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n° 15689Fiche technique25451 caractères25451
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Temps de lecture estimé : 18 mn
11/07/13
corrigé 10/06/21
Résumé:  Découvrez avec ces courts récits quatre formes de douceur insoutenable, telles que les conçoivent Ben_04, SophieF., Cheminamants et Hidden Side.
Critères:  #épistolaire #recueil fh couplus collègues fsoumise hsoumis hdomine hmast pénétratio sm attache yeuxbandés
Auteur : Collectif Antilogies  (Panel d'auteurs recomposé en fonction du sujet "antilogique")      Envoi mini-message
Co-auteur : SophieF.      Envoi mini-message
Co-auteur : Cheminamants      Envoi mini-message
Co-auteur : Hidden Side

Collection : Antilogies
Douceur insoutenable

La collection « Antilogies » regroupe des textes courts (entre 1500 et 7500 signes) proposés par un panel d’auteurs recomposé en fonction du sujet « antilogique » mis en ligne sur le forum Revebebe durant le mois en cours – tout membre peut soumettre son ou ses sujets d’antilogies.

Tous les lecteurs peuvent avoir accès au forum pour participer ! : Concours et jeux d’écritures ; Antilogies et autres jeux (ré) créatifs - les textes ou Antilogies - les discussions.






Juin 2013 – Douceur insoutenable



Sommaire :


Lettre pour l’au-delà, par ben_04</a>

Le grand méchant loup, par SophieF.</a>

Insaisissable Muriel, par Hidden Side</a>







Lettre pour l’au-delà


par ben_04




Papa,


Nous nous sommes détestés depuis toujours. Je me souviens encore des repas familiaux comme si c’était hier. Une messe à Saint-Nicolas, suivie d’une grande tablée où le patriarche trônait au milieu de toute sa famille. Tu avais tout fait : militaire brillant, historien, éditeur, intellectuel influent… C’était tellement dur de vivre à tes côtés, de faire quelque chose qui me soit cher sans être comparé à tes exploits. Ce qui était encore plus dur était de cacher, chaque jour, ma différence. Tu critiquais souvent mon caractère et mes choix. Ça tournait même à l’humiliation lorsque tu prenais à témoin la famille proche, ajoutant autant de points de comparaison que je ne pouvais pas soutenir. Aujourd’hui, c’est ton tour d’être jeté en pâture.


Te souviens-tu de ces groupes de jeunes qui passaient à ton bureau, le soir ? Ils venaient, par petits groupes, chercher les conseils de « l’ancien », comme on t’appelait respectueusement. Tu partageais tes idées, pleines de haine et de racisme. Ils repartaient pleins de convictions et de courage. La suite, je la suivais dans les journaux. Un Juif tabassé à mort par un groupe de jeunes, un cimetière profané ; ces Unes te réjouissaient au plus haut point. Tu t’exclamais qu’il y avait toujours, finalement, une jeunesse héroïque et droite, prête à reprendre le flambeau et défendre la grandeur de la France. À l’époque, je suivais aveuglément ces idées, baigné dedans depuis la plus tendre enfance. Jusqu’au jour où le mouvement homosexuel a pris de l’ampleur et où ces groupuscules ne se sont plus contentés de ratonnades contre les étrangers.


Te souviens-tu de ce pauvre jeune homme, frappé, traîné dans la rue, caillassé et émasculé pour avoir été homosexuel ? Il s’appelait Albert. Et c’était mon mec. Mon adolescence ne s’est pas passée comme tu l’aurais souhaité. J’ai découvert les filles, comme tout le monde. Mon cœur ne s’est jamais emballé sous leurs caresses. Leurs baisers me laissaient froid. J’aurais tellement voulu te poser des questions sur mon mal-être, mais aurais-tu pu comprendre ? Toujours est-il que mes journées étaient tristes, pleines de doutes sur moi-même. Et c’est dans ce contexte qu’Albert est arrivé dans ma vie. Car oui, je suis homo. Je n’ai jamais pu le vivre au grand jour. J’avais trop peur de tes réactions, de ton humiliation publique. Situation cornélienne que la tienne, qui t’étais tant battu pour la liberté des peuples et n’avais pas réussi à voir que ton propre fils vivait emprisonné.


