juliette ?

Johanna : Oui. Elle te l’a pas dit ?

Roméo : Non, elle m’a fait la gueule toute la soirée…

Johanna (rigolant) : Ben y a un peu de quoi : tu l’as quasiment entraînée dans une partouze…

Roméo : Ah non ! Je l’ai entraînée nulle part, moi ! D’ailleurs, si elle était pas venue, je suis sûr que l’autre salope aurait pas fait son sketch et qu’on aurait pu répéter normalement.


(Johanna a une moue dubitative.)


Roméo : Mouais… Bon, enfin, dans tous les cas, ç’aurait pas été à ce point-là.


(Un silence.)


Johanna : Ce qui est rigolo, c’est que la plupart des mecs de la boîte donneraient tout ce qu’ils ont pour être à ta place…

Roméo : Comment ça ?

Johanna : Eh ben se débattre entre deux nanas comme Juliette et Flora.


(Roméo soupire.)


Roméo : Et encore, tu oublies Eloïse.

Johanna : Qui ça ?

Roméo (regrettant d’en avoir parlé) : Ah… euh… je croyais que tu la connaissais aussi…

Johanna : Non. Qui est-ce ? Encore une qui est amoureuse de toi ?

Roméo : Oui. Enfin non. Enfin, si, mais… c’est un petit peu compliqué…


(Un silence. Johanna, armée d’un sourire inquisiteur, semble attendre fermement une réponse. Roméo prend une grande inspiration.)


Roméo : Eloïse habite avec nous, avec Juliette et moi ; elle partage notre vie.


(Le sourire de Johanna se mue en un rictus d’effarement.)


Johanna : Tu veux dire que vous faites ménage à trois ?

Roméo (soupirant) : Si tu veux, on peut le dire comme ça…

Johanna : Eh ben…

Roméo : Oui, comme tu dis…


(Un silence.)


Roméo : Et Flora, tout ce qu’elle veut, c’est baiser avec moi pour foutre la merde dans ma vie. Si elle pouvait me récupérer à Juliette, elle serait ravie. Et encore, à mon avis, si elle arrivait à briser mon couple, pas sûr qu’elle voudrait encore de moi…

Johanna : Hmmm, vu comme elle parle de toi, je dirais que si.

Roméo : Ah bon ? Qu’est-ce qu’elle dit, sur moi ?


(Un silence. Roméo, armé d’un sourire inquisiteur, semble attendre fermement une réponse. Johanna rigole.)


Johanna : Que t’es le meilleur coup de la boîte, et même le meilleur coup qu’elle connaisse, qu’elle a jamais pris autant de plaisir avec qui que ce soit, que t’as une grosse queue, que tu sais bien t’en servir, et cætera…


(Roméo sourit benoîtement.)


Roméo : Eh ben… quelle réputation !

Johanna : Ouais enfin… ce genre de réputation, je dirais que c’est tout à fait ce qui fera fuir directement les nanas…

Roméo : Oui, les nanas normales… Mais là, je suis pas inquiet : les nanas normales, de toute façon, avec ou sans cette superbe réputation, elles me sauteront pas dessus à tout bout de champ. Mais Flora…


(Il soupire. Yul entre, en trombe.)


Yul (agité) : Roméo, t’as pas des capotes ?


(Roméo et Johanna se regardent avec étonnement.)


Yul (explicatif) : C’est parce qu’on est en formation avec Flora, là…


(Roméo et Johanna se regardent avec stupeur.)


Roméo (souriant, avec un clin d’œil à Johanna) : Si, j’en ai, mais elles risquent d’être trop grandes…


(Johanna pouffe.)


Yul (pas très amusé) : Ha ha ha ! Très drôle ! Je me marre !

Roméo : Non, j’en ai pas… désolé.

Yul : Et toi, Johanna ?

Johanna : Non plus.

Yul : Ah merde !

Roméo : Mais va voir sur le bureau de Flora, y en a, en général…

Yul : Non, elle a dit qu’elle avait apporté tout son stock. Mais ça file vite quand on est nombreux… Bon, enfin, merci quand même. À plus.


(Il sort, toujours à toute allure, sous les yeux médusés des deux jeunes gens.)


Johanna : Hallucinant !!!

Roméo : Bah, c’est une question d’habitude…


(Johanna fait une drôle de tête. Un silence.)


Roméo : En tout cas, pour la pièce de théâtre, j’arrête. Ça va être trop le délire, autrement.

Johanna : Oh tu crois ? Ben c’est dommage… Choisis plutôt un autre rôle, à la rigueur.

Roméo : Mouais…

Johanna : Essaie de voir ça avec Alberto. On peut même lui suggérer de filer un autre rôle à Flora…

Roméo (se levant) : Mouais… on verra… Allez, je retourne bosser.

