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Temps de lecture estimé : 32 mn
22/08/13
Résumé:  Un geste spontané, irréfléchi, peut parfois changer toute une vie.
Critères:  fh pénétratio
Auteur : Bertrand D            Envoi mini-message
Moi, Daniel, SDF

Allongé au bord du canal, sur l’ancien chemin de halage, Daniel profite des derniers rayons de soleil de ce jour d’avril. Le printemps arrive enfin. Si les nuits sont encore fraîches, par contre le jour la température est agréable. Il est tranquille ici, personne ne vient le déranger. Il réfléchit, fait le point sur sa situation.


Dans la vie, se dit-il, il y a des périodes heureuses et d’autres qui le sont moins. J’ai eu la chance de voir le jour dans un foyer uni. Certes, c’était ma mère qui prenait la plupart des décisions. Cela ne venait pas d’un caractère autoritaire, mais du fait que mon père était toujours indécis et de ce fait approuvait tout ce qu’elle proposait. Fils unique, j’étais le « petit » de ma maman, même si j’avais fêté mes vingt ans et la dépassais d’une tête. Une vie de rêve. Aucun souci à me faire, elle s’occupait de tout.


Pourtant, il y a trois ans, au début des vacances, j’ai remarqué qu’elle n’avait plus le même entrain. Fatigue physique, grimaces vite effacées de son visage, je commençais à m’inquiéter. Papa n’y avait pas prêté attention. Malgré mes conseils, elle retardait sa visite chez le médecin.


Un soir en rentrant, je l’ai trouvée la mine figée, le visage pâle, les yeux rougis. Devant mon insistance à connaître la raison de son malaise, elle m’avoua que le docteur lui imposait de se faire hospitaliser le plus rapidement possible pour des examens. Elle lui a obéi, a quitté la maison le lendemain et n’est jamais revenue.

Maman est morte en deux mois, victime d’un cancer du pancréas. La rapidité de sa disparition m’a laissé totalement abattu. Papa, lui, était complètement perdu.


Après cette catastrophe, nous avons survécu un an. Je terminais mes études en BTS de dessinateur. La maison, autrefois si bien rangée, se trouvait dans un désordre épouvantable.

Jusqu’au jour où une voisine, au chômage et mère célibataire d’un gamin de quinze ans, s’est offerte pour mettre un peu d’ordre. Cela nous a paru la meilleure solution à papa et moi. Elle a pris la maison en main.

Tout s’est retrouvé nettoyé, rangé. C’est elle qui gérait. Et naturellement, quelques temps plus tard, elle était la maîtresse de papa. Elle a emménagé chez nous avec son fils. Et après quelques mois, elle épousait papa, qui, par la même occasion, reconnaissait le fils.


« Puisque l’on est frère, tout ce qui est à toi est à moi. »


Mon demi-frère s’est emparé des bandes dessinées dont je faisais la collection. Il en a donné à ses copains alors que j’y tenais tant, a laissé traîner les autres qui se sont dégradées ; de même pour mes disques dont je prenais tant soin. Je me suis mis en colère, mais sa mère l’a défendu. Je m’en suis plaint à mon père mais il n’a pas réagi, elle était devenue la patronne. L’atmosphère s’est rapidement dégradée. Je ne parlais plus à cette intruse. De son côté, à mon égard, c’étaient des reproches constants : je rentrais trop tard, je ne l’écoutais pas, je ne l’aidais pas. Je protestais, demandais à mon père d’intervenir. Mais il ne faisait rien.


Un an a passé ; on devait fêter l’anniversaire de leur mariage. Je suis arrivé en retard au repas, ayant raté mon bus. Tous les trois autour de la table m’attendaient. J’ai eu droit aux remarques acerbes de cette femme.

Elle avait mis ce jour-là, la robe que ma mère portait dans les grandes occasions et qui lui allait si bien. Et surtout, elle avait autour du cou le collier de maman qui se transmettait de génération en génération.


Le coffret contenant ce bijou était la dernière chose que m’avait confiée maman avant de mourir. Il était dans ma chambre, dans un tiroir de mon bureau. Elle avait violé mon intimité. Alors là, j’ai explosé.