Oui, nous, les homos, avons une image sulfureuse. Oui, notre sexualité est débridée lorsque nous sommes célibataires. Pour plein de raisons, la première étant qu’à force d’être observés, jugés, critiqués, rabaissés, notre désir de vivre n’en est que plus fort ; et ses manifestations aussi. Le regard des gens change, doucement, mais il change, et il est vrai qu’une petite partie d’entre nous a tendance à en abuser lors de certaines manifestations. Mais lorsque j’étais avec Albert, mon cœur semblait enfin battre. J’étais avec une personne qui me comprenait, m’acceptait et ne voulait que mon bonheur.


Tu plaisantais souvent de ces pédés qui baisaient comme des bêtes. Si tu savais… Si tu avais la moindre idée de la douceur de ses caresses, des frissons qu’il me procurait lorsqu’il me chuchotait des « Je t’aime » au creux de l’oreille. Sa langue avait le pouvoir de prendre le contrôle total de mon corps, quand elle se lovait amoureusement contre la mienne. Ses mains descendaient lentement le long de mon torse, me faisant découvrir mille délices. Une femme déployait des trésors d’ingéniosité pour me faire bander. Lui n’avait qu’à poser la main sur mon sexe pour le mettre en érection, et ses masturbations me faisaient décoller. J’adorais, alors qu’il avait passé un long moment à me faire jouir, prendre à mon tour le contrôle de son corps. Je lui faisais les mêmes actes, en essayant d’y mettre un peu de moi pour le surprendre et faire un tout petit peu mieux. J’ai sucé sa verge passionnément. Ce n’était pas plus dégoûtant pour moi qu’une femme qui suce son mari. C’était un moyen parmi d’autres de le faire parvenir à l’orgasme, pour le remercier de tout ce qu’il était pour moi. J’ai bu son sperme comme si c’était le plus beau cadeau qu’il puisse me faire. Et, oui, nous nous sodomisions. Tu aurais dit que nous nous enculions sauvagement. Les intentions qu’il avait lorsqu’il me pénétrait devaient sans doute être plus belles que celles de beaucoup d’hommes lorsqu’ils prennent une femme. C’était doux, intense pour nous deux ; la manifestation de nos sentiments réciproques. Je me souviendrai longtemps de ta fureur lorsque, une fois, j’avais tenté d’aborder le sujet, en émettant l’idée que deux hommes pouvaient avoir des rapports tendres. Imaginer deux hommes se prendre à en perdre haleine, dans une ambiance chargée d’hormones, de sueur et de pisse, te faisait rire. Imaginer les mêmes rapports, mais plein de douceur, t’était insupportable.


Je suis enfin en paix. C’est le premier cadeau que tu me fais. Aujourd’hui, chacun sait que ceux qui prétendent défendre l’amour sont prêts à souiller leurs symboles de la façon la pire qui puisse être ; et en cela, je te remercie. Malgré tout, tu restes mon père, et j’espère que le dieu que tu as tant vénéré t’a accueilli.


Ton fils.



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Le grand méchant loup


par SophieF.




« Il y a de la neige sur le sol de la clairière que traverse une ligne à haute tension. Près d’un poteau, j’ordonne à Nathalie de se mettre nue. Elle ôte son manteau. Où doit-elle le poser ? Mais à ses pieds, tout simplement. Son chandail de laine le rejoint. Puis sa longue et lourde jupe. Ses bas. Son chemisier. Elle dégrafe son soutien-gorge, le jette sur ses autres vêtements. Le grand froid fait aussitôt pointer ses tétons roses. Elle a de très beaux seins, que la chair de poule rend plus émouvants.


Le slip, maintenant. Elle ne me demande pas si elle doit se mettre de face ou de dos car je n’ai pas apporté le martinet, montrant ainsi que je vais pour une fois négliger ses fesses, pourtant si belles elles aussi. Elle colle donc son dos au poteau électrique et écarte largement bras et jambes pour que je les lie à cette ferraille glacée.


Je vais frotter tout son corps avec de la neige. Quand ses seins, son ventre, ses cuisses – l’intérieur si doux de ses cuisses – quand tout cela sera pétrifié par le froid, je le réchaufferai en le fouettant avec la branche de pin que j’ai coupée tout à l’heure, au bord du chemin qui est une ancienne voie romaine. Quelques randonneurs inconnus vont sans doute alors nous surprendre… »



En lisant cela sur mon écran, j’ai pétri mes seins sous ma veste de pyjama et j’en ai pincé la pointe, bien fort. Puis j’ai glissé un doigt dans ma fente.