Johanna : Oui, moi aussi, faut que j’y aille.

Roméo : Merci pour la discussion. C’était sympa. Mais je me rends compte que je n’ai fait que de parler de Flora et de moi. Ça te dit de prendre un verre, ce soir, après le boulot, pour qu’on puisse parler un peu d’autre chose ?

Johanna (souriant) : Est-ce que tu es en train de me draguer ?

Roméo : Bah non, si je saute pas sur Flora, c’est pas pour te sauter dessus après.


(Un silence. Roméo blêmit en réalisant qu’il vient d’être très indélicat.)


Johanna (amusée) : Ah bah merci ! En gros, tu viens de dire que j’étais moche, c’est ça ?

Roméo : Ah mais non ! C’est pas du tout ça ! En plus c’est faux, tu es vraiment jolie. Non, ce que je disais, c’est que si je parviens à résister aux assauts de Flora, c’est pas pour aller de moi-même me réfugier dans les bras d’une autre.

Johanna (toujours riant) : Remarque, ça la calmerait peut-être un peu, Flora…


(Roméo regarde Johanna avec un brin d’inquiétude.)


Johanna (riant encore) : Non ! Il n’y avait aucun sous-entendu dans mes paroles…


(Ils se dirigent vers la porte.)


Roméo : On se retrouve à six heures dans le hall ?

Johanna : Okay.


(Ils sortent.)





Acte I, scène 4

Jeudi 15, 18 h 55

Un bar

(Roméo, Johanna, des clients, des serveurs)



(Les deux jeunes gens sont attablés et discutent en savourant une boisson fraîche. Autour d’eux, les serveurs vont et viennent.)



Johanna (rigolant) : Ça me fait halluciner ! Ta vie privée a l’air sacrément compliquée…

Roméo : En tout cas, c’est super sympa de discuter avec toi.

Johanna : Je devrais peut-être te faire payer les prochaines séances…

Roméo (vexé) : M’enfin !

Johanna : Non, je plaisante ! J’ai passé une demi-heure à te raconter ma vie, moi aussi. Et c’est vrai que c’est chouette de papoter avec toi.


(Un silence.)


Roméo : Tu sais, ça m’a donné une idée, ce que tu disais ce matin.

Johanna : De quoi donc ?

Roméo : Pour calmer Flora. Tu serais d’accord pour m’aider ?

Johanna (inquiète) : Euh… c’est quoi, ton plan ?

Roméo : On fait croire à Flora qu’elle a réussi à briser mon couple et ensuite on fait semblant d’être ensemble.


(Un silence. Johanna semble plus ou moins effarée. Elle finit par éclater de rire.)


Roméo : Non, mais sérieux : elle sera carrément dégoûtée, après ça… si même célibataire je me fous pas avec elle.

Johanna : Oui, et ta nana va être ravie, c’est sûr !

Roméo : Juliette ? Non, c’est clair qu’il va falloir que je discute ferme, mais… en admettant qu’elle soit d’accord, tu accepterais de m’aider ?

Johanna : Euh… ça te vexe si je dis non ?

Roméo : C’est vrai ? Pourtant, ça t’engagerait pas à grand-chose.

Johanna : Non, juste à faire croire à toute la boîte que je suis avec toi.

Roméo : Boh, à part Flora, les autres, ils s’en foutent.

Johanna : Mouais… parles-en déjà à tes copines, et on verra ensuite.






Acte I, scène 5

Jeudi 15, 20 h 20

L’appartement de Juliette et Roméo

(Juliette, Roméo, Eloïse)



(Tous trois sont attablés pour dîner. Juliette paraît en colère.)



Roméo : Alors ? Qu’est-ce que vous en dites ?

Juliette : Que tu es devenu fou !

Eloïse : Ouais, on dirait une idée de Siriac…

Roméo : Non mais sérieusement, tu as vu, Juliette, tu as discuté avec elle, l’autre soir. C’est une nana normale ; elle est aussi effarée que vous par les délires de Flora.

Juliette : Et du coup je dois accepter que tu fasses semblant de te la taper ?

Roméo : Mais il est pas question de se la taper…

Juliette : Ben encore heureux !

Roméo : Il faut juste que Flora croie que vous m’avez largué…

Eloïse (cynique) : Mais c’est juste du spectacle, Juliette, allons… tu ne comprends pas…

Juliette (agacée) : Fais gaffe que ça finisse pas par arriver…

Roméo (estomaqué) : Non, mais attends. Si elle croit que vous m’avez largué, elle va tout faire pour me sauter dessus…

Eloïse : Ben comme d’hab, quoi…

Roméo : Mais arrêtez de m’interrompre ! Elle va tout faire pour me sauter dessus, et elle va être verte de chez verte si elle imagine que je me suis foutu avec Johanna. Ça lui montrera définitivement que, même célibataire, je ne me mettrais pas avec elle.