S’en est suivi une dispute homérique, et elle m’a donné l’ordre de quitter la maison. Me tournant vers mon père, je lui ai rappelé que j’étais propriétaire de la moitié de l’appartement – héritage de ma mère – et que si quelqu’un devait partir, c’était elle. Il a bafouillé et ne m’a pas soutenu. Je me suis jeté sur elle, ai récupéré le collier. Puis je suis allé faire mes bagages et suis parti, sans oublier le carnet de Caisse d’Épargne de ma mère dont j’avais la procuration. Bien que ma mère soit décédée, j’ai pu vider le compte.


Avec cet argent, j’ai loué un studio, me suis inscrit à l’ANPE. J’ai également écrit de nombreuses lettres aux entreprises avec curriculum vitae ; je n’ai reçu que très peu de réponses, toutes négatives. Le seul emploi que j’ai décroché, c’est celui de saisonnier dans un bar sur une plage.

Naturellement, le temps passant, j’ai épuisé mon argent.


Quand le propriétaire est venu encaisser le loyer du mois de février, je n’ai pu le régler. Il a tempêté, mais a attendu jusqu’à la date d’expulsion prévue par la loi pour me chasser. Dans l’immeuble, je m’étais lié d’amitié avec une vieille dame vivant toute seule, que je dépannais pour ses courses et à qui je tenais compagnie quelquefois. Elle a accepté de me servir de boîte aux lettres ; ainsi, pour elle ce serait pour elle l’occasion de recevoir une visite.


Et depuis un mois, je suis Sans Domicile Fixe. J’ai repris le sac avec lequel j’avais quitté la maison. Les premières nuits ont été dures : il m’a fallu trouver un lieu pour dormir, me faire accepter dans ce milieu. Pour manger, je me suis présenté à Table pour tous, une ONG qui aide les clochards. On m’a accepté pour un jour. Après le repas, au lieu de quitter les lieux, j’ai offert mes services aux bénévoles. J’ai fait la vaisselle, le nettoyage, puis dépanné quelques bricoles.


Il en est résulté de bonnes choses : je suis admis dans cette communauté, et j’ai un placard dans lequel je peux laisser mon sac. Depuis, j’y vais tous les matins à sept heures, me douche et travaille toute la journée. Je tiens toujours à avoir une tenue correcte, je prends soin de mes habits. Si je suis démuni, les bénévoles me trouvent le vêtement nécessaire parmi ceux qui leurs sont donnés. Et, ma foi, j’ai des amis, je mange, je vais régulièrement à l’ANPE ; et surtout, je rends visite à la vieille dame pour ramasser un courrier éventuel.


Mais l’association ne peut loger les SDF. J’ai composé un petit bagage contenant le strict nécessaire. J’ai repéré ce pont sur le canal. Il m’abrite de la pluie, je me suis fait un lit bien dissimulé avec des cartons.

Bon, il faut se préparer avant qu’il ne fasse plus sombre.



Qu’est-ce qui se passe ? Un grand « plouf ». Merde ! Une femme s’est jetée à l’eau du haut du pont.

Basket, jean, pull, tout est arraché en quelques secondes. Rentrant lentement dans l’eau pour ne pas faire d’hydrocution, je me dirige vers l’endroit de la chute. Quelques brasses sous l’eau, j’aperçois une masse sombre, c’est elle. Je la saisis et la ramène près du bord.



Un homme, probablement celui qui a crié, a tiré le corps puis m’a tendu la main pour m’aider à sortir.



La désespérée reprend connaissance grâce aux soins de cet homme. Quelques minutes plus tard, les pompiers sont là. Je me gèle dans un coin. Heureusement, les sauveteurs me font entrer dans leur véhicule afin de me sécher. Je me rhabille, sans sous-vêtements. Je claque des dents.

Une fille jeune déboule, bouscule les pompiers pour s’approcher de la femme.