Il est possible de joindre l’auteur par message personnel. Je lui écris que j’ai beaucoup aimé son récit. Il ne répond pas. Trois jours après, je persiste : a-t-il inventé cette scène ou l’a-t-il vécue ? Toujours pas de réponse. J’insiste, je veux connaître ce type, je lui confie que moi aussi j’écris un peu, que je suis en train de modifier l’histoire du petit chaperon rouge, qui devient une innocente jeune fille à la disposition totale d’un grand méchant loup.


L’inconnu veut bien me rencontrer. Il habite la région parisienne, moi aussi. Nous nous voyons un samedi. C’est un homme mûr mais très séduisant, bourré d’humour. Il me paye un Schweppes et adieu Berthe ! Je le relance le soir même : il peut faire ce qu’il veut de moi, m’emmener dans sa clairière, m’attacher de face ou de dos à son poteau, user du martinet ou de sa branche de pin, me couvrir de neige, me livrer aux randonneurs…


Il veut bien revoir le samedi suivant la « petite fille exaltée » que je suis. Une petite fille de vingt-cinq ans, quand même ! Et qui dispose d’un chez-soi, au 7 avenue Montaigne, deuxième étage. Alors, veut-il m’y rejoindre, le grand méchant loup ? Il veut bien. Coiffeur, sous-vêtements sexy, courte jupe. M’épiler le pubis ou pas ? Je le lui demanderai, pour les fois suivantes. Sans poils, ce doit être mieux pour les pinces à linge. En attendant, elles seront pour mes seins. J’aurais dû acheter un martinet. Trop tard. Il me fessera. Il y a des glaçons dans le congélateur. J’en mettrai dans son whisky, il aura bien l’idée ensuite d’en passer partout sur mon corps, mes seins, mon ventre, l’intérieur si doux de mes cuisses…


Le voilà ! Il prend mes lèvres, une langue impérieuse entre dans ma bouche. Ses mains palpent mes fesses. Vont-elles les frapper ? Il va sûrement m’ordonner de me mettre nue, de m’agenouiller, de sucer une verge de bois dur… Non, il porte ses mains toutes de douceur à mes joues et prolonge notre baiser. Puis il me sourit, déboutonne mon chemisier, dégrafe mon soutien-gorge parme, prend entre ses lèvres la pointe de mon sein gauche, ensuite celle de mon sein droit.



Je ne réponds pas. J’ai failli dire « Comme vous voulez. ». Son comportement m’en a dissuadée. Il ne se comporte pas du tout en maître. C’est lui qui est bientôt à genoux devant moi. Il fait tomber ma jupe, descend mon slip, écarte mes lèvres avec une grande délicatesse et me lèche, aspire mon clito ; de sa langue, il le fait vibrer. Puis il se relève, se déshabille en toute hâte. Il bande tout à fait correctement.



Je me jette sur le lit, jambes et bras écartés, comme si j’y étais attachée. Il reprend ma bouche, mes seins, ma fente trempée. Il déroule un préservatif pris je ne sais où et entre en moi doucement. Il se soulève, il va, il vient, si délicatement… « Qu’il soit plus brutal ! Qu’il me défonce ! » Mais non, il me sourit, dépose quelques baisers sur mes paupières, reprend ma bouche, vient plus profondément en moi, attendant mon plaisir avant de prendre le sien. Ce type est trop gentil, sa douceur est insoutenable et cela va s’éterniser si je ne fais pas semblant de jouir.



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« Un pas pour un oui » et mon envie de souffler les bougies !


par Cheminamants




Lorsque j’ai vu la proposition d’antilogie « douceur insoutenable ! », c’est cette aventure bien réelle qui m’est venue en tête.




—ooOoo—




Il y a dans cette belle ville de Meaux un club libertin avec sauna et hammam : l’Aménophis, tenu par Nath. Nous choisissons, mon chéri et moi, d’aller à la soirée-buffet qui célébrera les trois ans de l’établissement.


J’ai hâte autant que lui !

Mais patience : l’érotisme brûlant approche, l’inaccessible va bientôt disparaître.


Viennent les préparatifs.