(Juliette soupire lourdement.)


Eloïse : Remarque, ça lui clouerait bien le bec !

Juliette : Oui, l’expérience nous a montré à quel point c’était facile de manipuler Flora ; tout cela va être un jeu d’enfant…

Roméo (incrédule) : Vous voulez dire que vous n’êtes pas opposées à l’idée ?

Eloïse : À l’idée de faire chier Flora ? Bien sûr que non ! C’est un autre bout de ton plan qui nous chiffonne…

Roméo : Écoutez, le mieux, c’est que j’invite Johanna à bouffer, comme ça vous vous rendrez compte qu’on pourra lui faire toute confiance.

Juliette : ON pourra ! J’adore !

Roméo : Demain soir ? C’est bon ?


(Un silence.)


Roméo : Bon, c’est parfait. Je vais l’appeler tout de suite.

Juliette : Ça peut peut-être attendre qu’on ait fini de dîner, non ?


(Roméo l’ignore parfaitement et se lève pour aller chercher un téléphone qu’il porte à son oreille en faisant les cent pas dans le salon. Eloïse et Juliette se regardent avec perplexité.)


Roméo (au téléphone) : Allô ? Johanna ?

Eloïse (à voix basse) : On le laisse faire, là ?

Roméo : Je te dérange pas trop ?

Juliette (à voix basse) : Je sais pas trop. Je te promets : ce à quoi j’ai assisté hier était affreux. J’en veux vraiment à cette salope.

Roméo : Je t’appelais pour te proposer de venir dîner à la maison demain soir.

Eloïse (à voix basse, désignant le téléphone) : Tu la connais, la Johanna ?

Juliette (à voix basse) : Comme ça ; j’ai juste discuté avec elle dix minutes.

Roméo : Oui, oui, mais ne t’inquiète pas. Tu as déjà fait connaissance avec Juliette et Eloïse meurt d’envie de te rencontrer.

Eloïse : Moi ? Ah bon ?


(Roméo fait signe à Eloïse de se taire.)


Juliette (à voix basse) : Je voudrais être sûre que son plan n’est pas qu’un prétexte pour lui permettre de se taper Flora.

Eloïse (à voix basse, désignant le téléphone) : Oui, ou bien n’importe qui d’autre…

Roméo : Super ! Tu peux venir vers dix-neuf heures trente ?

Juliette (à voix basse) : Ce qu’il faudrait presque, c’est pouvoir les surveiller tous les deux, Roméo et sa nouvelle copine…

Eloïse (à voix basse) : Et comment ?

Roméo : Non, non, rien du tout.

Juliette (à voix basse) : Je sais pas. Il faut qu’on y réfléchisse…

Roméo : Eh ben allez, bonne soirée ! À demain !


(Il raccroche et revient s’asseoir.)


Roméo : Elle est d’accord pour venir dîner demain soir.


(Un silence.)


Roméo : Euh… Si ça vous…

Juliette (l’interrompant) : Non, c’est très bien. Mais j’espère seulement que t’es pas en train de nous monter un gros bobard dans le seul but de pouvoir être tranquille au boulot pour te taper je ne sais trop qui…


(Un silence. Roméo semble bouleversé.)


Roméo : Non, Juliette, je te promets que tu te méprends sur moi. Je suis extrêmement heureux avec vous et j’ai vraiment envie que Flora me foute la paix. Quant à Johanna, vous pourrez constater qu’elle est super sympa et qu’elle est tout à fait digne de confiance.

Juliette : Et elle, elle accepterait de faire ça comme ça ?

Roméo : Je crois que ça l’amuserait bien de faire chier Flora aussi.

Eloïse : Et ça l’amuserait pas un peu aussi de se rapprocher de toi ?

Roméo : Non, non, je ne crois pas. Je ne suis pas du tout son genre, et, euh… notre style de vie ainsi que les rumeurs que colporte Flora ont plutôt tendance à l’effrayer. Non, je suis sûr qu’on peut lui faire confiance, pour le coup.





Acte I, scène 6

Jeudi 15, 22 h 40

La chambre de Johanna

(Johanna)



(La jeune femme est allongée dans son lit. On la devine se trémousser significativement sous les draps, une main entre ses cuisses et l’autre vers sa poitrine. Elle gémit par à-coups. Elle ferme soudain les yeux en se crispant dans un long râle.)



Johanna : Aaaaahhh ! Ouiiii ! Romééooooooooo ! Aaaaaaaaaahhhhhhhh !