La désespérée est embarquée pour l’hôpital, mais les pompiers n’ont pas voulu que la jeune fille reste à son chevet. Me voyant sur le bord, elle vient vers moi :



Ma réponse l’a surprise, choquée même. Pourtant elle m’a dit :



Je suis frigorifié. J’embarque mes bricoles et me voilà dans une voiture, tiède, mais je n’arrive quand même pas à me réchauffer. La conductrice est une fille d’une vingtaine d’année, très jolie.



Elle est partie aux informations.

Le claquement de la porte m’a surpris ; j’étais recroquevillé, engourdi sur le siège, transi.



Quelques minutes plus tard, la voiture plonge dans un garage souterrain. Ascenseur, deuxième étage. Entrée dans un très bel appartement.



La douche ne m’a pas réchauffé. Tremblant, en peignoir, je sors et cherche. Du bruit m’indique où se trouve mon hôtesse.



Je me trouve dans une chambre bien chauffée, dans un lit douillet. Malgré tout, j’ai encore froid. La jeune femme arrive avec son plateau. J’absorbe le tout et m’écroule immédiatement.


Au réveil, le matin, je suis perdu et j’ai un mal de tête atroce. Je me souviens des événements de la veille. Il me faut aller aux toilettes. Me levant, j’enfile le peignoir et je sors le plus silencieusement possible ; la faiblesse me fait tituber. Le bruit que je fais amène la jeune fille déjà levée.



Heureusement que j’ai pu m’appuyer sur son épaule, je me serais écroulé. Quelques minutes plus tard, elle arrivait avec les mêmes ingrédients que la veille. À peine les ai-je absorbés que j’ai replongé dans le noir.

C’est une main fraîche sur le front qui m’a ranimé et une voix féminine inconnue :



J’ai perdu la notion du temps. C’est à nouveau la fraîcheur sur mon front et mon torse qui m’ont tiré de mon engourdissement.



Un moment après, la femme qui avait appelé le docteur est revenue à mon chevet.



C’est une femme jeune, la trentaine environ. Presque l’âge de la jeune fille. Mais elle a un corps plus voluptueux. Pas enveloppé, mais avec des courbes parfaites. Et son visage souriant est délicieux.


J’ai alterné les périodes de lucidité et de réveil. Lorsque j’ai voulu à nouveau aller aux toilettes, j’ai tenté de me lever ; j’ai failli m’écrouler. Le bruit a attiré Anne. Elle m’a grondé : j’aurais dû l’appeler. Elle m’a aidé.


La deuxième nuit a été calme ; je récupère. Mon état s’améliore, je n’ai plus besoin d’aide pour marcher ; encore ce mal de tête, mais c’est supportable. Je me suis levé pour déjeuner. Après le repas, nous sommes allés dans le salon.



Nancy est magnifique : une vingtaine d’années, encore un corps d’adolescente mais qui laisse présager une beauté certaine. Ses seins encore petits, ses hanches étroites lui donnent un air androgyne. Le genre de femme que l’on rêve d’initier à l’amour. Elle a repris :



Elles se sont jetées dans les bras l’une de l’autre et ont longuement pleuré. J’étais très gêné d’assister à cette scène. Elles m’avaient totalement oublié.

Je ne pouvais rester chez elles. Lorsqu’elles ont été un peu calmées, je leur ai dit :



Anne s’est écriée :



Cette proposition n’eut pas eu l’air d’enchanter Nancy. Bien au contraire.



William est arrivé le soir. Grand, beau, souriant ; mais – je ne sais pour quelle raison – il ne m’a pas plu.



Ils se sont embrassés. Puis se tournant vers moi, il dit :



Le tutoiement, le dédain, ont confirmé ma mauvaise impression.



Je n’ai rien répondu. Anne a été choquée devant un tel comportement.

Le soir, au repas, j’ai été admis à la table sur l’insistance d’Anne. Nancy, en admiration devant son mec, ne me regardait pas, sinon d’un air hostile. La conversation roulait sur la fac, le travail qu’il fallait fournir.



Dès la fin du repas, prétextant la fatigue, je suis parti dans ma chambre.

Le lendemain, j’ai attendu dans ma chambre le départ du couple.