J’épile mon minou sur les côtés et sous les lèvres jusqu’à mon anus. Douce torture : les « aïe ! » habituels se mélangent à ma mouille pendant que je pense au bonheur que j’aurai dans quelques heures. Hummm… les caresses et le moindre coup de langue des bouches étrangères qui m’attendent me feront gémir ; et je fantasme en raccourcissant le triangle de mes poils bruns. Le miel de mon plaisir sera bien visible.


Je fais glisser sur ma peau ma robe noire moulante et seyante à souhait. De mes doigts habiles j’enfile mes bas satinés et je les accroche au porte-jarretelles coordonné à mon soutien-gorge et à ma petite culotte. Le sourire de mon compagnon, ses yeux pétillants, ses mains baladeuses et son sexe qui tend le tissu de son pantalon me disent que je suis tentante.


Je garde mes envies bien au chaud et je lutte victorieusement contre moi-même pour ne pas céder, alors que nos sexes nous réclament de faire l’amour.


J’enfile mon manteau et mes escarpins à talons fins. Voilà, je suis prête.


Je ronronne en montant dans la voiture et je calme mon impatience en croisant mes jambes pour que le roulis masse mon clito durant les vingt kilomètres qui nous séparent du club.




—ooOoo—




Nous y sommes et ma patience va enfin être récompensée ! Je rayonne ; ma minette est dans un état…

J’entre dans le club avec un déhanché de chatte en chaleur prête à se frotter aux matous et je salive à l’idée de faire « minette contre minette » dans des miaulements délicieux. Chaque parcelle de ma peau me dit « N’attends pas le gâteau d’anniversaire pour souffler les bougies ».

Oh, ça oui ! Et elles seront érectiles au masculin, autant que clitoridiennes, puisque j’ai l’espoir de me délecter tout autant de puits féminins !


Enlacée par mon chéri, je jette un regard dans le salon.



Et je pense au petit cornichon à croquer de manière explicite, et au toast à qui donner un joli coup de langue pour devenir la tentatrice d’une femme.



Je lui ai répondu la voix traînante, puis je murmure à mon chéri en me frottant langoureusement contre lui :



Mon sourire s’efface : tentation déçue !



Oui ! J’ai envie de goûter aux deux : nouveaux et habitués ; hommes et femmes. Je m’enflamme une fois de plus. Mon imagination s’emballe : vivement la magie des prochaines rencontres ! Mais arrivés à l’espace coquinerie :



Impossible ! Un pouf nous en interdit l’accès. Je suis terriblement frustrée. C’est un comble d’être dans un lieu de libertinage sans pouvoir libertiner !


Nous retournons au bar, puis partons avec nos boissons fraîches nous installer sur une banquette, face au salon.

Nous échangeons des caresses discrètes et soft – seules possibles ici – et je sens un certain bien-être reprendre possession de mon corps. Mon bas-ventre palpite. Les petits soucis et les désagréments de notre arrivée : pfffiiit… oubliés !


J’attire l’attention de mon chéri :



Nous sommes interrompus par un jeune homme.



Il s’assied sur le pouf juste en face de nous, tandis qu’un autre homme du même genre demande à partager lui aussi notre compagnie.


Mon chéri fait les présentations :



Je me montre polie :



J’espère que ça va suffire pour les refroidir, le coup de l’âge, car physiquement ils ne me plaisent ni l’un ni l’autre.



Et je pense « Raté ! », sourire aux lèvres.



Je pose ma tête sur son épaule, lui pince discrètement la cuisse et lui ronronne à l’oreille :



Il me fait un clin d’œil pour un « Pigé, ma chérie : pas de mise en avant. ».


« Gagné ! »


Pour rompre mon silence – inhabituel de ma part – Fred s’enhardit en racontant un épisode libertin qu’il a vécu ici. Plus il se confie, plus il s’échauffe :



Depuis un bon moment, pendant que je l’écoute, j’ai la tête penchée pour mieux regarder les tétons de cette belle brune, dressés de manière impressionnante, là, à deux mètres de nous. Et je fantasme : caresses torrides entre elle et moi, ma bouche gobant ses seins bien ronds et fermes ; et le plaisir partagé de la lèche.



Mon envie est à son comble. J’ai hâte ! La suite, vite ! Mais… les mots de Fred ? Finis ! Quel dommage ! Tout s’arrête avec sa dernière phrase, plus de transfert possible ! Je retiens mon plaisir. L’histoire a changé, Ben a pris le relais. Je lui jette un coup d’œil et je l’écoute à son tour.



