Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 15707Fiche technique12709 caractères12709
Temps de lecture estimé : 8 mn
22/07/13
Résumé:  Mon couple a fini d'exister ce matin. Philippe est parti parce que je n'en pouvais plus. Et moi, Marie, je me pousse à aller boire un verre. Je rencontre Didier, qui propose de m'embrasser pour me dire que je suis jolie et m'aider.
Critères:  fh cérébral revede exercice confession mélo nostalgie portrait
Auteur : Cheminamants  (Il n'y a pas que des maux.)            Envoi mini-message
C'était lui, c'était moi

Moi, Marie, 54 ans : « Quand on s’aime, ce n’est pas toujours facile, et ce n’est même pas toujours beau, l’amour ».


Les mots doux et rassurants me manquent, d’avant-hier à aujourd’hui. Ils me rendent malheureuse à force d’avoir voulu d’eux. Ça oui ! Et les caresses charnelles, je n’en veux plus, parce qu’elles ne les remplacent pas. Aujourd’hui ça ne me suffit plus, nos deux corps qui s’aiment, toi sur moi, et moi, mes jambes repliées sur ton dos pour forcer ta pénétration. Pourquoi ?


Parce que les balancements de nos bassins s’arrêtent sur l’axe de ton sexe et ne me font pas voyager plus loin que la vague de l’orgasme.

Parce que l’harmonie de nos corps enlacés après l’amour s’arrête au bout de tes bras qui sont trop courts pour m’entourer de tout ce qui est important dans la vie, quand on enlève le sexe.

Et parce que l’osmose s’arrête au bout de ton regard, alors que moi, je ne veux plus, je ne peux plus regarder « demain » pour rien !


Je ne cherche plus d’autres raisons ; celles-ci, les premières qui me viennent à l’esprit suffisent pour comprendre que c’est tristement fini !


Plus de sourire sur mes lèvres quand je fixe tes yeux marron qui virent au vert sous le soleil, Philippe ; plus d’espoir, même un tout petit, que notre couple se répare, que ça aille mieux nous deux.


Mais il n’y a pas que du triste. Par exemple : maintenant je ne crains plus les « non-projets », parce que les vrais qui disent « oui », ceux dont tu ne veux pas, je ne les attendrai plus. Et ça, c’est bien. Finie aussi, la tendresse venue du fond de moi que je renouvelle toute seule et que je multiplie sans y penser, sans pouvoir la retenir. La tendresse, tu sais, de celle qui est si nécessaire pour remplir ton cœur, mais qui ne doit pas vider le mien pour autant.

Elle aussi, c’est bien de m’en séparer autant que de toi ; surtout que ça ne veut pas dire que je n’en ai plus à donner.

Et même si l’avenir n’existe plus pour nous, puisque la démolition a terminé son travail aujourd’hui, de l’avenir, j’en ai encore ! Là, juste devant moi, quand ça ira mieux, quand je serai capable d’avancer un pas vers lui, avec un grand A pour commencer un nouvel alphabet.


Et tout ce qui m’a manqué de toi, ne me manquera plus de toi.


En y pensant, mes sentiments s’enragent de savoir que ta main d’homme qui passait sur mes seins en se courbant de douceur pour que ma peau frissonne, n’a fait au bout du compte frissonner que ma peau. Mais je me dis qu’il y aura d’autres mains… un jour… et cette douleur-là qui me pique s’estompera ; je le sais.


Il faut que j’y pense, il faut que j’y croie ; et je l’aurai encore, le sexe quand on aime, avec un nouveau cœur. Oui, mais un peu plus tard que demain, le temps que le temps fasse son temps, et que j’oublie nos corps moites, repus de plaisir, criant grâce au petit matin à force de caresses et de baisers qui ont vu toutes les heures de la nuit.




---♦0♦---




J’en suis là de mes pensées et je me douche. Pas une douche comme d’habitude, non : une douche pour me laver de ton odeur, pour me sentir propre dans ma vie, comme si ma peau aux senteurs Cadum me rendait toute fraîche, toute neuve, prête pour l’après-toi.


Puis je choisis une robe d’été un peu courte mais discrète avec un petit décolleté qui s’arrondit sur la naissance de mes seins ; il fait si chaud, ce 20 juillet 2013.


Il est 18 h 30. Je sèche mes cheveux courts, et les mèches mordorées sur le châtain de ma couleur se font soyeuses. Je me tapote les joues pour leur redonner de la vie. Et maintenant, je ne sais pas quoi faire. Pourtant, il suffit que je fasse… n’importe quoi, pourvu que ça m’aide à ne pas me morfondre. Et surtout il ne faut pas que je pleure, pas maintenant, pas encore.