Quand ils ont été partis, je suis allé dans la cuisine. Anne aussi allait faire sa tournée. Elle avait la mine sombre, m’a souri tristement, puis m’a laissé.

J’ai fait un peu de ménage, dressé les lits, préparé le repas avec les aliments du frigo. À treize heures, à son retour, Anne a été surprise par la bonne odeur.



J’ai noté et apprécié le tutoiement.



Si, j’en tenais compte et me demandais quelle décision prendre. J’étais à peu près remis, mais j’aurais préféré rester quelques jours au chaud.

Le soir, j’ai à nouveau préparé le dîner. Quand le couple est rentré, ils ont été surpris par la bonne odeur de cuisine. Puis ils m’ont vu ; j’étais là, il fallait que je déguerpisse.



Ceci à l’intention d’Anne ; j’étais un type dangereux

Dès la fin du repas, ils sont partis. J’ai rangé la vaisselle sale dans le lave-vaisselle. Anne ne disait rien. Elle est allée sur le canapé du salon. Je suis venu au côté d’elle. Elle s’est penchée sur mon épaule.



Elle continuait à me tutoyer, preuve de détresse, peut-être d’amitié ou de reconnaissance. Je la plaignais de se trouver dans une telle situation. À trente ans, elle voyait sa vie finie. Plus aucun espoir.



Elle a tourné son visage vers moi. Devant tant de détresse, je l’ai embrassée sur la joue, par compassion. Elle s’est retournée, m’a pris la tête à deux mains et a violé ma bouche, qui n’en espérait pas tant. Déchaînée, elle s’est jetée sur moi, arrachant mon tee-shirt. Je suis entré bien volontiers dans son jeu, même si pour elle c’était seulement une thérapie.


Nous nous sommes aimés sur ce canapé. Je ne sais qui a violé l’autre. C’est une maîtresse ardente et expérimentée. Notre combat a été court. Elle chassait son angoisse, moi je soulageais mon trop-plein avec une femme magnifique. Il y a longtemps que je n’avais pas touché une fille.

Elle s’est allongée dans mes bras. Son visage était détendu, elle avait un petit sourire aux lèvres.



En souriant, elle m’a pris la main et m’a entraîné dans sa chambre. Je l’ai déshabillée ; elle avait un corps magnifique. La plénitude de la trentaine. Je me suis débarrassé de mes vêtements. Nus, l’un contre l’autre, nous avons vraiment fait connaissance. J’ai goûté toutes les merveilles de son corps. Sa bouche, ses seins, son buisson. Elle ronronnait doucement, guidant ma tête là où elle voulait être caressée. Elle m’a rendu la politesse. Sa bouche a trouvé tous mes points sensibles. Mais j’ai connu le paradis quand ses lèvres se sont emparées de mon sexe. J’étais dans un puits de velours, taquiné par une langue habile. En femme d’expérience, elle ralentissait quand elle sentait les pulsations de mon organe, prêt à éjaculer.


Puis elle s’est allongée, me tendant les bras. Je suis entré dans le paradis. Son vagin me massait, se serrait ; c’était merveilleux. Notre étreinte a été longue ; nous sommes parvenus à prendre un plaisir simultané.

Nous sommes restés enlacés, puis nos corps se sont séparés. Couchés côte à côte, main dans la main, nous avons savouré ce moment merveilleux.

C’est le réveille-matin qui nous a tirés de notre sommeil. Me regardant, elle a souri.



J’ai passé une journée merveilleuse, rêvant de la prochaine nuit. Le soir est arrivé et le jeune couple a surgi. J’étais dans la cuisine. J’ai entendu une exclamation :



Le merveilleux dîner que j’avais mitonné n’est pas parvenu à dégeler une atmosphère glaciale. Je me suis esquivé immédiatement. Je sentais qu’il y allait avoir un affrontement terrible et, lâchement, j’ai abandonné ma maîtresse. Je suis resté derrière la porte pour les écouter.