Ses yeux croisent les miens. J’esquisse un sourire particulier, puis je penche la tête et mes yeux le délaissent. Mais avant de m’évader une fois de plus, le regard posé ici et là, je lui demande dans un soupir délicieusement douloureux :



Il a compris. Le jeu punitif reprend, chargé de saveurs douces-amères. Nous devenons les tortionnaires consentant l’un de l’autre, et nous acceptons chacun nos frustrations : lui de moi, et moi des autres.



« Encooore… »


« Hummmm ! » et « Greeeee ! » à la fois… gourmandises… bougies enflammées…

Souffler n’est pas jouer ? Ahhh booon ?



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Insaisissable Muriel


par Hidden Side




Elle a beau avoir noué des foulards de soie à mes poignets, je n’en suis pas moins entravé. Elle, c’est Muriel, la dernière collègue en date à rejoindre notre équipe de chefs de projets. Mais surtout, c’est un bout de mon passé miraculeusement ramené au présent…


Lorsqu’on nous a présentés l’un à l’autre au café de la boîte, ça a aussitôt confirmé la folle idée qui m’avait traversé l’esprit en lisant ce nom sur un bureau, trois portes avant le mien. Même après vingt ans, il m’était impossible de ne pas reconnaître ce visage. Impossible d’oublier la toute première fille à qui j’avais fait l’amour.


Et me voilà allongé dans cette chambre anonyme, nu sur un lit d’hôtel, les yeux bandés, les bras en croix, les mains liées, attendant que Muriel sorte de la douche. Elle m’a d’abord aveuglé avec un masque de sommeil, le genre que l’on distribue dans les avions ; puis, le souffle court et haché, elle m’a déshabillé. Enfin, elle m’a enjoint de m’étendre au centre du lit et d’écarter les bras, ramenés avec douceur contre les montants métalliques auxquels elle m’a ligoté.


Le soir de notre rencontre, je l’ai invitée à prendre un verre dans un bar à vin non loin du boulot. Muriel a hésité avant de répondre « Chiche ! ». Les premiers moments, intimidés, nous avons échangé des banalités devant nos verres de pinot, avant de retracer nos parcours respectifs durant ces deux décennies où nos vies avaient bifurqué. Tout en l’écoutant, je détaillais ce qui avait changé en elle. Un soupçon de pattes d’oie, qui fronçait son regard vert où des paillettes d’or pétillaient toujours. Quelques fils d’argent dans sa chevelure sombre. Mais surtout cet air affirmé, qui la rendait fort différente de la discrète étudiante de mes souvenirs.


La porte s’ouvre, le lit grince légèrement du côté où elle s’assoit. Je me sens fébrile. Après toutes ces conquêtes qui ont glissé dans ma vie de célibataire épanoui, c’est à mon tour d’être la proie, le corps que l’on convoite et que l’on mate sans scrupule, avant de s’en repaître. Ce sont d’abord ses cheveux qui me caressent, balayant mon torse dans un lent mouvement latéral. J’inspire profondément ; son parfum ramène à la surface des images lointaines, qui se substituent à ma vision occultée.


Elle m’avait fait la remarque de mon absence d’alliance ; j’avais répondu que ça ne s’était pas fait, n’ayant pas trouvé « la bonne ». À mon tour, je l’avais interrogée. Avait-elle un mari, des enfants… des animaux ? Elle avait eu, avant de divorcer il y a quelques années. Depuis, même si parfois ça lui manquait, elle vivait sans mec, se déplaçant de ville en ville au gré des missions confiées par la boîte. Une ombre avait voilé son regard, terni son sourire. Sujet sensible, part sombre à éviter…


Ses doigts me pétrissent, me cajolent, je la sens affamée de ce pouvoir nouveau qu’elle détient sur moi. Muriel peut tout exiger, tout contrôler et visiblement elle se délecte de ce qu’elle va me faire subir. Elle palpe mes biceps, griffe légèrement mes pectoraux, glisse le long de mes côtes. Le moindre geste m’étant interdit, je ne peux pas me dérober. Alors, en me mordant les lèvres dans la nuit qui est la mienne, je la laisse agacer ma chair, retracer mes formes du bout des doigts. Je me retiens d’exhaler le moindre soupir, la moindre supplique, même au moment où elle se saisit enfin de mon sexe.