Je sors de la maison pour respirer l’air chargé d’un trop-plein de chaleur. Un tour en voiture. La ville : Meaux ; et la plage le long de la Marne, au bout du quai Jacques Prévert qui se prolonge jusqu’à la guinguette.


Une citronnade ; une valse ; et je chantonne en forçant sur ma volonté.

Céline, une copine passe par là. Nous échangeons nos bises.



Elle doit se sauver, elle s’excuse de ne pas pouvoir rester pour discuter. Je pense que c’est tant mieux, car je n’ai pas envie de parler. Elle ne voit rien, elle ne se doute pas. La minute d’après, elle est partie en direction du parking qui bouge son nuage de poussière à chaque manœuvre de voiture.



Je sais que c’est pour moi et je me retourne.

C’est un homme accoudé au balustre juste derrière moi qui m’a dit ça. Un de ces humanoïdes-masculi que je n’ai pas envie de voir. Alors je ne dis rien, tout en le regardant droit dans les yeux. Ce sont des noisettes qui régaleraient un écureuil… ou une femme, au choix. Je laisse à l’animal ce que ma féminité refuse.



Sa voix est grave, de celles qui envoûteraient une conquête. Alors je lui laisse le droit de tourner la tête pour en regarder une autre. Mais non, il ne le fait pas.



Je ne voulais pas, mais je pleure quand même en lui lançant sans méchanceté pendant qu’il s’approche et prend place en face de moi, dos à la piste de danse :



Je décroche un sourire, bousculée de contradictions, en réalisant que cet homme est bourré de testostérone et que je n’imagine pas un instant qu’il puisse les partager avec un autre mâle. Je l’observe un peu : grand, les épaules larges, moulées dans un tee-shirt qui rajeunit sa cinquantaine virant au six.



Je ris devant son air à la caricature maniérée. Il continue de la même manière, comme s’il exprimait mes pensées :



Il a rapproché sa chaise. Je ne bouge pas. Je ne dis rien. Il reprend son propre personnage et répond à son argumentation qui se veut féminine :



Puis en jouant mon rôle :



Il fait comme si j’étais dégoûtée :



Puis comme s’il répondait :



Je m’exclame :



Et j’en ai presque oublié, l’espace d’un instant, qu’après ma douche je me suis brossé, brossé, brossé les dents pour nettoyer désespérément tous les mots que j’avais dans la bouche. C’était pour les empêcher de sortir au milieu du dentifrice, les mots cruels, pleins de douleur, des méchants, remplis de hargne et de désespoir, de colère aussi, pour le maudire, lui, de cet échec.


Didier se penche. Je ferme les yeux et je serre mes poings l’un dans l’autre sur le creux de ma poitrine, au milieu de mes seins. J’attends sa langue, en refusant à ma tête de se souvenir de mon dernier baiser.


Cet homme pose sa main sur ma cuisse, sans relever le bas de ma robe. C’est bien d’avoir retenu son geste, parce qu’il ne fallait pas que je lui abandonne mes jambes. Je les croise. Un réflexe de protection et de pudeur. Le geste est lent, ma posture involontairement féminine est gracieuse. J’ai envie de recommencer pour ne pas être féminine et gracieuse, sous le regard de Didier. Alors je recroise mes jambes de l’autre côté de manière bien peu délicate. C’est mieux, même si Didier sourit.


Il approche son visage du mien. J’attends qu’il m’offre ses lèvres.


Je souris sur un côté de bouche, sourcils froncés, le regard interrogateur. Les incertitudes me reprennent, mais je lutte ; et mes mains attrapent sa tignasse, bien moins épaisse et souple que celle à demi-longueur de Philippe, où se bataillait hier encore, à cinquante-cinq ans, un reste de poivre au milieu du sel.


Un soupir de nostalgie quand mes doigts glissent entre les mèches inconnues. Didier attrape fermement mes poignets.



Son baiser me prend la bouche l’instant d’après, doucement, le souffle court. Je respire son air. Ça ne me fait pas mal. Ma bouche s’entrouvre sous la délicate insistance de ses lèvres. Sa langue est en moi, à la rencontre de la mienne.


Un soupir différent. Du bien-être.


Ma bouche reçoit son désir sans aucun déplaisir. Je me détends. Les mains caressent la frontière du tissu sur mes cuisses, sans aller au-delà. Je frissonne sous le frôlement de ses doigts sur mes genoux. Ce point est si sensible chez moi… Mes muscles me lâchent. Je m’abandonne au baiser de Didier, au sien, rien qu’au sien, là, blottie dans ses bras, cambrée, écrasant mes seins lourds contre sa poitrine, mais l’entrecuisse serré. Il caresse ma joue. Ses lèvres m’abandonnent. Je n’ai pas envie d’ouvrir les yeux. Sa main s’en va.