À peine étais-je sorti que Nancy s’est déchaînée. C’était une folie de garder un clochard chez soi. Ces gens sont comme des animaux sauvages, séduisants mais dangereux. Puisque Anne ne voulait pas me faire partir gentiment, eh bien avec William ils me sortiraient, par la force s’il le fallait.



Anne s’est défendue, invoquant le fait que je lui avais sauvé la vie. Mais William en a rajouté une couche.

J’ai vite regagné ma chambre. Quelques instants plus tard, j’ai entendu passer Anne en sanglots. Elle qui espérait une soirée amoureuse !

Elle n’aurait pas à me faire partir gentiment, Nancy n’aurait pas à m’expulser. J’allais quitter les lieux de suite.


J’ai préparé mon sac, veillant à ne rien emporter des vêtements qu’elles m’avaient prêtés. J’ai laissé un mot pour Anne et me suis esquivé sans bruit.

Je suis retourné à Table pour tous. J’ai été accueilli avec des exclamations de joie. Ils s’étaient inquiétés de mon absence. Je leur ai fait un récit sommaire de ce qui s’était passé.

Puis je suis allé à l’ANPE ; et là, surprise : on cherchait un dessinateur.

Pour une fois, j’avais une réponse qui me permettait d’espérer. C’était la proposition d’un contrat d’un mois suite à la maladie du titulaire. J’y suis allé, j’ai été pris.




*****




Depuis trois ans que j’ai abandonné Anne, je suis toujours dans cette entreprise.

Maintenant, je mène une vie tranquille, réside dans un petit logis calme. Quelques courtes histoires avec des filles rencontrées en boîte. Mais j’ai toujours en tête celle que j’ai sauvée, Anne. Ce n’a été qu’une aventure, mais elle m’a marqué. Elle est tellement belle !

Maintenant, tout est définitivement terminé.


C’est jeudi, jour d’Envoyé spécial. C’est une des rares émissions que j’apprécie. Bien installé dans mon fauteuil, je savoure ma tasse de café.

La sonnerie du téléphone me tire de mon euphorie. Qui peut bien m’appeler, et surtout à cette heure-ci ?



Oh, merde : c’est la voix de Nancy. Je la reconnaîtrais entre mille.



Brusquement je l’interromps.



Et je raccroche.

Ce coup de fil me perturbe. J’éteins la télé. Comment a-t-elle pu avoir mon adresse ? Mais c’est évident : par internet. Cela a dû lui prendre du temps de me retrouver.

Mais si elle s’avise de m’importuner à nouveau, je… je ne sais pas ce que je ferai, mais je tenterai de lui faire mal, bien qu’en mon for intérieur je préférerais lui faire du bien. Je rêve de la baiser, en faire une maîtresse docile. C’est à cause d’elle que je suis parti ; ce n’est pas grave. Mais surtout j’ai abandonné Anne, qui en a probablement souffert.


Je m’endors très tard et fais des cauchemars, voyant Anne noyée, Nancy ricanant sur le bord.

Le vendredi, je rumine toute la journée cet incident. Ma nuit est à nouveau agitée.

Comme à l’ordinaire, le samedi matin je fais mes courses, prépare mon repas. Soudain, on sonne à la porte. Un copain, une fille que j’ai draguée ?

Je vais ouvrir : Anne. La surprise me fige, je reste sans voix.



J’aurais dû la repousser ; les ennuis vont recommencer. Après Nancy, Anne. La première a trouvé mes coordonnées et elle envoie l’autre au contact.



Et nous nous posons un baiser sur la joue.



Nous avons parlé en mangeant, de notre santé, de ma situation. Volontairement, je n’ai pas fait allusion à Nancy. Mais durant tout ce temps je me suis aperçu que je tenais encore à Anne, qu’au fond de moi je la désirais charnellement, que j’attendais son retour.

Ses sentiments étaient sûrement les mêmes ; sinon, pourquoi aurait-elle fait ce voyage ?


En débarrassant la table, je la frôle, sa main retient la mienne. Nous nous sommes compris. Abandonnant tout, nous partons dans la chambre.

Je retrouve la maîtresse que j’avais connue, en plus ardent peut-être.