On s’est revus plusieurs fois. Dans des bars, des restos, puis enfin au ciné, occasion rêvée de la raccompagner chez elle. Bien qu’elle ne m’ait pas proposé de monter, elle ne faisait pas non plus mine de sortir de la voiture. Certain que le moment était venu, j’avais approché mes lèvres. Me repoussant gentiment, elle m’avait expliqué ses déconvenues répétées, la perte de confiance envers les mecs autant qu’en elle-même… Bien sûr, le sexe représentait un manque criant, mais la peur de laisser un homme la blesser encore était plus forte. Alors, petit à petit, j’en étais venu à lui proposer cet étrange marché, qui répondait à chacune de ses objections…


Pleinement consciente de sa toute-puissance, Muriel me branle lentement, caressant mes bourses, titillant le frein de mon sexe décalotté. Elle approche son visage, hume l’odeur de ma queue, cette odeur qui doit sûrement la chavirer. Si, comme elle le dit, elle n’a pas baisé depuis le 1er janvier, ça doit la « travailler ». Une langue impertinente effleure mon gland, éprouve la délicatesse de sa peau tendue à rompre, avant de sillonner ma hampe avec une lenteur d’escargot. Je m’abstiens de cambrer les reins ; lui imposer ma verge est hors de question, elle ne la sucera que si elle le décide.


Lui vantant la thérapie du sexe pour le sexe, je lui ai juré qu’elle pourrait s’arrêter à tout moment, que nous n’irions pas au-delà de ses désirs. Je mettais mon corps à sa disposition pour qu’elle assouvisse en toute tranquillité ses manques. Je lui promettais de ne pas broncher, de ne pas la brusquer, de ne pas même lui parler si elle ne le souhaitait pas. Elle complexait sur ses hanches trop larges, ses seins trop petits ? Je ne la regarderais pas. Bien sûr, c’était possible ! Il lui suffisait de me bander les yeux…


Elle se redresse, m’enfourche en tendant sa poitrine vers ma bouche. La pointe érigée d’un mamelon s’écrase sur mes lèvres, les force à s’entrouvrir. Je sais ce qu’elle attend de moi : gobant ce téton bandé, je le suce avec tendresse jusqu’à la faire geindre. Un fluide chaud et visqueux goutte sur mon ventre ; Muriel, qui mouille sur moi… Elle descend souplement ses hanches jusqu’à poser sa fente sur la colonne qui se tend un peu plus bas. Tout en glissant avec délice sur ma tige fébrile, dans un clapotis éloquent, elle m’embrasse à pleine bouche. Vissant sa langue à la mienne, elle positionne son sexe de façon à englober mon gland, s’immobilisant pour savourer l’intromission.


Stoppé net à l’orée de sa chatte, je me retrouve prisonnier d’une douceur insoutenable… L’instant qui s’éternise me conduit au comble de la frustration. Que cherche-t-elle à prouver ? Son pouvoir sur moi ? Les limites de ma soumission volontaire, en espérant que je vais faillir, afin de continuer de voir les mecs comme des traîtres et des menteurs ?


Fidèle au rôle auquel je me suis astreint, je bande ma volonté pour conserver mon immobilité de statue, repoussant ma ténacité à ses limites extrêmes. J’ai l’impression de sentir vibrer ma bite, en équilibre instable au bord de son gouffre…


Soudain Muriel s’enfonce sur mon pieu. Pas le temps de se poser de questions, ma partenaire me pompe à toute allure, au rythme fou de ses cuisses d’acier. Avec un pareil traitement, je ne vais pas tenir ! Contre toute attente, elle jouit avant moi, dans un orgasme puissant qui masse de façon exquise mon sexe contre les parois de son vagin.


Puis elle se retire dans une glissade gluante, me laissant une sensation amère de faim inassouvie. Ma bite pulse à vide, au bord de l’implosion… Des froissements de vêtements qu’on enfile à la va-vite, puis une bouche qui me susurre à l’oreille :



Toute honte bue, je me branle pour elle, et finis par gicler longuement sur mon ventre, entre mes doigts crispés.


Plus un bruit dans la pièce. Hagard, je retire mon bandeau. Je suis seul. Muriel a filé, avec au creux des cuisses le bonheur du plaisir volé…



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