Acte I, scène 7

Vendredi 16, 23 h 40

L’appartement de Juliette et Roméo

(Juliette, Roméo, Eloïse, Johanna)



(Tous sont debout ; Johanna est sur le point de sortir.)



Johanna : Merci infiniment pour ce dîner !

Juliette : Je t’en prie. Ce fut un plaisir.

Johanna : Je suis très contente de vous avoir rencontrées ; Roméo n’arrêtait pas de me parler de vous. En tout cas, j’ai passé un excellent moment.

Juliette (poliment) : Eh bien nous aussi.


(Johanna fait la bise à Eloïse, à Juliette, puis à Roméo.)


Johanna : Salut Roméo. À lundi.

Roméo : À lundi. Rentre bien. Et bonne fin de week-end.

Johanna (sortant) : Merci. Vous aussi. (À Juliette) : Et je fais comme on a dit. Ça m’amuse déjà d’imaginer la tronche que va faire Flora…


(Elle sort.)


Eloïse : Mouais…

Roméo : Qu’est-ce qu’il y a ? Ça ne t’amuse pas ?

Juliette : Ben y a pas besoin d’être madame Soleil pour deviner que cette gamine est folle de toi !

Roméo : Hein ?

Eloïse : Malheureuse, t’aurais jamais dû lui dire ça !

Roméo (béat) : Tu crois qu’elle est folle de moi ?

Juliette : Allez, séducteur, en attendant, tu peux débarrasser la table.


(Roméo, radieux, emporte les restes du repas vers la cuisine.)


Eloïse (à voix basse) : Et donc ? On s’en fout ?


(Sans répondre, Juliette va rapidement prendre le téléphone de Roméo et appuie sur plusieurs touches à toute allure. On entend des bruits de vaisselle provenir de la cuisine.)


Eloïse (à voix basse) : Qu’est-ce tu fabriques ?


(Le téléphone à la main, Juliette griffonne hâtivement sur un post-it, recopiant visiblement un numéro. Elle repose ensuite le téléphone et cache le post-it dans sa poche.)


Juliette (à voix basse) : Je prends quelques précautions…


(Eloïse hausse les épaules en signe d’incompréhension. Roméo revient de la cuisine. Juliette adresse un clin d’œil à Eloïse.)





Acte I, scène 8

Samedi 17, 10 h 20

Un bar

(Juliette, Eloïse, Alberto, des clients, des serveurs)



(Juliette, Eloïse et Alberto sont attablés. Autour d’eux, les serveurs vont et viennent vers d’autres tables.)



Juliette : Alors c’est d’accord ?

Alberto : Mouais… c’est pas trop dans mes habitudes, de faire ça, mais bon…

Eloïse (battant des cils) : S’il vous plaît, monsieur Alberto…


(Alberto rigole.)


Juliette : Tu perds ton temps, il est homo.

Eloïse (déçue) : Ah bon ?

Alberto : Oui, globalement.

Eloïse : Ah, globalement, seulement ; tu vois, Juliette, rien n’est perdu !


(Ils rigolent.)


Alberto (à Juliette) : C’est Roméo qui t’a donné mon numéro ?

Juliette : Euh…

Eloïse : Oui, mais il n’est pas au courant…

Juliette : Et il ne faut pas qu’il le soit. Il ne doit se douter de rien.

Eloïse : Et Flora non plus.

Juliette : Et Johanna non plus.

Alberto : Eh ben… rien que ça…

Eloïse (battant des cils) : S’il vous plaît, monsieur Alberto… En échange, nous vous laisserons coucher avec Roméo autant que vous voudrez.


(Juliette la regarde curieusement. Alberto sourit.)


Alberto : Bon, pour voir si j’ai tout bien compris : Roméo va faire croire à Flora que vous l’avez largué ; elle va vouloir se précipiter dans ses bras ; et pour la faire chier, il va faire semblant de sortir avec Johanna, c’est ça ?


(Juliette acquiesce.)


Alberto : Et donc, en gros, vous voulez que je vérifie que Roméo ne fait pas de connerie dans votre dos…

Eloïse (battant des cils) : S’il vous plaît, monsieur Alberto…


(Un silence. Alberto soupire.)


Alberto : Finalement, le but de tout ça est juste de faire chier Flora ?

Juliette : Oui.

Alberto : Alors c’est d’accord, j’accepte !


(Eloïse et Juliette sourient.)


Juliette : Toi aussi tu as quelque chose contre elle ?

Alberto : Non, pas vraiment ; c’est juste qu’elle me saoule à surjouer son côté grosse salope. Ça lui fera du bien de se prendre une bonne veste.

Eloïse (amusée) : Bravo ! Tous contre Flora !




(À suivre…)