Le week-end a été chaud. Nous avons vécu entre la cuisine et la chambre.

Pourtant le dimanche soir, il a fallu se séparer.



Elle est partie. J’étais partagé entre un sentiment de bonheur pour les merveilleuses heures que nous avions vécues, et un incroyable sentiment de manque.

Ainsi, elle venait de temps en temps le week-end me rendre visite. À chaque fois nous vivions des moments intenses de bonheur.

Puis un jour elle est arrivée, d’humeur moins gaie. Certes, nous nous sommes aimés ; mais je sentais comme une réticence, un malaise. Le dimanche à midi, pendant le repas j’ai décidé d’éclaircir la situation.



Elle m’a embrassé une dernière fois et m’a quitté.

J’ai longuement réfléchi, puis me suis dit qu’elle avait ses raisons, et même peut-être raison tout simplement.


J’ai été déconcerté un mois. Puis j’ai repris le dessus. Reprise des sorties, rencontres. Pendant trois mois j’ai vécu avec Isabelle, draguée un samedi. Au début, nous nous sommes bien entendus, mais ce n’était pas de l’amour. Nos caractères étaient différents : extravertie, elle aimait sortir, alors que je suis d’un naturel renfermé. Un soir, nous avons fait l’amour, puis elle m’a dit calmement qu’elle partait le lendemain. Je ne l’ai pas retenue.

Un soir alors que je lisais, la sonnerie du téléphone m’a tiré de mon roman.



Anne, le mot magique. Je n’ai pas pu résister. Un malheur était-il arrivé ?



Bien que provenant de Nancy, cet appel m’a fait du bien. J’allais revoir Anne, mais aussi Nancy. C’était une belle fille, qui promettait beaucoup quand je suis parti ; elle doit être magnifique à présent. Qu’apporter comme cadeau ? Oh, un simple bouquet de fleurs. Le vrai cadeau pour elles, c’est ma venue. Anne acceptera peut-être de renouer nos relations intimes, mais ce sera difficile devant sa compagne qui ne sait rien.

C’est à onze heures très précises, ému, caché derrière mon bouquet, que je sonne à la porte. Nancy vient m’ouvrir. Elle m’impose le silence un doigt sur les lèvres, puis m’embrasse.



Et je la vois arriver. Elle s’immobilise, stupéfaite, quand elle me voit.



En réalité, je ne la connaissais pas ; mais je ne pouvais pas dire que c’était Nancy qui m’avait appelé.



La main en travers de la bouche, elle me rappelle mon serment de ne rien révéler. On s’embrasse chastement.



Inutile de m’indiquer le chemin, je le connais bien.

Je m’immobilise, interloqué. Deux enfants jouent sur le tapis. Deux garçons ; l’un d’environ quatre ou cinq ans, l’autre de guère plus d’un an.

Les deux femmes éclatent de rire.



J’ai compris son retour et notre liaison : elle voulait un enfant et m’avait choisi. Mais probablement n’est-elle venue qu’aux moments où elle était fertile.

Je m’accroupis pour être au niveau des enfants.



Je reste un instant interloqué, Nancy a choisi mon prénom !



Je ne sais que répondre, mais Nancy vient à mon secours.



Titubant sur ses jambes, le plus jeune s’approche et se jette contre moi afin de ne pas tomber. Le petit Daniel intervient :



C’est mon fils qui est contre moi. Je le prends, l’embrasse, me relève le tenant dans mes bras. Le gosse se serre contre moi. C’est merveilleux !

Je tourne la tête ; Anne sourit d’un air malicieux.



Est-elle au courant ou est-ce un hasard ?



Nous continuons la conversation sur les enfants, sur nous-mêmes. Le repas se déroule dans une ambiance de fête, je n’ai jamais été aussi heureux. Quand arrive le gâteau d’anniversaire, le petit Daniel tient à souffler les bougies. Toute la journée se déroule dans la joie. Chacun est satisfait, chacun a ses raisons. Nancy est heureuse d’avoir fait la paix avec moi. Anne de trouver le père de son enfant, et moi de retrouver une famille, et surtout mon enfant.

Le soir, je veux m’en aller, mais les deux femmes me retiennent.



Je suis parti le dimanche soir, formidablement heureux, mais perplexe. Je sais que j’ai un fils, que ce n’est pas un hasard. Anne en voulait un et a décidé que j’en serais le père. Oui, mais elle le gardera pour elle seule. Que faire ?


Dans la nuit, ne pouvant dormir, je pense aux paroles de Nancy disant que je pourrais devenir son père. Pourquoi ne pas le reconnaître ? Ainsi, Anne ne pourrait m’empêcher de le voir. Dimanche prochain, je retourne les voir et tenterai d’éclaircir la situation.

Dès le lendemain j’appelle ma nouvelle famille, si l’on peut dire. C’est Nancy qui me répond. Je lui demande si je peux venir le prochain week-end.



Voilà, j’ai lancé mon idée, mais Nancy y avait déjà pensé. Et encore elle ignore que je suis le véritable père !

Le samedi, je suis arrivé plus tôt que la dernière fois. C’est Daniel, le petit, qui m’a accueilli avec des cris de joie. Jacques le suivait de son pas hésitant ; je me suis accroupi et il s’est jeté dans mes bras. Les deux femmes ont regardé en souriant cet accueil enthousiaste. Je les ai embrassées.



Étant fils unique, je n’avais jamais eu l’occasion de serrer dans mes bras de jeunes bambins. Je découvre un rôle totalement inconnu, celui de père. Je dois m’adapter aux codes du petit Daniel, jouer avec lui. Jacques est souvent dans mes bras. C’est merveilleux.


Les femmes se sont réfugiées dans la cuisine et discutent ferme. De temps en temps elles viennent jeter un coup d’œil, souriant à la vue de mon enthousiasme.

Quand on nous appelle au moment du repas, je suis définitivement adopté par les petits. Daniel veut raconter à sa mère tout ce que nous avons fait ; et au ton qu’il emploie, il paraît satisfait. Quant au plus jeune, il se trouve bien dans mes bras et bafouille, probablement pour exprimer sa joie.



Anne me regarde, s’interrogeant sur mes intentions.



Un moment de silence troublé seulement par le babil des gosses. Nancy comprend que je distille notre intention dans la tête de son amie. Anne s’interroge, comprend que je désire être reconnu comme le père de Jacques, même si Nancy ignore que c’est la vérité.


Le week-end se déroule extrêmement bien, sauf que dans mon lit je râle de savoir deux femmes magnifiques à côté de moi et auxquelles je ne peux pas toucher.

Je suis parti le dimanche soir, mais j’ai dû promettre de revenir la semaine d’après.

Le mardi soir, le téléphone sonne ; c’est Nancy.



Le lendemain, en travaillant, j’ai passé la journée à fourbir mes arguments.

Rentré rapidement, je m’installe dans mon fauteuil, surveille la pendule et à l’heure convenue, je me lance.



Elle éclate de rire, puis :



Un assez long silence ; elle réfléchit.



Dès le lendemain, j’ai demandé audience au directeur des ressources humaines et je lui exposé mon cas. Il m’a dit qu’il étudierait la question, mais que si je voulais ma liberté, je pouvais démissionner. Sa réaction m’a un peu refroidi. La boîte est en pleine restructuration ; je ne suis pas sur la liste des emplois menacés, mais si je démissionnais, cela le satisferait probablement.

Le lendemain, le téléphone a sonné ; c’était le DRH.



Nous avons à nouveau passé un week-end merveilleux. Je leur ai demandé si je pouvais rester la nuit : le lundi, je travaillais plus tard. Elles ont accepté avec joie.


Le lendemain, je me suis rendu chez ce sous-traitant. Il m’a reçu aimablement, m’a demandé si je pouvais faire un essai d’une semaine. Naturellement, j’ai accepté. Il se chargeait de prévenir mon patron. J’ai cherché un hôtel, m’interdisant de retourner chez mes amies, ne voulant pas leur donner de fausse joie.


L’après-midi, je débute dans le bureau de dessin ; on me confie un projet assez simple. Je connais le logiciel que je dois utiliser, c’est celui sur lequel je travaille habituellement. C’est une pièce destinée à ma boîte, je connais déjà quelques éléments de ce travail. Je rends mon épreuve dans les délais convenus.

Le directeur m’a reçu et demandé si cet emploi me plaisait. Je lui ai répondu que j’étais enchanté. Mais je suis reparti sans connaître sa décision.


Après un week-end, naturellement merveilleux, j’ai regagné mon domicile et le lundi retrouvé mon travail habituel. J’ai espéré toute la journée une information du responsable du personnel, mais rien.

Ce n’est que le jeudi qu’il m’a convoqué.

Est-ce que je voulais quitter mon poste pour raison personnelle, ou est-ce parce que le travail me déplaisait ? Je lui ai assuré que j’étais très bien ici, mais éloigné de mon amie. C’était un mensonge plausible.



À mon sourire, il a compris que j’étais d’accord.

Je prendrai mes nouvelles fonctions le premier jour du mois suivant, un jeudi. Je n’ai rien dit aux femmes. Simplement, le mercredi soir je sonne à la porte de leur logement. Leur air ébahi me fait sourire. Naturellement, elles m’acceptent, et me demandent la raison de mon arrivée impromptue.



Elles expriment leur joie par des embrassades. Je dois leur expliquer les raisons de ma venue. Quand elles apprennent que je vais travailler ici. Anne me regarde avec un sourire en coin : j’ai rempli les conditions.

J’ai débuté le lendemain dans mon nouvel emploi. Le patron semble satisfait de moi et m’a proposé un contrat à durée indéterminée, que j’ai naturellement accepté.


Les formalités pour la reconnaissance du petit Jacques ont été rapidement effectuées. Mais mon problème, c’est que je suis entouré de deux très belles femmes ; je ne peux en avoir aucune, ni amener une maîtresse. C’est difficilement tenable. Devant mon air soucieux, un jour où nous étions seuls, Anne m’a demandé quelle en était la raison puisque Jacques était maintenant mon fils.



Le même soir, dès que le dîner a été terminé, Anne a prétexté une grande fatigue et s’est éclipsée. Les enfants dormaient, nous étions seuls. Nous sommes allés voir la télé, installés sur le canapé. Subrepticement j’ai étendu mon bras au-dessus de la tête de Nancy. Elle s’est un peu penchée et mon bras a glissé sur ses épaules. Elle s’est redressée ; ma main pendait au-dessus de sa poitrine. Doucement, mes doigts ont effleuré son sein. Elle a tourné son visage vers moi. Je l’ai regardée avec un sourire ironique. Elle m’a alors sauté dessus, sa bouche violant la mienne. Notre baiser a été très long, et surtout torride. Puis elle m’a regardé.



Surprise, elle s’est demandé si j’étais sérieux. Puis, voyant mon sourire, elle a compris que moi aussi je l’aimais.



Nous sommes allés dans sa chambre et nous nous sommes aimés. Elle n’avait pas l’expérience d’Anne, mais je compléterai son éducation. Elle a particulièrement apprécié ma prestation, compte tenu de tous les soupirs qu’elle a émis.

Nous nous sommes endormis enlacés. Réveillé le premier, je me suis levé doucement. Dans le couloir, on entendait babiller les enfants. Anne arrivait de la cuisine pour s’en occuper.



Je suis parti follement heureux de cette nouvelle situation. Je vais avoir deux fils, qui porteront mon nom. L’un a déjà mon prénom, l’autre est vraiment de moi. Et en plus j’ai une femme magnifique. Quand je suis rentré à midi, un tourbillon s’est abattu sur moi : une tornade nommée Nancy. Elle a violé ma bouche, s’est pendue à mon cou.



Anne, qui s’était approchée, a entendu et souri. Je crois qu’elle ne refusera pas si on lui en fait la demande.

Que désirer de plus : deux enfants qui porteront mon nom, une femme, et peut-être une autre en réserve ! Si ça, ce n’est pas le bonheur !



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